Cour d'appel d'Amiens, n° 13/02256

  • Bois·
  • Stock·
  • Préjudice·
  • Attestation·
  • Procédure civile·
  • Responsabilité·
  • Commission·
  • Demande·
  • Fait·
  • Branche

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Amiens, n° 13/02256
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 13/02256

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

D

C/

B

XXX

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU PREMIER JUILLET DEUX MILLE QUATORZE

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : 13/02256

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL D’INSTANCE DE Y DU QUINZE FÉVRIER DEUX MILLE TREIZE

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur E D

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté par Me Alain LETISSIER, avocat au barreau de Y

Plaidant par Me RIVIERE, avocat au barreau de Y

APPELANT

ET

Monsieur A B

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté et plaidant par Me G H, avocat au barreau de Y

INTIME

DEBATS :

A l’audience publique du 13 mai 2014, l’affaire est venue devant M. Lionel RINUY, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01 juillet 2014.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Monia LAMARI, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Lionel RINUY, président, Mme Marie-Christine LORPHELIN et Mme M N, conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRÊT :

Le 01 juillet 2014, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Lionel RINUY, président de chambre, et Mme Monia LAMARI, greffier.

*

* *

DECISION :

Par acte du 13 juin 2012, Monsieur E D a fait assigner Monsieur A B devant le tribunal d’instance de Y, soutenant que ce dernier avait détérioré son stock de bois par propagation de feu le 5 juin 2010, et demandé sa condamnation, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, à lui payer les sommes de 8.549,20 € en réparation de son préjudice matériel, 450 € en réparation de son préjudice moral et 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a fait valoir devant le tribunal que Monsieur A B avait allumé un feu pour débroussailler une borne et que celui-ci s’était propagé aux stères de bois qu’il avait tirées de l’exploitation d’une parcelle, de 40 ares, sur laquelle un droit d’affouage lui avait été alloué.

Monsieur A B a contesté tant sa responsabilité que le préjudice subi par Monsieur E D.

Par jugement rendu le 15 février 2013, le tribunal d’instance de Y, rappelant les dispositions de l’article 9 du code de procédure civile et considérant la matérialité des faits non établie, a débouté les parties de l’intégralité de leurs demandes, fait masse des dépens et dit que ceux-ci seront supportés pour moitié par Monsieur A B et par Monsieur E D.

Par déclaration enregistrée le 2 mai 2013, Monsieur E D a interjeté appel général de cette décision.

Pour l’exposé des moyens des parties, qui seront examinés dans les motifs de l’arrêt, il est renvoyé aux conclusions transmises par RPVA le 26 mars 2014 par Monsieur E D et le 12 mars 2014 par Monsieur A B.

Monsieur E D demande à la Cour, au visa de l’article 1382 du code civil, de le dire recevable et bien fondé en son appel, d’infirmer le jugement dont appel, en conséquence, de condamner Monsieur A B à lui payer les sommes de 3.000 € au titre du préjudice matériel pour la perte du bois, 5.375,20 € au titre du préjudice lié au travail effectué en vain et 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Monsieur A B demande à la Cour, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 1315, alinéa 1er et 1382 du code civil, de le dire recevable et bien fondé en son appel incident, de confirmer le jugement dont appel en ses dispositions qui déboutent Monsieur E D de ses demandes à son encontre, d’infirmer le jugement dont appel en ses dispositions qui le déboutent de ses demandes en dommages et intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de Monsieur E D, en conséquence, statuant à nouveau, de débouter Monsieur E D de ses demandes tendant à le voir condamner à lui verser les sommes suivantes :

— préjudice matériel : 3.000 €

— préjudice lié au travail effectué en vain : 5.375,20 €

— article 700 du code de procédure civile : 1.000 €,

de condamner Monsieur E D à lui verser les sommes suivantes :

— dommages et intérêts pour procédure abusive : 2.000 €

— article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en première instance : 1 .000 €,

enfin de le condamner à la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de Maître G H, avocate aux offres de droit.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 avril 2014 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 13 mai 2014 pour y être plaidée.

SUR CE

Sur les demandes de Monsieur E D et la responsabilité prétendue de Monsieur A B

Monsieur E D fait valoir que Monsieur A B reconnaît qu’il a mis le feu à un tas de branches situé à côté de son stock de bois, le 5 juin 2010 pour, selon lui, 'dégager les bornes’ et prétend avoir quitté les lieux à 9 heures, après avoir constaté que le feu était complètement éteint, qu’il n’est ni contestable ni contesté que c’est bien celui-ci qui a mis le feu au tas de branches qui se situait sur la parcelle en question, en contrebas de son stock de bois, qu’il ressort de l’attestation de Monsieur Z D qu’un témoin visuel, interrogé par lui le soir des faits, Madame O P a indiqué que c’était Monsieur A B qui avait fait partir ce feu, qu’aucun doute n’existe donc sur l’auteur du premier feu qui aurait débuté, selon celui-ci, à 7 heures 30, ni sur le fait qu’il se trouvait sur place à 9 heures, puisqu’il prétend lui-même avoir quitté les lieux à ce moment, alors que le feu était, selon lui, éteint, que lui-même l’a vu sur ladite parcelle vers 9 heures 15, alors qu’un feu était toujours allumé.

Il souligne qu’il est très courant que les habitants de Braye en Laonnois fassent des feux pour se débarrasser des déchets verts, de sorte que, sauf exception, ces feux réguliers n’incitent personne à appeler les pompiers, que, généralement, aucun feu ne prend les proportions de celui qui a été fait par Monsieur A B, qu’en le voyant faire du feu, il a légitimement cru qu’il prendrait les précautions nécessaires afin de s’assurer que ce feu n’atteigne pas son stock de bois, que le fait de ne pas avoir alerté les pompiers n’est donc en cas une négligence fautive, susceptible de minimiser la responsabilité de Monsieur A B.

Il ajoute que, contrairement à ce qu’indique Monsieur A B, le 'rapport’ de la Commission des Bois n’établit pas que le feu aurait été parfaitement éteint au départ de Monsieur A B, qu’en effet il n’a été établi que sur ses seuls dires, aucun des membres de la commission des bois n’ayant été présent au moment des faits, que les témoignages et attestations de ceux-ci sont dépourvus d’objectivité puisqu’ils sont à la fois : membres du conseil municipal, membres de la commission des bois et membres de la famille de Monsieur A B, que la Cour ne pourra que noter l’absence totale d’objectivité de ce 'rapport', y compris en ce qu’il prétend que son stock de bois représentait trois stères et qu’il serait 'inadmissible et inopportun’ de dire que la perte de bois représentait 100 stères, alors que ce stock n’avait pas été évalué et qu’aucun élément objectif ne permet à la Commission d’évaluer le stock perdu, que la commission est tout de même contrainte de reconnaître que le feu, qui était censé être éteint, 'a repris et consumé quelques perches au sol', qu’il est évident que Monsieur A B a manqué aux plus élémentaires règles de prudence en mettant le feu à un tas de branches voisin d’un stock de bois très important alors même que le temps était sec et chaud, qu’aucun élément ne permet d’ailleurs d’envisager une autre cause, que la Cour ne pourra donc qu’infirmer ce jugement, constater la responsabilité de Monsieur A B dans l’embrasement de son stock de bois et de le condamner à réparer le préjudice.

Monsieur A B rétorque que Monsieur E D, qui ne verse aux débats aucune pièce nouvelle devant la Cour d’appel, ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits allégués et, notamment, du lien de causalité entre le feu de broussailles et le feu ayant détruit son stock de bois, que celui-ci soutient qu’il se serait rendu sur les lieux le 6 juin 2010, à 9 heures 15 et aurait constaté qu’il avait mis le feu à un tas de branches juste à côté de son stock de bois, que cependant il sait qu’il a quitté les lieux à 9 heures alors que le feu était parfaitement éteint, que les faits sont parfaitement établis par le compte rendu de la Commission des Bois qui s’est réunie, hors sa présence, le 20 juin 2012 après avoir pris connaissance de la présente action introduite par Monsieur E D à son encontre, que la position de Monsieur E D est d’ailleurs incohérente, tant dans le déroulement des faits que l’importance de son préjudice, qu’il a porté plainte le 6 juin à 11 heures alors qu’il prétend avoir constaté qu’un tas de branches était en feu, la veille à 9 h 15, et entend se prévaloir de l’attestation de son frère, Monsieur Z D, qui soutient qu’en fin d’après-midi, le feu avait dû se propager pour brûler le stock de bois, et encore qu’il a rencontré trois personnes, Monsieur et Madame Q R et leur fille X, qui auraient déclaré que c’était lui qui avait mis le feu, alors que lesdits témoins soutiennent que, non seulement ils ne l’ont pas vu mettre le feu, mais encore contestent avoir accusé quiconque.

Il ajoute qu’il résulte en toute hypothèse de la combinaison de la plainte et de l’attestation de Monsieur Z D que le bois aurait brûlé entre 9 heures 15 et la fin de l’après- midi du 5 juin 2010, qu’il est donc permis de se demander, s’il y avait eu une réelle menace à 9 heures 15, pourquoi Monsieur E D n’a pas pris les dispositions immédiates pour stopper le feu, qu’en toute hypothèse, ce dernier ne rapporte pas la preuve que le feu de brindilles allumé par lui soit à l’origine de la destruction de son bois.

Il soutient, en outre, que Monsieur E D ne rapporte aucune preuve du lien de causalité et, notamment de la propagation du feu de brindilles fait par lui jusqu’à son tas de bois, situé à plus d’une dizaine de mètres, qu’en effet, parmi les attestations produites, il n’existe aucun témoin direct de la propagation du feu de brindilles jusqu’au stock de bois, ni même de la combustion du bois, qu’il ne verse pas aux débats de procès-verbal de gendarmerie ou d’huissier qui constaterait le lieu du foyer d’origine ainsi que des traces de propagation du feu jusqu’au stock de bois, qu’il se contente de verser aux débats deux photographies de cendres à l’endroit où semblait avoir été stocké du bois, que, par contre, ces photographies permettent de constater que seul le bois entreposé a brûlé à l’exception de la végétation environnante, qu’ainsi, et sans renverser la charge de la preuve, il convient de se demander comment le feu de brindilles allumé par lui le matin vers 7 heures 30 aurait pu se propager en fin d’après-midi, à plus d’une dizaine de mètres jusqu’au stock de bois de Monsieur E D et le détruire sans embraser le reste de la végétation et provoquer un incendie de forêt.

Il indique aussi que le 5 juin 2010 était un samedi et le feu peut avoir été déclenché par un promeneur imprudent, que Monsieur E D pratique également la technique du feu pour nettoyer sa parcelle, ce qui peut laisser présumer qu’il soit à l’origine du feu qui a détruit son stock de bois le 5 juin 2010, que, contrairement aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il ne rapporte pas la preuve de la matérialité des griefs énoncés à son encontre.

A titre subsidiaire, il soutient qu’il conviendrait de retenir la responsabilité de Monsieur E D dans la réalisation du dommage, puisqu’il a dit avoir constaté l’existence d’un feu vers 9 heures 15 et aurait en conséquence dû prendre les mesures de sécurité qui s’imposaient en appelant les pompiers, afin d’éviter la propagation du feu et le risque d’incendie de forêt, et de l’exonérer de toute responsabilité.

Force est de constater que si de très nombreux éléments sont produits de nature à justifier un contexte conflictuel entre les parties, Monsieur E D, qui se limite, s’agissant de démontrer la responsabilité de Monsieur A B dans la destruction par le feu de stères de bois coupé par lui, à produire une attestation de plainte, en date du 6 juin 2010, à 11 heures 15, une attestation de son frère , Monsieur Z D, en date du 18 janvier 2011, qui n’a lui-même constaté qu’une 'forte odeur de fumée’ le samedi 5 juin 2010 en fin d’après-midi mais fait état de ce que lui auraient déclaré d’autres personnes, ce qui n’a pas valeur de preuve, une attestation de Monsieur S T R, du 15 septembre 2012, disant avoir 'constaté le 06.06.2010 que l’immense tas de bois avait disparu par le feu dans le bois de la Saucelle', les autres attestations portant sur l’étendue du préjudice qui suppose au préalable la démonstration d’un lien de causalité entre celui-ci et la faute prétendue, n’établit pas les faits qu’il invoque et en tout état de cause la responsabilité de Monsieur A B dans la survenance du feu ayant causé la disparition de son bois.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a, sur le fondement de l’article 9 du code de procédure civile, débouté Monsieur E D de toutes ses demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de Monsieur A B

Monsieur A B demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts et soutient qu’il a incontestablement établi le caractère abusif de la procédure, qu’il n’est à l’origine d’aucune querelle avec Monsieur E D et ne nourrit aucune détestation à son égard, qu’il est le maire de la commune de Braye en Laonnois et que c’est en cette qualité et pour la défense des intérêts de la commune qu’il est intervenu dans différentes procédures, que l’existence d’un contentieux judiciaire et administratif entre la commune et Monsieur E D ne saurait lui être imputée à titre personnel et fonder le rejet de sa demande en dommages et intérêts, que Monsieur E D procède par simples affirmations et travestit la vérité, que les pièces qu’il produit établissent incontestablement le comportement habituellement agressif et insultant avec autrui de Monsieur E D, qui cherche le conflit et notamment avec lui.

Il n’est toutefois pas démontré que Monsieur E D, dont le préjudice est avéré, n’ait pas été de bonne foi en intentant la présente procédure et il n’est en tout cas pas démontré par Monsieur A B un préjudice appelant réparation.

En conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté l’intimé de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais hors dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur E D, succombant en son appel, sera condamné aux entiers dépens d’appel et Maître G H, avocate, sera admise au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

L’appelant ne peut dès lors qu’être débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à Monsieur A B l’entière charge de ses frais irrépétibles en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant après débats publics, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 février 2013 par le tribunal d’instance de Y,

Déboute Monsieur E D de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur E D aux entiers dépens d’appel et admet Maître G H, avocate, au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur E D à payer à Monsieur A B une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Amiens, n° 13/02256