Cour d'appel d'Amiens, Chambre economique, 28 novembre 2023, n° 23/00343

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. éco., 28 nov. 2023, n° 23/00343
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 23/00343
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Beauvais, 2 janvier 2023
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 18 décembre 2023
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Texte intégral

ARRET

S.C.I. EOLE

C/

S.E.L.A.R.L. [P] PECOU

[I]

FLR

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 NOVEMBRE 2023

N° RG 23/00343 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IU4G

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 03 JANVIER 2023

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D’AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.C.I. EOLE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me François HERMEND, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 26

ET :

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. [P] PECOU, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI EOLE, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de BEAUVAIS du 3 janvier 2023, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 80

Plaidant par Me Valentine COUDERT, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [A] [I]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Aude TONDRIAUX-GAUTIER de la SELAS DOREAN AVOCATS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 75

DEBATS :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Odile GREVIN , Présidente de chambre et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, qui ont avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2023.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 805 du code de procédure civile.

GREFFIER:

Mme Charlotte RODRIGUES

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 28 Novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SARL Lauratom, créée le 1er avril 2001, dont le siège se trouve à [Adresse 3], et gérée par Mme [X] [C], a comme objet social une activité de restauration rapide.

A la même adresse se trouve une SCI Eole, créée le 11 octobre 2007, co – gérée par M. [W] [J] et M. [N] [Z] dont l’objet social est la construction, l’administration, la gestion par location ou autrement de tous immeubles et biens immobiliers, toutes opérations financières

La SCI Eole est propriétaire d’un immeuble donné en location à la SARL Lauratom.

Suivant jugement du 1er septembre 2015, le tribunal de commerce de Beauvais a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL Lauratom et désigné la SELARL De Bois [P] en qualité de mandataire judiciaire.

Suivant jugement du 29 mars 2016, le tribunal de commerce de Beauvais a étendu cette procédure de redressement judiciaire à la SCI Eole, prononçant la confusion de leurs patrimoines et confirmant la désignation de la SELARL De Bois [P] en qualité de mandataire judiciaire.

Suivant jugement du 28 mars 2017, le tribunal de commerce de Beauvais a arrêté un plan de redressement de la SARL Lauratom, étendu à la SCI Eole, sur une durée de 10 ans et désigné la SELARL De Bois [P] en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Suivant jugement du 3 novembre 2020, le tribunal de commerce de Beauvais a prorogé d’une année le plan de redressement des sociétés Lauratom et Eole, au visa de l’article 2.II.1° de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020.

Le 19 décembre 2022, la SCI Eole a effectué une déclaration de cessation des paiements au greffe du tribunal de commerce de Beauvais et sollicité l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement du 3 janvier 2023 le tribunal de commerce de Beauvais a prononcé la résolution du plan de la société Lauratom.

Suivant jugement du même jour, le tribunal de commerce de Beauvais a constaté la résolution du plan par jugement de ce jour, mis fin à la mission de la SELARL [P] Pecou en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SCI Eole et ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée et désigné les organes de la procédure.

La SCI Eole a interjeté appel limité de ce jugement, selon déclaration en date du 12 janvier 2023 sur les dispositions ouvrant la procédure de liquidation judiciaire et subséquentes .

M. [A] [I] en qualité d’associé de la SCI Eole a formé tierce opposition au jugement par déclaration datée du 26 janvier 2023 reçue par le greffe du tribunal de commerce le 27 janvier 2023.

Par jugement du 7 février 2023 le tribunal de commerce a sursis à statuer de la demande de tierce opposition.

Aux termes de ses dernières conclusions remises par voie électronique le 5 septembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SCI Eole demande à la cour:

— de la juger recevable et bien fondée en son appel ;

— d’infirmer le jugement entrepris ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

— de juger que le tribunal de commerce est incompétent pour connaître de la demande de liquidation judiciaire formée par la SCI Eole ;

— de juger que la compétence revient au tribunal judiciaire de Beauvais;

— d’enjoindre au tribunal de commerce de Beauvais de communiquer la procédure au tribunal judiciaire de Beauvais ;

à titre subsidiaire,

— d’ordonner l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la concluante;

et à titre plus subsidiaire,

— d’ordonner que la procédure de liquidation suive la procédure de droit commun et non la procédure simplifiée.

Aux termes de ses dernières conclusions remises par voie électronique le 27 septembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SELARL [P]-Pecou, ès qualités de liquidateur de la SCI Eole, demande à la cour

— de déclarer la SCI Eole irrecevable en son appel ;

— de déclarer M. [I] irrecevable en son intervention volontaire;

subsidiairement,

— de déclarer l’appel et l’intervention volontaire mal fondés ;

— de débouter la SCI Eole et M. [I] de toutes leurs demandes, fins, moyens et conclusions

' de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

— de condamner M. [I] à payer à la SELARL [P]-Pecou, ès qualités, la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— d’ordonner l’emploi des entiers dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Aux termes de ses dernières conclusions remises par voie électronique le 26 septembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [I] demande à la cour :

— de le recevoir en son intervention volontaire ;

in limine litis,

— de déclarer incompétent le tribunal de commerce de Beauvais pour statuer sur l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, suite à la déclaration de cessation des paiements, au profit du tribunal judiciaire de Beauvais ;

en conséquence,

— de rétracter et d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

et statuant à nouveau,

— de renvoyer les parties à mieux se pourvoir;

au fond,

— de juger irrecevable la déclaration de cessation de paiement, telle que déposée par M. [J], laquelle n’étant ni fondée, ni étayée ;

— de constater que l’impossibilité du redressement n’est pas caractérisée;

— d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

et statuant à nouveau,

— de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

à titre subsidiaire, en cas d’évocation,

— de déclarer irrecevable la demande de liquidation de Me [P] ;

— de renvoyer les parties à mieux se pourvoir;

à titre infiniment subsidiaire,

— d’écarter la liquidation judiciaire simplifiée ;

— de dire que Me [P] présente un conflit d’intérêt en qualité de liquidateur de la SARL Lauratom ;

— de désigner un autre liquidateur judiciaire ;

dans tous les cas,

— de débouter Me [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— de condamner Me [P], ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon avis du 4 août 2023, communiqué aux parties le 7 août 2023, le ministère public requiert la confirmation de la décision entreprise, pour les motifs ci-après exposés :

— que par jugement du 28 mars 2017, le tribunal de commerce de Beauvais a arrêté un plan de continuation pour la SARL Lauratom et la SCI Eole, la première étant l’associée indéfiniment responsable de la seconde, l’un et l’autre ayant le même objet et ayant leur siège social à la même adresse, [Adresse 3] à [Localité 4] ;

— que sur déclaration de cessation des paiements, la SCI Eole demandait sa liquidation judiciaire, soutenue par le parquet de Beauvais, qui relevait une dette importante de l’ordre de 500 000 €

— que les informations vérifiées par le tribunal confirmaient qu’il n’existait aucune possibilité de présenter un plan de redressement avec apurement du passif et prononçait le 3 janvier 2023, la liquidation judiciaire simplifiée de la SCI Eole, inscrite au RCS de Beauvais depuis plus de 6 mois et exerçant une activité commerciale connexe à la SARL Lauratom, justifiant ainsi la compétence du tribunal de commerce de Beauvais comme étant son juge naturel, en vertu des articles 600-1 et 600-2 du code de commerce.

L’affaire a été fixée à bref délai pour plaider à l’audience du 28 septembre 2023.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

Maître [H] [P] mandataire judiciaire associé de la SELARL [P]-Pecou pris en sa qualité de liquidateur de la SCI Eole prétend à l’irrecevabilité de l’appel interjeté au visa de l’article 546 du code de procédure civile au motif que l’appelante n’a pas intérêt à agir à défaut d’être succombante, le tribunal de commerce, alors qu’elle était régulièrement représentée par son gérant, ayant fait droit à sa demande de placement en liquidation.

La SCI Eole prétend à la recevabilité de son appel au motif que la décision du gérant M. [J], tendant à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, ne lui est pas opposable en application de l’article 17 des statuts et 1849 alinéa 2 du code civil, à défaut d’avoir préalablement été retransmise à M. [Z] co-gérant, qui a été privé de la possibilité d’exercer son droit de veto. Elle précise que lors de l’audience au cours de laquelle la demande a été abordée, M. [Z] qui a eu les plus grandes difficultés à avoir connaissance du contenu de la déclaration de cessation des paiements, ne s’y est pas associé à défaut d’avoir un avis éclairé sur la situation de la société.

Elle soutient également qu’elle a intérêt à agir car le tribunal de commerce de Beauvais, alors qu’elle dispose d’un actif immobilier, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée au lieu d’une liquidation judiciaire de droit commun comme elle le demandait dans la déclaration de cessation des paiements.

Aux termes de l’article 1848 du code civil, dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société.

S’il y a plusieurs gérants, ils exercent séparément ces pouvoirs, sauf le droit qui appartient à chacun de s’opposer à une opération avant qu’elle ne soit conclue.

Le tout, à défaut de dispositions des statuts sur le mode d’administration.

L’article 17 des statuts de la SCI Eole reprend expressément ces dispositions.

En l’espèce, à supposer qu’il existait un conflit entre co-gérants (M. [J] et M. [Z]) portant sur la décision tendant à demander le placement de la SCI Eole en liquidation judiciaire et partant mettant en péril la société, conflit qui n’est pas démontré à défaut pour M. [Z] d’avoir demandé la désignation d’un administrateur provisoire, il ne ressort pas du jugement dont appel que M. [Z] qui était présent à l’audience et assisté de son conseil s’y soit opposé comme le permettait l’article 1848 du code civil et 17 des statuts, ce dernier s’étant contenté de dire qu’il n’était pas en mesure d’émettre un avis sur la situation.

Il ne ressort pas du jugement qu’il a demandé un renvoi du dossier, même très court, pour prendre connaissance de la comptabilité de la SCI Eole.

Par ailleurs, il justifie être entré en contact avec le commissaire à l’exécution du plan via son conseil, avant l’audience afin d’obtenir des informations sur la situation de la SCI Eole.

En conséquence à défaut pour M. [Z] de s’être opposé à la décision de M. [J] gérant de la SCI Eole, de demander le placement de cette dernière en liquidation judiciaire celle-ci lui est opposable.

En revanche il est établi que la SCI Eole est propriétaire d’un bien immobilier excluant le bénéfice de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée et que le déclarant a demandé que soit ouverte une procédure de liquidation judiciaire de droit commun.

Dans ces circonstances la SCI Eole dispose d’un intérêt à agir au sens de l’article 546 du code de procédure civile et partant à faire appel à défaut pour le tribunal de commerce d’avoir fait droit à sa demande.

En conséquence l’appel de la SCI Eole est recevable.

Sur l’intervention volontaire de M. [A] [I]

L’intimé prétend à l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de M. [A] [I] réalisée sur un appel irrecevable mais également au motif qu’il ne soutient aucun droit propre.

M. [A] [I] prétend intervenir à l’instance au motif qu’il serait bien fondé en sa tierce opposition formée devant le tribunal de commerce, du jugement dont appel, et qui a fait l’objet d’une décision de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure devant la cour d’appel, qu’il y a intérêt en sa qualité de caution des prêts souscrits par l’appelante au motif que la liquidation judiciaire met fin à l’arrêt des poursuites contre la caution.

En l’espèce l’appel est recevable contrairement à ce que soutient l’intimé de sorte qu’une intervention volontaire peut être recevable.

Aux termes de l’article 554 du code de procédure civile peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Il est admis que l’appréciation de l’intérêt à agir de l’intervenant volontaire et du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond.

En l’espèce M. [I], qui est associé de la SCI Eole et caution de ses engagements à l’égard de la banque notamment, qui bénéficiait de la suspension des poursuites consécutive à l’arrêt du plan de redressement, qui perd le bénéfice de cette suspension du fait de la disposition du jugement dont appel ouvrant une procédure de liquidation judiciaire, qui n’était de fait pas partie au jugement, a intérêt à intervenir volontairement et partant, est recevable en son intervention.

Sur l’exception d’incompétence

La SCI Eole prétend au visa de l’article L. 621-2 du code de commerce, que le tribunal de commerce de Beauvais ne pouvait pas matériellement se déclarer compétent pour connaître de la demande d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire la concernant à défaut pour elle d’exercer une activité commerciale ou artisanale, que l’article R. 626-23, à supposer qu’il soit applicable n’offre qu’une prorogation de compétence territoriale et non matérielle en cas d’adoption de plan et qu’en tous cas il ne peut mettre en échec la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Elle précise que pas plus l’article L.626-27 du code de commerce ne permet de retenir la compétence du tribunal de commerce de Beauvais dans cette affaire dans la mesure où si cet article offre au tribunal qui a arrêté le plan de le résoudre, la décision contestée n’est pas celle qui a prononcé la résolution du plan mais qui a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée.

Enfin, en cas de constat d’incompétence matérielle, elle s’oppose à toute évocation de l’affaire par la cour qui aurait pour effet, en contradiction avec cette incompétence, de préserver la compétence du tribunal de commerce de Beauvais pour les requêtes du liquidateur judiciaire notamment.

Considérant que la décision du tribunal de commerce de Beauvais est non avenue, elle demande qu’il soit enjoint au tribunal de commerce de Beauvais de transférer le dossier au tribunal judiciaire de la même ville.

M. [A] [I] en sa qualité d’intervenant volontaire s’associe à cette exception pour les mêmes motifs sauf à préciser que la résolution du plan met un terme à la procédure d’extension.

L’intimé s’oppose à cette exception d’incompétence au visa des articles R.626-23 et L. 626-27 du code de commerce en soutenant que le tribunal qui a arrêté le plan demeure compétent pour connaître des conditions de son exécution et en décider la résolution après avis du ministère public, que la prorogation de compétence s’entend également de la compétence matérielle, de sorte que c’est à bon droit que le tribunal de commerce de Beauvais qui a arrêté le plan de la SCI Eole était compétent pour connaître de la demande d’ouverture de liquidation judiciaire et partant de la résolution du plan.

Enfin, rappelant la faculté d’évocation de la cour il fait valoir que cette dernière a vocation à trancher le litige sur le fond.

Aux termes de l’article L.621-2 du code de commerce, si le tribunal de commerce est compétent pour connaître des situations des débiteurs commerçant ou artisan et le tribunal judiciaire dans les autres cas, ce même article prévoit qu’en cas d’extension de procédure le tribunal initialement saisi demeure compétent pour connaître de la demande d’extension même lorsqu’elle est dirigée contre un débiteur exerçant une profession libérale.

En exécution de l’article L.626-27, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide après avis du ministère public sa résolution et ouvre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

En l’espèce, caractérisant la confusion de patrimoine entre la société Lauratom et la SCI Eole le tribunal de commerce de Beauvais, dans un jugement du 29 mars 2016 non frappé de recours a fait droit à la demande d’extension prévu à l’article L. 621-2 du code de commerce et dans un second du 28 mars 2017 a arrêté le plan de continuation des deux sociétés à charge pour le commissaire à l’exécution du plan de répartir les dividendes et de rendre compte notamment au président du tribunal en cas de défaillance.

Si en l’espèce, le commissaire à l’exécution du plan n’est pas à l’initiative d’une demande de résolution de plan (la requête produite remonte au mois d’août 2020 et n’a pas été accueillie favorablement par le tribunal) et que c’est un des gérants de la SCI Eole qui a demandé la liquidation judiciaire de la société, le tribunal de commerce de Beauvais qui l’a arrêté demeurait seul compétent matériellement en application de l’article L.626-27 du code de commerce, pour prononcer sa résolution ou la constater, mettre fin à la mission du commissaire à l’exécution du plan et partant ouvrir la procédure de liquidation judiciaire après avoir constaté l’impossibilité de redresser la société, comme il l’a fait dans le jugement dont appel.

En conséquence, l’exception d’incompétence élevée par l’appelante est rejetée.

Sur le fond

> sur les demandes de l’appelante

L’appelante prétend à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au motif que le caractère manifestement impossible de son redressement n’a pas été démontré au tribunal qui a prononcé la résolution du plan et partant sa liquidation judiciaire sur la base des seules déclarations de M. [J] et sans que lui soit présenté aucune liasse fiscale, aucun relevé de compte, aucune pièce portant sur les dettes et alors qu’aucun incident de paiement n’était à déplorer dans le cadre du plan, circonstance qui aurait de toute évidence amené le commissaire à l’exécution du plan à agir.

Elle fait remarquer qu’au mois de juin 2023 elle était encore à jour du paiement de ses dividendes, que la liquidation judiciaire a été prononcée de façon prématurée et que son passif après dividendes s’élève à 386 606,88 €.

L’intimé soutient que les déclarations de M. [J], constituant un aveu judiciaire, à savoir que la SCI Eole ne percevait plus de loyer et ne disposait plus des fonds pour rembourser le prêt bancaire, suffisaient à résoudre le plan et à ouvrir une procédure de liquidation judiciaire.

Il explique que le passif admis dans le cadre de la première procédure collective s’élevait à 530 133,29 €, qu’il a diminué après paiement de dividendes pour s’élever à 386 606,88 € et que le passif postérieur à l’arrêté du plan s’élève dorénavant à 2 070 299,81 € en ce compris les créances de compte courant des associés et de nombreuses dettes fiscales.

Il précise que si des déclarations de créance font double emploi, cette situation sera traitée au moment des répartitions.

Enfin il rappelle que l’ouverture d’un redressement judiciaire suppose de pouvoir payer les charges courantes ce que la société est dans l’impossibilité de faire à défaut d’avoir préservé une activité.

En l’espèce en constatant la résolution du plan et en mettant fin à la mission du commissaire à l’exécution du plan puis en ouvrant consécutivement une procédure de liquidation judiciaire de la SCI Eole, le tribunal de commerce a statué dans les termes de l’article L.626-27 du code de commerce qui prévoit en cas de résolution du plan de mettre fin aux opérations et partant à la mission du commissaire à l’exécution du plan et d’ouvrir une procédure de liquidation judiciaire en cas d’impossibilité manifeste de redresser la société.

Pour motiver sa décision le tribunal indique comme suit : ' il résulte des informations recueillies et des pièces produites par la société Eole qu’elle se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et se trouve en état de cessation des paiements, que l’entreprise déclare ne pas employer de salarié et que son chiffre d’affaires annuel ht à la date de clôture du dernier exercice est de 50 429 €, qu’il ressort de la déclaration de cessation des paiements et de l’aveu même du chef d’entreprise et des explications données en chambre du conseil qu’il n’existe aucune possibilité de présenter un plan de redressement avec apurement du passif, d’élaboration d’un plan de cession tel que prévu par la loi, l’exploitation étant déficitaire (…) Que par jugement de ce jour dans l’affaire RG 2022002281 le tribunal a prononcé la résolution du plan ci-dessus rapporté'.

Il ressort des pièces qu’avant de rendre le jugement dont appel portant le n° de RG 2022002282 ayant constaté que le plan a été résolu, le tribunal de commerce de Beauvais a le même jour dans un jugement portant le n° de RG 2022002281 prononcé la résolution du plan de redressement de la société Lauratom et notamment mis fin à la mission du commissaire à l’exécution du plan, décision non frappée d’appel.

Aux termes de l’article L631-20 du code de commerce dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2021 par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l’article L. 626-27, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire.

En l’espèce, quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue la résolution du plan de la SCI Lauratom et de la SCI Eole par une décision non frappée d’appel ayant constaté la cessation des paiements de la société Lauratom au cours du plan, la cour ne peut, en application de l’article L.631-20 du code de commerce, que confirmer le jugement dont appel ayant, après avoir constaté la résolution du plan de redressement, ouvert une procédure de liquidation judiciaire sauf à dire qu’elle ne pouvait être ouverte en sa forme simplifiée s’agissant d’une SCI propriétaire d’un immeuble.

> sur les demandes de l’intervenant volontaire

Le tribunal de commerce étant compétent matériellement, M. [I] est débouté de sa demande tendant à renvoyer les parties à mieux se pourvoir au motif que la juridiction saisie ne serait pas compétente.

La déclaration de cessation des paiements de la société Lauratom ayant abouti au prononcé de la résolution du plan commun aux deux sociétés dans une décision distincte non frappée d’appel ayant autorité de la chose jugée, M. [I] est mal fondé à demander l’infirmation du jugement constatant cette résolution et ouvrant la liquidation judiciaire de la SCI Eole.

La cour n’évoquant pas il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires de M. [I] présentée dans cette hypothèse.

Enfin M. [I] demande la désignation d’un autre liquidateur judiciaire au motif qu’il y aurait une contrariété d’intérêt avec celui désigné pour la société Lauratom.

Cependant cette demande est mal fondée car il n’y a pas deux plans distincts du fait de jugement du 29 mars 2016 ayant étendu le redressement judiciaire de la société Lauratom à la SCI Eole. Dans ces circonstances le tribunal a arrêté un plan de redressement unique de la SARL Lauratom, étendu à la SCI Eole, sur une durée de 10 ans et désigné la SELARL De Bois [P] en qualité de commissaire à l’exécution du plan, mais également prorogé d’une année le plan de redressement des sociétés Lauratom et Eole, au visa de l’article 2.II.1° de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 suivant jugement du 3 novembre 2020.

Sur les demandes accessoires

Les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de procédure collective et il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;

Déclare recevable l’appel de la SCI Eole ;

Rejette l’exception d’incompétence ;

Déclare recevable mais mal fondée, sauf sur la forme de la liquidation judiciaire, l’intervention volontaire de M. [A] [I] ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Beauvais du 3 janvier 2023 n° de RG 2022002282 sauf en ce qu’il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée ;

Statuant du chef infirmé ;

Ouvre une procédure de liquidation judiciaire de la SCI Eole [Adresse 3] ;

Renvoie l’affaire devant le tribunal de commerce de Beauvais ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective et n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

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