Cour d'appel de Douai, 11 février 2009, n° 07/04807

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 11 févr. 2009, n° 07/04807
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 07/04807
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lille, 4 juillet 2007

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 11/02/2009

*

* *

N° de MINUTE : /09

N° RG : 07/04807

Jugement (N° 05/4620)

rendu le 05 Juillet 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : BM/AMD

APPELANTE

MUTUELLE DE LA POLICE NATIONALE DE STRASBOURG

ayant son XXX

XXX

XXX

représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX

représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués associés à la Cour

Assistée de Maître BARRAUX, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉE

UNION DES MUTUELLES DU MINISTERE DE L’INTERIEUR PREVOYANCE

ayant son siège XXX

XXX

représentée par son représentant légal

Représentée par Maître QUIGNON, avoué à la Cour

Assistée de Me Brigitte PETITDEMANGE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Monsieur Y, Président de chambre

Madame BONNEMAISON, Conseiller

Madame MULLER, Conseiller


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame X

DÉBATS à l’audience publique du 20 Octobre 2008, après rapport oral de l’affaire par Monsieur Y

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 Février 2009 après prorogation du délibéré en date du 14 Janvier 2009 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Monsieur Y, Président, et Madame X, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 septembre 2008

*****

LA COUR,

A) EXPOSÉ DES FAITS ANTÉRIEURS :

1. Antérieurement au présent procès, il existait quatre mutuelles ayant pour adhérents des personnels relevant du ministère de l’intérieur – s’agissant de :

+ la mutuelle de la Police Nationale de Lille (MPN Lille),

+ la mutuelle de la Police Nationale Rhône Alpes Auvergne (MPN Lyon),

+ la mutuelle de la Police Nationale Alsace Franche-Comté Bourgogne (MPN Strasbourg),

+ la mutuelle de la Police Nationale de Nancy (MPN Nancy).

Ces quatre mutuelles étaient réunies au sein de l’Union des sociétés mutualistes de la Sûreté Nationale devenue ultérieurement l’Union des mutuelles de la Police Nationale (UMPN).

Cette Union permettait à chacune des mutuelles en jeu, pour ses adhérents propres, de bénéficier de produits, d’oeuvres sociales et de services communs (par exemple : pécule retraite, rente survie enfant handicapé, appartements de vacances dans une résidence au Cap Esterel) tout en conservant son indépendance pour décider de produits et de prestations spécifiques (par exemple le taux de couverture maladie) ainsi que pour fixer le tarif des cotisations de ses différentes catégories d’adhérents.

L’UMPN concernait en 1997 environ 50 000 adhérents ; sur ce nombre, la MPN Lille gérait quant à elle environ 31 000 adhérents, la MPN Lyon gérait environ 12 500 adhérents, la MPN Strasbourg gérait environ 3 500 adhérents, la MPN Nancy gérait environ 3 000 adhérents.

2. Courant 1998, spécialement lors d’une assemblée générale de l’UMPN tenue les 21-22 octobre 1998, a été décidée la création d’une 'plate-forme prestataire commune’ (compte rendu de l’assemblée générale p. 25 et suivantes), caractéristique d’une opération d’uniformisation et d’un rapprochement accru des mutuelles adhérentes à l’UMPN.

Il s’agissait notamment de faire face à la concurrence avec l’autre organisme mutualiste du secteur, la mutuelle générale de la Police (MGP) ; le but était aussi d’aboutir à un fonctionnement suivant la règle 'les mêmes prestations, les mêmes cotisations’ (p. 28).

3. Ce même projet, débattu lors de l’assemblée générale de la MPN Strasbourg tenue le 17 juin 1999 à Munster, a été analysé comme une 'fusion par absorption de la Mutuelle de Lille’ (compte rendu de l’assemblée générale p. 15) c’est à dire comme une fusion avec la MPN Lille, la MPN Lyon et la MPN Nancy sous l’autorité de la MPN Lille en tant que gérant au sein de l’UMPN le plus grand nombre d’adhérents, et rejeté (p. 18).

4. Le 8 septembre 1999, le conseil d’administration de l’UMPN s’est réuni pour derechef étudier le projet, défini désormais comme une 'fusion-absorption’ (compte rendu du conseil d’administration p. 3) et décrit comme 'une proposition (…) faite aux quatre mutuelles de n’en faire qu’une’ (p. 6) ; il a été pris acte du refus de la MPN Strasbourg (p. 6).

En définitive, la MPN Strasbourg a été exclue de l’UMPN (p. 10).

Dans le cadre des échanges de vue pour envisager 'de quelle façon on va liquider les dossiers que nous avions en commun’ (p. 11) a été évoqué spécialement le cas du contrat groupe assurance décès-invalidité souscrit après de la Caisse nationale de prévoyance (CNP), étant expliqué que trois contrats individuels souscrits auprès de la CNP par chacune des trois MPN de Lille, Nancy et Strasbourg avaient été 'mutualisés’ à compter du 1er janvier 1988 – s’agissant ainsi d’un contrat devenu unique qui, en cas de non fusion, devrait être 'démutualisé’ entre ces trois mutuelles.

5. L’assemblée générale de l’UMPN tenue les 26-27-28 octobre 1999 a ratifié l’exclusion de la MPN Strasbourg (compte rendu de l’assemblée générale p. 3).

Elle a ensuite étudié la continuation du projet devenu 'Fusion Lille Lyon Nancy’ (p. 32 et suivantes, p. 40) – y compris un changement de dénomination avec prise du sigle 'MMI'.

6. À ce stade de l’exposé des faits, il doit être récapitulé que :

* le projet envisagé en 1998 d’un rapprochement entre les quatre mutuelles regroupées au sein de l’UMPN s’entendait en réalité d’une fusion de ces quatre groupements mutualistes, entraînant notamment le principe 'mêmes cotisations – mêmes prestations',

* la MPN Strasbourg, après avoir refusé cette fusion en ce qui la concernait, a été exclue de l’UMPN en 1999,

* le projet de fusion s’est poursuivi entre les trois mutuelles restantes (à savoir la MPN Lille, la MPN Lyon et la MPN Nancy), avec notamment changement de dénomination pour MMI,

* les difficultés de 'démutualisation’ des produits communs ont été envisagées mais non résolues.

B) PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE :

1. Selon assignation délivrée le 23 février 2000, la MPN Strasbourg a agi en justice à l’encontre de l’UMPN pour voir annuler les décisions d’exclusion prises à son encontre (tant celle prise par le conseil d’administration du 8 septembre 1999 que celle prise par l’assemblée générale du 26-27-28 octobre 1999), les dites décisions étant nulles et inopposables à la demanderesse ; elle a également demandé que lui soient réservés ses droits et moyens propres à déterminer son préjudice, notamment en lien avec les répartitions non opérées (depuis 1988) des excédents générés annuellement par le contrat CNP et que lui soit allouée une provision.

2. Selon jugement rendu le 6 novembre 2003, le tribunal de grande instance de Lille a pour l’essentiel :

— annulé les décisions d’exclusion de l’UMPN prises à l’encontre de la MPN Strasbourg tant par le conseil d’administration que par l’assemblée générale de l’UMPN,

— réservé à la MPN Strasbourg le droit de chiffrer ultérieurement le préjudice résultant de cette exclusion.

Dans sa motivation relative au préjudice subi par la MPN Strasbourg, le dit jugement a précisé que :

° il convient de réserver à la MPN Strasbourg le droit de chiffrer son préjudice -qui est 'patent'- en lien avec les produits dont ses adhérents mutualistes ont été privés suite à son exclusion de l’UMPN,

° en ce que le reversement des excédents annuels du contrat CNP aux trois mutuelles en jeu (Lille, Nancy et Strasbourg) a été décidé à partir d’octobre 1994 par le moyen d’un versement à la MPN Lille à charge par elle d’opérer le partage entre les trois mutuelles, la demande en tant que dirigée contre l’UMPN est irrecevable.

3. L’UMPN a relevé appel de ce jugement puis s’est désistée de son appel, ainsi que constaté selon ordonnance rendue le 2 février 2004 par le magistrat de la mise en état de la première chambre civile (section 2) de la cour d’appel de Douai.

Ce jugement est donc définitif.

4. Il doit être précisé que, lors d’une assemblée générale tenue le 8 février 2002, l’UMPN a décidé de changer de dénomination pour s’appeler désormais 'Union des mutuelles du ministère de l’intérieur’ (UMMI) ; dès 2003, cette dénomination est devenue 'Union des mutuelles du ministère de l’intérieur Prévoyance’ (UMMI Prévoyance).

À lire un courrier adressé le 17 décembre 2002 par son président au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, elle s’est trouvée composée de :

# la mutuelle du ministère de l’intérieur (MMI – s’agissant ici des trois MPN de Lille, Nancy et Lyon qui avaient effectivement fusionné conformément à leur projet élaboré en 1998/1999),

# la mutuelle de prévoyance de la Police (MPP).

5. Selon conclusions signifiées le 18 mai 2004, la MPN Strasbourg a repris son instance pour voir fixer le montant de son préjudice résultant de son éviction irrégulière, et ce à hauteur de 3 190 000,00 € compte non tenu des excédents du contrat CNP.

L’UMMI Prévoyance, qui s’est présentée au procès en défense comme venant aux droits et/ou en continuation sous nouvelle dénomination de l’UMPN, a contesté la demande en faisant valoir en substance que, l’exclusion irrégulière de 1999 ayant été annulée, la MPN Strasbourg avait retrouvé sa place et ses droits au sein de l’UMPN devenue l’UMMI Prévoyance en sorte qu’elle ne pouvait avoir subi de préjudice autre que symbolique.

6. Selon jugement rendu le 5 juillet 2007 auquel il est entièrement fait référence pour l’exposé des données de base du procès et des prétentions et moyens respectifs des parties, le tribunal de grande instance de Lille a pour l’essentiel :

— dit que l’UMMI Prévoyance avait qualité et intérêt à agir comme succédant à l’UMPN,

— débouté la MPN Strasbourg de ses demandes,

— condamné la MPN Strasbourg à payer à l’UMMI Prévoyance des dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens du procès.

7. La MPN Strasbourg a relevé appel de ce jugement.

C) MOYENS ET PRÉTENTIONS ACTUELS DES PARTIES :

1. La MPN Strasbourg conteste en préalable toute procédure abusive qui pourrait lui être reprochée alors que le jugement du 6 novembre 2003 a fait droit à son action et réservé expressément son droit à déterminer son préjudice.

Sur le fond, elle argue des transformations profondes qu’a connues l’UMPN et des décisions prises en son absence forcée, le tout caractéristique de la perte de l’intérêt commun qui animait cette structure (en témoigne spécialement l’hostilité dont elle est encore manifestement victime) en sorte qu’elle est fondée, plutôt que de revendiquer une réintégration qui serait fictive ou impossible, à refuser cette réintégration et à obtenir réparation de son préjudice.

Pour déterminer celui-ci, elle rappelle le patrimoine de l’UMPN qu’elle a contribué à constituer, une part de ces avoirs, proportionnelle à son 'poids’ dans l’UMPN, devant lui être restituée ; sur la base d’éléments de calcul nécessairement approximatifs sur lesquels elle s’explique, elle réclame qu’il soit enjoint à l’UMMI Prévoyance de communiquer un certain nombre de documents comptables et financiers, y compris sur les exercices postérieurs à 1999 (jusqu’en 2003), et réclame paiement, sous couvert au besoin d’une expertise, d’une somme de 3 190 000,00 € sauf à parfaire au titre de son préjudice matériel.

Elle fait enfin état d’un préjudice moral justifiant indemnisation à hauteur de 30 000,00 €.

2. L’UMMI Prévoyance, à fins de confirmation pour l’essentiel du jugement déféré, soutient en premier lieu qu’elle est bien la continuatrice, avec simplement changement de dénomination, de l’UMPN ; elle explique spécialement que d’une part l’intégration de la MPP d’autre part la fusion effectuée des MPN de Lille, Lyon et Nancy (devenues en ce qui les concerne la mutuelle MMI) n’ont aucune portée en terme de modification de la personne juridique de l’UMPN.

Sur le fond, elle fait valoir que, dès son désistement d’appel relatif au jugement du 6 novembre 2003, elle a fait en sorte par tous moyens d’exécuter cette décision c’est à dire de réintégrer la MPN Strasbourg en son sein : la MPN Strasbourg n’ayant à aucun moment réclamé la résiliation du contrat d’association (du contrat ayant créé l’UMPN), elle a nécessairement retrouvé ses droits au sein de l’UMPN devenue l’UMMI Prévoyance, ce qui lui interdit aujourd’hui de faire valoir un quelconque préjudice.

Elle forme appel incident pour obtenir paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive plus conformes à l’étendue de son préjudice.

3. L’exposé et l’analyse plus amples des moyens et des prétentions des parties seront effectués à l’occasion de la réponse qui sera apportée à leurs écritures opérantes.

* * *

DISCUSSION :

1. Postérieurement à l’exclusion de la MPN Strasbourg en 1999, la MPN Lille, la MPN Lyon et la MPN Nancy ont, poursuivant le projet critiqué par la MPN Strasbourg, opéré leur fusion ; la nouvelle entité mutualiste ainsi créée a adopté une dénomination sociale ('Mutuelle du ministère de l’intérieur') et un sigle ('MMI').

L’UMPN a elle-même, lors d’une assemblée générale tenue le 8 février 2002, adopté une nouvelle dénomination sociale ('Union des mutuelles du ministère de l’intérieur') et un nouveau sigle ('UMMI').

Ces changements de dénomination ont eu lieu en partie pour faire référence au ministère de l’intérieur dont la MMI et/ou l’UMMI géraient des fonctionnaires, en partie pour prendre acte de ce que la MPN Strasbourg avait, encore que dans des conditions de licéité incertaines, déposé le signe 'MPN’ (voir ce point expliqué au compte rendu de l’assemblée générale de l’UMPN tenue les 26-27-28 octobre 1999 – p. 41).

Également, l’UMPN devenue l’UMMI a admis en son sein la mutuelle de prévoyance de la Police (MPP) ; sa dénomination est devenue dès 2003 'Union des mutuelles du ministère de l’intérieur Prévoyance’ ou 'UMMI Prévoyance'.

Cette situation est récapitulée dans un courrier adressé le 17 décembre 2002 par le président de l’UMMI au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, la dite UMMI (devenue UMMI Prévoyance) étant ainsi composée de :

# la mutuelle du ministère de l’intérieur (MMI – s’agissant ici des trois MPN de Lille, Nancy et Lyon qui avaient effectivement fusionné conformément à leur projet élaboré en 1998/1999),

# la mutuelle de prévoyance de la Police (MPP).

Il se déduit de ces éléments combinés que l’UMMI Prévoyance vient bien en continuation, sous nouvelle dénomination, de l’UMPN ; le fait que sa composition actuelle (la MMI et la MPP – outre éventuellement, ce qui sera étudié infra, la MPN Strasbourg) soit différente de celle qui existait en 1999 (alors les quatre MPN de Lille, Nancy, Lyon et Strasbourg) est sans portée.

2. La MPN Strasbourg a été exclue de l’UMPN en 1999, d’abord par le conseil d’administration puis par l’assemblée générale, au terme d’une procédure qu’elle a considérée comme non valide et pour des motifs qu’elle a critiqués comme insuffisamment caractérisés.

Elle avait alors le choix soit de demander la nullité de cette décision soit de voir consacrer son irrégularité constitutive d’une faute contractuelle et solliciter l’octroi de dommages-intérêts.

Dès son assignation introductive d’instance (délivrée le 23 février 2000), elle a sollicité de voir 'dire et juger que la décision d’exclusion du Conseil d’Administration de l’UMPN et la délibération de l’Assemblée Générale des 26, 27 et 28 octobre 1999 est nulle et inopposable à la requérante’ ; elle identifiait alors son préjudice, qu’elle disait ne pouvoir chiffrer, essentiellement aux excédents issus du contrat CNP et non reversés par la MPN Lille sur les exercices antérieurs (devant être précisé, quant à ce problème du non reversement par la MPN Lille à la MPN Strasbourg de sa part d’excédents sur le contrat CNP au titre des exercices 1988, 1989, (…), 1997, que, compte tenu des difficultés de reversement rencontrées, la MPN Strasbourg a finalement décidé de s’adresser directement à la CNP et qu’elle a perçu, en 1999, sa part au titre de l’exercice 1998 directement de cet organisme).

Elle a, dans ses dernières conclusions signifiées le 3 octobre 2002, maintenu sa demande principale à fins d’annulation dans les mêmes termes ; quant à son préjudice, encore impossible à chiffrer, elle pointait d’une part la question des excédents du contrat CNP sur les exercices antérieurs à 1998, elle évoquait d’autre part la question de l’actif net de l’UMPN (immobilisations, etc…), étant alors demandé à l’UMPN de clarifier sa situation actuelle après fusion des trois mutuelles restantes et de s’expliquer sur cet actif.

3. Le jugement du 6 novembre 2003 a fait droit à l’essentiel de l’action à lui soumise et statué en ces termes :

— dit que la décision d’exclusion de la MPN Strasbourg prise par le conseil d’administration de l’UMPN est irrégulière et en conséquence l’annule,

— dit que la décision de l’assemblée générale de l’UMPN des 26, 27 et 28 octobre 1999 est irrégulière et en conséquence l’annule,

— dit que la MPN Strasbourg a subi un préjudice du fait de son exclusion irrégulière,

— réserve à la demanderesse le droit de chiffrer ultérieurement le préjudice résultant de cette exclusion,

— condamne l’UMPN à payer à la MPN Strasbourg une indemnité de procédure de 1 000,00 €.

Dans sa motivation quant au préjudice subi par la MPN Strasbourg, le tribunal a identifié deux postes possibles :

a) la perte qu’auraient subie ses adhérents en lien avec des produits mutualistes UMPN dont ils auraient été privés à la suite de l’exclusion de leur mutuelle – s’agissant d’un préjudice indiqué comme 'patent',

b) la perte des reversements d’excédents sur le contrat CNP : ici, le jugement a dit l’action irrecevable car elle aurait dû être dirigée contre la MPN Lille.

Le jugement n’a, à ce stade, pas envisagé d’autre poste de préjudice – spécialement en lien avec le patrimoine de l’UMPN dont la MPN Strasbourg aurait été privée.

4. Ainsi, par ce jugement aujourd’hui définitif, la MPN Strasbourg a-t-elle obtenu l’annulation de son exclusion de l’UMPN, la décision devant être considérée ainsi qu’elle le sollicitait comme inopposable à son égard.

En conséquence de cette annulation, la décision d’exclusion est censée n’avoir jamais été prise et les choses doivent être remises en l’état antérieur, selon le statu quo ante.

5. C’est précisément cette conséquence qu’a tirée l’UMPN (devenue l’UMMI Prévoyance) du jugement quand, après son désistement d’appel en février 2004, elle a entrepris de convoquer à nouveau la MPN Strasbourg soit aux séances de son conseil d’administration soit à ses assemblées générales (voir les convocations envoyées en octobre 2004 ou janvier 2005, auxquelles la MPN Strasbourg n’a pas déféré).

6. Pour répondre plus précisément aux moyens développés par la MPN Strasbourg, il y a lieu d’ajouter que :

+ il est exact que le membre d’un organisme (association, mutuelle, fédération, etc …) qui en a été exclu irrégulièrement a le choix entre revendiquer sa réintégration forcée ou demander des dommages-intérêts : cependant, en demandant pendant la première partie de son procès -et en obtenant- l’annulation de son exclusion, la MPN Strasbourg a précisément exercé son choix,

+ il n’y a aucune impossibilité à ce que l’UMPN (devenue l’UMMI Prévoyance) continue d’exister entre les trois MPN fusionnées en MMI (outre la MPP) et la MPN Strasbourg restée indépendante : cette situation avait d’ailleurs été évoquée lors de l’assemblée générale de la MPN Strasbourg tenue le 17 juin 1999 au cours de laquelle, dans un contexte général décrit de 'fusion de toutes les mutuelles (car) une mutuelle de moins de 5000 adhérents n’était pas viable’ (compte rendu de l’assemblée générale p. 3), les membres de l’assemblée avaient discuté de l’avenir de l’UMPN et envisagé que 'Nous resterons quand même au sein de l’UMPN’ et que 'L’UMPN existera toujours mais au lieu de 4 partenaires il n’y en aura plus que 2' (p. 16 et 17),

+ la fusion des trois MPN de Lille, Lyon et Nancy, donnant lieu à la MMI, ne réalise qu’imparfaitement le projet élaboré en 1999 (il s’agissait alors de rapprocher voire de fusionner les quatre MPN) et conserve intacts à la MPN Strasbourg tant son indépendance en tant que mutuelle que ses droits au sein de l’UMPN,

+ il en va de même de l’intégration de la MPP,

+ il ne peut être affirmé péremptoirement qu’il n’y aurait plus d’intérêt commun ou d’esprit mutualiste au sein de l’UMPN dès lors que c’est désormais la MPN Strasbourg qui décide de ne pas siéger au sein de l’UMPN,

+ des liens continuent d’exister entre les organismes en cause : par exemple, rien ne démontre que le contrat CNP (qui lie les MPN de Lille, Strasbourg et Nancy) aurait été 'démutualisé’ même si les excédents annuels en sont désormais versés directement par la CNP à chacun des organismes intéressés.

7. Ces points étant posés, il y a lieu de décider, à l’instar des premiers juges, que la réintégration de la MPN Strasbourg au sein de l’UMPN devenue l’UMMI Prévoyance s’impose tant à l’UMMI Prévoyance (qui l’admet expressément) qu’à la MPN Strasbourg.

8. Il reste que l’exclusion irrégulière de la MPN Strasbourg en 1999 avec réintégration rendue possible seulement en 2004 a causé à la MPN Strasbourg un préjudice qui doit être réparé.

Dès l’abord, il doit être dit que ce préjudice ne saurait, quel que soit le raisonnement développé pour l’identifier, correspondre aux droits prétendus de la MPN Strasbourg -à proportion de 10 %- dans le patrimoine de l’UMPN : ce serait en effet d’une part nier les effets de la réintégration, d’autre part provoquer l’équivalent de la scission ou de la liquidation de l’UMPN, ce qui n’est pas la conséquence nécessaire de l’exclusion même irrégulière d’un de ses membres et ce qui n’est pas demandé par la MPN Strasbourg laquelle ne sollicite pas la résiliation du contrat d’union en ce qui la concerne.

9. Il y a lieu d’envisager en premier lieu le préjudice matériel (économique et financier) invoqué par la MPN Strasbourg.

Dans ses dernières écritures (signifiées devant la cour le 26 mars 2008), la MPN Strasbourg n’invoque plus la perte qu’auraient subie ses adhérents en lien avec des produits mutualistes UMPN dont ils auraient été privés à la suite de l’exclusion : en réalité, aucune perte n’est sérieusement démontrée, les dits adhérents ayant continué, dans le cadre de leur mutuelle, à bénéficier des principales garanties et couvertures par eux souscrites (couverture maladie pour l’essentiel) et les éventuelles pertes subies ne pouvant être que marginales (par exemple la possibilité d’utiliser les appartements de Cap Esterel).

De même, la MPN Strasbourg n’évoque plus la question du contrat CNP, elle exclut même expressément de la discussion la question des excédents de ce contrat puisque :

# (de première part) pour les exercices antérieurs à 1998, elle admet, ainsi qu’énoncé par le tribunal de grande instance de Lille dans la motivation de son jugement du 6 novembre 2003, que son action en tant que dirigée contre l’UMPN est irrecevable puisque les reversements devaient être réclamés à et opérés par la MPN Lille,

# (de seconde part) pour les exercices à compter de 1998, elle a reçu son dû directement de l’organisme CNP.

Par ailleurs, la MPN Strasbourg ne peut être suivie quand elle identifie son préjudice à ses droits sur le patrimoine qui a été constitué par l’UMPN (devenue l’UMMI Prévoyance) avec sa participation – à savoir des provisions financières, un patrimoine immobilier (Cap Esterel), des produits financiers … elle-même estimant sa part sur ce patrimoine à 10 % compte tenu du nombre de ses adhérents par rapport au nombre de mutualistes concernés par l’UMPN.

Il a été dit supra (par. 8) que la MPN Strasbourg ne pouvait, par quelque raisonnement que ce fût, récupérer partie du patrimoine de l’UMPN.

Par ailleurs, quand la MPN Strasbourg évoque (ses conclusions p. 19) les 'produits financiers’ générés par ce patrimoine de même que les 'revenus capitalisés', elle vise nécessairement une répartition de bénéfices ou d’actifs qui est prohibée (article L 126-5 du code de la mutualité dans sa rédaction alors en vigueur).

Il n’y a pas lieu à communication forcée de pièces comptables ni à expertise.

Au terme des considérations ci-dessus développées, aucun préjudice financier n’est suffisamment caractérisé.

10. La MPN Strasbourg invoque encore un préjudice moral.

Sur ce point, force est de constater que la MPN Strasbourg a été exclue de l’UMPN selon une procédure irrégulière et partiale (le président de la MPN Lille, concerné à titre personnel par certains des griefs, a siégé au conseil d’administration puis a présidé l’assemblée générale qui ont prononcé l’exclusion de la MPN Strasbourg) et pour des griefs insuffisamment caractérisés alors que le motif réel de l’exclusion tenait au refus de la MPN Strasbourg de fusionner avec les autres MPN.

Les éléments d’un préjudice moral sont réunis ; la cour trouve au dossier éléments suffisants pour fixer l’indemnisation due au chiffre qui sera indiqué au dispositif du présent arrêt.

11. Il serait inéquitable que la MPN Strasbourg supporte la charge des importants frais irrépétibles qu’elle a dû exposer depuis l’engagement de son procès : une somme de 8 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile est justifiée, qui vient s’ajouter à l’indemnité de procédure fixée par le jugement définitif du 6 novembre 2003.

* * *

PAR CES MOTIFS :

— confirme le jugement déféré en ses dispositions qui ont dit que l’UMMI Prévoyance avait qualité et intérêt à agir comme succédant à l’UMPN ;

L’ÉMENDANT POUR LE SURPLUS :

— condamne l’UMMI Prévoyance à payer à la MPN Strasbourg les sommes suivantes :

+ 30 000,00 € (trente mille euros) à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en lien avec l’exclusion irrégulière, outre intérêts au taux légal, à titre de complément d’indemnisation, à compter du 8 septembre 1999

+ 8 000,00 € (huit mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour l’ensemble du procès ;

— rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

— condamne l’UMMI Prévoyance aux entiers dépens de la première instance et de l’instance d’appel, avec pour ces derniers faculté de recouvrement direct conformément à l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Deleforge-Franchi, avoués.

Le Greffier, Le Président,

C. X. B. Y.

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