Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 20 décembre 2018, n° 17/01487

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 20 déc. 2018, n° 17/01487
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 17/01487
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 27 février 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

CG

MINUTE N° 637/2018

Copies exécutoires à

Maître HARTER

Maître FRICK

Maître ROUSSEL

Le 20 décembre 2018

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 20 décembre 2018

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 17/01487

Décision déférée à la Cour : jugement du 28 février 2017 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTE et demanderesse :

La S.A. ENGIE

prise en la personne de son représentant légal

venant aux droits de la S.A. GDF SUEZ

ayant son siège […]

[…]

représentée par Maître HARTER, avocat à la Cour

INTIMÉS :

- défendeur :

1 – Le Syndicat des Coproriétaires de la Résidence LE BILDSTOECKEL représenté par son Syndic la S.A.S. LAMY NEXITY sise […]

Vienne à […] pris en son établissement de […]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège […]

[…]

représenté par Maître FRICK, avocat à la Cour

- partie intervenante :

2 – La S.A. X

prise en la personne de son représentant légal

ayant son […]

[…]

représentée par Maître ROUSSEL, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Y Z

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

La résidence 'Le Bildstoeckel', située […] à Haguenau, est alimentée en gaz naturel par la société Engie, précédemment GDF Suez.

Ayant été informée par la société X d’une erreur dans le calcul des consommations, basé sur une pression de 21 Mbars au lieu de 300 Mbars, la société GDF Suez a adressé le 29 octobre 2013 au syndicat des copropriétaires des factures rectificatives, dans la limite de la prescription applicable, de cinq ans selon elle, pour la période d’août 2008 à septembre 2013 et d’un montant global de 11 728,44 euros, puis l’a mise en demeure, le 3 décembre 2013, de payer cette somme.

Le syndicat a refusé de payer, aux motifs, notamment, que cette réclamation le plaçait dans une situation délicate au regard de copropriétaires et locataires qui n’étaient pas concernés par les consommations passées, et qu’il appartenait à GDF Suez de se retourner contre X, chargé du calcul de la pression ; le syndicat opposait également la prescription biennale de l’article L. 136-1 du code de la consommation.

Par acte d’huissier délivré le 6 août 2015, la société GDF Suez a fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance de Strasbourg.

Par jugement du 28 février 2017, le tribunal a déclaré la demande soumise à la prescription biennale, au motif que, même si l’article '317-2" du code de la consommation visait les consommateurs dont la définition légale renvoyait aux personnes physiques, le syndicat n’était pas un professionnel visé par la loi et était, dans le cadre du contrat de fourniture de gaz, un consommateur ordinaire, composé de particuliers, consommateurs personnes physiques.

Il a en conséquence condamné le syndicat au paiement de la somme de 129,96 euros, majorée des intérêts légaux à compter de l’assignation, correspondant aux seuls relevés du 26 août 2013 au 26 septembre 2013, et rejeté le surplus de la demande de GDF Suez. Le syndicat a par ailleurs été débouté de

sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts à l’encontre de GDF Suez, en l’absence de faute et de préjudice, ainsi que de son appel en garantie à l’encontre de X, en l’absence de préjudice au regard du montant dû.

Le tribunal a enfin dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné le syndicat aux dépens.

*

La société Engie a interjeté appel le 29 mars 2017.

Par conclusions du 26 juin 2017, la société Engie, indiquant que GDF Suez a changé de dénomination, sollicite l’infirmation du jugement et la condamnation du syndicat à lui payer la somme de 11 728,44 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 décembre 2013, outre 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt étant déclaré commun à X.

A l’appui, elle expose avoir établi ses factures sur la base des éléments de mesure fournis par X, exploitante du service public de distribution de gaz naturel dans le cadre d’un contrat de concession avec la commune, et qu’elle n’a été informée qu’en août 2013 que les volumes facturés ne correspondaient pas aux volumes consommés, du fait d’une erreur de calcul au niveau des systèmes de mesure, laquelle ne lui est pas imputable.

Elle soutient que la prescription biennale n’est pas applicable en l’espèce, l’article L. 137-2 du code de la consommation (nouvel article L. 218-2) visant exclusivement les consommateurs, dont sont exclues les personnes morales, et la notion de non professionnel n’impliquant pas

celle de consommateur, s’agissant de notions distinctes. Elle ajoute que la facturation est du 29 octobre 2013 et que, de jurisprudence constante, le point de départ de la prescription est la date d’exigibilité de la créance à l’égard du débiteur principal. Sur le fond, elle conteste toute faute, n’ayant agi que comme intermédiaire en tant que fournisseur, X étant responsable, en qualité de concessionnaire, du redressement PTA (pression, température, altitude).

*

Par conclusions du 19 décembre 2017, le syndicat sollicite, en cas de condamnation prononcée à son encontre par la cour, l’infirmation du jugement sur le rejet de sa demande reconventionnelle et de son appel en garantie, aux fins de voir condamner:

— la société Engie à lui payer des dommages et intérêts pour 11 728,44 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2013,

— X à le garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, article 700 et frais.

Il sollicite en outre que X soit débouté de toutes ses demandes à son encontre et que les deux sociétés soient condamnées à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir, sur la demande principale, que l’article L. 137-2 du code de la consommation ne définit pas la notion de consommateur, qui peut donc lui être appliquée puisqu’il n’exerce aucune activité professionnelle ; qu’à défaut de retenir la prescription, il convient de retenir une faute du fournisseur du fait de l’inexactitude des relevés ; qu’il subit un préjudice du fait de l’impossibilité de répercuter les surconsommations aux bénéficiaires et du risque d’impayés, en raison du recouvrement très difficile, voire impossible, auquel il sera confronté ; qu’en effet, il va devoir réclamer des consommations à des copropriétaires qui n’étaient pas en place aux dates des relevés erronés, le paiement des condamnations étant dû par les copropriétaires à la date d’exigibilité à hauteur de leurs tantièmes, et qu’en outre, ces derniers ne pourront pas les récupérer sur leurs locataires qui ne sont plus en place.

Sur la recevabilité de son appel en garantie, il indique avoir autorisé ses avocats, lors de l’assemblée générale du 7 avril 2017, à interjeter appel incident afin de demander la garantie de toute condamnation à intervenir en appel à son encontre ; sur le fond, il soutient que l’erreur commise est imputable à une faute du distributeur qui a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard.

*

Par conclusions du 10 novembre 2017, la société X sollicite le débouté de l’appel principal et la condamnation solidaire de la société Engie et du syndicat à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ; elle forme appel incident aux fins de voir infirmer la décision et déclarer irrecevable le recours en garantie, faute pour le syndicat d’avoir été autorisé à agir par une décision de l’assemblée générale des copropriétaires.

Subsidiairement, elle rappelle qu’elle vient depuis le 1er janvier 2008 aux droits et obligations de GDF, pris en tant que distributeur de gaz, et a en charge l’activité de comptage et de fourniture des informations nécessaires à la facturation de la consommation énergétique. Elle soutient n’avoir commis aucune faute, n’ayant pas manqué à son obligation de procéder à une relève régulière des compteurs, alors que la société Engie est la seule à conserver toute latitude pour facturer ses clients et doit procéder à des vérifications régulières des consommations décomptées ; elle ajoute que l’application d’un coefficient de conversion

erroné ne remet pas en cause l’obligation pour le syndicat de payer les consommations de gaz non facturées dont il a bénéficié.

*

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2018.

MOTIFS

Sur la prescription de la demande à l’encontre du syndicat

En application de l’article L. 137-2 du code de la consommation, devenu l’article L218-2 de ce code, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Lorsque la demande est fondée sur une facture, le point de départ du délai biennal se situe au jour de l’établissement de la facture.

Il en résulte, en l’espèce, que, même à supposer ces dispositions applicables au litige, le point de départ du délai serait la date de facturation des consommations de gaz litigieuses, et non la date à laquelle le gaz a été consommé.

Il est constant que les neuf factures rectificatives, à échéance au 13 novembre 2013, ont été établies et adressées le 29 octobre 2013 au syndicat des copropriétaires.

En conséquence, ce n’est qu’à compter du 29 octobre 2013 que la prescription a couru, de sorte qu’à la date de l’assignation, le 6 août 2015, elle n’était pas acquise.

La demande est donc recevable, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur la qualité de consommateur ou non du syndicat.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré la demande soumise à la prescription biennale et limité sa recevabilité aux relevés sur la période du 26 août au 26 septembre 2013.

Sur le bien fondé de la demande à l’encontre du syndicat

Le montant de 11 728,44 euros facturé au total pour la période d’août 2008 à septembre 2013, après déduction des avoirs relatifs à cette période, n’est pas contesté.

Il convient donc d’infirmer le jugement et de condamner le syndicat à payer cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 décembre 2013.

Sur la demande reconventionnelle contre le fournisseur de gaz

Il ressort des courriers de X du 26 mars 2012 et de Gaz de France du 29 octobre 2014 que l’erreur de facturation provenait d’une erreur de conversion entre les mètres cubes mesurés et les kilowatts facturés, le coefficient correcteur 'PTA’ (Pression température altitude) utilisé correspondant à une pression de 21 mbars, alors que la pression délivrée est de 300 mbars, ce qui a conduit à une sous-évaluation du gaz consommé.

Cependant, il apparaît qu’aucune faute n’a été commise par la société Engie, fournisseur de gaz, qui n’était pas en mesure de vérifier la pression délivrée au point de livraison, cette vérification relevant de la compétence de la société X, en qualité de gestionnaire du réseau.

C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande du syndicat à l’encontre de la société Engie.

Sur le recours en garantie

Sur la recevabilité

Il ressort des procès-verbaux d’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble que:

— le 2 avril 2015, par une résolution 26, l’assemblée générale a autorisé le syndic à agir à l’encontre de GDF Suez dans le cadre du dossier de recouvrement des factures rectificatives, objet du présent litige, 'et de toutes personnes pouvant être mises en cause',

— le 7 avril 2017, par une résolution 10, elle a, dans l’hypothèse où GDF Suez devait interjeter appel du jugement du 28 février 2017, autorisé Me Faure et Me Frick, avocats, à régulariser un appel incident 'afin de demander la garantie de toutes condamnations susceptibles d’intervenir en appel à l’encontre du syndicat au bénéfice de GDF SUEZ tant en principal, intérêts et frais de procédure'.

Il en résulte que le syndicat a été autorisé à agir en garantie à l’encontre de la société X, aussi bien en première instance qu’en appel.

Le recours en garantie à son encontre doit donc être déclaré recevable.

Sur le bien fondé

Il apparaît que la société X a commis une faute, elle seule étant en mesure de vérifier la pression au point de livraison ; c’est d’ailleurs elle qui a signalé l’existence d’une incohérence de facturation à la 'Résidence Bildstoeckel’ dès le 26 mars 2012 et indiqué qu’elle allait 'faire un point sur le calcul des consommations sur votre point de livraison', lequel a donné lieu ultérieurement aux factures rectificatives émises par le fournisseur de gaz.

En revanche, le syndicat ne subit pas de préjudice en ce qu’il doit payer des consommations de gaz, dont il est effectivement débiteur.

Par ailleurs, il n’est pas établi, à ce jour, qu’il ne pourra recouvrer la somme auprès des copropriétaires ; les difficultés qu’il craint, liées au fait que certains copropriétaires, ou leurs locataires, n’étaient pas présents aux dates des consommations que le syndicat est condamné à régler par le présent arrêt, ne constituent qu’un risque caractérisant un préjudice éventuel, qui ne peut être indemnisé.

Il convient donc de rejeter le recours en garantie.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l’issue de l’appel, la condamnation du syndicat aux dépens de première instance doit être confirmée, le syndicat étant également condamné aux dépens d’appel.

L’équité ne justifie pas, cependant, l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties, de sorte que le jugement sera également confirmé de ce chef, la cour disant qu’il n’y a pas lieu, non plus, à application de ces dispositions en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a:

— débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence 'le Bildstoeckel’ de sa demande reconventionnelle,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence 'le Bildstoeckel’ aux frais et dépens ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant au jugement déféré,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence 'le Bildstoeckel’ à payer à la société Engie la somme de 11 728,44 € (onze mille sept cent vingt-huit euros et quarante quatre centimes), assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2013 ;

DÉCLARE recevable le recours en garantie du syndicat des copropriétaires de la résidence 'le Bildstoeckel’ à l’encontre de la société X ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence 'le Bildstoeckel’ de son recours en garantie ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les parties en appel ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence 'le Bildstoeckel’ aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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