Cour d'appel d'Angers, n° 14/01166

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, n° 14/01166
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 14/01166
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, 20 février 2011

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

XXX

ARRÊT N°

AFFAIRE N° : 14/01166

Jugement du 21 Février 2011 – TGI de SAINT BRIEUC

n° d’inscription au RG de première instance : 08/00662

Arrêt du 30 Octobre 2012 – Cour d’Appel de RENNES

Arrêt du 5 Décembre 2014 – Cour de Cassation PARIS

ARRÊT DU 07 AVRIL 2015

APPELANTES ET INTIMEES, DEMANDERESSES AU RENVOI :

Madame C D G

XXX

XXX

Association de Protection des Majeurs Côtes d’Armor (A.P.M. 22) anciennement dénommée ASSOCIATION TUTELAIRE DES HANDICAPES agissant en sa qualité de curateur de Madame C D G.

XXX

XXX

SMABTP -SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS- agissant poursuites et diligences du Président de son

Conseil d’Administration et de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentées par Me Daniel CHATTELEYN de la SELARL LEXAVOUE ANGERS et RENNES, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 14135, et Me Laurent BOIVIN, avocat plaidant au barreau de RENNES

INTIMÉE ET APPELANTE, DÉFENDERESSE AU RENVOI :

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Philippe TUFFREAU de la SCP EXAEQUO AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Bruno CRESSARD, avocat plaidant au barreau de RENNES

INTIMES ET DEFENDERESSES AU RENVOI :

Madame Y X

'La Motillais’ XXX

XXX

XXX – XXX

XXX

Représentée par Me Ludovic GAUVIN de la SELARL LEXCAP-BDH, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 13402182, et Me Gervaise DUBOURG, avocat plaidant au barreau de RENNES

COMMUNE DE LANCIEUX prise en la personne de son Maire en exercice

XXX

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Jacques VICART, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 15389, et Me GARNIER substituant Me Aurélie GRENARD, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 03 Mars 2015 à 14 H 00, Madame GRUA, Conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :

Monsieur HUBERT, Président de chambre

Madame GRUA, Conseiller

Monsieur CHAUMONT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRÊT : contradictoire

Prononcé publiquement le 07 avril 2015 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Louis-Denis HUBERT, Président de chambre, et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Y X, propriétaire d’une maison jouxtant un terrain appartenant à la société immobilière Liancieux (la SCI), laquelle y a édifié une maison dont le permis de construire a été annulé définitivement le 12 mars 2007 par la juridiction administrative, au motif que la construction ne respectait pas le gabarit fixé par l’article U7 du règlement du plan d’occupation des sols relatif à l’implantation des constructions par rapport à la hauteur du bâtiment et aux limites séparatives, a assigné la SCI selon acte d’huissier de justice délivré le 10 avril 2008 en démolition de la partie de la construction ne respectant pas le plan d’occupation des sols de la commune et en dommages et intérêts sur les fondements de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme et des troubles anormaux de voisinage et en indemnisation de son préjudice.

La SCI a assigné en garantie Mme C D G (l’architecte), assistée de son curateur l’association de protection des majeurs Côtes d’Armor, et la société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics, SMABTP, assureur de l’architecte et de la société Jouan construction.

Par jugement rendu le 21 février 2011, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a ordonné la démolition de la partie de la construction ne respectant pas les dispositions du plan d’occupation des sols de la commune, condamné la SCI à payer à Mme X des dommages et intérêts de 25 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, condamné la SCI et la SMABTP, in solidum, au paiement des dépens et d’une indemnité de procédure de 2 000 euros au profit de Mme X et condamné la SMABTP à garantir la SCI de ses condamnations.

Il retenait que l’action était recevable pour avoir été introduite dans le délai de deux ans, énoncé à l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, de la décision d’annulation définitive du permis de construire.

Saisie de l’appel de l’architecte et de la SMABTP, la commune de Lancieux étant intervenue volontairement, par arrêt rendu le 30 octobre 2012, la cour d’appel de Rennes a déclaré prescrite l’action en responsabilité civile engagée par Mme X.

Il retenait que la prescription de cinq ans édictée par L. 480-13 du code de l’urbanisme était acquise lorsque Mme X a introduit son action, cette prescription étant applicable à toute action en responsabilité civile exercée contre le propriétaire de l’immeuble dont le permis de construire a été annulé.

Par arrêt rendu le 5 février 2014, la cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, dans toutes ses dispositions.

Elle reprochait à la cour d’appel une violation de l’article 544 du code civil et de l’article 2262 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, retenant que si l’action de Mme X était soumise à la prescription de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme en ce qu’elle tendait à la réparation du préjudice résultant de la violation par la SCI des règles de l’urbanisme, elle relevait de la prescription trentenaire en ce qu’elle était fondée sur le trouble anormal de voisinage tenant à la perte d’ensoleillement et de vue causée par la présence de cette construction.

Désignée juridiction de renvoi, notre cour a été saisie par déclaration de l’architecte et de la SMABTP reçue à son greffe le 29 avril 2014.

Les parties ont conclu. L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 février 2015.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les dernières conclusions, déposées le 22 janvier 2015 par les appelantes, 24 février 2015 par la SCI, 11 février 2015 par Mme X et 20 janvier 2015 par la commune, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé se leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu’il suit.

La SMABTP et l’architecte demandent de constater que la SCI a pris l’initiative, sans reconnaissance de responsabilité de faire procéder à la modification de l’ouvrage selon permis de construire accordé le 14 janvier 2015, constater que cette décision unilatérale ne modifie pas le débat résultant de l’appel du jugement, réformer ce jugement, constater l’irrecevabilité des prétentions de Mme X comme prescrites et, en toutes hypothèses, leur mal fondé, tous fondements confondus, en conséquence, rejeter les prétentions et dire sans objet le recours en garantie, en toutes hypothèses, constater l’absence de demandes de Mme X à leur endroit, si la responsabilité de la SCI devait être retenue au profit de Mme X, débouter la SCI de toutes prétentions irrecevables comme nécessairement prescrites, très subsidiairement, dire et juger la SMABTP fondée à opposer les plafonds de garantie et franchise des polices du constructeur de maisons individuelles et de l’architecte, en tout état de cause, condamner tous succombants, tenus in solidum, au paiement d’une indemnité de procédure de 16 000 euros.

Ils font plaider que L. 480-13 du code de l’urbanisme est applicable au litige dans sa version en vigueur au jour de l’achèvement de l’immeuble, événement qui résulte de l’achèvement de l’ouvrage dont le certificat de conformité a été délivré le 28 janvier 1999. Ils en déduisent que le délai de cinq ans était échu au 28 juin 2004, en l’absence d’acte interruptif, et que lors de la délivrance de l’assignation le 10 avril 2008, la prescription était acquise.

Ils rappellent que toute indemnisation de préjudice au titre d’un trouble anormal de voisinage est refusée lorsque des opérations sont réalisées dans le cadre d’un lotissement. Faisant leurs les observations de la SCI, ils ajoutent que la perte d’ensoleillement et de vue sur mer ne constitue pas un trouble anormal au regard du régime régissant les constructions dans un ensemble déjà bâti, d’autant que la propriété de Mme X n’offre pas une vue sur mer particulière ; il n’existe pas de trouble de voisinage du fait qu’un enduit aurait été apposé sur le muret alors que celui-ci est devenu mitoyen, la réalisation de l’immeuble de la SCI en appui sur ce muret de clôture lui conférant un caractère mitoyen pour les parties d’ouvrage s’y trouvant imbriquées.

Ils estiment irrecevable le recours subrogatoire exercé par la SCI, rappelant que ce recours ne peut être exercé qu’après paiement préalable ; de plus, la responsabilité des constructeurs étant enserrée dans le délai de dix ans à compter de la réception, intervenue le 20 juillet 1998 alors qu’ils ont été assignés le 24 juillet 2008, l’action est prescrite tant sur le fondement de la responsabilité de plein droit des constructeurs que sur celui du droit commun.

La SCI demande de réformer le jugement, dire et juger prescrite l’action engagée par Mme X sur le fondement de l’article 480-13 du code de l’urbanisme dans sa version antérieure à la loi du 13 juillet 2006, subsidiairement, la débouter de l’ensemble de ses demandes indemnitaires fondées sur le trouble anormal de voisinage, dans l’hypothèse où il y serait fait droit, confirmer la décision en ce qu’elle condamne la SMABTP et l’architecte à la garantir, débouter la première de ses demandes tendant à l’application de franchises et plafonds de garantie, condamner la commune à la garantir de l’ensemble de ses condamnations, subsidiairement, dire que cette garantie sera conditionnée au paiement des sommes mises à sa charge, condamner Mme X, la SMABTP et l’architecte au paiement d’une indemnité de procédure de 15 000 euros.

Elle soutient que seule est applicable la version de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme antérieure à la loi du 13 juillet 2006, cet article étant clair en son dernier alinéa en ce qu’il précise que lorsque l’achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi, la prescription antérieure continue à courir selon son régime. L’action en responsabilité civile se prescrivant par cinq ans après l’achèvement des travaux, le certificat de conformité étant du 28 janvier 1999, elle en déduit que le délai dont bénéficiait Mme X pour agir en responsabilité civile expirait le 28 janvier 2004 et que l’action engagée en avril 2008 est prescrite. Elle en déduit aussi que sont prescrites toutes demandes fondées sur le non respect des règles d’urbanisme, comme la demande de démolition et la demande de dommages et intérêts fondée sur les articles 1382, 1383 et 1143 du code civil. Elle estime le litige circonscrit aux demandes présentées sur le fondement des troubles anormaux de voisinage.

Elle rappelle que l’article 653 du code civil pose une présomption de mitoyenneté des murs séparatifs et qu’il appartient à Mme X de prouver le caractère privatif du mur. Elle nie tout appui sur le mur que sa construction se contente de longer et prétend que la trace d’enduit n’est pas établie. Elle ne conteste pas l’antériorité de la construction de Mme X mais fait plaider que l’anormalité doit s’apprécier en tenant compte de l’attrait indéniable que présente la côte bretonne à proximité de la mer, en surplomb de la plage, dans un contexte global de construction du littoral s’étant accélérée depuis la construction de la maison de Mme X. Elle considère que sa construction ne peut donner lieu à réparation puisqu’elle était prévisible, précisant qu’elle se situe en contrebas de la maison de Mme X.

Elle prétend son recours en garantie recevable au motif que la loi de 2008 dont l’article 1792-4-3 du code civil a réduit à dix ans le délai de prescription antérieurement trentenaire est d’application immédiate, la prescription trentenaire ayant commencé à courir au jour de son entrée en vigueur, son action pouvait être exercée dans les conditions de délai du texte nouveau.

Mme X demande de déclarer irrecevable l’intervention de la commune et, en toute hypothèse, la rejeter, débouter tant la SMABTP et l’architecte que la SCI de leurs demandes, la déclarer recevable en son action, ordonner la démolition de la partie de la construction de la SCI ne respectant pas les dispositions du plan d’occupation des sols de la commune, sur le fondement des articles 1143, 1382 et 1383 du code civil et L. 480-13 du code de l’urbanisme, dire si la démolition doit tenir compte du gabarit compté à partir du milieu de la voie située à l’Ouest de la propriété de la SCI, comme figurant au plan joint en pièce n°8, condamner la SCI au paiement de 50 000 euros de dommages et intérêts pour perte de jouissance due à la construction et 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de l’article 544 du code civil, dire et juger que la construction de la SCI constitue un trouble anormal de voisinage, la condamner au paiement des sommes de 150 000 euros au titre de la perte de valeur de sa propriété et 50 000 euros au titre des troubles de jouissance, condamner la SMABTP, l’architecte, la SCI et la commune, chacun, au paiement d’une indemnité de procédure de 3 000 euros.

Elle fait valoir que l’intervention volontaire de la commune ne répond pas aux exigences de l’article 330 du code de procédure civile puisqu’elle ne soutient aucune partie à l’instance et n’a aucun droit à conserver ; elle ne saurait prétendre vouloir soutenir la SCI afin d’éviter un contentieux devant la juridiction administrative alors que la SCI lui demande de la garantir de ses condamnations ; elle ne saurait prétendre avoir intérêt à intervenir pour faire valoir ses observations sur l’action engagée sur le fondement de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme en concluant à l’irrecevabilité de ses conclusions.

Approuvant le tribunal d’avoir appliqué l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme dans sa version en vigueur à la date de l’assignation, elle rappelle que la loi nouvelle s’applique aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur et précise que le tribunal administratif de Rennes ayant rejeté sa demande d’annulation du permis de construire selon jugement du 20 juin 2002, elle ne pouvait agir en démolition devant le juge civil ; l’annulation prononcée le 21 décembre 2004 par la cour administrative d’appel de Rennes l’ayant été sur un moyen de légalité externe, donc régularisable, il appartenait tant à la SCI qu’à la commune de régulariser le dossier de permis de construire, ce qui aurait mis fin au contentieux administratif et interdit le contentieux civil ; la commune ayant préféré se pourvoir en cassation, le 12 mars 2007 le Conseil d’Etat a annulé le permis de construire sur un moyen de légalité interne et c’est cette décision qui lui a permis de fonder en droit sa demande de démolition ; son assignation ayant été délivrée dans le délai de deux ans à compter de cette décision, son action n’est pas prescrite.

Elle prétend subir un préjudice du fait de la perte de jouissance exclusive de son mur, la SCI ayant adossé et scellé le mur de sa maison dans son mur de clôture privatif et sur un pilier de ce mur, violant ainsi son droit de propriété. Revendiquant la propriété privative de ce mur, elle relève que les plans joints à la demande de permis de construire de la SCI ne font pas apparaître un quelconque mur, même en mitoyenneté, aucun titre faisant apparaître cette mitoyenneté n’est produit, la limite de propriété apparaissant sur les plans exclusive de tout muret de séparation, d’autant qu’elle produit les plans datés de 1969 desquels il ressort que le muret est construit sur sa propriété, prod.25.

Fondant sa demande de dommages et intérêts sur le trouble anormal de voisinage, elle souligne que l’antériorité de la construction de sa maison lui a ouvert intérêt à agir contre le permis de construire devant le juge administratif. Elle prétend que sa propriété a perdu une grande partie de son ensoleillement ainsi que la vue sur mer à partir des ouvertures situées à l’Ouest, la situation dégagée qu’elle connaissait avant la construction de la SCI étant devenue une situation d’étouffement derrière un très haut mur. Elle soutient que si elle s’attendait à ce que la parcelle voisine soit construite, elle ne pensait pas qu’une construction aussi élevée serait édifiée en limite séparative, à 3 m des portes et fenêtres de sa maison, la hauteur de la construction et sa proximité caractérisant l’anormalité du trouble, anormalité d’autant plus grande qu’à l’origine le bâtiment de la SCI devait se trouver au plus au niveau du sol naturel mais a été réalisé au-dessus de celui-ci.

Elle rappelle que le cahier des charges du lotissement, qui n’est pas atteint par les effets du temps, impose en son article 5 une implantation des constructions à laquelle il ne peut être dérogé, la construction de la SCI ne la respectant pas, la démolition s’impose.

La commune de Lancieux demande acte de son intervention volontaire, de réformer le jugement et débouter Mme X de ses demandes, en toute hypothèse, débouter la SCI de ses demandes.

Elle justifie son intérêt à intervenir par l’erreur de droit commise par le premier juge quant à la recevabilité de l’action en démolition fondée sur l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, rappelle que ce texte, tel que modifié par la loi du 13 juillet 2006, précise que lorsque l’achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi, la prescription antérieure continue à courir selon son régime, produit aux débats la déclaration d’achèvement des travaux déposée en mairie par la SCI le 20 juillet 1998, considère que le délai de prescription de l’action en responsabilité de la SCI est de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux et prétend que l’action en démolition dont disposait Mme X devait être exercée au plus tard le 20 juillet 2003 et en déduit la prescription de l’action exercée selon assignation du 10 avril 2008, le permis de construire modificatif délivré le 18 septembre 1998 n’ayant aucune incidence sur l’action en démolition, l’unique fondement de son action étant l’annulation du permis de construire délivré à la SCI le 4 septembre 1997. Elle ajoute que l’habitabilité du bâtiment est démontrée par le procès-verbal de réception du 20 juillet 1998, le permis de construire modificatif ne portant pas sur des travaux remettant en cause cette habitabilité.

Elle soutient que Mme X ne justifie pas du lien causal entre le moyen de légalité interne retenu par le Conseil d’Etat pour annuler le permis de construire et le préjudice allégué, la parcelle de la SCI, constructible, se trouvant au coeur d’un secteur communal densément urbanisé, la seule circonstance qu’une partie du bâtiment soit hors gabarit défini à l’article U7 du plan d’occupation des sols ne justifiant pas la démolition qui ne pourrait être que partielle et non déterminable en l’état, le préjudice de perte de vue sur mer et d’ensoleillement étant subi même en cas de respect du plan d’occupation des sols, précisant que selon arrêté du 14 janvier 2015, le maire a, au visa du plan local d’urbanisme, délivré à la SCI un permis de construire régularisant sa construction.

Elle prétend, sur la violation du droit de propriété et le trouble de voisinage, que les articles 1382 et 1383 du code civil ne peuvent constituer une référence pertinente dès lors que la SCI a construit en vertu d’un permis de construire avant toute annulation ; aucune pièce n’est produite quant à la propriété du muret, la démolition ne pouvant intervenir, en tout cas, au delà de l’emprise du muret ; la réalité du trouble de voisinage ne peut s’apprécier qu’au regard de l’environnement, sur lequel nul n’a de droit acquis.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’intervention volontaire accessoire est recevable, à l’énoncé de l’article 330 du code de procédure civile, si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir une partie.

La prétendue erreur de droit du premier juge, invoquée par la commune, alors que le respect du droit ne fait pas partie des intérêts dont elle a la charge, ne peut constituer l’intérêt visé par ce texte, d’autant qu’elle conclut au rejet des demandes présentées par cette SCI à son encontre. Faute d’appuyer une partie, il convient de déclarer la commune irrecevable en son intervention. Par voie de conséquence, toute demande à son encontre sera déclarée irrecevable.

Aux termes de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, dans sa version antérieure à la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement, lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité constatée par la juridiction administrative. L’action en responsabilité civile se prescrit, en pareil cas, cinq ans après l’achèvement des travaux.

Cet article, dans sa version issue de la loi précitée, précise en son dernier alinéa que lorsque l’achèvement des travaux est intervenu avant la publication de cette loi, la prescription antérieure continue à courir selon son régime.

Le certificat de conformité de l’immeuble ayant été délivré le 28 janvier 1999, les travaux étaient nécessairement achevés à cette date. L’action tendant à la réparation du préjudice résultant de la violation par la SCI des règles de l’urbanisme ayant été engagée par Mme X selon acte d’huissier de justice délivré le 10 avril 2008, il convient, infirmant le jugement, de la déclarer prescrite pour l’avoir été au delà du délai de cinq ans prévu par le texte précité. La demande de démolition est donc irrecevable, tout comme le sont les demandes subséquentes de dommages et intérêts.

Il est certain que l’un des voisins ne peut pratiquer, à l’énoncé de l’article 662 du code civil, dans le corps d’un mur mitoyen aucun enfoncement, ni y appliquer aucun ouvrage sans le consentement de l’autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler par experts les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l’autre.

Mme X, qui revendique la propriété privative d’un muret, prétend que la SCI aurait adossé et scellé le mur de sa maison sur ce muret et un pilier de celui-ci. Cependant, la preuve de l’appui du mur du garage de la SCI ou de son scellement dans ce mur n’étant pas rapportée, il convient de la débouter de sa demande d’indemnité sans qu’il soit nécessaire de déterminer le caractère mitoyen, allégué par la SCI, ou privatif de ce muret.

La responsabilité pour troubles de voisinage est une responsabilité sans faute prouvée, un trouble anormal de voisinage étant suffisant, indépendamment de la preuve de toute faute ou de l’inobservation d’une disposition législative ou réglementaire, pour engager la responsabilité de son auteur.

Il est certain que la construction de la SCI, si elle a été édifiée vingt ans après celle de Mme X, était prévisible, comme se trouvant dans un lotissement situé dans une zone géographique de villégiature. Cependant, Mme X subit un dommage qui apparaît anormal en ce qu’il résulte de l’implantation du bâtiment de la SCI, en limite de propriété, à 3 m de ses portes et fenêtres, d’une hauteur supérieure à 3 m, entraînant sur la façade Ouest une réduction de l’ensoleillement affectant quatre pièces de sa maison et la perte partielle d’une vue sur mer. Si la SCI prétend que les pièces de vie de l’habitation ne sont pas affectées et que Mme X garde intacte une vue sur mer en façade Nord, les plans versés au débat font apparaître, que le séjour et le salon sont affectés, outre une chambre en rez de chaussée et une chambre à l’étage, par ailleurs, il importe peu que la vue sur mer n’ait pas disparu en façade Nord puisqu’elle n’existe plus partiellement en façade Ouest. Il convient de condamner la SCI à réparer le préjudice causé à Mme X en la condamnant au paiement d’une somme de 25 000 euros de dommages et intérêts.

Pour réclamer le paiement d’une somme de 150 000 euros, Mme X allègue une perte de valeur de sa propriété et prétend en justifier par une attestation de son notaire. Cependant, si elle soutient que la vue sur mer dont elle a été privée fait toute la valeur d’une maison dans une commune littorale, il faut relever, comme dit ci-dessus, que la vue sur mer a été conservée en façade Nord. Il est cependant certain que la hauteur de la construction de la SCI et son implantation en limite de sa propriété ont créé une perte de lumière de la construction de Mme X ayant pour conséquence une moins-value. Il convient de réparer ce préjudice en condamnant la SCI au paiement de dommages et intérêts de 50 000 euros.

La responsabilité des constructeurs vis à vis du maître de l’ouvrage condamné à réparer les dommages causés à un tiers sur le fondement des troubles anormaux de voisinage est, dés lors qu’il n’a pas indemnisé la victime, de nature contractuelle et il lui appartient de faire la preuve de la faute ayant causé les troubles en n’exécutant pas correctement leur prestation, le recours subrogatoire ne lui étant ouvert que lorsqu’il a indemnisé la victime.

L’article 1792-4-3 qui fixe à dix ans suivant la réception des travaux, le délai pour agir contre les constructeurs sur le fondement de la responsabilité de droit commun, est applicable à l’action engagée par le maître de l’ouvrage. Si

ce texte est issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, antérieurement, la jurisprudence appliquait une prescription décennale courant à compter de la réception des travaux aux actions exercées contre les constructeurs.

La SCI ayant assigné la SMABTP et l’architecte par actes d’huissier délivrés le 24 juillet 2008 alors que la réception de son immeuble était intervenue le 20 juillet 1998, il convient, infirmant le jugement de la déclarer prescrite en son action.

La SCI qui succombe sera condamnée au paiement des entiers dépens tant de première instance que d’appel et d’une indemnité de procédure de 3 000 euros en faveur de Mme X. Toute autre partie sera déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Déclare la commune de Lancieux irrecevable en son intervention volontaire ;

Déclare irrecevable toute demande à son encontre ;

Infirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;

Déclare Mme Y X prescrite en son action tendant à la réparation du préjudice résultant de la violation par la SCI Liancieux des règles d’urbanisme ;

Déclare irrecevable la demande de démolition et les demandes subséquentes ;

Condamne la SCI Liancieux à payer à Mme Y X des dommages et intérêts de 25 000 euros en réparation du trouble anormal de voisinage et de 50 000 euros en réparation de la perte de valeur de l’immeuble ;

Déclare prescrite l’action en garantie engagée par la SCI Liancieux contre la SMABTP et Mme C D G ;

Condamne la SCI Liancieux au paiement des entiers dépens de première instance et des entiers dépens d’appel, lesquels seront recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

La condamne à payer à Mme Y X une indemnité de procédure de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF L – D. HUBERT

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