Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 5 décembre 2017, n° 17/00819

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 4e ch. com., 5 déc. 2017, n° 17/00819
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 17/00819
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 25 juin 2012, N° 2011F00863
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 05 DECEMBRE 2017

(Rédacteur : Monsieur Robert CHELLE, Président)

N° de rôle : 17/00819

La SAS SAINT-CYR CAPITALISATION

c/

- Monsieur E X

- Madame F C épouse X

Nature de la décision : RENVOI SUR CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

jugement rendu le 26 juin 2012 par la 3e Chambre du Tribunal de Commerce de BORDEAUX (2011F00863) suivant déclaration de saisine en date du 8 février 2017, suite à un arrêt rendu le 21 juin 2016 (Pourvoi n° M 14-29.874) par la Chambre Commerciale, Financière et Économique de la Cour de Cassation cassant l’arrêt de la Deuxième Chambre Civile de la Cour d’Appel de BORDEAUX du 27 novembre 2014

DEMANDERESSE :

La SAS SAINT-CYR CAPITALISATION, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître E ROTA, de la Société d’Avocats FIDAL, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE)

DEFENDEURS :

Monsieur E X, né le […] à […]

Madame F C épouse X, née le […] à […]

représentés par Maître Aurélia POTOT-NICOL substituant Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 novembre 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Dominique PETTOELLO, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur G H

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

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FAITS ET PROCÉDURE

Le 3 septembre 2001, M. et Mme X ont cédé à la SAS Saint-Cyr Capitalisation (la société Saint-Cyr), dont le siège est à La Celle Saint-Cloud (Yvelines), pour le prix de 533 571,56 euros, l’intégralité de leurs parts sociales de la société Bricocyr qui exploitait à Saint-Cyr l’Ecole (Yvelines), rue du Docteur Z, un fonds de commerce de A sous l’enseigne « Monsieur A ».

En parallèle à l’achat des parts de la société Bricocyr par la société Saint-Cyr, cette même société et son dirigeant M. B à titre personnel ont acquis les parts de la SCI « société civile de la rue du Docteur Z », qui détenait en crédit-bail immobilier les locaux où étaient exploités le magasin « Monsieur A » de Saint-Cyr l’Ecole.

Dans l’acte de cession des parts de la société Bricocyr, les époux X indiquaient ne pas avoir connaissance d’un événement pouvant avoir un effet défavorable sur la situation, l’activité ou le fonctionnement de la société. Or, la société Saint-Cyr a exposé avoir appris fortuitement le 19 octobre 2001 l’existence d’un projet d’implantation à Bois d’Arcy, non loin du magasin « Monsieur A », d’un autre commerce de A sous l’enseigne « Leroy Merlin ».

La société Saint-Cyr a alors assigné les cédants le 27 février 2002 devant le tribunal de commerce d’Évreux qui, par jugement du 3 octobre 2003, a notamment dit que les époux X avaient commis une faute en ne mentionnant pas l’existence du projet d’exploitation de « Leroy Merlin », mais a débouté en l’état la société Saint-Cyr de sa demande de dommages-intérêts.

Par arrêt du 7 avril 2005, la cour d’appel de Rouen a, pour l’essentiel, confirmé le jugement en celles de ses dispositions qui ont retenu une faute des époux X pour ne pas avoir donné connaissance à la société Saint-Cyr du projet d’implantation d’un magasin Leroy Merlin, et en celles qui ont débouté la société Saint-Cyr de sa demande de dommages et intérêts. La cour d’appel a ajouté que la faute commise par les époux X était une réticence dolosive.

Le pourvoi en cassation des époux X à l’encontre de cet arrêt a été déclaré non admis.

Le magasin à l’enseigne « Leroy Merlin » a finalement ouvert ses portes au mois de mai 2006. Le magasin « Monsieur A » de Saint-Cyr l’Ecole de la société Saint-Cyr, a fermé définitivement en septembre 2008. La société Saint-Cyr a alors ouvert le 13 octobre 2008 un établissement similaire à La Celle Saint-Cloud, toujours actuellement en activité.

La société Saint Cyr, par acte du 18 août 2011, a assigné M. et Mme X, désormais domiciliés en Gironde, devant le tribunal de commerce de Bordeaux, pour demander leur condamnation à lui payer la somme principale de 769 412 euros en réparation du préjudice qu’elle estimait alors né et actuel.

Par jugement du 26 juin 2012, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

Déclaré recevables les demandes de la société Saint-Cyr Capitalisation,

Dit bien fondées les demandes de la société Saint-Cyr Capitalisation,

Condamné solidairement Monsieur E X et Madame F X à payer à la société Saint-Cyr Capitalisation la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamné solidairement Monsieur E X et Madame F X à payer à la société Saint-Cyr Capitalisation la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamné solidairement Monsieur X et Madame X aux dépens.

Par déclaration du 3 juillet 2012, la société Saint-Cyr Capitalisation a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 27 novembre 2014, la Cour d’appel de Bordeaux a :

Confirmé le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable la demande de la société Saint-Cyr Capitalisation et a fait application à son profit des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1 500 euros,

L’a réformé pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamné les époux X à payer à la société Saint-Cyr Capitalisation une somme de 60 000 euros de dommages et intérêts outre 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Saint-Cyr Capitalisation aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Saint-Cyr Capitalisation a formé un pourvoi en cassation et M. et Mme X ont formé un pourvoi incident.

Par arrêt du 21 juin 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il confirme le jugement déféré en ce qu’il a fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamne les époux X à payer à la société Saint Cyr capitalisation une somme de 60 000 euros de dommages intérêts outre celle de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Bordeaux, autrement composée.

Par déclaration du 8 février 2017, la société Saint-Cyr Capitalisation a saisi la cour d’appel de Bordeaux, ainsi désignée comme juridiction de renvoi.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 20 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses moyens et arguments, la société Saint-Cyr Capitalisation demande à la cour de :

Dire et juger la société SAINT-CYR CAPITALISATION aussi recevable que bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Débouter les époux X de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en ce qu’il a :

o Déclaré recevables les demandes de la société SAINT-CYR CAPITALISATION.

o Dit bien fondées les demandes de la société SAINT-CYR CAPITALISATION à l’égard de Madame et Monsieur X en ce qu’ils se sont rendus responsables de man’uvres dolosives au préjudice de la société SAINT-CYR CAPITALISATION.

o Condamné solidairement les époux X au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure ainsi qu’aux entiers dépens de première instance.

L’infirmer pour le surplus et notamment en ce qu’il a cantonné les dommages et intérêts alloués à la société SAINT-CYR CAPITALISATION à la somme de 30.000 euros.

Statuant de nouveau,

[…],

Dire et juger que préjudice subi par la société SAINT-CYR CAPITALISATION doit être déterminé en fonction de l’excès de prix qu’elle a été conduite à payer en raison des man’uvres dolosives dont elle a été victime.

Condamner, in solidum, Madame X F, née C et Monsieur X E au paiement de la somme de 487.836,85 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

SUBSIDIAIREMENT,

Dire et juger que le préjudice subi par la société SAINT-CYR CAPITALISATION doit être déterminé par la perte de chance de percevoir les revenus attendu de 2006 à 2008, date de la fin de l’exploitation du magasin de SAINT-CYR L’ECOLE.

Dire et juger que cette perte de chance doit être fixée à 50 % du préjudice financier et matériel réellement subi par SAINT-CYR CAPITALISATION.

Condamner, in solidum, Madame X F, née C et Monsieur X E au paiement de la somme de 307.764,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

[…],

Condamner, in solidum, Madame X F, née C et Monsieur X E au paiement de la somme de 758.079 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

[…],

Avant dire droit,

Désigner tel expert qui plaira au Tribunal avec mission de :

o Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission et entendre tout sachant,

o Se rendre sur tous lieux qu’il estime utiles,

o Analyser l’ensemble des comptes annuels de la société BRICOCYR de 1998 à 2008.

o Déterminer, à partir de cette analyse, le préjudice matériel et financier subi par la société SAINT-CYR CAPITALISATION.

o Fournir au Tribunal tous les éléments permettant de déterminer le préjudice matériel et financier subi par la société SAINT-CYR CAPITALISATION au titre de la perte de chance.

o S’expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de mission sur les dires et observations des parties après leur avoir fait part de ses pré-conclusions.

o Se faire assister par tout sapiteur si les faits relèvent d’un domaine technique à la frontière de ses compétences ;

Dire que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat Greffe de ce Tribunal dans le délai de 6 mois à compter de sa désignation ;

Dire qu’il sera référé au Juge en cas de difficultés,

Fixer le montant de la provision à consigner au Greffe, à titre d’avance sur les honoraires de l’expert, dans le délai qui sera imparti par le jugement à intervenir,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

Rejeter toutes demandes adverses plus amples ou contraires

Condamner in solidum Madame X F, née C et Monsieur X E au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Outre les diverses demandes reprises intégralement ci-dessus de « dire que », qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, la société Saint-Cyr Capitalisation fait en sus notamment valoir :

Sur la recevabilité de sa demande, que l’autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée puisqu’elle a été écartée par toutes les décisions intervenues ; que ses demandes indemnitaires ne sont en effet pas identiques à celles soumises à la Cour d’appel de Rouen dès lors que ces dernières ont été rejetées en raison de leur caractère prématuré ; que les demandes présentées devant la Cour d’appel de Rouen étaient fondées sur l’article 1116 du code civil au titre du dol, à l’inverse des présentes, fondées sur l’article 1382 du code civil au titre de la perte de chance ; que l’autorité de la chose jugée n’est attachée qu’au dispositif à l’exclusion des motifs, or le dispositif de l’arrêt de la Cour d’appel de Rouen ne la déboute pas de sa demande au titre du préjudice lié à la perte de chance ; que le litige soumis à la Cour a évolué par rapport à celui soumis à la Cour d’appel de Rouen en raison de la concrétisation du préjudice par l’ouverture du magasin à l’enseigne de Leroy Merlin.

Sur sa demande d’indemnisation, que les fautes retenues à l’encontre des époux X au titre du dol sont établies par des décisions définitives et irrévocables ; que le préjudice qu’elle a subi correspond à la baisse du chiffre d’affaires connue après l’ouverture du magasin Leroy Merlin à proximité et s’élève à 450 000 euros ; qu’elle s’est vue contrainte d’engager des frais de réinstallation dans un nouveau magasin ; que l’argument des intimés selon lequel la société Saint-Cyr Capitalisation aurait réalisé une plus-value en cédant le terrain sur lequel la société Bricocyr exploitait son activité n’est pas justifié en ce que la SCI propriétaire du terrain est distincte de la société Saint-Cyr, que le déménagement a pour seule origine les fautes commises par les époux X et que cela ne retire rien au préjudice financier qu’elle a subi ; que si elle avait été informée de l’ouverture à venir du magasin Leroy Merlin, elle n’aurait pas acquis les parts sociales de la société Bricocyr ou les aurait acquis pour un prix moindre.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 2 juin 2017, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. et Mme X demandent à la cour de :

Faisant droit à l’appel incident des époux X,

Constater que le préjudice réparable de la société SAINT CYR CAPITALISATION correspond uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, ou de ne pas contracter.

Constater que la Cour d’Appel de ROUEN dans son arrêt en date du 7 avril 2005 a définitivement débouté la société SAINT CYR CAPITALISATION de ses demandes liées à l’indemnisation de la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, ou de ne pas contracter.

En conséquence, vu l’article 480 du Code de Procédure Civile, dire les demandes de la société SAINT CYR CAPITALISATION irrecevables.

A titre subsidiaire,

dire ces demandes mal fondées et l’en débouter.

Débouter la société SAINT CYR CAPITALISATION de ses demandes tendant à voir la Cour ordonner une mesure d’expertise.

Débouter la société SAINT CYR CAPITALISATION de l’intégralité de ses demandes.

Condamner la société SAINT CYR CAPITALISATION à payer à Monsieur et Madame X la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et la condamner aux dépens.

Outre les diverses demandes reprises intégralement ci-dessus de « Constater », qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, M. et Mme X font en sus notamment valoir :

Sur la recevabilité des demandes de la société Saint-Cyr Capitalisation, qu’il ressort de l’arrêt de la Cour de cassation que la société Saint-Cyr Capitalisation ayant fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat suite au dol, son préjudice réparable correspond uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, ou de ne pas contracter, or la société Saint-Cyr Capitalisation a déjà été déboutée à ce titre par la cour d’appel de Rouen ayant notamment statué sur la demande du chef de la perte de chance, contrairement aux chefs de la perte du chiffre d’affaires et des frais de déménagement.

Sur la demande d’indemnisation de la société Saint-Cyr Capitalisation, que l’appelante ne peut pas se plaindre d’une perte de chance d’acquérir Bricocyr dans des conditions plus avantageuses si elle avait connu le projet d’implantation du magasin Leroy Merlin dès lors qu’elle a refusé de revendre pratiquement immédiatement la société au même prix qu’elle venait de payer; que l’opération d’ensemble a en réalité bénéficié à la société Saint-Cyr Capitalisation ; qu’en effet, les résultats des cinq premières années d’exploitation du fonds de commerce ont permis à la société Saint-Cyr Capitalisation de financer le prix de son acquisition ; que, de plus, en même temps que l’acquisition de société Bricocyr, la société Saint-Cur capitalisation a acquis auprès des époux X la SCI de la rue du docteur Z qui était titulaire d’un crédit-bail portant sur les locaux où la société Bricocyr exploitait son fonds de commerce pour un montant de 7 500 euros ; or, en vertu du contrat de crédit-bail, la SCI de la rue du docteur Z a acquis la propriété de l’ensemble immobilier pour la valeur résiduelle de 307 035,19 euros et revendu l’immeuble pour un montant de 2 500 000 euros ; que le déménagement du fonds de commerce ne s’explique pas par la concurrence exercée par le magasin Leroy Merlin mais par l’opération immobilière indiquée ; que la société Saint-Cyr Capitalisation ne rapporte pas la preuve que la baisse du chiffre d’affaires à partir de 2006 est imputable à l’installation du magasin Leroy Merlin ; à titre infiniment subsidiaire; que l’évaluation de la perte de chance faite par la société Saint-Cyr Capitalisation est fantaisiste.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la saisine de la cour

La recevabilité de la saisine de la présente cour sur renvoi de la Cour de cassation n’est pas contestée.

Sur le périmètre de la saisine de la cour d’appel de renvoi

A. Les décisions déjà intervenues dans le présent litige

Pas moins de six décisions ont déjà été rendues dans ce litige :

1. Jugement du tribunal de commerce d’Evreux du 9 octobre 2003

Par son jugement du 9 octobre 2003, le tribunal de commerce d’Evreux a :

Dit que M. et Mme X ont commis une faute en ne mentionnant pas l’existence du projet d’implantation Leroy Merlin dans l’acte de cession des actions de la société Bricocyr au profit de la société Saint-Cyr Capitalisation,

Débouté en l’état la société Saint-Cyr Capitalisation de sa demande de dommages-intérêts.

2. Arrêt de la cour d’appel de Rouen du 7 avril 2005

L’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 7 avril 2005 a :

pour l’essentiel, confirmé le jugement en celles de ses dispositions qui ont retenu une faute des époux X pour ne pas avoir donné connaissance à la société Saint-Cyr du projet d’implantation d’un magasin Leroy Merlin, et en celles qui ont débouté la société Saint-Cyr de sa demande de dommages et intérêts.

la cour d’appel a ajouté que la faute commise par les époux X était une réticence dolosive,

statué sur la recevabilité des diverses demandes financières de la société Saint-Cyr, pour en définitive débouter cette société de ses demandes.

Arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2006

Par cet arrêt, la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoir de M. et Mme X contre l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 7 avril 2005.

Jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 26 juin 2012 :

Le tribunal de commerce de Bordeaux était saisi par la nouvelle assignation du 18 août 2011 d’une demande unique présentée par la société Saint-Cyr de condamnation in solidum des époux X à des dommages-intérêts d’un montant de 769 412 euros, demande qui apparaît, aux termes du jugement, être scindée en 450 000 euros au regard des comptes de Bricocyr depuis son rachat (soit 150 000 euros par an x 3 ans), et 319 412 euros pour déménagement du magasin.

Le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux, dont la présente juridiction est donc de nouveau saisie, ne contenait pas de disposition utile qui n’aurait pas été confirmée ou infirmée par la cour d’appel le 27 novembre 2014, puisqu’il est ainsi libellé :

Déclare recevables les demandes de la société Saint-Cyr, (disposition confirmée par la cour d’appel et non cassée par la Cour de cassation)

Dit bien fondées les demandes de la société Saint-Cyr (cette disposition, superfétatoire, est implicitement confirmée en son principe par la cour d’appel lorsqu’elle condamne les époux X à indemniser la société)

Condamne solidairement (disposition statuant ultra petita, la demande étant d’une condamnation in solidum) M. et Mme X à payer à la société Saint-Cyr la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, (disposition réformée par la cour d’appel non en son principe mais en son quantum)

Condamne solidairement M. et Mme X à payer à la société Saint-Cyr la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, (disposition confirmée par la cour d’appel et cassée par la Cour de cassation),

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, (disposition désormais sans objet)

Condamne solidairement M. et Mme X aux dépens. (disposition infirmée par la cour d’appel et non cassée par la Cour de cassation)

Le tribunal avait estimé, répondant déjà à un moyen d’irrecevabilité pour autorité de la chose jugée soulevé par les époux X, que la cour d’appel de Rouen n’avait tranché qu’une partie du litige, sur les man’uvres dolosives dont les époux X s’étaient rendus coupables envers la société Saint-Cyr, mais que cette cour ne pouvait que débouter la société de sa demande de dommages-intérêts, qui ne pouvait pas être jugée tant que l’ouverture du magasin Leroy Merlin n’était pas effective.

Sur le préjudice, le tribunal de commerce a relevé que la moyenne des résultats entre 2001 et 2005 n’était que de 90 000 par an alors que la société demandait 150 000 par an, et qu’elle ne fournissait pas les résultats de son magasin ouvert à La Celle Saint-Cloud, de nature à nuancer le préjudice subi.

Le tribunal avait alors écrit que, « usant de son pouvoir souverain d’appréciation », il condamnait les époux X à payer 30 000 euros de dommages-intérêts, « tout chef de préjudice confondu ».

5. Arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 27 novembre 2014

La cour d’appel de Bordeaux était saisie par la société Saint-Cyr, appelante, d’une demande de réformation du jugement en ce qu’il avait limité l’indemnisation à 30 000 euros, et de la condamnation in solidum des époux X à lui payer 769 412 euros de dommages-intérêts.

La cour d’appel a alors statué ainsi :

— le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable la demande de la SAS SAINT CYR CAPITALISATION (partie de la disposition NON CASSEE par la Cour de cassation) et a fait application à son profit des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1500 € (partie de la disposition cassée par la Cour de cassation)

— le réforme pour le surplus

statuant à nouveau

— condamne les époux X à payer à la SAS SAINT CYR CAPITALISATION une somme de 60 000 € de dommages et intérêts outre 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile (Disposition cassée par la Cour de cassation)

— condamne la SAS SAINT CYR CAPITALISATION aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. (Disposition non cassée par la Cour de cassation)

La cour d’appel avait donc décidé de déclarer la demande d’indemnisation de la société Saint-Cyr recevable, d’y faire droit, comme le tribunal de commerce, et avait augmenté le quantum des dommages-intérêts accordés, restant toutefois très en deçà du montant demandé par l’appelante.

6. Arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 2016

Cet arrêt a été rendu sur le pourvoi de la société Saint-Cyr, qui reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir rétabli l’équilibre détruit par le dommage, alors que le dol était la cause exclusive de la fermeture du magasin qu’elle exploitait et que les époux X devaient être tenus de la totalité des pertes subies et du gain manqué.

M. et Mme X avaient déposé un pourvoi incident pour critiquer la décision de recevabilité de la demande, en se prévalant de l’autorité de la chose jugée par la cour d’appel de Rouen le 7 avril 2005.

Il doit d’abord être relevé que la cassation de l’arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux n’est que partielle, comme prévu par l’article 623 du code de procédure civile.

L’arrêt de la Cour de cassation est ainsi libellé :

« CASSE ET ANNULE [l’arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux], mais seulement en ce qu’il

[1.] confirme le jugement déféré en ce qu’il a fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

et [2.] condamne les époux X à payer à la société Saint-Cyr capitalisation une somme de 60 000 euros de dommages-intérêts outre celle de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, (…) »

Or, l’arrêt de la cour de Bordeaux comportait deux autres dispositions qui ne sont pas concernées par la cassation partielle :

« confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable la demande de la société Saint-Cyr, (…)

condamne SAS SAINT CYR CAPITALISATION aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. »

Il en résulte que ces dispositions de l’arrêt du 27 novembre 2014 non cassées sont devenues définitives.

Sur le fond, l’arrêt de la Cour de cassation reproche à la cour d’appel, au visa des articles 1116 et 1382 du code civil, d’avoir, pour déterminer le préjudice de la société Saint-Cyr, retenu des considérations sur le chiffre d’affaires et sur les explications possibles de sa baisse à partir de l’exercice 2005/2006, et a statué en ces termes :

« Qu’en statuant ainsi, alors que la société Saint-Cyr ayant fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat à la suite du dol dont elle avait été victime, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, ou de ne pas contracter, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

B. Chefs à trancher par la présente cour de renvoi

Il résulte des prétentions des parties que la présente cour d’appel est saisie :

— De la demande de la société Saint-Cyr, appelante, de condamnation in solidum des époux X :

— à lui payer des dommages-intérêts à hauteur de :

487 836,85 euros à titre principal,

307 764,80 euros à titre subsidiaire,

758 079 euros à titre plus subsidiaire,

ou d’ordonner une expertise sur son préjudice, à titre infiniment subsidiaire.

15 000 euros au titre de l’article 700 du CPC; en tout état de cause.

— aux dépens de première instance et d’appel.

— De la fin de non recevoir opposée par les époux X, intimés, sur le fondement de l’autorité de la chose jugée,

— De la demande les époux X de débouté de la société Saint-Cyr en toutes ses demandes,

— De la demande des époux X de condamnation de la société Saint-Cyr à leur payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens.

Sur la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée

En préalable, la présente cour doit statuer sur une demande d’irrecevabilité des prétentions de la société Saint-Cyr, soutenue par M. et Mme X qui soulèvent l’autorité de la chose jugée par la cour d’appel de Rouen.

Il font valoir qu’il résulte clairement de l’arrêt de la Cour de cassation que le préjudice réparable de la société Saint-Cyr correspond uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter dans des conditions plus avantageuses, ou de ne pas contracter, alors que cette société a d’ores et déjà été définitivement déboutée de toute réclamation à ce titre par l’arrêt de la cour d’appel de Rouen.

Ils estiment que le fait que la Cour de cassation ait déclaré les demandes liées aux pertes et frais recevables en raison d’une modification antérieure, n’a pas d’incidence ; que si ces postes de préjudice étaient prématurés en 2005, il n’en était pas de même concernant la perte de chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ou de ne pas contracter.

Aux termes des dispositions de l’article 1351 ancien du code civil, figurant désormais à l’article 1355 à compter du 1er octobre 2016, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

En l’espèce,

Il ressort des conclusions de la société Saint-Cyr devant la cour d’appel de Rouen (pièce n° 5 des époux X) :

— que, au titre des préjudices dont elle demandait réparation, la société faisait état (page 10) d’un préjudice subi :

« Lors de la vente :

Il est évident que la si société concluante avait eu connaissance de ce projet d’implantation de la société Leroy Merlin, qui exerce exactement le même type d’activité, à seulement 5 kms :

soit elle n’aurait pas contracté,

soit elle aurait contracté mais avec des conditions différentes.

En aucun cas, elle n’aurait réglé la somme de 3 500 000 francs, 533 571,59 euros, et repris l’engagement figurant au crédit bail immobilier comportant une clause d’indemnisation pour rupture anticipée aussi importante (voir page 64 et 75 du contrat de crédit bail immobilier).

La pérennité du magasin Monsieur A dont la société St Cyr Capitalisation s’est portée acquéreur ne peut être appréciée de la même façon suivant qu’il existe ou non un risque d’implantation d’une grande surface concurrente dont la surface d’exploitation est près de 15 fois supérieure !

(…) »

— que le visa des textes précédant les prétentions est le suivant :

« Vu les articles 1108, 1134, 1135 et 1382 du Code Civil »

— que les prétentions financières étaient ainsi divisées (dispositif page 13) :

« 

au titre des dommages-intérêts pour dol et inexécution de l’obligation de loyauté, d’information et de renseignements : 300 000 euros ;

au titre du préjudice lié à la perte d’exploitation : 2 308 938,75 euros ;

au titre du préjudice résultant de l’obligation de financer des procédures administratives : 30 000 euros ;

au titre du préjudice moral : 7 500 euros.

»

outre des demandes de 245 940,05 euros pour « perte de la valeur des parts sociales et de la SCI de la rue du Docteur Z détenues par St Cyr Capitalisation et en paiement de l’indemnité de rupture soit 245 940,05 euros » et « au titre de la perte d’une chance pour la

SCI de devenir propriétaire de l’immeuble au paiement de la somme de 1 800 000 euros HT.

Or, il ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 7 avril 2005 (pièce n° 3 des époux X) que cette cour, après avoir écarté « les demandes des sommes de 2 308 908,75 euros (incidence sur le résultat d’exploitation), de 245 940,05 euros (incidence de la résiliation du contrat de crédit bail), et de 1 800 000 euros (perte d’une chance de devenir propriétaire) » comme n’étant que des préjudices éventuels, a entendu examiner :

« Le préjudice lié au dol lui-même, qui a pu amener la société Saint-Cyr à négocier le prix dans des conditions moins favorables que si elle avait eu connaissance du projet, pour lequel elle sollicite une somme de 300 000 € »

Et, sur ce point, c’est à juste titre que les époux X relèvent que la cour de Rouen a clairement débouté la société Saint-Cyr, par les motifs suivants :

« S’agissant du préjudice lié au dol lui-même, les époux X versent aux débats plusieurs courriers de Monsieur D dont il résulte que ce dernier, qui s’était porté candidat à l’acquisition en même temps que la société SAINT CYR et au même prix, voire à un prix plus élevé, tout en ayant connaissance par Monsieur X du projet de magasin LEROY MERLIN, mais n’avait pu obtenir son prêt aussi rapidement, a fait une proposition de rachat à la société SAINT CYR le 30 novembre 2001, toujours au même prix, après avoir appris que cette société cherchait à revendre, et qu’il s’est vu opposer un refus.

La société SAINT CYR ne conteste pas la réalité de cette offre et ne s’explique pas sur son refus de céder le magasin MONSIEUR A au prix où elle venait de l’acquérir.

En conséquence, elle est mal fondée à prétendre avoir subi un préjudice résultant du fait que la connaissance du projet d’implantation lui aurait permis de négocier un prix moins élevé.

La partie appelante sera en conséquence déboutée de ce chef. »

Le dispositif de l’arrêt, sur ce point, est ainsi rédigé :

« Confirme le jugement entrepris en celles de ses dispositions qui ont retenu une faute des époux X pour ne pas avoir donné connaissance à la société Saint-Cyr Capitalisation du projet d’implantation d’un magasin Leroy Merlin, en celles qui ont débouté la société Saint-Cyr Capitalisation de sa demande de dommages et intérêts (…) »

Il apparaît donc bien, comme le soutiennent les époux X, que l’action en réparation du dol, pour compenser la perte de chance d’avoir contracté à un prix moindre ou de ne pas avoir contracté, a déjà été définitivement jugée, pour être rejetée, par la cour d’appel de Rouen le 7 avril 2005, de sorte que la société Saint-Cyr n’est plus recevable à la présenter de nouveau.

* * *

Les arguments opposés par la société Saint-Cyr à l’encontre de l’irrecevabilité ne sont pas fondés. En effet :

Il ne peut être opposé à M. et Mme X qu’ils méconnaitraient eux-mêmes l’autorité de la chose jugée définitivement, au motif que la cour d’appel de Bordeaux a confirmé la recevabilité de la demande prononcée par le tribunal de commerce de Bordeaux, et que cette disposition n’a pas été cassée par la Cour de cassation, qui, au contraire, a expressément rejeté leur pourvoi incident en ce sens. En effet, la Cour de cassation n’a pas été saisie, et ne l’a donc pas tranchée, de la question de la recevabilité d’une nouvelle action fondée sur le dol et la perte de chance. La discussion sur la recevabilité devant elle portait en effet seulement sur la recevabilité de l’action pour perte de gains intentée en 2011 par la société Saint-Cyr et déclarée recevable par le tribunal de commerce et la cour d’appel de Bordeaux.

La première décision de la cour d’appel de Bordeaux, confirmée par la Cour de cassation, n’a donc pas autorité de chose jugée sur la question de recevabilité d’une demande au titre de la perte de chance de contracter pour un prix moindre.

Il ressort bien, outre de l’arrêt partiellement cassé, des conclusions même de la société Saint-Cyr à l’époque, qu’elle poursuivait l’indemnisation de son préjudice composé de « perte de chiffre d’affaires et des bénéfices correspondant : 450 000 euros » (ses conclusions n° 3 du 02 juillet 2014 devant la cour de Bordeaux page 21), à raison d’une « perte de 150 000 euros de bénéfices sur trois exercices », ainsi que d’une « indemnité due au titre du déménagement/frais de réinstallation : 308 079 euros ».

Ensuite, il ne saurait être opposé que l’autorité de la chose jugée ne résiderait que dans le dispositif de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen. En effet, comme l’a déjà jugé la présente cour dans sa décision partiellement cassée, approuvée en cela par la Cour de cassation, s’il est vrai que l’autorité de la chose jugée s’attache au dispositif et que les motifs d’une décision ne bénéficient pas de l’autorité de la chose jugée, il n’est pas pour autant interdit d’éclairer la portée du dispositif d’une décision par ses motifs.

Or, comme analysé ci-dessus, si le dispositif de l’arrêt de la cour de Rouen ne mentionne pas de distinction entre les préjudices dont le rejet par le tribunal de commerce est confirmé, il ressort des motifs de l’arrêt que la cour a, d’une part, débouté la société Saint-Cyr de sa demande relative « au dol lui-même » qui l’a empêchée de négocier un prix moins élevé, au motif qu’elle avait refusé de revendre le magasin au même prix et, d’autre part, débouté celle-ci de ses demandes au titre des pertes subies car elle n’étaient qu’éventuelles puisque le concurrent ne s’était pas encore installé.

De même, l’évolution du litige qui réside dans l’ouverture du magasin concurrent postérieurement à la décision de la cour d’appel de Rouen est ici indifférente, puisque le chef de préjudice ici discuté n’est pas au nombre de ceux qui n’étaient qu’éventuels en 2005, le dol invoqué étant nécessairement contemporain de la signature du contrat.

Enfin, la société Saint-Cyr n’est pas fondée à opposer que les conditions de l’article 1351 du code civil ci-dessus ne sont pas réunies, en ce que la perte de chance dont il est demandé aujourd’hui réparation serait fondée sur la responsabilité civile délictuelle et l’article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 nouveau, alors que les demandes présentées devant la cour d’appel de Rouen auraient été intégralement fondées sur l’article 1116 ancien du même code.

En effet, la seule différence de fondement juridique entre deux demandes ayant le même objet est insuffisante à écarter la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée.

* * *

Les demandes indemnitaires de la société Saint-Cyr, tant principale que subsidiaires, doivent en conséquence être déclarées irrecevables.

Partie tenue aux dépens de la présente instance sur renvoi de la Cour de cassation, la société Saint-Cyr paiera à M. et Mme X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et sur renvoi de la Cour de cassation,

Déclare recevable la saisine de la présente cour sur renvoi de la Cour de cassation,

Déclare irrecevables les demandes de condamnation, principale et subsidiaires, présentées par la société Saint-Cyr Capitalisation à l’encontre de M. et Mme X de leur payer des sommes en raison des man’uvres dolosives qu’elle invoque,

Condamne la société Saint-Cyr à payer à M. et Mme X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Saint-Cyr aux dépens de la présente instance sur renvoi de la Cour de cassation.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. H, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 5 décembre 2017, n° 17/00819