Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 11 décembre 2018, n° 18/00269

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. a - civ., 11 déc. 2018, n° 18/00269
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 18/00269
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Le Mans, 9 janvier 2018, N° 17/00323
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

CP/ND

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/00269 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EIHP

Ordonnance du 10 Janvier 2018

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 17/00323

ARRET DU 11 DECEMBRE 2018

APPELANTE :

SARL P.M. M exerçant sous l’enseigne LEONARD MENUISERIES

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e C l a u d e T E R R E A U d e l a S E L A R L R T – J U R I S T E R R E A U RONDEAU-TREMBLAYE, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20160126

INTIMEE :

ASSOCIATION A anciennement dénommée A FIDEOR association de gestion prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[…]

[…]

Représentée par Me Daniel CHATTELEYN de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 182442, et Me Audrey THOMAZEAU substituant Me Yann MICHEL, avocat plaidant au barreau de NANTES et PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 22 Octobre 2018 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame PORTMANN, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame ROEHRICH, Président de chambre

Madame PORTMANN, Conseiller

Madame COUTURIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame X

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 11 décembre 2018 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Clarisse PORTMANN, Conseiller, pour le Président empêché, et par Christine X, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

FAITS ET PROCÉDURE :

L’association A, anciennement dénommée association de gestion et de comptabilité A Fideor, a été chargée par la société (Sarl) PMM de plusieurs missions comptables, à partir de l’exercice ouvert le 1er avril 2010 et jusqu’à l’exercice clos le 31 mars 2015.

A compter du 1er avril 2015, la Sarl PMM a choisi la société d’expertise comptable Y pour effectuer sa comptabilité.

Au vu des constatations de son nouvel expert-comptable, la Sarl PMM s’est plainte du fait que l’association A n’avait pas remis avant octobre 2015 l’intégralité des documents comptables à la société Y, qu’elle n’ait pas suivi la comptabilité, n’ayant manifestement pas respecté les normes professionnelles, et avait commis de nombreuses erreurs ayant des conséquences quant à l’établissement du bilan et dont la régularisation aurait pour conséquence une diminution du montant des capitaux propres.

Elle l’a invitée à régulariser une déclaration de sinistre le 3 octobre 2016.

Par acte d’huissier du 18 juillet 2017, la Sarl PMM a fait assigner en référé, l’association A, anciennement dénommée association de gestion et de comptabilité A Fideor, devant le président du tribunal de grande instance du Mans, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, afin de voir ordonner une expertise judiciaire de sa comptabilité pour la période antérieure au 1er avril 2015.

Par ordonnance de référé du 10 janvier 2018, le président du tribunal de grande instance du Mans a, au visa de l’article 145 du code de procédure civile :

— débouté la Sarl PMM de sa demande d’expertise ;

— condamné la Sarl PMM à payer à l’association A une indemnité de procédure de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Pour débouter la Sarl PMM de sa demande d’expertise, le premier juge a estimé qu’elle ne justifiait pas suffisamment d’un motif légitime à cette fin. Il a relevé qu’elle ne produisait au soutien de sa demande aucune pièce comptable, et pas même le bilan critiqué.

La Sarl PMM a interjeté appel de cette décision par déclaration du 12 février 2018.

La Sarl PMM et l’association A ont régulièrement conclu et l’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2018.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :

— du 30 mars 2018 pour la Sarl PMM

— du 30 avril 2018 pour l’association A,

qui peuvent se résumer comme suit.

La Sarl PMM demande à la cour de :

— la dire et juger recevable en son appel ;

— infirmer l’ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

- désigner tel expert judiciaire qu’il plaira à la cour, avec la mission qu’elle propose ;

— condamner l’association A Fideor au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner l’association A Fideor aux entiers dépens.

Elle estime qu’elle justifie d’un motif légitime suffisant pour voir ordonner l’expertise qu’elle sollicite.

Elle fait valoir qu’elle produit des éléments de nature à établir que l’association A Fideor a manqué à ses obligations déontologiques et qu’elle n’a pas respecté le référentiel normatif de la profession d’expert-comptable, soulignant que dans le cadre de sa mission de présentation des comptes, elle devait veiller à ce que les enregistrements soient appuyés d’un justificatif, vérifier la pertinence de l’imputation comptable et que l’enregistrement se rapporte à la bonne période.

L’association A (anciennement dénommée association de gestion et de comptabilité A Fideor), sur le fondement des articles 6, 9, 145, 146 et 238 du code de procédure civile, de l’article 1353 du code civil et de l’article 169 du Livre des procédures fiscales, demande à la cour de :

— débouter la Sarl PMM de son appel et de ses demandes, fins et conclusions et, en conséquence,

— confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

— si une expertise judiciaire était ordonnée à son contradictoire, dire et juger que la mission de l’expert judiciaire ne pourrait porter, à son encontre, que sur la mission d’établissement des comptes annuels que lui a confiée la Sarl PMM pour l’exercice clos au 31 mars 2015, dès lors que les comptes déposés au titre des années antérieures ne peuvent plus être l’objet d’un contrôle de la part de l’Administration fiscale, ainsi que sur les comptes annuels établis par le cabinet Y pour l’exercice

clos au 31 mars 2016, tout en le limitant strictement aux seuls griefs formulés par la Sarl PMM aux termes de l’instance d’appel en cours ;

En tout état de cause,

— condamner la Sarl PMM au paiement d’une somme de 5.000 euros à son profit en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la Sarl PMM aux dépens, recouvrés selon l’article 699 dudit code.

L’association A prétend que la Sarl PMM ne justifie d’aucun motif légitime à l’appui de sa demande d’expertise.

En premier lieu, elle affirme que l’appelante n’apporte aucun élément sérieux permettant de caractériser un quelconque manquement de sa part dans l’exécution de sa mission de présentation des comptes annuels, qu’elle ne justifie pas de l’utilité de la mesure d’expertise sollicitée et qu’il n’y a pas lieu de pallier à sa carence.

Ensuite, se défendant de tout manquement à ses obligations déontologiques, elle prétend que l’appelante pour lui reprocher un retard dans la transmission des pièces comptables à son nouvel-expert comptable ne fait que se référer au courrier de ce dernier sans davantage de précision et sans l’avoir mise en demeure à cet égard.

En deuxième lieu, elle estime que la Sarl PMM ne démontre pas en quoi les conséquences non justifiées évoquées par le cabinet Y constitueraient un préjudice en lien avec une prétendue faute de sa part.

A titre subsidiaire, elle considère que s’il y a lieu à expertise, les missions confiées à l’expert ne doivent pas être aussi étendues que celles trop générales et imprécises sollicitées par la Sarl PMM pour pallier sa carence manifeste dans l’administration de la preuve. Au surplus, elle estime que ces missions ne peuvent porter que sur l’établissement des comptes annuels postérieurs à celui de l’exercice clôturé au 31 mars 2014, si la Sarl PMM entendait au fond engager sa responsabilité civile professionnelle, eu égard à la prescription triennale de l’article 169 du Livre des Procédures fiscales.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : 'S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.'

Il ne peut être exigé du demandeur qu’il rapporte la preuve des faits, dont il entend précisément établir la réalité grâce à la mesure d’instruction sollicitée ; il n’a pas non plus à indiquer s’il engagera un procès ni à énoncer expressément la nature et le fondement juridique de celui-ci ; néanmoins, il doit fournir au juge des éléments démontrant que la demande présentée a un intérêt pour la résolution d’un litige ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l’échec.

Or, la société PMM verse aux débats, outre une lettre de son nouvel expert-comptable en date du 16 septembre 2016 relatant le retard avec lequel le dossier lui a été transmis par l’association de gestion A et le fait qu’il y a 'énormément d’erreurs dans la tenue et le suivi comptable' de la société, ce qui a généré de nombreuses régularisations (160 lignes), des frais de recherches et d’analyses (facture complémentaire de 3900 euros HT) et une perte nette de 102 000 euros conduisant à la dégradation des capitaux propres :

— une demande de déclaration de sinistre du 3 octobre 2016 ;

— le justificatif de la saisine de l’ordre des experts-comptables ;

— une demande de renseignement du centre des finances publiques, en date du 4 août 2016, au titre de la nature exacte des sommes déclarées à titre de produits et charges exceptionnels, et la réponse du 5 septembre 2016 ;

— les bilans comptables des exercices 2014-2015 et 2015-2016.

En cause d’appel, la société PMM produit en outre un courrier de la société Y, certes non daté, mais qui précise un certain nombre de griefs (double comptabilisation, règlements sans factures, antériorité anormale de créance, facturations non conformes à la suite de sinistres clients…), et les conséquences néfastes sur ses résultats devenus négatifs, sur la perte brutale du montant de ses capitaux propres, et divers autres préjudices (surcoût facturé par son nouvel expert-comptable, perte de confiance vis à vis des banques, baisse de cotation Banque de France…).

Il apparaît qu’au regard de ces éléments, la société PMM justifie d’un motif légitime à voir ordonner, à ses frais avancés, une expertise comptable. La décision entreprise doit, en conséquence, être infirmée en toutes ses dispositions. Il n’y a pas lieu de limiter la mission de l’expert dans le temps, dès lors que des conséquences autres que fiscales peuvent résulter des manquements qui viendraient à être relevés. Cette mission ne doit certes pas être trop générale, mais ne peut non plus être trop restreinte et viser uniquement les points relevés par le cabinet Y.

Partie succombante, l’association de gestion A sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME l’ordonnance de référé rendue le 10 janvier 2018 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

ORDONNE une mesure d’expertise et COMMET Mme B C D, Cabinet Z, 10 avenue du général Montgommery – 14000 Caen (02.31.53.19.40 n.C@Z.fr), expert inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Caen, avec pour mission, après avoir pris connaissance des faits de la cause et s’être fait remettre tous documents utiles par les parties :

* se faire remettre tous documents utiles relatifs notamment à la comptabilité et au suivi de la comptabilité de la société PMM, tant avant qu’après le changement d’expert-comptable ;

* se rendre sur place ou en tous lieux qu’il s’avérerait utile ;

* en ayant pris connaissance de l’ensemble du dossier ainsi que de l’ensemble des pièces et bilan antérieurs au 1er avril 2015, de dire si les opérations et affectations comptables sont conformes aux règles de comptabilité ;

* donner son avis sur les éventuelles responsabilités ;

* chiffrer tous préjudices ;

* formuler toutes observations utiles pour la solution du litige ;

DIT que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu’en particulier il pourra se faire autoriser à s’adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité autre que la sienne ;

DIT que l’expert donnera connaissance aux parties de ses conclusions et répondra à tous dires écrits de leur part, formulés dans le délai qu’il leur aura imparti, avant d’établir un rapport définitif qu’il déposera au secrétariat greffe du tribunal de grande instance dans les quatre mois du jour où il aura été avisé de la consignation de la provision par le greffe ;

DIT que dans les deux mois du présent arrêt, la société PMM devra consigner auprès du régisseur du tribunal de grande instance du Mans une somme de 1 200 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert ;

DIT qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile, sauf prorogation du délai de consignation ;

DIT que l’expert, si le coût probable de l’expertise s’avère beaucoup plus élevé que la provision fixée, devra communiquer au magistrat chargé du contrôle et aux parties l’évaluation prévisible de ses frais et honoraires en sollicitant, le cas échéant, la consignation d’une provision complémentaire ;

DÉSIGNE, en application de l’article 964-2 du code de procédure civile, le juge chargé du contrôle des mesures d’instruction du tribunal de grande instance du Mans pour suivre l’exécution de la présente mesure d’expertise ;

CONDAMNE la société PMM aux dépens ;

REJETTE les demandes pour le surplus et notamment les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT EMPÊCHÉ

C. X C. PORTMANN

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