Cour d'appel de Dijon, Chambre civile section b, 3 décembre 2004

  • Dénomination mediterraneum drink & dine·
  • Antériorité de l'usage·
  • Contrefaçon de marque·
  • Validité de la marque·
  • Caractère descriptif·
  • Caractère distinctif·
  • Concurrence déloyale·
  • Imitation du produit·
  • Procédure abusive·
  • Langue étrangère

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, ch. civ. sect. b, 3 déc. 2004
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Dijon, 17 novembre 2003, 2003/01289
  • Cour de cassation, 20 février 2007, K/2005/11437
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : BOIRE ET MANGER ; DRINK AND EAT ; BOIRE ET DINER ; DRINK AND DINE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 99807234 ; 3187152 ; 3187150 ; 3187149
Classification internationale des marques : CL33
Référence INPI : M20040780
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Texte intégral

La Société VIN DU VAL DE LOIRE (ci-après appelée VINIVAL) exerce une activité de production et de négoce de vins principalement originaires du Val de Loire. Elle a développé une gamme de bouteilles sous les marques « BOIRE ET MANGER » et « DRINK AND EAT » dont l’originalité consiste à faire apparaître, sur les bouteilles, des dessins représentant des animaux ou des aliments afin de permettre au consommateur de choisir, sans difficulté, le vin adapté au plat qu’il va servir. La marque « BOIRE ET MANGER » a été déposée le 9 août 1999 et enregistrée à l’INPI le 21 janvier 2000 sous le n° 99807934. Les marques « BOIRE ET DINER », « DRINK AND DINE » et « DRINK AND EAT » ont été déposées selon demandes du 4 octobre 2002 publiées le 8 novembre 2002 et enregistrées à l’INPI le 14 mars 2003 sous les n° 023187149, 023187150 et 023187152. Par assignation à jour fixe du 26 mars 2003, la Société VINIVAL engage à l’encontre de la SA HENRI DE V une action en contrefaçon de marque ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire. Elle expose que, fin 2002, l’un de ses clients lui a remis une bouteille de vin espagnol étiquetée « MEDITERRANEUM – DRINK AND DINE » qui reproduit ses droits de propriété intellectuelle et reprend, à l’évidence, le concept et les design qu’elle a créés. Elle demande l’institution d’une expertise pour déterminer le nombre de bouteilles vendues à son préjudice et l’octroi de 1.000.000 Euros à titre de dommages intérêts, somme à parfaire au vu des conclusions de l’expert. Elle demande également l’interdiction immédiate de la fabrication et de la commercialisation des bouteilles « MEDITERRANEUM DRINK AND DINE », le rappel et la destruction de celles qui sont sur le marché et des documents publicitaires, la publication du jugement dans deux revues spécialisées, ainsi que 7.500 Euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par jugement du 17 novembre 2003, le Tribunal de Grande Instance de DIJON :

- annule le procès-verbal de constat d’huissier du 12 mars 2003,
- écarte des débats les deux bouteilles de vin produites par la Société VINIVAL à l’audience,
- déboute la Société VINIVAL de ses demandes au titre des contrefaçons,
- déboute la Société VINIVAL de son action fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire,
- sur demande reconventionnelle de la SA HENRI DE V, annule le dépôt des marques « DRINK AND DINE », « BOIRE ET DINER », « DRINK AND EAT » et « BOIRE ET MANGER »,
- déboute la Société HENRI DE VILLAMONT de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,
- condamne la Société VINIVAL à verser à la Société HENRI DE VILLAMONT 5.000 Euros au titre des frais irrépétibles. La Société VINIVAL fait appel de ce jugement par déclaration reçue au Greffe de la Cour le 25 Novembre 2003. Par conclusions récapitulatives déposées le 31 Août 2004 auxquelles il est renvoyé pour la lecture des moyens, la Société VINIVAL soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a retenu, le dépôt des marques de la gamme « BOIRE ET MANGER » remplit les conditions de validité imposées par le Code de la Propriété Intellectuelle et que son action en contrefaçon est recevable. Elle ajoute que le procès-verbal de Me R en date du

12 Mars 2003 est tout à fait régulier et peut servir d’élément de preuve. Maintenant les arguments développés en première instance, elle demande à la Cour de :

- Infirmer en totalité le jugement du Tribunal de Grande Instance de DIJON du 17 Novembre 2003,
- Statuant à nouveau :

- Constater, dire et juger que l’apposition de la marque " DRINK & DINE « sur les bouteilles produites et vendues par la Société HENRI DE VILLAMONT SA constitue une contrefaçon par reproduction pure et simple de la marque » DRINK & DINE " déposée par la Société VINS DU VAL DE LOIRE et enregistrée à l’INPI sous le numéro 023187150,
- Constater, dire et juger que l’apposition de la marque " DRINK & DINE « sur les bouteilles produites et vendues par la Société HENRI DE VILLAMONT SA constitue une contrefaçon par imitation, susceptible de créer une confusion dans l’esprit du public, des marques » BOIRE & MANGER « , » DRINK & EAT « et » BOIRE & DINER ", également déposées par la Société VINS DU VAL DE LOIRE et respectivement enregistrées à l’INPI sous les numéros 99807934, 023187152, 023187149,
- Constater, dire et juger que les bouteilles produites et vendues par la Société HENRI DE VILLAMONT SA sous les marques " DRINK & DINE « et » MEDITERRANEUM « reprennent l’essentiel des caractéristiques du concept original créé et développé par la Société VINS DU VAL DE LOIRE pour sa gamme de bouteilles commercialisées sous les marques » BOIRE & MANGER « , » DRINK & EAT « , » BOIRE & DINER « et » DRINK & DINE " et que la commercialisation de ces bouteilles constitue, de la part de la société HENRI DE VILLAMONT SA, des agissements de concurrence déloyale et parasitaire,
- En conséquence,
- Condamner la Société HENRI DE VILLAMONT SA à verser à la société VINS DU VAL DE LOIRE la somme de un million d’euros (1.000.000 Euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière, du fait des agissements de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire de la Société HENRI DE VILLAMONT SA,
- Ordonner à la Société HENRI DE VILLAMONT SA l’interdiction immédiate de produire, faire produire, fabriquer, faire fabriquer, commercialiser, faire commercialiser, diffuser, faire diffuser, de quelque façon que ce soit et où que ce soit, les bouteilles produites et vendues par la Société HENRI DE VILLAMONT SA sous les marques " DRINK & DINE « et » MEDITERRANUEUM « et/ou reprenant le concept original créé et développé par la Société VINS DU VAL DE LOIRE pour sa gamme de bouteilles commercialisées sous les marques » BOIRE & MANGER « , » DRINK & EAT « , » BOIRE & DINER « et » DRINK & DINE ",
- Ordonner à la Société HENRI DE VILLAMONT SA l’interdiction immédiate de produire, faire produire, fabriquer, faire fabriquer, diffuser, faire diffuser, de quelque façon que ce soit et où que ce soit, des documents publicitaires, sous quelque forme que ce soit, concernant les bouteilles susmentionnées,
- Ordonner à la Société HENRI DE VILLAMONT SA la destruction immédiate, à ses frais exclusifs, de tous les exemplaires des bouteilles susmentionnées, vides ou pleines, et de tous documents publicitaires y afférents au plus tard dans les 24 heures suivant le prononcé du jugement à intervenir, ce sous astreinte de 3.000 Euros par jour de retard,

— Ordonner à la Société HENRI DE VILLAMONT SA le rappel des bouteilles d’ores et déjà vendues ou mises sur le marché, où que ce soit, et le retrait du marché de ces bouteilles, à ses frais exclusifs, au plus tard dans les 72 heures suivant le prononcé du jugement à intervenir, ce sous astreinte de 3.000 Euros par jour de retard,
- Ordonner à la Société HENRI DE VILLAMONT SA la production, à ses frais exclusifs, d’un procès-verbal d’huissier attestant que la destruction de tous les exemplaires des bouteilles et des documents publicitaires y afférents a effectivement été réalisée,
- Ordonner à la société HENRI DE VILLAMONT SA la production, à ses frais exclusifs, d’un procès-verbal d’huissier attestant que le rappel et le retrait du marché des bouteilles ont effectivement été réalisés,
- Ordonner la publication, aux soins de la Société VINS DU VAL DE LOIRE, aux frais exclusifs toutes taxes comprises de la Société HENRI DE VILLAMONT SA, du jugement à intervenir, par extrait traduit au besoin :

- sur une demie page, dans la revue « RVI – Revue Viticole Internationale »,
- sur un quart de page, dans la revue « Wine Spectator ».

- Condamner la Société HENRI DE VILLAMONT SA au paiement de la somme de 15.000 Euros au profit de la société VINS DU VAL DE LOIRE au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Condamner la Société HENRI DE VILLAMONT SA aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître G, avoué à la Cour, sur le fondement de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile. Par écritures déposées au Greffe le 11 Juin 2004 auxquelles il est renvoyé pour la lecture des moyens, la Société HENRI DE VILLAMONT, qui reconnaît que depuis Juillet 2000, elle commercialise des vins français, espagnols ou italiens dans des bouteilles portant la marque « MEDITERRANEUM » avec, en dessous, l’expression « DRINK AND DINE », conclut à la confirmation du jugement du Tribunal de Grande Instance de DIJON en ce qu’il a annulé le procès-verbal de constat du 12 mars 2003, débouté la Société VINIVAL de toutes ses demandes, et annulé le dépôt des marques « DRINK AND DINE », « BOIRE ET DINER », « DRINK AND EAT » et « BOIRE ET MANGER ». Elle demande la condamnation de la Société VINIVAL à lui verser 100.000 Euros de dommages et intérêts pour appel abusif et 15.000 Euros au titre des frais irrépétibles. L’ordonnance de clôture est prononcée le 9 septembre 2004.

I – Sur l’action en contrefaçon : La Société VINIVAL reproche à la Société HENRI DE VILLAMONT d’utiliser les termes « DRINK AND DINE » et, ainsi, de contrefaire, par reproduction, la marque « DRINK AND DINE » et par imitation, les marques « BOIRE ET MANGER », « BOIRE ET DINER » et « DRINK AND EAT ». Selon l’article L. 716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, la contrefaçon se définit comme l’atteinte portée au droit du propriétaire d’une marque. L’action en contrefaçon suppose donc que le demandeur soit le propriétaire d’une marque au sens du même Code.

L’article L. 711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle définit la marque comme « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale. » L’article L. 711-2 du même Code précise que les signes ne présentant pas un caractère distinctif par rapport au produit ou au service désigné ne sont pas susceptibles de constituer une marque, et que sont notamment dépourvus de caractère distinctif « les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ». En l’espèce, la Société VINIVAL explique elle-même dans ses écritures (page 15) : « Les marques de la gamme » BOIRE ET MANGER " désignent un produit intrinsèquement banal constitué d’une bouteille de vin de qualité commune qui se distingue des produits similaires :

- d’une part, par l’apposition des marques « BOIRE ET MANGER »,
- mais aussi, d’autre part, par un design original et attractif permettant la mise en valeur de vins ordinaires ainsi qu’un conseil culinaire proposant au consommateur d’harmoniser le contenu de la bouteille avec certaines catégories de mets « . Il apparaît ainsi clairement que le produit commercialisé par la Société VINIVAL est essentiellement une bouteille dont la décoration particulière indique immédiatement au consommateur, compte tenu du plat qu’il entend manger, qu’elle contient le vin adéquat. Les termes » BOIRE ET MANGER « ne sont que descriptifs de ce produit qui consiste à rapprocher ce que l’on doit boire de ce que l’on va consommer. Il en est de même pour les termes » BOIRE ET DINER « et pour les termes » DRINK AND EAT « et » DRINK AND DINE « qui n’en sont que la traduction en anglais. Il ne peut donc qu’être fait droit à la demande d’annulation des marques » DRINK AND DINE « , » BOIRE ET DINER « , » DRINK AND EAT « et » BOIRE ET MANGER « . La Société VINIVAL qui n’est pas propriétaire d’une marque, n’a ni qualité ni intérêt à agir en contrefaçon. Par conséquent, les autres arguments et moyens soulevés par les parties dans le cadre de cette demande sont sans objet. II – Sur l’action en concurrence déloyale et en concurrence parasitaire : La Société VINIVAL reproche à la Société HENRI DE VILLAMONT d’imiter toutes les caractéristiques de son produit, que ce soit en copiant le produit lui-même, son positionnement marketing et commercial ou son image de marque, et de se livrer en conséquence à des actes de concurrence déloyale et à des actes de concurrence parasitaire. Elle soutient qu’ainsi, la défenderesse s’attribue toute l’originalité du concept » particulièrement novateur « qu’elle a créé, en ce qu’il guide le consommateur profane pour choisir, sans l’aide d’un professionnel du vin, un breuvage adapté aux plats qu’il cuisine. Le demandeur à l’action en concurrence déloyale et en concurrence parasitaire est tenu de prouver qu’il a, le premier, fait usage de la présentation considérée dans le commerce. Son action ne peut qu’être rejetée quand rien ne permet de déterminer que c’est lui qui a pris l’initiative d’utiliser la présentation en cause. La Société VINIVAL justifie avoir commencé la commercialisation des bouteilles de la gamme » BOIRE ET MANGER " à partir de 1999. Toutefois la Société HENRI DE

VILLAMONT produit aux débats la copie de 9 étiquettes de bouteilles de vins différentes sur lesquelles apparaissent, à chaque fois, des conseils, notamment sur les aliments avec lesquels le vin s’accorde le mieux, lesdits conseils étant formulés soit sous la forme d’une liste de mets, soit sous la forme de dessins. Il est ainsi démontré que ce concept est largement utilisé par d’autres sociétés que les parties, et la demanderesse n’établit pas qu’en 1999 tel n’était déjà pas le cas. Elle ne peut donc qu’être déboutée de ses demandes sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres arguments développés par les parties. III – Sur la demande reconventionnelle : La Société HENRI DE VILLAMONT reproche à la Société VINIVAL d’avoir abusivement fait appel du jugement du Tribunal de Grande Instance, relevant qu’elle s’est contentée de réitérer devant la Cour ses prétentions et moyens initiaux. Le simple fait de faire appel d’un jugement et de maintenir en cause d’appel ses prétentions initiales, ne suffit pas à caractériser le caractère abusif du recours. Au surplus, la Société DE V n’établit ni la nature ni l’importance du préjudice qu’elle invoque et qui serait indépendant des frais liés à sa défense. Elle sera déboutée de ce chef de demande. Il serait par contre inéquitable de laisser à sa charge le coût de ses frais irrépétibles. Il lui sera alloué 6.000 Euros de ce chef. PAR CES MOTIFS, Infirme le jugement du 17 novembre 2003, Statuant à nouveau, Annule le dépôt de la marque « BOIRE ET MANGER » n° 99807934 effectué le 9 août 1999, Annule les dépôts des marques « DRINK AND DINE » n° 023187150, « BOIRE ET DINER » n° 023187149 et « DRINK AND EAT » n° 023187152 effectués le 4 octobre 2002. Déclare irrecevable l’action en contrefaçon de marque engagée par la Société VINIVAL, Déboute la Société VINIVAL de son action fondée sur la concurrence déloyale et sur la concurrence parasitaire, Déboute la SA HENRI DE V de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Condamne la Sarl VINIVAL à verser à la SA HENRI DE V 6.000 Euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la Sarl VINIVAL aux entiers dépens.

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