Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 9 novembre 2023, n° 22/00210

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, ch. soc. sect. b, 9 nov. 2023, n° 22/00210
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 22/00210
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bordeaux, 9 décembre 2021, N° F19/01410
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 18 novembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

— -------------------------

ARRÊT DU : 09 NOVEMBRE 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 22/00210 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQGK

Syndicat Syndicat National Professionnel des Acteurs et Professions de l’Architecture, de l’Urbanisme, du Paysage, de la maîtrise d’Oeuvre, du conseil et de l’ingéniérie

S.A.R.L. WHY ARCHITECTURE

c/

Monsieur [N] [Y]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 décembre 2021 (R.G. n°F19/01410) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 14 janvier 2022 et du 21 janvier 2022.

Jonction avec le RG n° 22/00340 par mention au dossier le 31 janvier 2022.

APPELANTE :

S.A.R.L. WHY ARCHITECTURE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Aude GRALL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau d’AGEN

INTIMÉ :

[N] [Y]

né le 14 Mai 1987 à [Localité 5]

de nationalité Française

Profession : Architecte, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Nadia BOUCHAMA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIME (et appelant sur le RG 22/00340)

Syndicat National Professionnel des Acteurs et Professions de l’Architecture, de l’Urbanisme, du Paysage, de la Maitrise d’Oeuvre, du Conseil, et de l’Ingénierie (anciennement, syndicat National CFDT des Professions de l’Architecture et de l’Urbanisme, dit SYNATPAU,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

Représentée par Me Nadia BOUCHAMA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 septembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Valérie Collet, Conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

Selon un contrat de travail à durée déterminée du 1er septembre 2016 , la société Why Architecture a engagé M. [Y] titulaire du diplôme d’architecte en qualité de technicien, niveau 1, coefficient 260.

A compter du 1er avril 2017, la relation de travail a été régularisée en contrat à durée indéterminée.

La relation contractuelle a été soumise à la convention collective nationale des entreprises d’architecture.

Le 1er février 2019, la société Why Architecture et M. [Y] ont conclu une rupture conventionnelle avec une date de départ fixée le 15 mars 2019.

Le 1er octobre 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de :

— voir ordonner la reclassification sur un poste de catégorie 3, niveau 1, coefficient 380,

— voir condamner la société Why Architecture au paiement de diverses sommes:

— à titre de rappel de salaire sur reclassification, outre les congés payés y afférents,

— au titre du reliquat de l’indemnité de rupture,

— à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de la convention collective,

— sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— voir ordonner la remise de l’ensemble des bulletins de salaire rectifiés et des documents de fin de contrat, sous astreinte,

— voir ordonner l’exécution provisoire.

Par demande reconventionnelle, la société Why Architecture a sollicité du conseil de prud’hommes qu’il condamne M. [Y] au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat Synatpau Cfdt, intervenant volontairement à l’instance, a sollicité du conseil de prud’hommes qu’il condamne la société Why Architecture au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts du fait de la violation des dispositions conventionnelles applicables à la profession et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 décembre 2021, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a :

— dit et jugé recevable la demande de reclassification de M. [Y],

— ordonné la reclassification de M. [Y] sur un poste de catégorie 3, niveau I, coefficient 380,

— condamné la société Why Architecture à verser à M. [Y] les sommes de :

—  32 680,71 euros à titre de rappel de salaire, outre 3 268,07 euros de congés payés y afférents,

—  790,73 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture,

—  1 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

—  850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné la remise de l’ensemble des bulletins de salaire rectifiés et des documents de fin de contrat corrigés,

— débouté M. [Y] du surplus de ses demandes,

— rappelé que l’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois,

— débouté le Syndicat national Cfdt des professions de l’architecture de l’urbanisme (Synatpau Cfdt) de l’ensemble de ses demandes,

— débouté la société Why Architecture de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 14 janvier 2022, la société Why Architecture a relevé appel du jugement.

Par déclaration du 21 janvier 2022, le syndicat national Cfdt des professions de l’architecture et de l’urbanisme a relevé appel du jugement.

Les recours ont été joints sous le N°RG 22/00210.

Par ses dernières conclusions enregistrées le 18 juillet 2022, la société Why Architecture demande à la Cour de :

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

— dit et jugé recevable la demande de reclassification de M. [Y],

— ordonné la reclassification de M. [Y] sur un poste de catégorie 3, niveau I, coefficient 380,

— condamné la société Why Architecture à verser à M. [Y] les sommes de:

—  32 680,71 euros à titre de rappel de salaire, outre 3 268,07 euros de congés payés y afférents,

—  790,73 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture,

—  1 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

—  850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné la remise de l’ensemble des bulletins de salaire rectifiés et des documents de fin de contrat corrigés,

— rappelé que l’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois,

— débouté la société Why Architecture de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens,

— débouter M. [Y] de son appel incident,

— débouter le syndicat national professionnel des acteurs et professions de l’architecture, de l’urbanisme, du paysage, de la maîtrise d’oeuvre, du conseil et de l’ingénierie de son appel,

Statuant à nouveau,

— juger que M. [Y] a été rempli de ses droits,

— déclarer irrecevable sa demande de rappel de salaire au titre du mois de septembre 2016 car prescrite,

En conséquence,

— débouter M. [Y] et le syndicat Synatpau de l’ensemble de leurs demandes,

— condamner M. [Y] et le Synatpau Cfdt au paiement d’une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions enregistrées le 20 avril 2022, le syndicat national professionnel des acteurs et professions de l’architecture, de l’urbanisme, du paysage, de la maîtrise d’oeuvre, du conseil et de l’ingénierie demande à la Cour de :

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté le syndicat national professionnel des acteurs et professions de l’architecture, de l’urbanisme, du paysage, de la maîtrise d’oeuvre, du conseil et de l’ingénierie de l’ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau,

— juger recevable et bien fondée sa demande,

— condamner la société Why Architecture à lui verser les sommes suivantes :

—  10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la violation des dispositions conventionnelles applicables à la profession,

—  1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

— condamner la société Why Architecture à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, outre les entiers dépens d’appel,

— débouter la société Why Architecture de ses demandes reconventionnelles de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ses dernières conclusions enregistrées le 20 avril 2022, M. [Y] demande à la Cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

— ordonné la reclassification de M. [Y] sur un poste de catégorie 3, niveau 1, coefficient 380,

— condamné la société Why Architecture à verser à M. [Y] les sommes suivantes :

—  32 680,71 euros brut à titre de rappel de salaire sur reclassification, outre 3 268,07 euros brut au titre des congés payés afférents,

—  790,73 euros net à titre de reliquat d’indemnité spécifique de rupture,

— sur le principe, condamné la société Why Architecture à indemniser M. [Y] au titre de l’exécution fautive et à tout le moins déloyale du contrat de travail et de la convention collective,

— ordonné la remise de l’ensemble des bulletins de salaire rectifiés et des documents de fin de contrat corrigés,

Y ajoutant,

— assortir la remise des bulletins de salaire rectifiés et des documents de fin de contrat corrigés d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compte du prononcé de la décision,

— infirmer sur le quantum le jugement déféré en ce qu’il a :

— limité à 1 000 euros le montant des dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

— limité à 850 euros le montant de l’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

— condamner la société Why Architecture à verser à M. [Y] les sommes suivantes:

—  15 000 euros au titre de l’exécution fautive et à tout le moins déloyale du contrat de travail et de la convention collective,

—  2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

— condamner la société Why Architecture à verser à M. [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

— débouter la société Why Architecture de l’ensemble de ses demandes,

— la condamner aux dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 août 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

Motifs de la décision

Sur la demande de reclassification sur un poste de catégorie 3, coefficient 380

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

M. [Y] revendique le bénéfice de la classification de son emploi au niveau de la catégorie 3, niveau 1, coefficient 380 de la convention collective nationale des entreprises de l’architecture.

Selon l’article V.I de l’avenant à la convention collective en date du 17 septembre 2015, le salarié est placé à son embauche au niveau et dans la catégorie correspondant au diplôme détenu nécessaire à l’emploi et demandé par l’entreprise ; les trois critères classant, sans priorité, ni hiérarchie, permettent de définir le degré d’adéquation entre le contenu de l’emploi défini par une fiche de poste individuelle et les capacités du salarié à l’occuper ; l’analyse des capacités du salarié, au regard de ces trois critères classant, conduit à lui attribuer le coefficient approprié.

L’article V.1.1 prévoit que selon la nature des fonctions exercées, les différents emplois sont regroupés au sein de cinq filières : emplois de conception en architecture, emplois de conception technique, emplois de conception spécialisée, emplois d’administration et de gestion, emplois d’entretien et de maintenance.

La classification revendiquée par le salarié s’inscrit dans la filière des emplois de conception en architecture ; le coefficient 380 correspond dans cette filière à l’emploi de chargé de projet niveau 1 qui implique une autonomie sous contrôle régulier ; à ce titre, il est confié au chargé de projet des opérations simples ou de petites dimensions et la coordination simple d’intervenants spécialisés.

Pour s’opposer à cette demande, la société fait valoir que cette classification implique d’être titulaire du diplôme d’architecte et d’exercer les missions complètes d’architecte en autonomie ; or, soutient-elle, si M. [Y] est bien titulaire du diplôme, il ne justifie pas en avoir exercé les attributions en autonomie ; il n’était pas inscrit à l’ordre des architectes, n’élaborait pas de cahier des charges et ne signait pas de projets ; ses missions étaient limitées à un poste d’assistant de projet ou de dessinateur niveau 2 ainsi qu’en attestent les résultats de l’auto évaluation à laquelle il s’est livré au cours de la relation de travail et les attestations d’anciens salariés de la société.

En l’espèce, M. [Y] est titulaire du diplôme d’Etat d’architecte, de celui de l’habilitation à l’exercice de la maîtrise d’oeuvre en son nom propre ainsi que d’un master en urbanisme.

Ces diplômes de niveau 1 ouvrent droit, dés l’embauche, à une classification dans la filière des emplois de conception en architecture.

Le contrat de travail stipule que M. [Y] est engagé en qualité d’architecte diplômé d’Etat et que ses attributions consisteront notamment à intervenir à chaque phase des projets selon les besoins de l’entreprise.

Il importe peu que l’intéressé ne soit pas inscrit à l’ordre des architectes dés lors que cette exigence n’est requise que pour la catégorie 4 d’architecte en titre non revendiquée par le salarié.

Contrairement à ce que soutient la société, l’emploi de chargé de projet n’implique pas d’assurer des missions complètes d’architecte telles que l’élaboration de cahier des charges ou la signature de projets ; selon la fiche de l’emploi repère pour la branche des entreprises d’architecture, un chargé de projet participe à la conception du projet architectural, il peut intervenir à tous les niveaux du projet, de la conception à la réception des travaux en passant par la réponse à des appels d’offres et le suivi du chantier. Au niveau 1, coefficient 380 de la grille, la fiche repère indique qu’il réalise des travaux de la spécialité à partir des directives générales et son activité s’exerce sous le contrôle de bonne fin et il en est responsable dans cette limite. Ses initiatives sont limitées.

Il doit être relevé que le coefficient 380 est le plus bas de la grille indiciaire des emplois de chargé de projet.

L’application des critères classant prévus aux dispositions de la convention collective rappelées plus haut n’intervient que pour déterminer le niveau des coefficients en fonction de la fiche de poste que doit établir l’employeur.

Or, en l’espèce, l’employeur ne justifie pas avoir établi une telle fiche de poste qui doit être réalisée au moment de l’embauche de sorte que le questionnaire d’auto évaluation auquel l’employeur a soumis le salarié un an après son embauche ne peut pallier cette carence.

Comme indiqué ci-dessus, ce questionnaire aurait pu, le cas échéant, faire évoluer le niveau de coefficient salarial au sein de la catégorie et non déterminer celle-ci.

En tout état de cause, le coefficient 260 servant de base à la rémunération de M. [Y] s’applique aux assistants de projets, lesquels ne sont pas, au regard de la fiche d’emploi repère produite par l’employeur, titulaires du diplôme d’architecte mais ont suivi des formations courtes (Bac pro, BTS).

M. [Y] dont le bulletin de paie mentionne sa qualité d’architecte conformément à ses diplômes, justifie qu’il exerçait effectivement les fonctions de chargé de projet.

Ainsi, M. [P], graphiste stagiaire au sein de l’agence, atteste que M. [Y], en l’absence des associés, était le seul référent dans l’agence car le seul non stagiaire, il manageait l’équipe de stagiaires, répondait aux appels des clients et entreprises qu’il recevait et fermait l’agence ; il témoigne de ce que M. [Y] travaillait en tant qu’architecte quasiment à temps plein sur un projet très important d’un musée à [Localité 4] avec les associés de l’agence.

M. [L], gérant d’un bureau d’étude structure, confirme par attestation l’implication de M. [Y] sur ce projet de rénovation/extension du musée en Nouvelle Calédonie en ces termes : ' je me suis occupé de concevoir et dimensionner par le calcul l’ensemble de la structure bois du projet composé à 80% de bois ; il s’agit d’un projet complexe d’un point de vue technique de par sa taille, sa particularité structurelle de conception ainsi que par le fait d’un environnement climatique très important sur la stabilité de l’ouvrage…[N] [Y] a été mon principal interlocuteur sur ce projet, les nombreux échanges téléphoniques et mails que nous avons eu ont démontré une implication et une conscience professionnelle remarquable. Nous avons abordé et solutionné des points singuliers techniques et économiques…'

Sont également versés aux débats, les nombreux échanges de courriels entre M. [L] et M. [Y], sur une période d’octobre 2017 à fin 2018, dont il ressort que ce dernier assurait la responsabilité technique du projet pour le compte de son agence.

Le fait que le travail de M. [Y] ait fait l’objet de corrections, comme en atteste M. [C], assistant de projet, ne remet pas en cause la nature des attributions de l’intéressé sur ce dossier.

De même, il importe peu que l’agence soit placée pour la réalisation du projet sous la supervision d’une agence locale d’architecture, mandataire locale.

Il découle de l’ensemble de ces éléments, que M. [Y], recruté en qualité d’architecte, exerçait au sein de l’agence des fonctions de chargé de projet et qu’il devait, à ce titre, bénéficier de la classification correspondant à cet emploi au niveau 1, coefficient 380 de la catégorie 3.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de classification sur un poste de catégorie 3, niveau 1, coefficient 380.

Sur la demande de rappel de salaires au titre de la classification de chargé de projet

L’employeur soutient, en premier lieu, que les demandes antérieures au 1er octobre 2016 sont prescrites conformément aux dispositions de l’article L 3245-1 du code du travail.

Selon ce texte, les demandes de rappel de salaire se prescrivent par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédent la rupture du contrat.

En l’espèce, le contrat de travail a été rompu par l’effet d’une rupture conventionnelle au 15 mars 2019 et M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes le 1er octobre 2019 de sorte que la demande de rappel de salaire formulée à compter de septembre 2016 n’est pas prescrite.

En deuxième lieu, l’employeur fait valoir que la valeur du point de salaire appliquée par M. [Y] dans son calcul de rappel de salaires ne lui est pas opposable dans la mesure où, n’étant pas adhérent à un syndicat signataire, les accords salariaux régionaux sur la base desquels est fixée la valeur du point lui sont inopposables jusqu’à la date de publication des arrêtés d’extension.

En l’espèce, la valeur du point fixée à 7,67 euros par un accord régional du 17 décembre 2015 a été généralisée par un arrêté d’extension publié le 12 juillet 2016 applicable à compter de cette date jusqu’au 15 février 2018.

La valeur du point a, ensuite, été révisée à hauteur de 7,74 euros par un arrêté publié le 6 février 2018 étendant l’accord régional du 23 mars 2017 et couvrant la période du 16 février 2018 au 29 décembre 2018.

Enfin, un arrêté publié le 4 novembre 2019 a étendu, pour la période du 29 décembre 2018 au 8 novembre 2019, l’accord régional du 17 décembre 2018 fixant la valeur du point à 7,86 euros.

Il en résulte que ces trois arrêtés s’appliquent à la totalité de la durée de la relation de travail comprise entre le 1er septembre 2016 et le 15 mars 2019.

L’employeur a procédé à un nouveau calcul des rappels de salaires réclamés par le salarié tenant compte des dates d’application des arrêtés d’extension ; après en avoir vérifié la pertinence et l’exactitude, la cour estime que ce mode de calcul doit être validé sous réserve de comptabiliser le salaire du mois de septembre 2016 non prescrit.

Le montant du rappel de salaires sera, en conséquence, fixé à la somme de 31.588,49 euros outre les congés payés afférents.

Par ailleurs, compte tenu de ce rappel de salaires, la demande de rappel d’indemnité spécifique de rupture conventionnelle sera fixée à la somme de 698,22 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de cette demande, M. [Y] fait valoir que non seulement l’employeur n’a pas respecté sa classification et rémunération conventionnelle, ni sa qualité d’architecte en lui interdisant de s’inscrire à l’ordre des architectes sans l’accord des associés, mais lui a aussi imposé des conditions de travail dégradées en ne lui réglant les heures supplémentaires effectuées qu’à compter du mois de mai 2017 et en lui demandant de contribuer à des travaux de ménage ou de rénovation des locaux.

L’employeur soutient que la clause du contrat de travail relative aux modalités d’inscription au conseil de l’ordre est conforme aux règles déontologiques de la profession, que la rémunération de M. [Y] a été actualisée en fonction de la valeur du point déterminée par les arrêtés d’extension, que les heures supplémentaires ont été réglées dés qu’elles ont été contradictoirement évaluées et que la participation à des travaux manuels reposait sur du volontariat et s’inscrivait dans une dynamique d’apprentissage des techniques de certains métiers du bâtiment qu’un architecte doit maîtriser.

Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

La Cour retient, d’abord, que la discussion sur l’inscription à l’ordre des architectes est sans objet dés lors qu’il est admis que M. [Y] ne se trouvait pas dans la situation d’architecte en titre mais dans celle de chargé de projet qui ne requiert pas une telle inscription.

En revanche, la violation des dispositions conventionnelles relatives à la classification de emplois ainsi que la réalisation de travaux de ménage et de rénovation des locaux qui sont des tâches étrangères aux attributions contractuelles du salarié, constituent des manquements à l’obligation de loyauté.

Le préjudice en résultant sera réparé par des dommages et intérêts dont la Cour évalue le montant à 2000 euros.

De ce chef, le jugement sera réformé.

Sur la demande de dommages et intérêts du syndicat Synatpau

Le syndicat, dont l’intervention à l’instance n’est pas discutée en son principe, fait valoir, à juste titre, que, en tant que signataire de l’avenant de 2015 relatif aux classifications conventionnelles, il subit un préjudice à l’intérêt collectif de la profession d’architecte qu’il est chargé de représenter lorsqu’un employeur ne respecte pas les dispositions conventionnelles relatives à la classification des emplois comme c’est le cas en l’espèce.

Au regard de la durée et de la portée de la violation des dispositions conventionnelles dans le cas de M. [Y], la cour évalue ce préjudice à la somme de 1000 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les autres demandes

L’employeur sera condamné à remettre à M. [Y] un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision sans qu’il soit besoin d’ordonner une astreinte.

La société Why Architecture supportera la charge des dépens.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

En cause d’appel, l’équité commande d’allouer au titre des frais irrépétibles, la somme de 2000 euros à M. [Y] et la somme de 1000 euros au Synatpau.

Par ces motifs,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a classé l’emploi de M. [Y] dans la catégorie 3, niveau 1 et coefficient 380 de la convention collective nationale des entreprises d’architecture et a statué sur les dépens et les frais irrépétibles,

l’infirme pour le surplus et statuant à nouveau dans cette limite,

condamne la société Why Architecture à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

—  31.588,49 euros outre les congés payés afférents à titre de rappel de salaires,

—  698,22 euros à titre de solde d’indemnité spécifique de rupture,

—  2000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

condamne la société Why Architecture à payer à syndicat Synatpau la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts

Ordonne à la société Why Architecture de remettre à Monsieur [Y] un bulletin de paie et les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions de la présente décision

y ajoutant

condamne la société Why Architecture à payer à M. [Y] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles,

condamne la société Why Architecture à payer à syndicat Synatpau la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles,

condamne la société Why Architecture aux dépens.

Signé par Eric Veyssière, président, et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière

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