Cour d'appel d'Angers, Chambre commerciale, 13 décembre 2011, n° 10/02273

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. com., 13 déc. 2011, n° 10/02273
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 10/02273
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Le Mans, 8 juillet 2010, N° 10/01933

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE COMMERCIALE

PV/DB

ARRET N°

AFFAIRE N° : 10/02273

Jugement du 09 Juillet 2010

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d’inscription au RG de première instance : 10/01933

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2011

APPELANTS :

Madame L M épouse Y

née le XXX à XXX

XXX

Monsieur H Y

né le XXX à XXX

XXX

représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la cour

N° du dossier 33449

assistés de Maître CORNILLE, avocat au barreau du Mans,

LA SOCIETE COVEA RISKS

XXX

LA SOCIETE ALLO DIAGNOSTIC

XXX

venant aux droit de la SAS TULIPANJOU

(Tessecourt XXX

représentée par la SCP DUFOURGBURG – GUILLOT, avoués à la cour

N° du dossier 14686

assistés de Maître LUCAS, avocat au barreau de Paris,

INTIMES :

Madame J K épouse X

née le XXX à XXX

XXX

Monsieur P X

né le XXX à XXX

XXX

représentés par Me Jacques VICART, avocat à la cour, N° du dossier 00014352

assistés de Maître MEMIN, substituant Maître SIMON, avocats au barreau du Mans,

Maître R-S G

11, place R Jaurès 37110 CHATEAU RENAULT

LA S.C.P. G ET Z

11, place R Jaurès 37110 CHATEAU RENAULT

représenté par la SCP GONTIER – LANGLOIS, avoués à la cour

N° du dossier 47800

assisté de Maître JOUANNEAU, avocat au barreau de Tours,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Octobre 2011 à 13 H 45 en audience publique, Monsieur VALLEE, Président ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :

Monsieur VALLEE, Président de chambre

Madame RAULINE, Conseiller

Madame VAN GAMPELAERE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur E

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 13 décembre 2011 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Monsieur VALLEE, Président et, Monsieur E, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

Suivant acte authentique du 29 août 2007, les époux Y ont vendu aux époux X une maison d’habitation située XXX au Mans pour le prix principal de 299 500 euros, outre 28 500 euros de mobilier.

Il a été annexé à l’acte de vente le diagnostic de performance énergétique établi par la société Tulipanjou aux droits de laquelle vient à présent la société Allo Diagnostic. Ce document annonçait que les frais énergétiques annuels de l’habitation s’élevaient à la somme de 960 euros TTC pour le chauffage et à celle de 327 euros pour l’eau chaude sanitaire.

Quelques mois après leur entrée dans les lieux, les époux X ont constaté un coût de consommation énergétique supérieur à celui indiqué dans le diagnostic de performance énergétique. Ils ont fait alors établir par la société Auditimmo un nouveau diagnostic le 19 janvier 2008 qui a évalué à la somme de 5 689 euros le coût annuel de chauffage et fait état d’une isolation insuffisante voire inexistante de certaines parties de l’habitation.

Par acte du 5 février 2008, les époux X ont fait assigner les époux Y, l’agence Century 21 Harmony, rédactrice de la promesse de vente, et l’entreprise Allo Diagnostic devant le juge des référés du Mans afin que soit ordonnée une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 5 mars 2008, le juge des référés du Mans a ordonné une mesure d’expertise et désigné Monsieur A.

Les opérations d’expertise ont été étendues à Maître G, notaire de la vente, la société Leroy Merlin France et la société Brico Dépôt. En janvier 2009, les membres de la famille X ont été intoxiqués au monoxyde de carbone émanant d’un chauffage d’appoint qu’ils avaient installé. Il s’est encore produit un important accident électrique le 10 octobre 2009 faisant apparaître d’autres malfaçons affectant l’installation électrique.

L’expert a déposé son rapport le 17 décembre 2009, lequel a conclu notamment à l’absence totale d’isolation thermique de la maison d’habitation, ancien entrepôt industriel réhabilité par les vendeurs, les parois et la toiture ne comportant qu’un film isolant mince réfléchissant.

Tous corps d’état confondus, l’expert a évalué le coût des travaux de reprise à la somme de 195 515, 24 euros.

Par acte du 22 février 2010, les époux X ont fait assigner à jour fixe les époux Y, la SCP G et Z, Maître R-S G, la société Tulipanjou et son assureur la société Covea Risks devant le tribunal de grande instance du Mans et demandé dans leurs dernières écritures que les défendeurs soient condamnés à leur verser les sommes de 195 515, 24 euros outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation au titre des travaux de reprise, 15 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2009 et jusqu’à parfait paiement au titre du coût du déménagement et du relogement le temps des travaux, 25 000 euros outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation et jusqu’à parfait paiement en réparation de préjudices complémentaires, une indemnité de procédure et la condamnation aux dépens.

A l’appui de leurs demandes, les époux X ont entendu que soit conférée aux époux Y la qualité de constructeur responsable de plein droit des désordres affectant les travaux par application de l’article 1792-1 du code civil, soutenu que la société Tulipanjou leur aurait causé un préjudice égal au coût des travaux du fait de sa faute contractuelle dans l’exécution de sa mission de diagnostic de performance énergétique, et fait valoir que Maître G aurait failli à ses obligations en ne mentionnant pas dans l’acte de vente l’absence de contrat d’assurance responsabilité civile décennale et dommage ouvrage et en ne leur prodiguant aucun conseil sur ce point.

Les époux Y ont, en défense, sollicité une contre-expertise et contesté leur qualité de constructeurs au sens des dispositions de l’article 1792-1 du code civil.

De leur côté, la société Tulipanjou et son assureur Covea Risks ont soutenu n’avoir commis aucune faute dès lors que seul un sondage destructif auquel Tulipanjou n’était pas tenue aurait pu permettre de constater les désordres de l’habitation et que le préjudice trouvait sa cause exclusive dans les malfaçons imputables aux vendeurs en qualité de constructeurs. Elles ont ajouté être en tout état de cause uniquement tenues à réparation sur la seule base de la différence du coût de chauffage exposé par les demandeurs par rapport à son évaluation.

Maître G et la SCP G et Z ont formulé plusieurs réserves vis à vis du rapport d’expertise et conclu à l’exclusion de certains postes. Ils ont reconnu la faute du notaire mais se sont opposés aux demandes pécuniaires des époux Y en faisant valoir que le préjudice causé par le fait de celui-ci ne pouvait s’analyser qu’en une perte de chance.

Par jugement du 9 juillet 2010, le tribunal de grande instance du Mans a déclaré Monsieur et Madame Y, la société Tulipanjou et la société Covea Risks, Maître G et la SCP G Z responsables vis à vis de Monsieur et Madame X et avant dire droit sur l’évaluation des préjudices, condamné les époux Y à payer à titre provisionnel à Monsieur et Madame X la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice matériel in solidum avec la société Tulipanjou et la société Covea Risks à hauteur de 80 000 euros à titre provisionnel, in solidum avec Maître G et la SCP G Z à hauteur de 20 000 euros à titre provisionnel.

Le tribunal a également ordonné une expertise et désigné Monsieur A pour y procéder, avec pour mission de déterminer et chiffrer les travaux à entreprendre pour isoler l’immeuble, en fonction d’un mode de chauffage électrique selon les normes au moment de la vente, dire si l’isolation de la dalle est nécessaire dans le cadre d’un chauffage électrique et au regard des normes en vigueur à l’époque de la réalisation des travaux d’aménagement de l’habitation, préciser les désordres liés aux appuis de fenêtre et fournir tous éléments permettant au tribunal d’apprécier les responsabilités, déterminer le niveau d’isolation acoustique de la maison d’habitation au regard des normes en vigueur à la date de réalisation des travaux d’aménagement et de rénovation, déterminer et chiffrer les travaux à entreprendre concernant l’installation électrique, établir un pré rapport et répondre aux dires des parties dans son rapport définitif. L’exécution provisoire a été ordonnée.

Les époux Y ont formé appel de ce jugement par acte du 9 septembre 2010. La société Allo Diagnostic et la société Covea Risks ont formé appel de ce même jugement du 15 septembre 2010. Les deux dossiers ont été joints par mention au dossier le 18 novembre 2010. Les parties ont conclu et la clôture a été prononcée le 28 septembre 2011.

PRÉTENTION ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions du 22 février 2011, les époux Y, appelants, demandent à la cour, avec une indemnité de procédure, poursuivant l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions leur faisant grief, avant dire droit ordonner une nouvelle expertise avec mission semblable à celle confiée par le juge des référés, visant notamment à vérifier la réalité des désordres allégués par les époux X, ainsi que l’atteinte à la solidité ou la destination de l’immeuble, dire et juger irrecevable et en tout cas non fondée, à tout le moins en l’état, l’action des époux X à l’encontre des époux Y sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, dire en toute hypothèse n’y avoir lieu à condamnations provisionnelles, en conséquence décharger les époux Y de toutes condamnations entreprises à leur encontre en principal et accessoires, à défaut dire et juger l’ensemble des provisions allouées outre indemnité de procédure à la charge solidaire des défendeurs, sauf répartition entre eux, et à défaut à la charge de chacun pour sa part, en tout état de cause fixer la part de responsabilité à la charge de la société Allo Diagnostic et de Maître G à la totalité, et à tout le moins la plus grande part des dommages invoqués par les acquéreurs.

Les époux Y critiquent le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné une nouvelle expertise limitée à la détermination et au chiffrage des travaux à entreprendre alors que, selon eux, le rapport initial de Monsieur A est critiquable en ce qu’il est emprunt de partialité et qu’il n’a pas été réalisé par l’expert lui-même mais par un sapiteur qui s’est substitué à l’expert en violation des dispositions de l’article 233 alinéa 1er du code de procédure civile et qui, en qualité de maître d’oeuvre facturant ses honoraires sur la base de travaux chiffrés, avait tout intérêt à ce que leur coût soit élevé.

Les époux Y rappellent en outre dans quelles circonstances ils ont acquis un local à usage professionnel pour le transformer en usage d’habitation à l’aide de travaux dûment autorisés et y habiter sans connaître de difficultés de chauffage. Ils s’appuient sur diverses attestations pour affirmer que l’immeuble dans lequel ils ont effectué d’importantes transformations dont les acquéreurs étaient informés, est confortablement chauffé sans que les dépenses énergétiques dépassent ce à quoi on peut s’attendre pour ce type de logement.

Les appelants contestent les conclusions de l’expert et son défaut total d’impartialité en ce qu’il a stigmatisé leur choix d’un isolant mince IMR en préférence à d’autres isolants tels que la laine de G et la laine de verre. Ils estiment que la responsabilité doit être recherchée auprès de la société Allo Diagnostic dont ils jugent le rapport fallacieux et soulignent que l’acquéreur a reconnu dans l’acte de vente qu’il ne pouvait se prévaloir de ce rapport à l’encontre du vendeur.

Sur le fond, les époux contestent l’application des articles 1792 et suivants du code civil en ce qu’il n’est pas établi qu’en l’état l’immeuble ne peut répondre à sa destination d’habitation. Ils approuvent en revanche le tribunal d’avoir constaté que les travaux à entreprendre dans l’immeuble ne sauraient conduire à enrichissements indus par le choix d’un système par aérothermie préconisé par un rapport d’expertise incohérent.

Les appelants contestent en conséquence devoir en l’état quelque somme que ce soit même à titre provisionnel si l’expertise devait être cantonnée au coût des travaux, observant que la somme allouée de 100 000 euros dépasse la moins value estimée de l’immeuble de 80 000 euros en cas d’impossibilité de réaliser les travaux, et que s’agissant des préjudices complémentaires, rien n’établit que pendant la réalisation des travaux les époux X supporteront un trouble de jouissance.

Les époux Y, au soutien de la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Allo Diagnostic, mettent en exergue le rapport d’expertise en ce qu’il a souligné le caractère erroné du diagnostic de performance énergétique en faisant valoir que cette société ne peut se dégager, en tant que professionnel, de sa responsabilité au motif qu’il aurait fallu effectuer de multiples investigations, alors que l’organisme concurrent sollicité ensuite par les acheteurs a pu avec les mêmes moyens démontrer combien les conclusions de la société Allo Diagnostic étaient fantaisistes. Ils soutiennent que la condamnation de la société Allo Diagnostic et de son assureur doit être solidaire de la leur pour le tout et non pas cantonnée à la seule perte de chance, les réparations requises par les acquéreurs contre eux contres les vendeurs ayant une vocation unique, sauf à conduire à de multiples indemnisations, la part de chacun devant être fixée par application de l’article 1213 du code civil, une part infime devant être imputée aux époux Y non professionnels.

Les appelants rappellent enfin que le notaire ne conteste pas avoir manqué à son obligation de conseil en ne mentionnant pas l’absence d’assurance dommage-ouvrage en violation de l’article L 243-2 du code des assurances.

Dans leurs dernières conclusions du 17 janvier 2011, la société Allo Diagnostic, venant aux droits de la SAS Tulipanjou, et la société Covea Risks, intimés et appelants incidents, demandent à la Cour, avec une indemnité de procédure, poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Tulipanjou et en ce qu’il a condamné la société Tulipanjou et la Compagnie Covea Risks à verser in solidum et à titre provisionnel avec les époux Y la somme de 80 000 euros, débouter les époux Y de l’ensemble de leurs demandes dirigées contre la société Allo Diagnostic et la Compagnie Covea Risks.

La société Allo Diagnostic et son assureur Covea Risks concluent à la responsabilité unique des vendeurs, réputés constructeurs au sens de l’article 1792-1 du code civil comme ayant exécuté des travaux de rénovation affectant l’immeuble d’habitation et dénient en revanche la responsabilité du technicien intervenant pour l’établissement de diagnostics réglementaires avant vente qui n’est tenu, selon eux, à aucun démontage ou sondage destructif qui seul permettait de révéler l’absence d’isolation conforme. Elles soulignent 'l’attitude dolosive’ des vendeurs qui se sont tus à la lecture du chiffre indicatif de consommation alors que les factures qu’ils ont produites en cours d’expertise révélaient une consommation bien supérieure. Elles ajoutent que le tribunal a justement analysé les désordres allégués par les époux X comme relevant des garanties biennale et décennale imputable au seul vendeur après construction c’est à dire aux époux Y.

La société Allo Diagnostic et son assureur contestent que le diagnostiqueur ait commis une faute dans l’établissement de son DPE compte tenu non pas de l’état réel et invisible de l’immeuble mais de son aspect visuel des composants et caractéristiques du bâtiment et en l’absence d’informations contraires. Ils ajoutent que la situation que connaissent aujourd’hui les époux X n’a pas pour origine l’intervention de la société Allo Diagnostic mais l’absence d’isolation toiture et murs, la mise en oeuvre des ouvrants en totale infraction avec les DTU ou encore les très nombreux points de non-conformité relevés sur l’installation électrique.

Ils font également valoir qu’il ne peut être retenu cumulativement au bénéfice des acheteurs une indemnisation au titre des garanties biennale et décennale et une perte de chance d’avoir pu négocier le prix de vente de l’immeuble pour tenir compte des travaux de remise en état et que les préjudices allégués ne sont pas indemnisables par un tiers à la vente ; que dans la seule hypothèse d’une faute non reconnue telle une erreur de calcul, le seul préjudice indemnisable par le diagnostiqueur pouvant seulement résulter de l’écart entre la consommation indicative et celle définie par l’expert sur une période correspondant à la durée moyenne de conservation de l’immeuble.

Ils contestent enfin la solidarité du diagnostiqueur avec les vendeurs n’étant pas co-auteurs d’un même dommage.

Dans leurs dernières conclusions du 9 septembre 2011 Maître G et la SCP G et Z, intimés, demandent avec une indemnité de procédure la confirmation du jugement déféré.

Maître G ne conteste pas sa responsabilité pour ne pas avoir mentionné l’absence d’assurance dommages-ouvrages dans l’acte. S’agissant de la responsabilité des vendeurs, il estime que celle-ci est établie du fait indéniable de leur qualité de constructeurs au sens de l’article 1792-1 2° du code civil. Il ne fait valoir aucun moyen ou argument sur la responsabilité du diagnostiqueur mais estime avoir pour sa part une responsabilité très partielle. Il observe que les époux X n’ont jamais demandé ni même envisagé la résolution de la vente et demande que leur préjudice résultant de sa faute soit analysé en une simple perte de chance et estimé à 20 000 euros comme l’ont fait les premiers juges, refusant d’endosser la totalité du préjudice des époux Y analysé comme une demande de réduction du prix à laquelle le notaire n’est pas tenu.

S’agissant de l’expertise, Maître G conclut à la confirmation de la décision estimant que seules les critiques concernant l’évaluation du préjudice par les époux Y sont pertinentes en ce qu’ils ont relevé à juste titre la solution maximaliste préconisée par l’expert ainsi justement appréciée par le tribunal comme source, pour les acquéreurs, d’un enrichissement sans cause.

Dans leurs dernières conclusions du 26 septembre 2011, les époux X, intimés et appelants incidents, demandent à la Cour, avec une indemnité de procédure, de débouter les époux Y, la société Allo Diagnostic et la Compagnie Covea Risks et le cas échéant Maître G et la SCP G et Z de leurs demandes, condamner in solidum les époux Y, la société Allo Diagnostic, Covea Risks, Maître G et a SCP G et Z à leur payer à titre provisionnel en réparation de leurs préjudices les sommes de 100 000 euros et 20 000 euros ;

Les époux X estiment que leurs vendeurs ne contestent plus sérieusement leur qualité de constructeurs et constatent que ce n’est qu’en cause d’appel que les époux Y remettent en cause l’impartialité de l’expert qui a selon ceux-ci bien rempli sa mission en sollicitant à juste titre le concours d’un sapiteur pour chiffrer les travaux en accord avec les parties. Ils ajoutent pour leur part que l’expert a bien démontré que les travaux entrepris par les vendeurs relevaient du bricolage et que l’isolation de la maison était au sens thermique inexistante et que le mode chauffage de la pièce principale de vie est inadapté, l’utilisation d’un IMR (Isolant Mince Réfléchissant) l’étant également alors que ce type de logement est classé dans les plus énergivores et que le très grave défaut d’isolation ne lui permet pas d’atteindre la température de 18° imposée par l’article R 111-6 du code de la construction. Ils ajoutent que l’installation électrique présente un danger pour la sécurité des personnes et que les époux Y ont en outre failli à leurs obligations d’information et de bonne foi alors qu’ils avaient eux-mêmes habité l’immeuble après avoir effectué de très importants travaux d’aménagement et de rénovation.

Sur la responsabilité de la société Allo Diagnostic, les époux X font valoir que si la SAS Tulipanjou avait parfaitement rempli sa mission en indiquant le montant réel de la dépense énergétique liée au chauffage, ils n’auraient jamais contracté pour l’achat de la maison. Ils rappellent qu’un tiers à un contrat peut solliciter la condamnation d’une partie à celui-ci au titre de l’inexécution ou de la mauvaise exécution contractuelle dès lors qu’un préjudice lui a été causé par ce fait. Ils stigmatisent la faute du diagnostiqueur qui ne peut selon eux s’abriter derrière la nécessité d’opérer des sondages destructifs alors que la simple visite des combles était en soi révélatrice de l’absence totale du défaut d’isolation parfaitement identifié par le second diagnostiqueur puis par l’expert sans recours à un quelconque démontage. Les acquéreurs rappellent que la seconde erreur de la société Tulipanjou consiste à avoir annoncé un coût de chauffage annuel radicalement erroné. Ils soulignent de manière qu’ils jugent superfétatoire que la jurisprudence s’oriente vers une obligation de résultat ou à tout le moins d’une obligation de moyens renforcée qui serait mise à la charge des diagnostiqueurs.

Au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation les époux X soutiennent qu’il existe un lien de causalité entre la faute du diagnostiqueur et le préjudice correspondant au coût total des travaux de reprise et réfutent que ce préjudice soit cantonné à une simple perte de chance en proposant subsidiairement que celle-ci soit évaluée en tenant compte du fait que qu’ils ont perdu la chance d’acquérir l’immeuble à son prix réel qui correspond à la différence entre le prix d’acquisition et le coût des travaux de reprise. Sur la solidarité, ils font valoir que leur dommage a été causé par les fautes concurrentes des vendeurs, du diagnostiqueur et du notaire.

S’agissant enfin de la responsabilité du notaire, ils rappellent que leur demande est fondée sur la responsabilité délictuelle de droit commun et sur l’article L243-2 du code des assurances en vigueur au moment de l’acte authentique et reprennent la même argumentation que celle développée contre le diagnostiqueur sur la théorie de la perte de chance d’avoir acheté l’immeuble à son juste prix.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rapport d’expertise

L’article 233 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée. Il n’est cependant pas interdit à l’expert de se faire assister dans sa tâche par un technicien procédant sous sa responsabilité et dont il vérifie les constatations et dans le respect du contradictoire.

La mission de l’expert consistait à décrire l’immeuble et notamment établir un état de l’isolation de celui-ci, vérifier le système de chauffage et décrire son état de fonctionnement, préciser si les frais annuels de chauffage sont dus à une mauvaise isolation ou à un système de chauffage inadapté, déterminer les travaux à entreprendre pour savoir si ces travaux pourraient permettre d’obtenir des frais de chauffage annuels d’environ 960 euros TTC tels que mentionnés dans l’acte de vente, en cas d’impossibilité déterminer la moins value qui en résulterait susceptible de constituer le montant d’une diminution de prix éventuelle sur le prix de vente de l’immeuble, donner tous éléments permettant d’évaluer les préjudices éventuellement subis, apurer les comptes entre les parties.

L’examen du rapport montre que c’est sur le poste 'en cas d’impossibilité déterminer la moins value qui en résulterait susceptible de constituer le montant d’une diminution de prix éventuelle sur le prix de vente de l’immeuble’ que Monsieur A a eu recours à des sapiteurs pour travaux suivants : 1) Diagnostic de Performance Energétique (Cabinet Avis d’Expert) XXX d’Expert) 3) Evaluation Immobilière par Notaire (Mlle D -Expert Judiciaire) et 4) Evaluation de travaux tous corps d’état à exécuter pour mise en conformité de l’immeuble notamment au regard de l’isolation et moyens de chauffage adaptés (Cabinet AIMV).

Seule l’intervention du Cabinet de maîtrise d’oeuvre AIMV SCP C O au titre du Point 4) est critiquée par les seuls époux Y au stade de l’appel, étant observé que Maître G et la SCP G et Z en avaient fait de même en première instance.

Cependant, les époux Y ne peuvent, au prétexte que Monsieur A aurait pour partie confié sa mission à un expert de la même spécialité que la sienne, solliciter une contre expertise pour l’ensemble de la mission alors qu’il n’est pas discuté qu’il a accompli le surplus personnellement. En outre, il est précisé à la page 33 du rapport que l’expert 'en accord avec les parties', s’est adressé à un maître d’oeuvre pour estimation de travaux. Il ne peut être tenu compte du volume du document remis à cette fin par Monsieur C pour décider qu’il s’agit d’une part aussi importante prise à l’expertise que celle prise en charge par l’expert désigné puisque, par nature, la partie de la mission consistant à chiffrer les travaux poste par poste est nécessairement volumineuse. Enfin, le contradictoire a été respecté puisque Monsieur C a été invité à une réunion au cours de laquelle il a fourni aux parties toutes explications sur les travaux à effectuer, notamment la refonte complète du système de chauffage, alors que les époux Y ne justifient d’aucun dire dans le sens d’une telle critique qu’ils n’ont pas davantage élevée en première instance.

S’agissant enfin de l’impartialité supposée du technicien, les époux Y ne font état d’aucun élément objectivant leur soupçon qui ne saurait être établi par les seules constatations de l’expert qui leur sont défavorables. Sauf à rendre une expertise inexploitable en ce qu’elle ne dit rien, il ne peut être reproché à un technicien de donner son avis à la condition que celui-ci soit contradictoirement formulé, soigneusement documenté et vérifié à l’occasion de transports sur les lieux du sinistre, autant de points sur lesquels il ne peut être retenu aucune défaillance de l’homme de l’art.

Il convient d’examiner en conséquence le rapport de l’expert tant en ce qu’il peut permettre d’établir les responsabilités que sur la question des travaux à entreprendre, étant observé que le jugement, ayant remis en cause les choix de l’expert sur ce point, pour ordonner une nouvelle expertise, n’est critiqué par aucune des parties.

L’expert a notamment constaté que :

— Après obtention d’un permis de construire Monsieur Y a entrepris d’effectuer seul et/ou aidé de ses fils la transformation de cet entrepôt industriel en maison d’habitation,

— ce bâtiment, en principe, aurait dû faire l’objet d’une réhabilitation lourde en changeant de destination,

— tel n’a pas été le cas, l’ensemble des travaux réalisés relèvent du bricolage et surtout font fi de toutes règles et normes entourant toute construction ou rénovation en matière ce bâtiment d’habitation,

— la rénovation effectuée relève du cache misère, les tapisseries et décoration cachent totalement la réalité de la rénovation,

— l’examen des lieux fait apparaître que la maison n’est pas du tout isolée thermiquement et que les parois derrière placo et toiture ne comporte qu’un film Isolant Mince Réfléchissant qui ne possède aucun agrément du CSTB et n’aurait jamais dû être mis en oeuvre,

— les ouvrants ont été mis en oeuvre en totale infraction avec les prescriptions des DTU, en l’absence de joints ou de compribande pour la pose, lesquels ouvrants ne possédant pas d’éléments de ventilation en partie haute qui est obligatoire en chauffage électrique,

— de nombreux interstices sont visibles et permettent au froid de pénétrer et aux calories de sortir,

— les travaux à entreprendre correspondent à une rénovation lourde, telle qu’elle aurait dû être faite avant la mise en place des cache-misère,

— Aucune isolation thermique n’existe et celle-ci s’impose tant en parois périphériques qu’en toiture.

L’expert en a conclu, qu’en son état actuel, la maison vendue par les époux Y était impropre à sa destination. Il a ajouté que la totalité des travaux de réhabilitation lourde, puisque transformation d’un bâtiment industriel en maison d’habitation ne présentent aucune garantie puisque réalisés par Monsieur Y lui-même et font surtout fi de toute réglementation. Il en déduit que s’imposent des travaux dont la pertinence et l’étendue seront examinées ci-après.

Sur la responsabilité des vendeurs et le préjudice des acheteurs

Il résulte des dispositions de l’article 1792 alinéa 1er du code civil que 'tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropres à sa destination.'

Aux termes de l’article 1792-1 2° du code civil, est réputé constructeur 'toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire'. C’est donc en cette qualité de constructeur que le vendeur après achèvement est tenu comme le vendeur d’immeuble à construire des garanties biennale et décennale, que la vente soit survenue ou non immédiatement après l’achèvement de la construction.

En considération des règles ci-dessus énoncées, applicables à un particulier qui revend un immeuble après rénovation dès lors que l’importance des travaux les assimile à une opération de construction, c’est à juste titre que le tribunal a constaté que les époux Y ont effectué eux-mêmes d’importants travaux portant sur la structure, l’isolation, l’électricité et la plomberie de l’immeuble dont ils ont changé la destination de local professionnel en maison d’habitation. Les premiers juges ont également justement considéré que, compte tenu de l’expertise qui constatait l’impossibilité de chauffage à hauteur de 18° et en déduisait que l’immeuble était impropre à sa destination, les époux Y étaient en leur qualité de constructeurs tenus des garanties biennale et décennale et responsables vis à vis des époux X des dommages affectant l’immeuble d’habitation.

En effet, les époux Y ne peuvent combattre utilement les constatations objectives de l’expert par des attestations subjectives d’amis, membres de la familles ou intervenants à titre divers (aide-soignante ou médecin) ayant fait part de leur ressenti d’une maison normalement chauffée alors que les carences en isolation et leurs conséquences en termes de coût ont été objectivées en dépense très élevée et gouffre énergétique. L’expert a même ajouté qu’en l’état actuel de l’isolation de ce domicile tous moyens de chauffage se trouveraient être très onéreux avec une totale absence de confort et que le mode de chauffage de la pièce principale de vie, eu égard à son volume et hauteur, est inadapté.

Les époux Y vantent également les mérites de l’IMR (Isolant Mince Réfléchissant) en référence à son utilisation par la NASA. Cependant, l’ingénieur expert du Cabinet Avis d’expert, sapiteur consulté par Monsieur A est de ce point de vue décisif puisqu’il écrit : 'Il est important de noter que les déperditions son extrêmement importantes. Cet état de fait s’explique par l’utilisation d’un Isolant Mince Réfléchissant, ce matériau fait l’objet d’une vive polémique sur ses performances réelles. Les IMR sont vendus comme étant équivalents à 20cm de laines minérales isolantes'. Le sapiteur qui rappelle que le Conseil National de Consommation a déposé une plainte pour publicité mensongère sur ce type de produit ajoute qu’un avis technique Cahiers du CSTB 3507 de 2004 affirme que la performance réelle des isolants minces est très faible au regard des exigences thermiques actuelles (5 à 20 fois inférieures aux performances thermiques exigées pour les bâtiments neufs chauffés). Le sapiteur expose encore que dans le cadre de l’établissement d’un Diagnostic de Performance Energétique, le guide à l’usage du diagnostiqueur V1.1 établi par le Ministère de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement, précise en page 20 les contre-performances des isolants minces réfléchissants et qu’il est considéré comme nul au sens du calcul DPE. Il en conclut que le bâtiment doit être considéré sur un plan thermique comme n’étant pas isolé et le qualifie de ruine énergétique. Le sapiteur précise enfin que l’absence d’isolation entraîne l’impossibilité, par un système de chauffage raisonnable compensant cette absence, de chauffer à la température intérieure définie par le code de la construction et que celle-ci (18°C) n’étant pas obtenue chez les époux X, le logement ne répond pas aux critères d’habitabilité.

De ces éléments les premiers juges ont justement retenu que les époux Y étaient tenus, en leur qualité de constructeurs, des dommages affectant l’immeuble d’habitation au titre des garanties légales biennales et décennales. La décision est confirmée de ce chef.

En ce qui concerne le préjudice, les premiers juges ont justement rappelé que par application de l’article 1792 du code civil, les époux Y sont tenus d’indemniser les époux X du coût des travaux de reprise de la maison d’habitation et que la réparation à la charge des vendeurs doit permettre de replacer ces derniers dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, c’est à dire en l’occurrence dans le respect des normes en matière d’isolation et de chauffage pour ce type de maison avec même une possibilité d’amélioration dès lors que les réfections ordonnées sont le seul moyen d’éviter la réapparition des désordres.

Or, aucune partie ne critique la décision déférée en ce qu’elle a proposé le recours à une autre expertise pour chiffrer le coût des travaux. Le tribunal a en effet relevé que le coût des travaux était trop élevé en raison du choix opéré par l’expert par homologation de l’avis de son sapiteur de recourir à une isolation par l’intérieur et non par l’extérieur, ainsi que par le remplacement du mode de chauffage électrique par un système de réseau eau chaude en sol sur un isolant.

Malgré le coût plus élevé, le tribunal a toutefois retenu l’isolation intérieure proposée par l’expert pour des raisons notamment esthétiques. En revanche, il a très justement estimé qu’il ne fallait pas retenir le choix de l’expert de remplacer le mode de chauffage électrique par un mode de chauffage par le sol au motif que, même après isolation du bâtiment, le coût d’un chauffage électrique serait de plus du double du coût estimé par la société Tulipanjou. En effet, le tribunal a parfaitement jugé qu’un tel système de chauffage impliquerait l’installation d’un réseau en plancher et la pose d’un module extérieur et aboutirait, en définitive à une amélioration indue pour des acquéreurs d’une habitation comprenant un système de chauffage électrique nécessairement plus coûteux qu’un système de chauffage par le sol.

Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a, après avoir décidé que les travaux de reprise devaient porter uniquement sur l’isolation du bâtiment afin d’éviter les pertes de chaleur et les entrées de froid avec une révision de l’installation électrique dès lors que cette dernière ne présente pas la capacité nécessaire, justement inclus dans les missions celle relative à certaines prétentions des époux Y concernant le chiffrage de travaux et notamment un certain nombre de postes qu’ils jugent ne pas entrer dans la garantie décennale.

Compte tenu des constatations de l’expert ci-dessus exposées, il convient dès lors de confirmer la décision entreprise en ce quelle a ordonné une expertise aux fins d’évaluer le coût des travaux à entreprendre pour isoler l’immeuble d’habitation et réviser l’installation électrique, étant entendue que le mode de chauffage électrique doit être maintenu. L’expert a donc été justement missionné pour déterminer quelle doit être l’isolation adaptée à une maison d’habitation avec un mode de chauffage électrique et dire notamment si l’isolation de la dalle est nécessaire dans le cadre d’un chauffage électrique et au regard des normes en vigueur à l’époque où les époux Y avaient réalisé les travaux d’aménagement de l’habitation. Les premiers juges ont aussi justement décidé de confier à l’expert la description des désordres présentés par les fenêtres, plus précisément ses appuis et de fournir tous éléments permettant de dire s’ils relèvent de la garantie décennale, ainsi que les désordres du portail.

La provision à valoir sur la rémunération de l’expert a justement été mise à la charge des époux X.

La provision accordée aux époux X, compte tenu qu’en tout état de cause et malgré ce qui reste à déterminer à dire d’expert d’importants travaux d’isolation de la maison impliquant des frais de gros oeuvre devront être réalisés avant d’entreprendre la révision de l’installation électrique, outre des travaux de décoration, a été justement fixée à la somme de 100 000 euros. En effet, il ne peut être tenu compte dans cette évaluation, comme le suggèrent les époux Y, de la moins value résultant du défaut d’isolation telle que calculée par Madame D sapiteur notaire expert immobilier puisque dans le paragraphe qu’elle consacre à cette question, 'approche de la moins value résultant du défaut d’isolation’ celle-ci se fonde, avant d’arrêter la fourchette de son pourcentage entre 25 % et 30%, sur une estimation des travaux par l’expert à un montant de 100 000 euros. Or, le rapport de ce sapiteur daté du 9 décembre 2008 a précédé celui du sapiteur AIMV déposé le 9 juillet 2009 qui a chiffré les travaux pour les lots soumis à son étude la somme de 169 483, 12 euros ce qui a permis à Monsieur A d’arrêter le montant des travaux à la somme de 195 515, 24 euros TTC. En conséquence, et même si comme il a été dit ci-dessus, ce coût paraît devoir être revu à la baisse, le montant de 100 000 euros est justifié par les éléments dont dispose la cour quant au coût prévisible des travaux.

En ce qui concerne les frais complémentaires, de déménagement et de relogement le montant provisionnel accordé par le tribunal ramené à la somme de 8 000 euros n’est pas en soi discuté par les parties, le moyen opposant des époux Y qui consiste à prétendre qu’il n’est pas démontré que des travaux soient nécessaires ayant été rejeté par la cour en même temps qu’elle a écarté la nécessité de recourir à une nouvelle expertise pour le tout. Il en va de même pour les préjudices complémentaires pour lesquels la provision a été justement arrêtée à la somme de 12 000 euros au titre du préjudice subi du fait d’avoir passé plusieurs hivers consécutifs dans des conditions rendues difficiles par l’absence d’isolation et de chauffage, le tribunal ayant cependant justement écarté à ce titre le début d’intoxication subi par la famille en lien avec la seule défectuosité de l’appareil de chauffage d’appoint par celle-ci installée.

Au total, la condamnation des époux Y à payer une provision de 100 000 euros et 20 000 euros aux époux X est confirmée. La question de la solidarité avec le diagnostiqueur et le notaire sera examinée après que les responsabilités respectives de ces intervenants auront été étudiées.

Sur la responsabilité de la société Tulipanjou aux droits de laquelle se trouve la société Allo Diagnostic

L’article R134-2 du code de la construction et de l’habitation prévoit que le diagnostic de performance énergétique (DPE) comprend notamment 'les caractéristiques pertinentes du bâtiment ou de la partie de bâtiment et un descriptif de ses équipements de chauffage’ ainsi que 'une évaluation des dépenses annuelles résultant des consommations d’énergie'.

L’action des acheteurs contre le diagnostiqueur est possible sur le fondement de l’article 1382 du code civil, la faute commise dans l’exécution du contrat ayant un caractère délictuel à l’égard des tiers. Or, la faute du diagnostiqueur est ici établie par le fait d’une estimation des frais de chauffage à un montant annuel de 960 euros, montant déjà très en deçà des frais annuels exposés par les vendeurs de l’ordre de 2 800 euros, alors que l’expert précise qu’il y a impossibilité malgré travaux à obtenir une somme de 960 euros TTC, somme qui pourrait correspondre à un logement T2 soumis à la réglementation RT2005 en Sarthe mais certes pas au logement litigieux.

La société Allo Diagnostic ne peut échapper à sa responsabilité en faisant valoir qu’elle n’était tenue qu’à un examen visuel et non pas à des investigations destructrices des embellissements du bâtiment alors que la société concurrente Auditimmo a réalisé en janvier 2008 un diagnostic dans des conditions analogues avec un résultat très différent (5 689 euros) et conforté par l’expert qui, par la suite et dès la première réunion, a par la visite des combles, pu constater une absence totale d’isolation dans la majeure partie des combles sous pente, sur rampants et la présence inefficace et hors norme de l’isolant mince réfléchissant, ainsi que de nombreux interstices permettant au froid de pénétrer directement dans la maison. A supposer exact que seules des investigations destructrices pouvaient lui permettre de proposer un diagnostic fiable, il appartenait à la société Tulipanjou, professionnel avisé, de signaler cette difficulté afin que soit relativisé l’avis par elle formulé. En toute hypothèse, le diagnostiqueur ne pouvait se contenter de recueillir des indications de la part des vendeurs confortées par l’aspect visuel de l’immeuble alors que l’article R134-2 du code de la construction et de l’habitation précise notamment que le diagnostic de performance énergétique comprend les caractéristiques pertinentes du bâtiment ou de la partie du bâtiment et un descriptif de ses équipements.

Il résulte de ces éléments que la responsabilité de la société Allo Diagnostic a été justement retenue par le tribunal sur le fondement délictuel.

Sur la responsabilité du notaire

Le principe de cette responsabilité n’est pas discuté. L’article L 243 alinéa 2 du code des assurances prévoit que 'lorsqu’un acte intervenant avant l’expiration du délai de dix ans prévu à l’article 1792-4-1 du code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance d’un bien, quelle que soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, à l’exception toutefois des baux à loyer, mention doit être faite dans le corps de l’acte ou en annexe de l’existence ou de l’absence d’assurance.

Maître G avait déjà été le notaire instrumentaire de la vente de l’immeuble litigieux, abritant une boulangerie et un entrepôt de farine, en 2003 au profit des époux Y et il n’ignorait pas, pour avoir encore établi le 12 mai 2005 le règlement de copropriété et l’état descriptif de division permettant aux époux Y, après la réalisation de travaux importants pour le rendre habitable, de revendre une partie de l’immeuble, les époux Y se réservant l’autre partie pour leur propre habitation objet du présent litige, l’importance des travaux intervenus sur l’immeuble. Or, force est de constater qu’il s’est abstenu de mentionner dans l’acte l’absence de toute assurance.

Le tribunal a donc justement retenu la responsabilité délictuelle du notaire et le manquement de ce dernier à son obligation de conseil qui a d’ailleurs admis n’avoir effectué aucune diligence sur ce point en s’abstenant de questionner les vendeurs sur la réalisation des travaux et sur l’identité des entreprises intervenues et leurs assureurs.

Sur l’obligation à réparation du diagnostiqueur et du notaire

La société Allo Diagnostic et son assureur Covea Risks ainsi que Maître G et la SCP G et Z soutiennent que le préjudice qu’ils sont tenus de réparer ne consiste qu’en une perte de chance. Cependant, le dommage des époux Y résulte de l’acquisition d’un bien transformé ne répondant pas totalement à sa finalité. A côté des constructeurs vendeurs tenus par les garanties légales, les manquements commis par le diagnostiqueur et le notaire ont directement contribué à l’apparition de cette situation dommageable. En réparation de celle-ci, les acquéreurs avaient le choix entre une action rédhibitoire ou estimatoire et celle qu’ils ont engagée pour obtenir la réparation de leur préjudice constitué par le coût des travaux de reprise et des frais complémentaires générés par la mise en oeuvre de ceux-ci. En ayant directement concouru à ce dommage, le notaire et le diagnostiqueur sont tenus in solidum entre eux et avec les vendeurs de réparer entièrement celui-ci, sans qu’il y ait lieu s’agissant du notaire de faire le départ entre les dommages susceptibles d’être couverts par l’assurance dommage ouvrage, la responsabilité du notaire n’ayant pas un caractère subsidiaire par rapport à celle du constructeur vendeur défaillant. Il ne peut pas davantage se fonder sur la jurisprudence relative à la restitution à laquelle un contractant est condamné à la suite de la réduction du prix de vente qui ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable puisque, comme il a été dit ci-dessus, les époux X ne demandent pas une réduction de prix mais l’indemnisation des travaux de reprise que leur dommage rend nécessaire.

Enfin, c’est à tort que le tribunal a limité au sein de la condamnation in solidum la participation du diagnostiqueur et du notaire à certaines sommes alors que cela relève d’un partage de responsabilité entre eux et n’affecte en rien l’étendue de leurs obligations envers les acheteurs.

En conséquence, de ce qui précède et par réformation partielle du jugement sur ce point, il convient de condamner in solidum les époux Y, la société Allo Diagnostic et la société Covea Risks et Maître G et la SCP G et Z à verser aux époux X les sommes de 100 000 euros et 20 000 euros à titre de provision.

Sur les frais

La décision des premiers juges concernant l’article 700 du code de procédure civile ayant octroyé à ce titre une indemnité provisionnelle de 3 000 euros aux époux X a été prise en considération de l’équité et doit être confirmée, de même que la décision tendant à réserver les dépens de première instance.

L’équité commande de faire supporter in solidum par les époux Y, la société Allo Diagnostic et la société Covea Risks les frais non répétibles d’appel exposé par les époux X et de rejeter les autres demandes de ces chefs.

Les parties qui succombent doivent les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la condamnation à payer une provision,

Réformant de ce seul chef,

Condamne in solidum les époux Y, la société Allo Diagnostic et la société Covea Risks et Maître G et la SCP G et Z à verser aux époux X les sommes de 100 000 euros et 20 000 euros à titre de provision,

Condamne in solidum les époux Y, la société Allo Diagnostic et la société Covea Risks à verser aux époux X la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne in solidum les époux Y, la société Allo Diagnostic et la société Covea Risks et Maître G et la SCP G et Z aux dépens d’appel recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile

LE GREFFIER LE PRESIDENT

D. E P. VALLEE

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Cour d'appel d'Angers, Chambre commerciale, 13 décembre 2011, n° 10/02273