Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 10 juillet 2020, n° 19/00532

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 10 juill. 2020, n° 19/00532
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 19/00532
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bonneville, 11 mars 2019, N° F17/00192
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 JUILLET 2020

N° RG 19/00532 – FS /DA

N° Portalis DBVY-V-B7D-GF5M

K L

C/ S.A.S. EUROTEKNIKA

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 12 Mars 2019, RG F 17/00192

APPELANT :

Monsieur K L

[…]

[…]

Représenté par Me Paul DARVES BORNOZ, avocat au barreau d’ANNECY

INTIMEE :

S.A.S. EUROTEKNIKA

dont le siège social est sis […]

[…]

prise en la personne de son représentant légal en exercice

Représentée par Me Eric ARNAUD de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Olivier AUDRAS de l’AARPI CONDORCET AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Procédure sans audience conformément à l’article 8 de l’ordonnance 304-2020 du 25 mars 2020.

Ont délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Madame Anne DE REGO, Conseiller,

Madame Françoise SIMOND, Conseiller.

Greffier lors de la mise à disposition : Madame Catherine MASSONNAT

********

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. K L a été engagé par la société Euroteknika, spécialisée dans le secteur d’activité de la fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire le 3 septembre 2007 en qualité de 'directeur marketing commercial et international'.

M. K L a démissionné le 26 avril 2015.

Le 7 décembre 2015, il a été réembauché en qualité de directeur export, moyennant une rémunération mensuelle brut de 5 827 euros. M. K L percevait en outre des primes d’objectif.

Au dernier état de la relation contractuelle, la rémunération moyenne mensuelle sur les douze derniers mois de M. K L était de 8 199,02 euros.

Convoqué à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire le 19 octobre 2017, il a été licencié pour faute grave le 3 novembre 2017 pour insuffisance professionnelle et management préjudiciable.

Contestant son licenciement, M. K L a saisi le conseil de prud’hommes de Bonneville le 27 novembre 2017.

Par jugement en date du 12 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Bonneville a :

— dit et jugé que le licenciement de M. K L pour faute grave est justifié,

— débouté M. K L de l’ensemble de ses demandes,

— débouté la société Euroteknika de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. K L aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 1er avril 2019, M. K L a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées le 8 janvier 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. K L demande à la cour d’appel de :

— réformer la décision entreprise,

— écarter des débats toute pièce non rédigée, ni traduite en langue française

— dire et juger que son licenciement ne procède ni d’une faute grave, ni d’une cause réelle et sérieuse,

— condamner en conséquence la société Euroteknika à lui payer les sommes de :

.2 690,21 euros au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire,

.269,02 euros au titre des congés payés afférents,

.24 724,77 euros au titre du préavis,

.2 472,47 euros au titre des congés payés afférents,

.4 464,19 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

.47 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

.3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la société Euroteknika aux dépens d’instance et d’appel.

M. K L conteste les motifs de son licenciement, tout en soulignant que les motifs évoqués par son employeur sont de nature différente et répondent à des règles d’administration de la preuve et procédurales qui leur sont propres.

La lettre de licenciement mentionne « Mais, au-delà de ces insuffisances, nous avons eu à déplorer de votre part un comportement inadmissible qui explique également l’insuffisance de vos résultats. Les investigations que nous avons menées ces derniers jours ont malheureusement confirmé la réalité de ces manquements. »

Ainsi, la Cour retiendra que le droit disciplinaire a vocation à s’appliquer en l’espèce tant aux motifs de licenciement relatifs à son management pathogène qu’à sa prétendue insuffisance de résultats. La société Euroteknika évoque ses comportements volontaires de sa part au titre de sa prétendue insuffisance professionnelle.

L’ancienneté des faits reprochés permettra à la Cour de considérer que la procédure de licenciement n’a pas été initiée dans le délai restreint. La prescription recoupe la période ayant couru du 19 août 2017 jusqu’à la date de convocation à l’entretien préalable pour licenciement pour faute grave, soit jusqu’au 19 octobre 2017. Il ressort de la lettre de rupture et des pièces versées aux débats que l’employeur avait connaissance, de longue date des faits qu’il a imaginés de retenir dans la lettre de licenciement du 3 novembre 2017, que d’après l’employeur son comportement préexistait antérieurement à sa seconde embauche le 7 décembre 2015. Il n’a cependant jamais fait l’objet de mises en garde réitérées. Il n’a jamais été destinataire du mail échangé entre M. X et M. Y dont copie a été adressé à Mme Z et concernant le fait que M. X exigeait une attitude respectueuse des collaborateurs lors de sa nouvelle embauche. La conférence du 3 février 2017 n’a jamais eu pour objet d’aborder le prétendu comportement anormal vis à vis de Mme A.

Ses qualités comportementales et ses aptitudes professionnelles sont établies par de nombreuses attestations. Il est renvoyé aux attestations de M. B, de M. Y, directeur commercial de la société Euroteknika jusqu’en décembre 2016, remplacé ensuite par M. C. Sur l’ entretien d’appréciation de 2016 réalisé le 6 avril 2017, ses compétences managériales sont notées 2, pour une évaluation de la performance globale de 3 et il était noté qu’il s’investissait de manière soutenue vis à vis de ses clients et appliquait la stratégie numérique de la société malgré les calages nécessaires. Il a perçu des primes d’objectif.

Sur un effectif de 120 salariés, la société Euroteknika a connu 40 départs sur 24 mois en raison du management pathogène de M. C comme en attestent de nombreux salariés.

Son service était composé de deux personnes de sexe féminin, Mme D et Mme E, cette dernière faisant état pour la première fois de difficultés qu’elle aurait rencontrées d’avril 2012 à mai 2015, sans préciser aucun fait précis et alors que l’entretien d’évaluation de Mme E réalisé par ses soins le 25 janvier 2017 mentionne 'j’apprécie le bon état d’esprit existant au sein de l’équipe'. La lettre de licenciement fait état de faits particulièrement graves à son encontre, hurlements, propos agressifs, salariés déstabilisés et en pleurs après des entretiens musclés, faisant régner un climat de terreur, faits qui auraient été rapportés à l’employeur par Mme F fin 2016, cette dernière étant en instance de départ de l’entreprise et M. C venant d’arriver, qui sont manifestement prescrits.

La directrice des ressources humaines Mme G n’a donné aucune suite au mail de Mme F du 28 octobre 2016, décision résultant certainement de ses investigations.

Aucune précision n’est donnée par Mme H, assistante contrôle de gestion, sur le fait qu’elle aurait eu l’occasion de verser des larmes du fait de son comportement. Les autres mails de salariées versées aux débats ne traduisent aucun comportement fautif.

Quant à Mme A, il a procédé à son recrutement en juillet 2016 en qualité de responsable des ventes UK et elle était affectée à Londres. Elle éprouvera des difficultés a observé le plan d’objectif 'Pay Plan 2016"et n’hésitera pas à être très critique vis à vis de la société Euroteknika. Il conteste avoir eu à l’égard de l’intéressée un 'style de management’ qui aurait excédé le cadre professionnel. Mme A n’a tout simplement pas admis les observations d’ordre professionnel qu’il lui faisait et a pris la décision de s’adresser directement à M. C pour tenter de le déstabiliser. Fort opportunément, M. C a pris pour argent comptant les doléances de Mme A. Il a effectué une traduction des différents mails qui sont d’une banalité affligeante. Il répondra à toutes les sollicitations de Mme A qui aura des résultats affligeants.

Sur le reproche concernant la facturation des commandes avant expédition et réception du paiement, la société Euroteknika ne rapporte pas la preuve de la date de connaissance des faits fautifs, des mises en garde qui lui auraient été adressées, des faits qui lui sont reprochés. Ce reproche est étonnant et ce d’autant plus que le service ADV n’était pas placé sous son autorité hiérarchique, les décisions de facturation en particulier celles de fin d’année se faisaient en accord avec le responsable ADV, Mme O P et parfois même avec l’accord du responsable comptabilité M. Q R. Le grief d’inadaptation à son poste est surprenant alors que la société Euroteknika avait tout le loisir de vérifier ses qualités professionnelles pendant sa première période d’embauche du 3 septembre 2015 au 20 juin2015. Il sera écarté du CODIR auquel il participait jusqu’au mois de novembre 2016 lors de la nomination de M. C.

Le constat de l’insuffisance de résultats est irrecevable, la lettre de licenciement renvoyant à des chiffres arrêtés au 31 août 2017, non certifiés, ni vérifiables alors que les objectifs fixés le 6 avril 2017 étaient des objectifs annuels devant être appréciés au 31 décembre de 2017, renvoyant à une critique partielle de ses résultats uniquement sur l’Italie, les Pays Bas et l’Uk alors que les objectifs au 6 avril 2017 raisonnaient sur l’ensemble du secteur export, renvoyant à des résultats exprimés en résultat d’exploitation alors que les objectifs du 6 avril 2017 étaient fixés en chiffre d’affaires.

Ses résultats vis à vis des distributeurs ont toujours été excellents. Si un échange de mail sur les résultats d’août 2017 faisait état d’une chute de 180 000 euros, il s’en expliquera dans un mail à M. C qui n’appellera pas d’observations. S’agissant du secteur italien, le chiffre d’affaires pour l’exercice à fin 2017 était en progression de 45,68 % et la rentabilité de ce secteur nécessitait un délai de développement compte tenu de l’investissement réalisé à travers le Laboratoire numérique du Centre de Milan.

Les difficultés rencontrées sur le territoire Uk étaient directement liées aux difficultés du top management à obtenir l’autorisation de vendre 3 Shape, scanner indispensable à la mise en place du Business model Lyra.. Aux Pays Bas, il n’avait pas l’autorisation de vendre le scanner 3 Shape et donc de mettre en place la solution globale Lyra.

Sur les impayés, il n’était pas en charge du recouvrement des créances.

Les matrices d’offre de prix figuraient sur des tableaux excel configurés par le directeur commercial en accord avec la direction général.

Dans ses conclusions notifiées le 5 février 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la société Euroteknika demande à la cour d’appel de :

A titre principal

— juger la faute grave établie,

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions

— débouter en conséquence M. K L de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

— débouter M. K L de sa demande au titre d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

.A titre principal, fixer le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 18 225 euros et celui de l’indemnité de congés payés afférents à la somme de 1.822,50 euros, subsidiairement à 21 989,91 euros et 2 198,99 euros de congés payés afférents,

A titre infiniment subsidiaire :

— fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme comprise entre 7 987,70 euros et 15 975,40 euros,

En tout état de cause,

— condamner M. K L à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que le marché du dentaire en général et de l’implantologie en particulier connaissait une profonde mutation du fait du développement des solutions numériques. Elle a donc consenti de très lourds investissements afin de développer une solution numérique Lyra intégrant un scanner intra-oral, un logiciel permettant de concevoir le modèle de prothèse et une machine capable d’usiner celle-ci et opérer un virement stratégique majeur visant à associer la vente d’implants, son activité traditionnelle, à la commercialisation de solutions numériques intégrées, les deux activités étant étroitement liées. Elle a recruté M. X, spécialiste des solutions numériques pour piloter l’ensemble Lyra/ Euroteknika.

Moins de six mois après sa démission, M. K L a souhaité revenir au sein de l’entreprise et a été embauché, M. Y étant alors directeur général.

La société Euroteknika expose que la lettre de licenciement distingue bien ce qui relève de la faute et ce qui relève de l’insuffisance professionnelle dont les griefs ne revêtent absolument pas un caractère disciplinaire, n’ayant jamais prétendu que ses insuffisances procédaient d’une abstention volontaire.

Cette insuffisance professionnelle est caractérisée par l’inadaptation au nouvel environnement numérique, la gestion du service, le suivi des prix de ventes, le suivi des dossiers prioritaires, l’appréhension du marché anglais, le suivi des impayés. Sur les deux exemples que M. K L invoque comme d’origine disciplinaire et prescrits, notamment le suivi des impayés, elle n’a jamais prétendu que M. K L faisait preuve de mauvaise volonté en refusant de relancer les clients mais preuve d’insuffisance professionnelle en ne sachant pas quand un client doit être ménagé et quand il conviennait d’être ferme.

Sur les fautes reprochées, M. K L a eu un comportement inadmissible

particulièrement toxique à l’égard de plusieurs salariées. C’est l’ensemble qu’il convient de regarder et la convergence des témoignages.

Dès la nouvelle du retour de M. K L, plusieurs salariées ont fait part au directeur général de leur inquiétude à l’égard des méthodes de management de M. K L (Mme H, Mme E), ce qui avait conduit M. X à écrire à M. Y et l’alerter sur la vigilance à avoir sur la philosophie de respect des collaborateurs. Mme D demandait au mois de juin 2016 à M. K L d’intervenir mais sans mettre la pression sur Claire.

Par la suite, ce ne sont pas moins de 4 personnes différentes, qui ont, spontanément, en l’espace d’une année, dénoncé le comportement de M. K L en des termes similaires : Mme F, Mme A, Mme H, Mme E ('il hurlait qu’il était le directeur, que je devais obéir, j’ai trouvé ces 'explosions’ inacceptables, il est souvent compliqué de travailler de manière sereine, car il avait souvent des comportements colériques'). Elles ont toutes pleuré ou vu d’autres pleurer après un entretien avec M. K L.

M. K L a été alerté de cette situation à de nombreuses reprises. Dès son embauche, M. X a attiré l’attention de M. Y, ses collègues ou collaboratrices aussi. Au mois de mai 2017, M. K L a pris les devant, en juin 2017, M. C a fait part des plaintes de Mme A à M. K L et début octobre 2017, M. C S avoir eu des échanges sur T (Mme A). Le comportement de M. K L s’est poursuivi jusqu’au dans les jours qui ont précédé le licenciement.

Il est apparu que M. K L n’hésitait pas à user de pratiques contestables pour gonfler artificiellement le chiffre d’affaires et dont sa rémunération qui dépendait pour partie de la réalisation du chiffre d’affaires telles que facturation de compte fictif, facturation avant expédition, facturation dérogatoire.

Fin 2016, M. C écrivait à la responsable des ressources humaines pour mettre fin à des pratiques border line type facturation sans livraison à l’export, paiement de primes sur prise de commandes, il réitérait ses demandes en février et juillet 2017.

Ces faits se sont poursuivis jusque dans les jours qui ont précédé l’engagement de la procédure de licenciement.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2020.

Par décision du président, et en l’absence d’opposition des avocats, l’affaire a été mise en délibéré à la date du 10 juillet 2020 par mise à disposition au greffe, conformément à l’article 8 de l’ordonnance 2020-304.

SUR QUOI

La lettre de licenciement notifiée le 3 novembre 2017 comporte clairement deux séries de griefs distinctes :

.des griefs relevant d’une insuffisance professionnelle entraînant une insuffisance de résultats, la lettre de licenciement étant suffisamment motivée si elle s’appuie sur des griefs matériellement vérifiables et il n’est pas reproché à M. K L un comportement volontaire, délibérée.

.des griefs relevant d’un comportement fautif : management défaillant, pratique de facturations douteuses pour gonfler le chiffre d’affaires.

Le licenciement de M. K L n’est donc pas que disciplinaire.

La nouvelle embauche de M. K L le 7 septembre 2015 s’inscrit dans un cadre totalement différent de celle précédente où M. K L occupait des fonctions de directeur marketing.

Dans ses nouvelles fonctions, M. K L était directeur export et il s’agissait pour lui de développer une solution numérique Lyra intégrant un scanner intra-oral, un logiciel permettant de concevoir le modèle de prothèse et une machine capable d’usiner celle-ci.

Un virement stratégique majeur visant à associer la vente d’implants, l’activité traditionnelle de la société Euroteknika, à la commercialisation de solutions numériques intégrées était opéré. Lors de sa nouvelle embauche, M. Y était directeur général suite au départ de M. B. Les appréciations élogieuses de M. K L faites par M. B avec lequel M. K L avait travaillé précédemment chez Anthogyr avant son embauche par M. B le 3 septembre 2007 au sein de la société Euroteknika sont très subjectives et ne peuvent être retenues.

Le nouveau directeur M. C est arrivé en novembre 2016. L’entretien d’évaluation de M. K L fait par M. C le 6 avril 2017, portant sur l’année 2016, est loin d’être élogieux comme le laisse croire M. K L.

Il est noté que ' les résultats sont partiellement atteints et certains pays (Italie, Hollande, Uk) ont été en grande difficultés en 2016 et auraient eu besoin d’un suivi particulier, de structuration et d’organisation, repensés qui n’ont pas été mis en place en début d’année. K doit passer plus de temps de présence sur les pays export où nous sommes représentés en direct et accompagner les forces commerciales. Mieux structurer la stratégie par pays'.

La lettre de licenciement du 3 novembre 2017 indique que la situation ne s’est pas améliorée puisqu’à fin août, la Hollande enregistrait un résultat d’exploitation déficitaire de -18 827 euros, l’Angleterre de – 40 106 euros, l’Italie de – 202 526 euros.

Si M. K L n’était pas chargé du recouvrement des créances, il devait néanmoins s’assurer du sérieux des clients et suivre les relations commerciales jusqu’au bout, y compris les paiements.. Or un client est parti au Mexique en laissant un impayé de 49 391 euros qui apparaissait dans le rapport du cabinet d’audit comptable néerlandais transmis le 14 juillet 2017 au service comptable de la société. M. X demandait des informations à M. K L le 15 septembre 2017, date à laquelle il était informé de la situation.

La mise en place d’une garantie Coface a été faite très tardivement par M. K L en juillet 2017, presque deux ans après son arrivée.

Sur l’Italie, et le déficit de 385 000 euros, M. K L dans un courriel du 15 septembre 2017 indiquait qu’il fallait tenir compte des versements opérés en juillet 2017 et un versement de 15 000 euros en août 2017 et reconnaissait 'un manque de suivi de la part de nos commerciaux et de nous mêmes'.

Pour l’Angleterre, la lettre de licenciement notait 'pendant des mois, vous avez refusé de relancer des clients anglais afin de ne pas les froisser alors même qu’ils devaient à la société plusieurs dizaine de milliers de livres et que, pour l’un d’entre eux au moins, il n’avait plus commandé depuis deux ans'.

Ce grief est clairement établi par les courriels de Mme A qui ont tous été traduits de l’anglais en français, contrairement à ce que soutient inexactement M. K L. Fin 2016, Mme A attirait l’attention de M. K L sur le fait qu’il fallait être plus ferme avec les clients débiteurs et notamment Dentique.

Début octobre 2017, Mme A dans un courriel du 2 octobre 2017 à M. C indiquait

qu’elle avait attiré l’attention de M. K L sur une dette de Dentique de 20 000 £ à 30 000 £ non réglée mais que M. K L ne 'voulait pas mettre la pression parce qu’il ne voulait pas qu’ils arrêtent de commander.

Un autre client n’avait pas soldé son compte depuis plus de deux ans et M. K L ne voulait pas leur réclamer de peur de n’avoir plus de commandes'.

Mme A témoigne également de ce que M. K L ne comprenait pas le marché anglais où l’approche commerciale était différente de celle de M. K L.

M. K L avait dans ses objectifs annuels de 2016 de créer la filiale suisse.

Le 10 avril 2017, il était prévu un plan d’action. Rien ne sera fait et M. K L proposera par un courriel du 25 septembre 2017 le même plan d’action prévu six mois plus tôt : création établissement Lyra Suisse sous Crm, gestion des stocks sur place, définir un tarfie entre ETK et Lyra suisse, choisir un transporteur.

L’insuffisance professionnelle de M. K L est établie.

Sur le management de M. K L, la société Euroteknika produit aux débats plusieurs attestations de salariées dénonçant très clairement tout au long de la relation contractuelle tant lors de la première embauche que lors de la seconde un comportement inadapté de M. K L faisant valoir qu’il était le directeur et devait être obéi, hurlant, tenant des paroles désobligeantes, et que de nombreuses collègues pleuraient après voir été convoquées dans son bureau (Mme F, Mme A, Mme H, Mme E).

Si lors de la première embauche de M. K L, certaines salariées n’ont pas parlé, c’est parce que M. K L était ami avec M. B, que de même les salariées n’ont pu évoqué les difficultés rencontrées avec M. K L lors des entretiens d’évaluation qu’il effectuait et dont dépendaient leurs primes.

Lors de la deuxième embauche de M. K L, son attitude managériale déplorable était connue puisque M. X, président, écrivait au directeur général M. Y en décembre 2015 : 'en attendant, je compte sur toi pour le sensibiliser à notre philosophie du respect des collaborateurs et que nous serons très vigilants sur son intégration/comportement managérial'. Certes ce courrier n’a pas été adressé à M. K L mais il dénote une attitude comportementale de ce dernier.

Ces pratiques managériales se sont poursuivies tout au long de la relation contractuelle et jusque peu avant l’engagement de la procédure de licenciement.

Mme A, qui était basée en Angleterre, écrivait à M. C le 2 octobre 2017"je me suis assurée de ne pas être seule trop souvent avec lui durant la formation en Angleterre parce qu’il peut être agressif avec moi quand nous sommes seuls. Ca m’inquiète pour le Bdia en octobre'. Le 5 octobre 2017, le directeur commercial écrivait à M. C : ' T (Mme A) vient de m’appeler presque en larmes en raison d’une conversation très tendue avec M. K L'.

Le 6 octobre 2017, elle écrivait, 'je commence à être à nouveau épuisée par son attitude'. Les faits ne sont donc nullement prescrits.

Si Mme A s’est adressée directement à M. C, c’est parce qu’elle craignait les réactions de M. K L comme elle l’indique dans un courriel

du 21 juin 2017.

Il a été vu que c’est Mme A elle même qui attirait l’attention de M. K L sur la nécessité de faire payer les clients. Ces courriels sont un appel au secours sur l’attitude de M. K L à son encontre et non le fait qu’elle n’avait pas atteints ses objectifs.

Sur les mises en garde de l’employeur, il est vrai que lorsque Mme I a dénoncé à Mme G, directrice des ressources humaines, par courriel du 28 octobre 2016 des comportements inacceptables, indiquant qu’elle aurait fait remonter ce comportement plus tôt si elle n’avait pas eu peur des représailles. celle-ci quittant la société en novembre 2016., il n’a pas été donné suite.

M. C atteste cependant avoir alerté plusieurs fois M. K L sur la nécessité de modifier son comportement vis à vis de Mme T A lors de conférences téléphoniques et visites en face à face le 3 février 2017 (conférence) et le 1er juin 2017 (visite sur place) et ce même si des sujets d’origine professionnel ont pu être abordés.

Ces comportements qui se sont prolongés tout au long de la relation contractuelle, et notamment en octobre 2017 sont gravement fautifs.

Sur les facturations, M. C justifie avoir fin 2016 attendu mettre fin à des pratiques border line type facturation sans livraison à l’export, paiement de primes sur prises de commandes alors que le pay plan prévoit sur chiffre d’affaires. Il est justifié de rappels à l’ordre à M. K L en février et juillet 2017 sur ses pratiques illégales.

Le 10 octobre 2017, M. C écrivait à Mme G pour lui signaler une commande non conforme au contrat et que M. K L avait donné la consigne de la traiter, ne respectant pas les consignes données.

Ce comportement est gravement fautif et a perduré. Les faits qui se sont poursuivis jusqu’à une date très proche de la procédure de licenciement ne sont pas prescrits.

L’accumulation de comportements gravement fautifs rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis et justifie le licenciement pour faute grave de M. K L.

Le jugement sera confirmé.

Succombant M. K L sera condamné aux dépens et au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne M. K L à payer à la société Euroteknika la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. K L aux dépens.

Ainsi prononcé publiquement le 10 Juillet 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Catherine MASSONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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