Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 25 février 2021, n° 19/00110

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, ch. soc., 25 févr. 2021, n° 19/00110
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 19/00110
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Dijon, 16 décembre 2018, N° 17/00756
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PH/CH

A X

C/

MUTUALITE FRANCAISE BOURGUIGNONNE SERVICES DE SOINS ET ACCOMPAGNEMENT MUTUALISTES – représentée par son président en exercice

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 FEVRIER 2021

MINUTE N°

N° RG 19/00110 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FF6E

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation

paritaire de DIJON, section ENCADREMENT, décision attaquée en date du 17 Décembre 2018,

enregistrée sous le n° 17/00756

APPELANT :

A X

[…]

[…]

représenté par Me Jean-François MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, Me Eric LAVIROTTE de la SELARL SELARL ASCALONE AVOCATS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

INTIMÉE :

M U T U A L I T E F R A N C A I S E B O U R G U I G N O N N E S E R V I C E S D E S O I N S E T ACCOMPAGNEMENT MUTUALISTES – représentée par son président en exercice

[…]

[…]

représentée par Me Loïc DUCHANOY de la SCP LDH AVOCAT, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Ophélie RABOUH, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Janvier 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

E F, Président de chambre, Président,

Gérard LAUNOY, Conseiller,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise GAGNARD,

GREFFIER LORS DU PRONONCÉ : C D,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par E F, Président de chambre, et par C D, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. A X, selon contrat à durée indéterminée, a été engagé, à compter du 2 décembre 2013, en qualité de directeur du secteur dentaire, par la Mutualité Française Bourguignonne. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle, le 14 juin 2017.

Contestant cette mesure et réclamant le paiement d’heures supplémentaires, de périodes d’astreinte, d’une indemnité pour travail dissimulé, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon, le 19 octobre 2017.

Par jugement du 17 décembre 2018, cette juridiction a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de toutes ses prétentions.

Appelant de cette décision, ce dernier demande à la cour de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, subsidiairement qu’il est irrégulier, et de condamner l’employeur à lui verser les sommes suivantes :

—  34 982,16 €, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, 4 372,77 €, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement irrégulier,

—  16 899,42 €, à titre d’heures supplémentaires,

—  1 689,94 €, au titre des congés payés afférents,

—  26.236,62 €, à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

—  4 100 €, au titre d’astreintes,

—  651,63 €, au titre des heures de travail réalisées pendant les astreintes,

—  5 000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Mutualité Française Bourguignonne conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite une indemnité de 2 000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, la cour entend se référer à leurs

demandes transmises par le réseau privé virtuel des avocats.

La clôture de la procédure a été ordonnée, le 10 décembre 2020. Après un renvoi décidé en raison de la crise sanitaire, l’affaire a été plaidée à l’audience du 12 janvier 2021 et mise en délibéré au 25 février 2021.

SUR QUOI

Sur le licenciement

Attendu que la lettre du 14 juin 2017, notifiant à M. X son licenciement, comporte les énonciations suivantes :

« (') Directeur du secteur dentaire depuis le 2 décembre 2013, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous, qu’ils soient économiques et financiers ou en matière d’organisation de services, du travail et des relations humaines (') ; (') Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants, sur les deux périmètres de vos missions (') ;

qu’il a été ainsi fait état des griefs suivants :

Concernant les centres de santé dentaire :

— organisation cible à atteindre au niveau des centres,

— absence de communication dans le recrutement des praticiens,

— non respect des consignes,

— carences dans la mise en oeuvre de stratégies et, notamment, celle de l’implantologie,

Concernant le laboratoire de prothèses dentaires :

— carences dans la mise en oeuvre de la fabrication assistée par ordinateur,

— absence de mise en place d’une organisation du travail et d’un nouvel organigramme,

— détérioration des relations avec les partenaires clients ;

que la missive susvisée contient, in fine, cette appréciation : « Pour l’ensemble de ces motifs énumérés ci-dessus, nous ne pouvons que vérifier que vous ne tenez pas votre poste ainsi que vous le devriez en raison de nombreuses insuffisances professionnelles, qui rejaillissent négativement pour les activités dentaires et pour la MFB SSAM dans son ensemble. Ces insuffisances professionnelles génèrent une perte de confiance à votre encontre. Nous prononçons donc à votre égard le licenciement pour insuffisance professionnelle et perte de confiance » ;

Attendu que, dans la lettre de synthèse, en date du 18 octobre 2013, envoyée par M. X à la Mutualité Française Bourguignonne à la suite de l’entretien d’embauche, ce dernier indique être conscient qu’il devra « développer et garantir la performance du secteur dentaire », dans ses aspects financiers, organisationnels et humains, « être exemplaire dans son management », notamment, en faisant preuve « de proximité et d’écoute tout en conservant la bonne distance avec ses collaborateurs », revoir en profondeur le calcul du coût de revient au niveau du laboratoire, renforcer la démarche qualité ;

Que, par ailleurs, la fiche de fonction jointe à l’offre d’emploi récapitule précisément les tâches

confiées au directeur du secteur dentaire ;

Qu’enfin, une communication du président de la Mutualité, diffusée le 31 mai 2016, dont a été destinataire M. X, ainsi qu’une note interne en date du 26 mai 2016, indiquent respectivement que l’organisation des centres de santé dentaire doit être repensée dès lors qu’ils présentent un déficit important du fait de l’optimisation insuffisante des fauteuils, que le laboratoire rencontre des difficultés depuis plusieurs années à la suite de la perte de clients mutualistes historiques, qu’il est nécessaire de revoir les modèles organisationnels afin d’atteindre le double objectif de l’équilibre économique et de l’extension de l’offre en matière de soins ;

Attendu qu’au vu de ces éléments, M. X était parfaitement informé des missions lui incombant et des actions prioritaires à engager afin de remédier aux dysfonctionnements et aux difficultés, notamment financières, connus par la Mutualité Française Bourguignonne depuis plusieurs années ;

Attendu que, si l’intimée ne justifie pas que M. X est responsable des échecs dans la mise en 'uvre de stratégies relatives à l’activité d’implantologie et dans le développement de la fabrication assistée par ordinateur, pour autant les griefs concernant les difficultés financières persistantes, le taux d’occupation des fauteuils dentaires, la réorganisation des centres dentaires, l’absence de communication dans le recrutement des praticiens, le non-respect des consignes pour prévenir un risque psycho-social au sein de l’établissement de Cosne-sur-Loire, la détérioration des relations avec les clients, sont avérés et imputables à M. X ;

qu’ainsi, ses carences et l’inefficacité de ses actions sont démontrées par des courriels provenant, notamment, de dentistes, de la directrice du pôle de soins de la Mutualité Française de Champagne-Ardenne, du directeur de la filière dentaire de la Mutualité de Lorraine, le mémorandum établi par le directeur de l’animation de la vie mutualiste de Lorraine, les notes de services rédigées par l’appelant, une lettre collective de plainte signée par le personnel du laboratoire de prothèse dentaire de Chevigny-Saint-Sauveur, les tableaux de bord arrêtés aux mois de mars et décembre 2017, le résultat d’exploitation 2015, le tableau d’occupation des fauteuils dentaires relatif à l’année 2017 ;

Attendu que M. X ne saurait justifier son incapacité à atteindre les objectifs qui lui avaient été fixés par le caractère ardu des tâches à accomplir puisque précisément, il avait été recruté pour remédier aux dysfonctionnements et difficultés récurrentes de la Mutualité, ce qu’il n’ignorait pas lors de son embauche ; qu’il est inopérant d’indiquer qu’il a fallu deux personnes pour le remplacer ; qu’en effet, l’une d’elle a été embauchée, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, comme indiqué par le registre du personnel ;

Qu’il ne saurait mettre en avant un manque de formation dès lors, qu’en trois ans et demi d’exercice, il a pu combler son déficit d’expérience dans le secteur dentaire et qu’il a bénéficié de 416 heures de formation en matière de «coaching», comme indiqué dans la convention signée le 10 avril 2015 ;

Attendu qu’en outre, le compte-rendu de l’entretien d’évaluation établi, le 22 décembre 2016, souligne les carences de l’appelant, contrairement à ce qu’il prétend dans ses écritures ; qu’ainsi, il est noté : « C’est compliqué, certains objectifs sont difficilement atteignables » et plus loin « A est plus dans le conceptuel que dans la mise en application effective des projets » ; que ces mentions signifient que, compte tenu des limites de l’intéressé, il était à craindre que ses actions ne fussent pas efficaces ;

Attendu qu’enfin, M. X ne saurait soutenir qu’aucun grief ne lui a été adressé antérieurement au licenciement ; qu’en effet, des erreurs et des approximations lui ont été reprochées par courriels des 8, 9, 28 et 29 novembre 2016, 26 janvier, 15 mars et 18 avril 2017 ;

Attendu que, dans ces conditions, la rupture du contrat de travail pour insuffisances professionnelles

était fondée ; que le licenciement repose donc sur une cause réelle et sérieuse ; que M. X doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

Attendu que M. X fait valoir que l’employeur n’a pas respecté les dispositions de l’article L. 1232-2 alinéa 3 du code du travail, selon lequel l’entretien préalable au licenciement ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation ; qu’il précise avoir reçu cette missive, le 24 mai 2017, que le lendemain était un jour férié, de sorte que l’entretien préalable du 31 mai serait intervenu alors que le délai susvisé n’était pas accompli ;

Que, cependant, l’appelant qui doit prouver ses allégations, ne produit pas l’avis de réception établissant qu’il aurait reçu sa convocation, le 24 mai ; qu’en conséquence, il ne démontre pas que le délai de cinq jours n’a pas été respecté ; qu’il doit, dès lors, être débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires

Attendu que M. X soutient qu’il accompli en moyenne 4,11 heures supplémentaires par semaine, et 17,84 heures supplémentaires par mois pendant trois ans ; qu’il sollicite, à ce titre le paiement de la somme de 16 899,42 €, correspondant au total à 535,30 heures ;

Attendu qu’aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Attendu qu’il est constant que la durée du travail de l’appelant a été fixée à 34,80 heures par semaine ; qu’à l’appui de sa demande, l’appelant verse aux débats des plannings, des remboursements de frais de mission attestant de déplacements, ainsi que deux attestations, rédigées par Mme Y et par Mme Z, relatant que sa charge de travail était importante et qu’il a participé à des réunions s’achevant après 22 heures ; que l’appelante fait utilement observer, d’une part, que des jours de récupération n’ont pas été pris en compte, et, d’autre part, que les plannings susvisés révèlent que l’intéressé a accompli des prestations dont la durée totale a été inférieure au temps de travail contractuel, au cours des mois de février, mai, juin, juillet, août et octobre 2015, ainsi que pendant les mois d’août et novembre 2016, de même que pendant le mois d’avril 2017 ;

Attendu que, dans ces conditions, la cour forme sa conviction que seules 87,08 heures supplémentaires n’ont pas été rémunérés, ce qui détermine une créance de 2 750 € ; qu’en conséquence, la Mutualité Française Bourguignonne doit être condamnée à verser au salarié la somme de 2 750 €, outre celle de 275 €, au titre des congés payés afférents ;

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Attendu que M. X sollicite le paiement de la somme de 26 236,62 €, au titre de l’indemnité prévue par l’article L.8223-1 du code du travail ;

Attendu qu’outre qu’il est constant que l’intimée a déclaré aux organismes sociaux l’embauche de l’appelant et qu’elle s’est régulièrement acquittée des cotisations sociales afférentes, il convient de relever que l’intention de dissimuler l’activité salariée de M. X n’est pas établie et ne saurait se déduire du seul constat de l’existence d’une créance au titre d’heures supplémentaires, de surcroît contestée : qu’en conséquence, le salarié doit être débouté de sa demande en paiement d’une

indemnité à ce titre ;

Sur les astreintes

Attendu que M. X prétend que, pendant toute la durée du contrat de travail, il a été constamment soumis à une astreinte, de jour comme de nuit ; qu’il sollicite à ce titre le paiement de la somme de 4 100 €, correspondant à la somme de 100 € par mois, et d’un rappel de salaire de 651,63 €, au titre du travail effectué pendant ces astreintes ;

Attendu qu’il résulte du contrat de télésurveillance, de la note de service sur la gestion des systèmes d’alarme, d’un échange de courriels entre la directrice du pôle santé et M. X que chaque établissement disposait d’un système de surveillance par alarme, qu’il incombait au directeur ou à d’autres cadres choisis par la direction, de traiter tout déclenchement de l’alarme, que, le 17 février 2015, l’appelant a été sollicité pour appeler la société de surveillance ;

qu’en revanche, M. X ne produit aucune pièce établissant que, contrairement aux prescriptions de la note de service, il aurait été le seul salarié concerné par la sujétion susvisée, pendant plus de trois ans, de jour comme de nuit et que ces astreintes étaient forfaitairement rémunérées par l’allocation d’une somme mensuelle de 100 € ; qu’il ne prouve pas davantage avoir accompli des prestations de travail pendant ces astreintes ; qu’il n’en précise, au demeurant, ni les dates, ni la nature ;

que, dans ces conditions, il doit être débouté de ses demandes en paiement des sommes de 4 100 € et 651,63 € ;

Attendu que la Mutualité Française Bourguignonne, qui succombe, doit être condamnée à payer à M. X la somme de 800 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, et doit supporter la charge des dépens de premier ressort et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme partiellement le jugement déféré ;

Condamne la Mutualité Française Bourguignonne à verser à M. A X les sommes suivantes :

—  2 750 €, à titre d’heures supplémentaires,

—  275 €, au titre des congés payés afférents,

—  800 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. A X de ses autres demandes ;

Condamne la Mutualité Française Bourguignonne aux dépens de premier ressort et d’appel.

Le greffier Le président

C D E F

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