Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 14 octobre 2021, n° 20/00807

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, ch. soc. sect. 1, 14 oct. 2021, n° 20/00807
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 20/00807
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Caen, 5 mars 2020, N° F19/00093
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 20/00807 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQWE

Code Aff. :

ARRET N° JB.

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire

de CAEN en date du 06 Mars 2020 – RG n° F 19/00093

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 14 OCTOBRE 2021

APPELANTE :

S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE

[…]

[…]

Représentée par Me Thierry YGOUF, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Madame E X

[…]

[…]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022020006280 du 15/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)

Représentée par Me Noémie HUET, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience publique du 28 juin 2021, tenue par Mme I-J, Présidente de chambre, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame POSÉ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme I-J, Présidente de chambre, rédacteur,

Mme PONCET,Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement et contradictoirement le 14 octobre 2021 à 14h00 par prorogation du délibéré initialement fixé au 30 septembre 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme I-J, présidente, et Mme G, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Mme E X a été embauchée en contrat à durée indéterminée le 2 novembre 2016 par la SAS Challancin Prévention et Sécurité en qualité d’assistante d’exploitation au sein de l’agence de Dozulé, niveau 3, échelon 2, coefficient 140 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 17 mai 2018, Mme X a adressé la société Challancin Prévention Sécurité une lettre recommandée ayant pour objet 'démission pour harcèlement moral' dont la qualification est discutée.

Par requête en date du 20 février 2019, elle a saisi la juridiction prud’homale aux fins :

— d’obtenir avant dire droit la communication des contrats et bulletins de salaire de salariés occupant les fonctions d’assistant d’exploitation,

— de constater l’inégalité de traitement et de condamner la société au versement d’un rappel de salaire de 6.448,03 euros et de dommages-intérêts de 10 000 euros de ce chef,

— de se voir allouer un rappel de salaires pour heures supplémentaires de 3 499,11 euros à titre principal et de 3 220,22 euros à titre subsidiaire,

— de se voir allouer des dommages-intérêts de '20 000 euros au titre du harcèlement moral et/ou du manquement à l’obligation de sécurité',

— de requalifier la démission en une prise d’acte produisant les effets à titre principal d’un licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer les indemnités de rupture subséquentes..

Par jugement du 6 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Caen a :

— qualifié la prise d’acte de Mme X en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— débouté la salariée de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts au titre de l’inégalité de traitement,

— condamné la société au paiement des sommes de :

* 3.220,22 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre les congés payés y afférents,

* 5.000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

* 597,38 euros d’indemnité de licenciement,

* 1.593,02 euros d’indemnité de préavis,

* 3.186,04 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ces sommes devant produire intérêts au taux légal,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société aux entiers dépens de l’instance conformément aux dispositions de l’article 696 du même code.

Le 4 mai 2020, la S.A.S Challancin Prévention et Sécurité a adressé une déclaration d’appel dont l’effet dévolutif est discuté.

Par avis du 6 juillet 2020, le greffe a avisé la société appelante de faire procéder à la signification de la déclaration d’appel à défaut de constitution de l’intimée ce qu’elle a fait par acte d’huissier du 5 août 2020 outre ses conclusions du 30 juillet 2020 à Mme X.

Dans ses premières conclusions d’appelant du 30 juillet 2020, la société Challancin Prévention et Sécurité demande à la cour :

— d’infirmer le jugement,

— de débouter Mme X de l’intégralité de ses prétentions,

— de la condamner à payer à la société la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans ses premières conclusions d’intimée du 26 octobre 2020, Mme X demande à la cour :

— d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes tendant à constater une inégalité de traitement et à condamner la société au versement d’un rappel de salaire de 6.448,03 euros et intérêts de 10.000 euros nets en réparation deu préjudice moral subi,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’existence d’heures supplémentaires effectuées non rémunérées et à titre principal de réformer le montant des condamnations prononcées à hauteur de 3.499,11 euros bruts compte tenu de la requalification professionnelle sollicitée et, à titre subsidiaire, de confirmer le quantum,

— de ' confirmer le jugement en ce qu’il a constaté le harcèlement moral subi et le manquement de la société… à son obligation de santé et de sécurité, le réformer quant au quantum des dommages-intérêts et condamner la société au versement de la somme de 20 000 euros à ce titre',

— à titre principal, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à voir requalifier sa démission en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul et condamner à ce titre la société au versement d’une indemnité de licenciement de 597,38 euros nets, d’une indemnité de préavis de 3.186,04 euros bruts, des congés payés y afférents et des dommages-intérêts de 15.930,20 euros nets et à titre subsidiaire, de constater l’absence de contestation par la société, dans la déclaration d’appel, du chef du jugement ayant qualifié la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et juger qu’en l’absence d’effet dévolutif de l’appel sur ce A, la société ne peut solliciter l’infirmation du jugement en ce qu’il a jugé que la prise d’acte devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— de confirmer le jugement sur le montant des indemnités de licenciement et de préavis et congés payés,

— de réformer le jugement sur le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera porté à 15.930,20 euros nets,

— d’assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour les sommes de nature salariale et à compter de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire,

— de débouter la société de ses demandes,

— de confirmer le jugement sur l’article 700 du code de procédure civile et d’y ajouter une somme complémentaire de e 3.000 euros pour la procédure d’appel, en sus des entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 20 janvier 2021, la S.A.S. Challancin Prévention et Sécurité demande à la cour :

— d’infirmer le jugement,

— de débouter Mme X de l’intégralité de ses prétentions,

— à titre subsidiaire, de la débouter de son appel incident,

— de la condamner à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par avis du greffe du 16 mars 2021 les parties ont été avisées que l’ordonnance de clôture serait rendue le 23 juin 2021 et l’audience fixée au 28 juin 2021.

Une discussion s’élève entre les parties sur la recevabilité des dernières conclusions de Mme X qui sera examinée ci-après.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties (qui seront retenues par la cour) pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

I- SUR LA PROCEDURE

I-1 Sur la recevabilité des conclusions de Mme X

Par conclusions adressées le 23 juin 2021 au conseiller de la mise en état, la S.A.S. Challancin Prévention et Sécurité soulève l’irrecevabilité des écritures de Mme X déposées à la cour le 22 juin 2021, la veille de l’ordonnance de clôture, pour violation du principe de la contradiction et s’oppose à toute demande de révocation de cette ordonnance qui permettrait de régulariser lesdites écritures, faute pour son adversaire de justifier d’une cause grave au sens de l’article 784 du code de procédure civile, soulignant que la société avait déposé ses conclusions dès le 20 janvier 2021. La société sollicite la condamnation de la salariée à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du même code.

Par conclusions responsives sur incident du 23 juin 2021 adressées à la fois au conseiller de la mise en état et à la cour, Mme X soulève l’irrecevabilité des conclusions de la société adressées postérieurement à la clôture au conseiller de la mise en état qui n’est plus compétent puis elle demande de dire recevables ses propres conclusions au fond adressées le 16 juin 2021 à 11h57 (et

non pas le 22 juin comme l’écrit la société) qui n’ont pas violé le principe de la contradiction. La salariée demande de condamner la société au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il ressort de l’article 914 du code de procédure civile :

— que c’est le conseiller de la mise en état qui est seul compétent depuis sa désignation jusqu’à la clôture de l’instruction pour déclarer les conclusions irrecevables ;

— qu’il n’est saisi des demandes relevant de sa compétence que par des conclusions qui lui sont spécialement adressées.

Par voie de conséquence :

— dès lors que l’ordonnance de clôture avait été rendue le 23 juin 2021 à 9h, le conseil de la société Challancin Prévention et Sécurité était irrecevable à saisir le conseiller de la mise en état de l’irrecevabilité des conclusions de l’intimée ;

— les conclusions de la salariée ayant pour en-tête 'Plaise à la cour et au conseiller de la mise en état' qui ne ciblent pas de juridiction particulière ne sont pas davantage recevables.

A l’ouverture des débats, la cour constate qu’elle n’est pas saisie de conclusions de la société tendant à faire écarter les dernières écritures de Mme X, (étant relevé que la salariée les a communiquées le 16 juin 2021 soit 7 jours avant la clôture de l’instruction en faisant apparaître les ajouts et sans ajouter de pièces nouvelles) ni tendant à révoquer l’ordonnance de clôture pour cause grave.

Il n’y a pas lieu de déclarer irrecevables les dernières conclusions de Mme X adressées et communiquées le 16 juin 2021.

I-2 Sur l’étendue de l’effet dévolutif de la déclaration d’appel

Dans ses premières écritures d’intimée du 26 octobre 2020, Mme X soulève l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel de la société Challancin Prévention et Sécurité quant à la qualification de la rupture.

La société objecte qu’en contestant sa condamnation au paiement des indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle a nécessairement contesté le mode de rupture du contrat de travail.

Aux termes de l’article 901 alinéa 4 du code de procédure civile, la déclaration d’appel est faite par acte contenant notamment, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Cette disposition fait suite à l’article 562 du code de procédure civile tel qu’issu de la réforme du 6 mai 2017 qui dispose que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent

La déclaration d’appel de la société Challancin Prévention et Sécurité enregistrée le 4 mai 2020 indique en objet/portée que 'l’appel portera sur les condamnations prononcées à l’encontre de la Société CHALLANCIN PRÉVENTION ET SÉCURITÉ.

L’appelante conteste ses condamnations au paiement :

- des heures supplémentaires à hauteur de 3.220,22 euros et les congés afférents de 322,02 euros

- des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité à hauteur de 5.000 euros,

- de l’indemnité de licenciement à hauteur de 597,38 euros,

- de l’indemnité de préavis de 1.593,02 euros,

- des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 3.186,04 euros,

- et de l’article 700 pour un montant de 1.200 euros.'

Force est de constater :

— que par cette formulation, la société appelante n’énonce pas expressément le chef du jugement qui 'qualifie la prise d’acte de Mme E X en licenciement sans cause réelle et sérieuse' mais sa condamnation au paiement des sommes qu’elle détaille par leur nature et leur montant ;

— que la société n’allègue ni ne justifie se trouver dans les deux exceptions de la dévolution de l’appel pour le tout :

* celle d’un appel tendant à l’annulation du jugement ;

* celle de l’indivisibilité du litige entre la contestation du quantum des indemnités allouées et la requalification de la rupture de la relation de travail en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant des sommes pouvant être objectivement remis en cause sans nécessairement contester leur principe.

Par conséquent, faute pour la société Challancin Prévention et Sécurité d’avoir énoncé dans sa déclaration d’appel une critique explicite et non-équivoque du chef du jugement relatif à la requalification de la rupture du contrat de travail, la cour n’en est pas saisie.

Cependant, la cour observe que Mme X a formé appel incident et demande à la cour, à titre principal, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à requalifier la prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul de sorte que la cour est ainsi saisie de la connaissance du chef du jugement non visé par l’appel principal relatif à la qualification de la rupture (prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse).

La cour ajoute qu’au vu de l’articulation des demandes de la salariée, son moyen sur l’absence d’effet dévolutif de l’appel quant à la qualification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse est subsidiaire à sa demande sur la nullité du licenciement.

II- SUR LE FOND

II-A SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

II-A-1 Sur l’inégalité de traitement

Mme X a été engagée le 2 novembre 2016 en qualité d’exploitante d’exploitation au sein de l’agence de Dozulé, au niveau 3, échelon 2, coefficient 140, statut employé de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Mme X soutient qu’elle a été embauchée à une classification inférieure à celle de collègues occupant le même poste qu’elle et soutient avoir été victime d’une inégalité de traitement et réclame :

— un rappel de salaire de 6 448,03 euros outre les congés payés ;

— des dommages-intérêts de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Les parties conviennent que l’emploi d’assistant d’exploitation n’est pas défini par la convention collective applicable qui ne prévoit pas de grille d’emploi repère mais définit les emplois par des niveaux de compétence de sorte que l’énoncé de l’intitulé du poste n’est pas significatif en soi.

Il est admis qu’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; il incombe ensuite à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant une différence de traitement.

Si Mme X compare sa situation à Mmes Y, A et Z, la cour relève qu’elle apporte des éléments laissant supposer qu’elle exerce effectivement des fonctions identiques ou similaires seulement relativement à Mme Y par rapport à laquelle elle calcule d’ailleurs son rappel de salaire, se contentant de produire des avenants au contrat de travail des autres salariés.

Elle produit en effet :

— un organigramme des agences de Basse-Normandie mis à jour au 22 décembre 2016 qui la place au même niveau que cette salariée rattachée à l’agence de Cherbourg comme assistante d’exploitation Basse-Normandie ;

— une attestation circonstanciée de Mme Y qui explique être venue prêter renfort à Mme X sur le site de Dozulé 15 jours en juillet 2017 et qui affirme qu’elles avaient des fonctions similaires qu’elle décrit : vérifier et contrôler les arrivées de commandes de tenues et les ranger, classer les documents des agents et clients, compléter le logiciel interne des plannings , effectuer les embauches, créer et suivre les offres d’emploi, gérer les mails et appels téléphoniques, gérer le passage des agents à l’agence ; elle décrit une surcharge de travail.

Nom du salarié

Intitulé emploi

Classification de l’emploi

niveau échelon coefficient statut

Mme Y

1) embauchée le 01/11/2012

2) avenant 2/02/2014 employé administratif

3) assistant exploitation 01/01/2015

4) employé administratif 01/01/2016

5) assistante d’exploitation à Dozulé 01/11/2017

'

[…]

Niv 1 ech 1 coef 150 agent de maîtrise

Niv 2 ech 1 coef 185 agent de maîtrise

Mme A

assistant d’exploitation avec un forfait jour de 218 jours

[…]

Mme Z

agent administratif à Tancarville

[…]

Mais l’employeur fait valoir et justifie de différences entre les situations des deux salariés qui justifient un traitement différencié en ce :

— qu’il résulte de l’organigramme versé par la salariée elle-même que la mission spécifique de planification est attribuée à Mme Y et pas à Mme X ; Mme Y n’a d’ailleurs pas fait

figurer la planification au nombre des tâches de Mme X lorsqu’elle les a comparées aux siennes ;

— qu’il résulte de l’avenant du 31 janvier 2014 qui accorde à Mme Y la classification professionnelle niveau 3 échelon 3 coefficient 150 qu’elle pourra occuper les fonctions d’agent de sécurité qualifié tout en conservant sa rémunération et sa qualification d’employé administratif' ce que le contrat de travail de Mme X ne prévoit pas, celle-ci se bornant à affirmer, sans aucun justificatif à l’appui, qu’elle est titulaire d’un diplôme d’agent de sécurité et qu’elle a opéré une vacation au CHU de Caen au cours de la relation de travail.

Par conséquent, comme en première instance, la salariée sera déboutée de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts présentées au titre de l’inégalité de traitement.

II-A-2 Sur les heures supplémentaires

Mme X conclut que la surcharge de travail l’a conduite à effectuer de nombreuses heures supplémentaires au cours de la relation non rémunérées par l’employeur dont elle réclame le paiement à hauteur de 3 220,22 euros en principal. Elle indique les horaires suivants : 9 h à 12 h 30 et 14 h à 17 h 30 lorsqu’elle gardait sa fille et des horaires plus importants lorsqu’elle n’en avait pas la garde.

La Cour de cassation est venue préciser le régime probatoire posé par l’article L. 3171-4 du code du travail en la matière dans un arrêt récent du 18 mars 2020 dont il ressort qu’il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments, que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires rappelées par l’arrêt.

A l’appui de sa demande, Mme X produit :

— des attestations :

* celle de Mme Y qui fait état d’une surcharge de travail et qui indique que durant son remplacement elles ont terminé 'à diverses reprises à plus de 22 h’ faute de personnel ;

* celle de M. B, un ancien responsable d’agence qui fait également d’une surcharge de travail de la salariée effectuant 'de nombreuses heures supplémentaires’ liée au manque de personnel ;

* celle de M. C qui rapporte avoir été témoin durant ses heures de service de la présence de Mme X après les horaires d’ouverture de l’agence entre 18 h 30 et 19 h 30 et qu’elle revenait régulièrement apporter tenues et matériel de travail de collègues ;

* celle de Mme D, femme de ménage de l’agence du 10 avril 2017 au 13 juillet 2018 qui affirme avoir vu régulièrement la salariée travailler à l’agence sur ses horaires de travail de 20 h 30 à 21 h 30 ;

— un relevé de mise en service de l’alarme dans son bureau pour la seule période de mars 2017 à avril 2018 mettant en évidence des heures de sortie au delà de 19 h les 5, 6 et 10 juillet 2017 ;

— un décompte quotidien mentionnant pour la période du 2 novembre 2016 au 20 avril 2018 des horaires identiques de prise de service à 9 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h soit une durée de travail journalière de 7 h 30 et une durée hebdomadaire de 37 h 30, à l’exception de quelques semaines.

L’employeur soutient que les salariés étaient en principe soumis à un horaire collectif correspondant aux horaires d’ouverture de l’agence affichés de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h du lundi au vendredi et que Mme X avait obtenu de son ancien responsable un aménagement verbal d’horaires lui permettant d’assurer la garde alternée de sa fille de 9 h à 12 h 30 et de 14 h à 17 h 30 en partant ainsi une demi-heure avant la fermeture de l’agence, accord qui a été confirmé ainsi qu’en attestent des échanges de mails de 12 septembre 2017 et 23 janvier 2018. Ce dernier mail fait d’ailleurs état de 'retards à répétition’ de la salariée à sa prise de service pour ceux relevés les 6 novembre (30 minutes) et 19 janvier 2018 (10 minutes).

La cour constate que le décompte de la salariée qui mentionne un horaire habituel de 9 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h est en contradiction avec ses propres écritures sur l’aménagement de ses horaires pour lui permettre de terminer en avance à 17 h 30, la salariée écrivant le 23 janvier 2018 être dans l’incapacité de respecter l’horaire de fin de poste de 18 h.

La cour observe encore que cet aménagement d’horaire lui assure une durée de travail respectant la durée légale de 35 h par semaine. Le décompte ne met pas en évidence l’alternance alléguée de ses horaires selon les semaines de garde de sa fille et n’est pas corroboré par les attestations qui rapportent des dépassements réguliers à des horaires tardifs que la salariée ne mentionne même pas. Les relevés d’alarme ne couvrent pas toute la période contractuelle et, comme le relève l’employeur, mentionnent des horaires de départ plus tôt que ceux mentionnés dans le décompte.

La cour considère que l’employeur est en mesure de s’expliquer sur les seuls dépassements suivants retenus de la durée de 35 heures hebdomadaires, étant relevé que la base habituelle alléguée par Mme X de de 37 h 30 doit être ramenée à 35 h :

—  44 h 35 du 19 au 25 juin 2017,

—  39 h 59 du 3 au 9 juillet 2017,

—  43 h 46 du 17 au 23 juillet 2017,

—  44 h 39 du 24 au 30 juillet 2017,

—  40 h 25 du 31 juillet au 6 août 2017,

—  39 h 09 du 28 août au 3 septembre 2017,

—  39 h 22 du 9 au 15 octobre 2017.

Or la société ne justifie pas des horaires effectivement effectués par la salariée, autrement que par des affirmations sur ses retards habituels. Il y a lieu de faire droit à la demande de Mme X dans ces limites et le jugement sera infirmé en ce qu’il a fait droit à l’intégralité de la demande de rappel de salaire de Mme X au titre des heures supplémentaires.

II- A Sur le manquement à l’obligation de sécurité et/ou le harcèlement moral

Le conseil de prud’hommes a condamné la société Challancin Prévention et Sécurité à payer à Mme X des dommages-intérêts de 5 000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité au visa de l’article L. 4121-1 du code du travail en retenant son implication dans son travail, des heures supplémentaires non rémunérées, le refus de ses demandes d’évolution de carrière et la souffrance de la salariée au travail.

Comme l’a justement relevé la société qui conteste sa condamnation au paiement des dommages-intérêts précités, la salariée ne consacre aucun développement et ne vise aucune pièce au

soutien du manquement à l’obligation de sécurité tout en demandant la majoration du montant des dommages-intérêts qu’elle réclame indistinctement au titre du manquement à l’obligation de sécurité et au titre du harcèlement moral.

Suivant la démarche probatoire tirée de l’article L. 1154 du code du travail, il appartient d’abord au salarié d’apporter préalablement au juge des éléments laissant supposer des agissements répétés de l’employeur qui ont pour objet ou effet de dégrader les conditions de travail et susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

A l’appui du harcèlement moral, Mme X expose avoir travaillé dans un contexte particulièrement difficile en invoquant :

— le fait de s’impliquer dans son travail sans reconnaissance en se référant à l’inégalité de traitement par rapport à ses collègues en terme de classification et de rémunération or la salariée a été déboutée de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts de ce chef ;

— la réalisation d’heures supplémentaires non rémunérées ; elle a été très largement déboutée de sa demande, les dépassements étant ponctuels ce qui prive de pertinence son argumentation sur sa surcharge habituelle de travail ;

— le fait de subir des réflexions particulièrement désobligeantes et inacceptables de sa direction régionale ; la salariée ne cite aucun propos en particulier et ne vise aucune pièce ;

— le fait de se voir refuser systématiquement toute évolution de la société.

— la dégradation de son état de santé en faisant état de son placement en arrêt de travail pour maladie à compter d’avril 2018 sans viser de pièce en particulier médicale.

Dans ses écritures, Mme X se réfère uniquement au témoignage de son ancien responsable, M. B qui rapporte qu’avant l’arrivée de Mme Y, il avait été convenu qu’elle passe chef de secteur, en accord avec le directeur d’agence et le directeur régional et qu’elle avait même été présentée à deux clients Howmet et Knorr ce qui ne suffit pas à caractériser les demandes répétées d’évolution de carrière dont elle fait état ainsi que leur refus par l’employeur.

La cour considère que les éléments exposés par Mme X et les pièces produites ne permettent pas de laisser supposer un harcèlement moral de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et harcèlement moral. Le jugement sera infirmé de ce chef.

II- B- Sur la rupture du contrat de travail

Dans son courrier du 17 mai 2018 Mme X a fait état de sa volonté de démissionner 'pour harcèlement moral' de son poste considérant le 'refus d’évolution de poste pourtant assurée lors de réunions avec la direction régionale durant l’été 2017 et présenté comme tel à nos clients puis à l’embauche récente de nouveaux collaborateurs masculins à même dénomination d’emplois mais à catégorie supérieure. Cette absence d’évolution ne correspond pas du tout à mes aspirations de carrière et à nos échanges. Pour donner suite à ces faits, je me vois dans l’obligation de démissionner (…) Dans l’impossibilité d’améliorer la situation, ma démission est effective dès maintenant.'

Il est admis que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; lorsque le salarié la remet en cause en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances

antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d’une démission.

Il résulte de ce qui précède que Mme X ne fait pas la preuve qui lui incombe de manquements imputables à son employeur et d’une gravité telle qu’ils empêcheraient la poursuite du contrat de travail. Tel n’est en tout pas le cas du volume d’heures supplémentaires retenu.

Par conséquent, sa lettre de démission motivée par des griefs faits à l’employeur doit être analysée comme une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail mais la cour considère quelle ne produira pas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et encore moins d’en licenciement nul (le harcèlement moral n’ayant pas été reconnu) et Mme X sera déboutée de toutes ses demandes subséquentes au titre de la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur les dépens et demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile:

L’appel de la société Challancin Prévention et Sécurité a prospéré ; la salariée sera condamnée aux dépens d’appel mais ne le sera pas en équité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le sort des dépens et des frais irrépétibles de première instance reste inchangé.

PAR CES MOTIFS,

DECLARE RECEVABLES les dernières conclusions en date du 16 juin 2021 de Mme E X ;

Vu l’appel principal de la société Challancin Prévention et Sécurité et l’appel incident de Mme E X,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Caen du 6 mars 2020 sauf en ce qu’il a reconnu que Mme X avait effectué des heures supplémentaires et sur celles relatives aux dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés :

DIT que Mme X a droit au paiement des heures supplémentaires avec les majorations légales ainsi que des congés payés ;

DIT que l’employeur sera tenu de présenter à la salariée un décompte de cette somme ainsi qu’un bulletin de paie récapitulatif,

RENVOIE les parties à effectuer, selon les modalités figurant dans les motifs du présent arrêt, le calcul de cette créance avec faculté de saisir la cour par requête en cas de difficulté ;

DEBOUTE Mme X du surplus de ses demandes ;

Y AJOUTANT :

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. G R. I-J

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Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 14 octobre 2021, n° 20/00807