Cour d'appel de Douai, 18 décembre 2015, n° 14/03973

  • Métal·
  • Salarié·
  • Licenciement·
  • Travail·
  • Employeur·
  • Sociétés·
  • Traçabilité·
  • Forfait jours·
  • Titre·
  • Heures supplémentaires

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, 18 déc. 2015, n° 14/03973
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/03973
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Hazebrouck, 30 septembre 2014, N° F13/00259

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

18 Décembre 2015

N° 2082/15

RG 14/03973

PN/VCO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de HAZEBROUCK

en date du

01 Octobre 2014

(RG F13/00259 -section 04)

NOTIFICATION

à parties

le 18/12/15

Copies avocats

le 18/12/15

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. E F

XXX

XXX

Présent, assisté de Me Céline BEHAL substituant Me Paul HENRY, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Hugues FEBVAY, avocat au barreau de DUNKERQUE

En présence de M. Bernard Poissonnier, Président

DÉBATS : à l’audience publique du 24 Septembre 2015

Tenue par A B

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annick GATNER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

C D

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

A B

: CONSEILLER

XXX

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2015,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par C D, Président et par Jean-Luc POULAIN , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et MOYENS DES PARTIES

M. E F a été engagé par la Société BAUDELET METAUX en qualité d’attaché commercial pour le secteur ferraille.

Son contrat de travail en date du 1er mars 2006 prévoit en son article 4 que le salarié serait soumis à une convention de forfaits jours, suivant contrat de travail.

Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de directeur commercial position 3 échelon A coefficient 205 de la convention collective des industries et commerces de la récupération et du recyclage (région Nord-Pas-de-Calais).

Par courrier recommandé du 3 septembre 2012, M. E F a été convoqué à un entretien en vue de son éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire.

L’entretien s’est déroulé le 11 septembre 2012.

Suivant courrier recommandé du 21 septembre 2012, le salarié a été licencié pour faute grave en raison :

— de la non information de la direction sur une opération commerciale, menée en toute connaissance de cause avec une personne faisant l’objet d’une enquête de police,

— du non-respect de la procédure de vente de matières,

— du non-respect de la procédure relative à la traçabilité des matières entrées sur le site,

— d’une pratique commerciale pouvant porter atteinte à l’image de marque de la société en favorisant les intérêts de la société CHM au détriment de l’employeur.

Le 22 janvier 2013, M. E F a saisi le conseil de prud’hommes d’HAZEBROUCK afin de contester son licenciement et obtenir le paiement des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail, outre entre autres d’heures supplémentaires.

Vu le jugement du conseil des prud’hommes d’HAZEBROUCK en date du 1er octobre 2012, lequel a :

— dit le licenciement de M. E F fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse de licenciement,

— condamné la Société BAUDELET METAUX à payer à M. E F:

—  4 068 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

—  406,80 euros au titre des congés payés y afférents,

—  9 386,56 euros à titre d’indemnité de licenciement,

—  21 430,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  2 143,05 euros au titre des congés payés y afférents,

Vu l’appel formé par M. E F le 22 octobre 2014,

Vu les conclusions de M. E F en date du 8 septembre 2015 soutenues oralement à

l’audience,

Vu les conclusions de la Société BAUDELET METAUX en date du 7 septembre 2015, soutenues oralement à l’audience,

M. E F demande :

— de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— de dire sans effet la convention de forfait jour conclue entre les parties,

— de fixer son salaire moyen à 7 143,50 euros,

— de condamner la Société BAUDELET METAUX à lui payer:

—  4 068 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

—  406,80 euros au titre des congés payés y afférents,

—  9 386,56 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

—  21 430,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  2143,05 euros au titre des congés payés et afférents,

—  100 009 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  4 283,70 euros à titre des primes de vacance,

—  428,37 euros au titre des congés payés y afférents,

—  22 181,74 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,

—  2 218,17 euros au titre des congés payés y afférents,

—  42 861 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

—  2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— d’ordonner la rectification de l’attestation destinée au Pôle Emploi,

— d’ordonner la capitalisation des intérêts,

La Société BAUDELET METAUX demande :

— de confirmer partiellement le jugement entrepris pour ce qui concerne les réclamations salariales de M. E F et de le réformer s’agissant de la cause du licenciement,

— de débouter M. E F de sa demande de rappel d’heures supplémentaires en raison l’existence d’une convention de forfait jour régulière,

— en toute hypothèse, de débouter M. E F de sa demande à ce titre, après avoir, au besoin, ordonner une mesure d’instruction,

— de débouter M. E F de sa demande au titre du travail illicite,

— de dire qu’en application d’un accord d’entreprise favorable aux salariés, il a été versé en lieu et place d’une prime de vacances un 13e mois,

— de dire le licenciement de M. E F fondé sur une faute grave,

— de débouter M. E F de sa demande de capitalisation des intérêts.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de paiement de la prime de vacances

Attendu que M. E F réclame le paiement de 4 283,70 euros en faisant valoir que conformément à la convention collective afférente à son contrat de travail, une prime de vacances lui est due ;

Que toutefois, comme l’ont fait exactement observer les premiers juges, l’accord

d’ entreprise du 16 février 2001 prévoit expressément le remplacement de la prime de vacance par l’octroi du versement d’un 13e mois de salaire, que le salarié ne conteste pas avoir perçu ;

Que dès lors qu’il n’est pas établi que ces sommes sont inférieures à celles qu’il aurait pu percevoir en application de la convention collective afférente à son contrat de travail, la demande formée par le salarié n’est pas fondée ;

Qu’il en sera donc débouté ;

Sur le bien fondé du licenciement :

Attendu que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur ;

Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 1232-6 du code du travail l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre prévue dans le même article ;

Que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux énoncés dans celle-ci, peu important les motifs allégués antérieurement ou en cours de procédure ;

Attendu qu’il est constant que M. E F, en sa qualité de directeur commercial, a conclu un accord avec la Société CHM TICARET aux termes duquel il a fait livrer à cette entreprise 300 tonnes d’oxyde de fer E40 ;

Que ce matériau a été mélangé sur le site de l’employeur avec d’autres éléments de qualité et de valeur moindre ;

Qu’ensuite, ce mélange a été chargé sur une péniche affrétée par CHM TICARET pour être livré, selon les dires de la Société BAUDELET METAUX, à une entreprise métallurgique à Charleroi sous l’appellation E40 ;

Attendu que dans cette opération, la Société BAUDELET METAUX reproche en substance à M. E F :

— la non information de la direction sur cette transaction,

— le non-respect de la procédure de vente de matières,

— la réalisation d’une transaction avec une personne faisant l’objet d’une enquête de police en toute connaissance de cause,

— le non-respect de la procédure relative à la traçabilité des matières entrées sur le site,

— une pratique commerciale pouvant porter atteinte à l’image de marque de la société en favorisant les intérêts de la société CHM au détriment de l’employeur,

Attendu cependant que l’employeur ne verse aux débats aucune pièce établissant que les opérations menées par M. E F devaient faire systématiquement l’objet de l’aval de la direction ;

Qu’il n’est produit aucune pièce susceptible de déterminer l’étendue et surtout les limites du champ décisionnel de M. E F ;

Que ses fonctions de directeur commercial, dans une entreprise de dimension telle que la Société BAUDELET METAUX, laissent supposer un certaine autonomie décisionnelle par rapport à sa direction ;

Qu’au surplus, la Société BAUDELET METAUX a eu connaissance de l’opération avant son achèvement, comme il en résulte :

— d’un compte rendu de la réunion d’exploitation ferrailles métaux d’exploitation du 24 août 2012 faisant état du départ pour vendredi « d’une péniche de 1.000 Tonnes d’E40 « spécial » car mélangé » devant partir avec un transfert prévu par tracto DUVAL mercredi et jeudi ;

— d’un échange de courriers électroniques du 30 août 2008 entre M. E F et Y Z, directeur général adjoint, relatif à la fiabilité de CHM ;

Que dans ce cadre le salarié n’a fait l’objet d’aucun reproche particulier sur sa façon d’opérer, à partir du moment où finalement, il s’était porté garant de son cocontractant ;

Que l’employeur ne caractérise pas non plus en quoi l’opération a été susceptible de nuire à son image de marque, alors que M. X, ancien cadre de l’entreprise atteste que le mélange de produits a toujours existé et que CHM était une entreprise avec laquelle la Société BAUDELET METAUX avait déjà travaillé ;

Que l’on ne saurait tirer de conséquences de l’existence d’une enquête pénale belge diligentée par les autorités belges dont la teneur est ignorée, dès lors qu’elle a abouti à un classement ;

Que le fait, supposé par l’employeur, que les matériaux mélangés ait été vendus sous une autre appellation mensongère ne peut être constitutif d’un grief à la charge du salarié ;

Qu’en effet, l’opération de revente a été menée par CHM et non par le salarié, alors qu’il n’est pas démontré que ce dernier a participé au caractère prétendument mensonger de la vente ;

Que s’agissant du grief relatif au non-respect de la procédure relative à la traçabilité des matières entrées sur le site, l’employeur ne démontre pas précisément en quoi et dans quelle mesure M. E F, directeur commercial, était tenu de procéder à des vérifications en termes de qualité des produits ou de traçabilité ;

Attendu qu’en revanche, les pièces produites aux débats font très clairement apparaître que l’appelant a mené l’opération litigieuse sans l’avoir assortie d’un contrat précis, portant mention du poids des matières livrées et du prix des matériaux, comme il en résulte du courrier électronique de Y Z en date du 30 août 2012 ;

Que M. E F s’est personnellement porté garant de la Société CHM, sur les paiements, en insistant que ce n’est pas le cas pour les aciéries avec lesquelles l’entreprise travaille habituellement (mail en réponse du même jour) ;

Qu’eu égard à son niveau de responsabilités que lui confère sa qualité de directeur commercial, de tels propos pouvaient laisser penser à la Société BAUDELET METAUX que l’opération menée avec CHM pouvait être engagée avec un minimum de risques ;

Qu’il n’est pas établi que M. E F ait fait 'uvre de diligences particulières visant à s’assurer de la fiabilité de l’entreprise cocontractante ;

Qu’en agissant de la sorte, alors que l’opération s’est soldée par la défaillance caractérisée de CHM, en terme de paiement de sa dette, le salarié a commis un manquement d’une gravité telle qu’il justifiait la rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour autant, contrairement à ce qu’il affirme, l’employeur avait eu connaissance de l’opération menée par le salarié sans pour autant s’y être formellement opposé ;

Qu’il s’ensuit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave ;

Que les demandes d’indemnités de préavis et de licenciement ainsi que celle afférente à la mise à pied conservatoires doivent donc être accueillies dans le proportions retenues par les premiers juges ;

Sur les heures supplémentaires :

Attendu que le contrat de travail de M. E F précise qu’eu égard à la nature de ses fonctions, et de l’impossibilité de déterminer un volume horaire de travail, il fera l’objet d’une gestion de son temps de travail en fonction du nombre de jours travaillés de 218 jours par année complète ;

Que ces dispositions sont régies par l’accord d’entreprise du 16 février 2001, qui définit le nombre de jours travaillés et les conditions dans lesquelles les conventions forfaits jours passées avec les salariés se dérouleront ;

Attendu cependant que cet accord ne prévoit aucune disposition assurant un suivi régulier par le supérieur hiérarchique de l’organisation du travail et de la charge de travail du salarié, pas plus qu’un entretien au cours duquel serait évoqué ces questions ;

Que cet accord est insuffisant pour considérer que le dispositif instauré au sein de l’entreprise assure le respect des impératifs de protection de santé, de sécurité et de droit au repos des salariés ;

Qu’il n’est donc pas opposable à M. E F ;

Attendu que selon l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Que toutefois, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu qu’en l’espèce, pour étayer sa demande, M. E F se prévaut de la copie de ses agendas ainsi que de décomptes des heures qu’il prétend avoir effectuées de façon hebdomadaire ;

Que ses pièces font apparaître un quantum ne dépassant jamais 40 heures par semaine ;

Que compte tenu de son niveau de responsabilité, de son autonomie et de l’ampleur de sa tâche, au demeurant reconnu par l’employeur par la signature d’une convention de forfait-jour, les demandes formées par M. E F sont parfaitement crédibles ;

Attendu que pour sa part, l’employeur produit un volumineux tableau récapitulatif portant mention de ses plannings et des pointages effectués partiellement par le salarié, pour lesquels il n’était pas astreint ;

Que toutefois, les éléments produits par l’employeur ne suffisent pas à établir l’existence d’incohérences dans les tableaux de M. E F ou d’éléments contredisant ses décomptes ;

Que dans ces conditions, la demande sera accueillie dans les proportions réclamées par le salarié ;

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Attendu que M. E F ne rapporte pas la preuve que l’employeur a intentionnellement contrevenu aux dispositions légales dont il se prévaut ;

Que sa demande doit donc être rejetée ;

Sur la capitalisation des intérêts

Attendu qu’ il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du code civil ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis en ce qu’il a débouté M. E F de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de celle afférente à ses frais de procédure,

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la Société BAUDELET METAUX à payer à M. E F :

—  22 181,74 euros (vingt-deux mille cent quatre vingt-un euros soixante-quatorze

centimes) à titre de rappel d’heures supplémentaires,

-2 218,17 euros (deux mille deux cent dix-huit euros dix-sept centimes) au titre des congés payés y afférents,

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du code civil,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Société BAUDELET METAUX à payer à M. E F :

—  2 000 euros (deux mille euros),

CONDAMNE la Société BAUDELET METAUX aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

J-L. POULAIN B. D

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, 18 décembre 2015, n° 14/03973