Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 29 mai 2019, n° 16/01861

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. c salle 2, 29 mai 2019, n° 16/01861
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 16/01861
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cambrai, 9 mars 2016, N° 15/00250
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

29 Mai 2019

829/19

N° RG 16/01861 – N° Portalis DBVT-V-B7A-PZCC

MLB/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAMBRAI

en date du

10 Mars 2016

(RG 15/00250 -section )

GROSSE

le 29/05/19

[…]

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme A D

25 RUE DU 8 MAI 1945 […]

Présente et assistée de Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SA GRAPHIC PACKAGING INTERNATIONAL

LES HAUTS DE MASNIERES

[…]

Représentée Me Guillaume JEANNOUTOT, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l’audience publique du 13 Février 2019

Tenue par AG AH

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : E F

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

G H : PRÉSIDENT DE CHAMBRE

AG AH

: CONSEILLER

I J : CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 26 avril 2019 au 29 mai 2019 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mai 2019,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par G H, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

A D a été embauchée par la société Graphic Packaging International, qui a pour activité la transformation de bobines de cartons en packs d’emballages, en qualité de responsable de la chaîne d’approvisionnement, par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 3 mars 2008.

La convention collective applicable est celle du personnel des imprimeries de labeur et des industries graphiques. L’entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

A D a été convoquée le 24 avril 2013 à un entretien préalable le 14 mai 2013 en vue d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement à l’issue duquel l’employeur a annulé la procédure disciplinaire et lui a adressé le 12 juin 2013 une lettre de cadrage à laquelle A D a répondu le 30 juin 2013.

A D a été placée en arrêt de travail à compter du 18 mai 2013.

Elle a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juillet 2013 à un entretien le 16 juillet 2013 en vue de son licenciement. A l’issue de cet entretien, son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 juillet 2013.

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Nous vous avons convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, entretien lors duquel nous vous avons fait part des graves dysfonctionnements analysés au sein du service «achat / supply chain» dont vous avez la charge.

En effet, le 15 mai dernier, notre chaîne de production d’emballages carton a dû être interrompue en raison d’un manque d’approvisionnement en bobines de cartions, incident à la résolution duquel vous n’avez pris strictement aucune part. Puis le 16 mai, un nouvel incident d’approvisionnement a été résolu par l’utilisation en urgence d’une bobine inadaptée, engendrant un taux de gâche important.

A cette occasion, vous ne nous avez fait connaître ni les causes de ces dysfonctionnements, ni aucune piste pour y remédier, et n’avez pas montré de signes de prise en compte de la gravité de la situation, ce qui est particulièrement problématique de la part d’une cadre expérimenté, responsable d’un service au sein duquel de tels incidents sont constatés.

Surtout, à l’occasion de votre absence immédiatement consécutive, nous avons été conduits à placer le service «achat / supply chain» sous la responsabilité temporaire de Mme L X, afin d’une part de pallier votre absence et, d’autre part et surtout, de connaître les causes de ces incidents.

Au terme de plusieurs semaines de prise en charge du service, d’analyse et d’audit aussi bien du service que de l’organisation du circuit d’approvisionnement, nous avons constaté avec stupeur l’ampleur des dysfonctionnements touchant ce secteur crucial pour l’efficacité de notre production.

Il ressort en effet de nos analyses :

- Une absence totale de procédures sérieuses de prévision des besoins en bobines de carton ; l’approvisionnement en bobines est effectué à courte vue, sans aucune analyse de l’évolution ni de la périodicité des flux, imposant, dès qu’une urgence ou une modification du planning de production survient, de «bricoler» des solutions inadaptées et/ou l’utilisation de bobines de dimension non adéquates ; l’approvisionnement en bobines est géré à partir d’un simple fichier manuel, sur la seule base des commandes clients, sans aucune analyse de rotation des stocks. En particulier, l’absence de tout rattachement informatique des stocks de bobines avec les commandes clients empêche toute vision historique du flux et toute optimisation des stocks en fonction des commandes.

- La désorganisation totale du stockage, les bobines étant entreposées sans aucun marquage, contraignant les responsables de la production à des recherches longues et fastidieuses, parfois au milieu de postes de jour et nuit confondus, pour trouver la matière première nécessaire à la production ; de nombreuses bobines obsolètes, parfois inutilisées depuis plusieurs années, encombrent les espaces de stockage ;

- Les mêmes dysfonctionnements se retrouvent au niveau de l’approvisionnement et de la gestion des stocks de caisses américaines, avec une absence totale de tout outil d’analyse de la rotation des stocks ni stock tampon permettant d’amortir les aléas de la production et/ou des commandes clients.

Il résulte de ce défaut d’organisation de votre service des pertes d’efficacité de notre système de production, outre qu’elle nous place en situation délicate envers nos clients, incapables que nous sommes de répondre à leurs demandes par défaut d’organisation de notre approvisionnement en matière première.

Par ailleurs, en votre double qualité de responsable des achats et responsable de la supply chain, et ainsi d’ailleurs qu’il résulte de votre fiche de fonction, vous avez pour responsabilité non seulement de sécuriser le circuit d’approvisionnement en matières premières et en consommables de notre entreprise, mais également d’en analyser et d’en optimiser le coût. Votre rôle d’alerte et de support aux différents services du site est au c’ur du bon fonctionnement de nos processus parce que vous fournissez la matière première.

Or, l’audit a révélé qu’il n’existe aucun outil efficace de pilotage de l’optimisation des coûts d’approvisionnement, aucun process automatique ne permettant d’intégrer directement le coût réel des matières premières commandées dans le système informatique.

Ainsi, quand bien même nous parvenons, parfois en catastrophe, parfois en «bricolant» une solution d’urgence, souvent en renonçant à satisfaire la commande client, en aucun cas ces solutions palliatives ne permettent d’assurer l’optimisation financière de l’approvisionnement, tâche pourtant essentielle de votre poste. Vous n’alertez pas avant que d’autres services soient mis en défaut.

Ces constats ont mis en lumière une désorganisation profonde des services dont vous êtes responsable ; non seulement les procédures ne sont pas établies et/ou adaptées, mais les responsabilités des uns et des autres ne sont pas définies, chacun de vos subordonnées agissant «dans son coin» sans nécessaire cohérence ni conscience des enjeux.

Lors de l’entretien préalable, vous avez prétendu avoir toujours agi de manière efficace sur l’ensemble des points évoqués, contestant toute mauvaise organisation de votre service et vous enfermant dans un déni de la réalité particulièrement inquiétant s’agissant d’un cadre de votre niveau.

En effet, vos affirmations d’une absence de tout dysfonctionnement ne résiste pas à la réalité dans la mesure où les membres de votre équipe ont systématiquement confirmé lors de l’audit se sentir en situation «d’improvisation» doublée d’un manque d’encadrement et de soutien opérationnel de votre part. Par ailleurs, chacun se révèle peu polyvalent et peu informé du fonctionnement global du service, suscitant des risques importants de dysfonctionnements lors de vos absences. Aucun back-up ni relais des sujets n’est formé.

Par ailleurs, vous n’avez pas été en mesure de nous décrire précisément les procédures et outils que vous auriez mis en place et qui seraient de nature à éviter les carences et risques identifiés lors de l’audit.

Enfin, M. M N, responsable de la production du site présent lors de l’entretien préalable, vous a rappelé à cette occasion, sans être démenti par vos soins, que les problèmes d’organisation du service «achat / supply chain» avaient fait l’objet de nombreuses remontées en comité de direction au cours des dernières années, sans qu’aucune action réellement efficace ne soit entreprise par vos soins.

Cette situation révèle de votre part une incapacité à assumer vos fonctions de responsable du service « achat / supply chain » par manque de méthodes, d’initiatives et d’encadrement des équipes, défauts qui étaient déjà apparus à d’autres occasions et que nous vous avions déjà signalés. Votre mode de management confirme une attitude systématique à reporter responsabilité et décision vers d’autres services.

En outre, elle révèle également de votre part un manque flagrant de transparence puisqu’à aucun moment, vous n’avez jugé utile de remonter à la direction de l’entreprise de quelconques difficultés dans l’accomplissement de ces responsabilités, de sorte que nous étions fondés à considérer que le service dont vous étiez chargé était organisé de manière adéquate et efficace, ce qui n’est pas le cas.

Or, notre entreprise est aujourd’hui confrontée à des enjeux concurrentiels importants qui nécessitent que chacun sache se montrer à la hauteur des enjeux et responsabilités de sa fonction. Vous avez été impliquée à chaque étape de ce management par votre appartenance au comité de direction.

En outre, l’impérieuse nécessité d’augmenter notre production conduit l’entreprise vers un fonctionnement en « flux tendu » dans le cadre duquel les dysfonctionnements du type de ceux relevés au sein de votre service ne sont pas permis, sauf à encourir de graves risques commerciaux.

Dans ces conditions, nous considérons que ni votre action passée, ni les explications que vous avez fournies lors de l’entretien préalable ne nous permettent d’envisager sereinement votre maintien au poste qui est le vôtre, et nous sommes en conséquence conduits à vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle.»

A D a contesté le bien fondé de son licenciement par lettre adressé à son employeur le 2 août 2013 puis a saisi, le 16 juillet 2014, le conseil des prud’hommes de Cambrai afin d’en faire constater l’illégitimité.

Par jugement en date du 10 mars 2016, le conseil des prud’hommes a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté A D de ses demandes et la société Graphic Packaging International de sa demande reconventionnelle.

Le 13 mai 2016, A D a interjeté appel de ce jugement à elle notifié le 16 avril 2016.

Selon ses conclusions reçues le 11 mai 2018 et soutenues à l’audience, elle sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement entrepris, dise que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamne la société aux sommes de :

49 790 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts judiciaires à compter du jugement.

Elle expose que le changement de direction s’est accompagné en 2013 de nouvelles stratégies et d’une politique de management caractérisée par des pressions, qu’elle a géré les incidents de fonctionnement des 15 et 16 mai 2013, que son service a été mis sous tutelle de Madame X, responsable finance le 17 mai 2013, que du fait de son arrêt de travail pour burn out elle n’a jamais eu l’occasion de faire connaître les causes des dysfonctionnements et les pistes pour y remédier, que par son courrier du 12 juin 2013 la société a épuisé son pouvoir disciplinaire s’agissant de ces incidents, qu’elle justifie que les griefs relatifs à l’absence de procédures de prévision des besoins en bobines et à la désorganisation du stockage sont faux, que le service contrôle de gestion n’a pas relevé de dysfonctionnement majeur ou rédhibitoire lors d’un audit de la gestion des caisses qui se fait par le «bill of materials» qu’elle a mis en place, qu’elle justifie que les caisses étaient correctement gérées, qu’il n’est jamais arrivé que le service approvisionnement ne puisse pas répondre à une demande client urgente, qu’elle exploitait chaque mois, avec ajustement hebdomadaire si nécessaire, le prévisionnel de ventes établies par les commerciaux sous le contrôle du service finance, qu’elle suivait les coûts des matières premières de carton, réalisait un plan de production mensuel à destination des sites fournisseurs aux Etats-Unis, réalisait une analyse financière transmise au service finance chaque mois, qu’elle jouait un rôle d’alerte constant, que la prétendue désorganisation de son service est sans fondement, qu’elle avait mis en place des procédures et des indicateurs hebdomadaires de suivi et de pilotage qui étaient consultables sur le site CI du groupe et revues annuellement pour l’audit ISO, que les responsabilités de chacun étaient définies, les lignes directrices communiquées et des réunions de service faites, que s’il y avait désorganisation celle-ci était le fait des bouleversements demandés par Madame Y, arrivée dans l’entreprise mi-avril 2013, soit seulement quatre semaines avant son arrêt de travail pour maladie, qu’elle avait conscience des difficultés des membres de son équipe dont elle avait alerté la direction à plusieurs reprises, qu’elle était compétente et impliquée, qu’elle-même n’a bénéficié d’aucun management durant les deux années précédant l’arrivée de Madame Y, qu’elle n’a pas bénéficié d’un entretien annuel d’évaluation en 2012, n’a jamais fait l’objet d’un rappel à l’ordre de sa hiérarchie, que l’affirmation que les problèmes d’organisation de son service auraient faits l’objet de nombreuses remontées en comité de direction est sans fondement, que Madame Y a insisté à plusieurs reprises sur son niveau de salaire «indécent», que le directeur Arend Jan Luten lui a

demandé de revenir et a regretté qu’elle ne puisse pas travailler au moins quelques heures par jour alors que son arrêt de travail était prolongé, que les transferts de responsabilité évoqués par la société Graphic Packaging International n’étaient pas motivés par ses carences.

Selon ses conclusions reçues le 22 janvier 2019 et soutenues à l’audience, la société Graphic Packaging International sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement, déboute A D de ses demandes et la condamne au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu’en dépit de la concentration du champ de ses responsabilités, d’un coaching en management, des remarques faites au cours de l’exécution de son contrat de travail, A D a continué à se montrer incapable de s’adapter aux attentes de l’entreprise, qu’à la suite de deux incidents d’approvisionnement en bobines carton les 15 et 16 mai 2013, à la résolution desquels la salariée n’a pris aucune part et qui ont respectivement eu pour effet une interruption de la chaîne de production et l’utilisation en urgence d’une bobine inadaptée engendrant un taux de gâche important, une mission d’audit a été confiée à L X, directrice financière de l’entreprise, dès le 17 mai 2013, A D étant absente, que cette mission a révélé l’ampleur des défaillances de la salariée, que l’approvisionnement en bobines était effectué à courte vue, que les initiatives prises par les personnes ayant pallié l’absence et succédé à la salariée montrent que des solutions existaient, que l’espace de stockage était totalement désorganisé alors que la question avait été soulevée dès le mois de juin 2012, que son successeur Monsieur Z a repris en main la gestion du local et mis en place de nombreuses procédures, que de même son successeur a mis en place des outils prévisionnels permettant d’optimiser les coûts de production, ce que ne faisait pas A D qui intervenait de façon réactive et non prospective, que les incidents des 15 et 16 mai 2013 ont fait apparaître que les membres de son équipe se sentaient livrés à eux-mêmes, n’avaient pas de moyens à leur disposition pour assumer l’organisation de la chaîne d’approvisionnement, que les membres de son équipe n’étaient pas polyvalents et ne connaissaient pas le fonctionnement global du service, que son successeur a quant à lui su organiser et réaliser les formations de back-up, que l’évolution intervenue suite au licenciement de A D montre que les attentes de la société étaient réalistes et réalisables et souligne l’inadéquation de la salariée à son poste, que le moyen tiré de l’épuisement du pouvoir disciplinaire est inopérant puisque la salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle, que les incidents des 15 et 16 mai 2013 en ont été les révélateurs, que A D invoque vainement l’exiguïté du local de stockage alors que l’entreprise disposait d’un autre local de stockage en Belgique, que les alertes émises à l’égard des méthodes de management de A D étaient anciennes, que la masse d’emails produits pêle-mêle par la salariée ne démontre au plus que la réalisation d’une partie de ses missions mais ne préjuge pas de la qualité de son travail, que l’appelante a retrouvé un emploi dès le mois de décembre 2013.

MOTIFS DE L’ARRET

Attendu que la lettre de licenciement est motivée par l’insuffisance professionnelle de la salariée résultant selon l’employeur de sa carence dans la gestion des incidents d’approvisionnement des 15 et 16 mai 2013, l’analyse de leurs causes et la proposition de pistes pour y remédier, ses défaillances dans la gestion de l’approvisionnement en bobines et l’analyse de la rotation des stocks, la désorganisation du stockage, l’absence d’optimisation des coûts d’approvisionnement, des carences dans le management de son équipe ;

Attendu en application des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail que pour constituer une cause réelle et sérieuse l’insuffisance professionnelle doit reposer sur des faits précis, objectifs, matériellement vérifiables et imputables au salarié révélant son inaptitude à exercer ses fonctions conformément à ce que l’employeur est en droit d’attendre de lui ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Attendu s’agissant de la gestion des incidents d’approvisionnement des 15 et 16 mai 2013 que les

moyens tirés de l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur pour les faits antérieurs à la lettre de cadrage du 12 juin 2013 ne s’appliquent pas au licenciement en ce qu’il est motivé par l’insuffisance professionnelle de la salariée ; que l’employeur produit les mails d’Aurélia Petrowski, responsable des ressources humaines, et de O P, en date des 17 et 19 juin 2013 analysant les causes des incidents d’approvisionnement des 15 et 16 mai 2013 ; qu’il en résulte que le premier incident d’approvisionnement, imputable au blocage d’un entrepôt en Espagne en raison d’une grève, n’a été détecté qu’en production par le responsable d’atelier de nuit, qu’aucun manager (A, AI-AJ…) n’était au courant du manquant, que le responsable d’atelier a appelé «M» puis A D, que la commande a été coupée et le reste ensuite programmé avec la commande suivante ; que le second manquant, résultant de l’impossibilité de charger une bobine supplémentaire dans le camion assurant la livraison, a été signalé le 7 mai par « B » au service client qui n’a pas donné suite et n’a pas prévenu le client de sorte que la commande n’a pas été modifiée ; que le responsable d’atelier a signalé le manquant à A D le 16 mai ; qu’elle lui a dit de prendre une autre bobine pour assurer la commande ; qu’il ne résulte pas de ces éléments que la salariée n’a pris aucune part à la résolution des incidents puisqu’elle a au contraire été appelée à chaque fois par le responsable d’atelier de nuit et lui a donné les instructions nécessaires, ce que confirme son mail du 15 mai 2013 à 23h01 adressé à B Q, R S et T U ; que la circonstance qu’elle n’a pas procédé à une analyse des causes des incidents et proposé des pistes pour y remédier ne peut sérieusement traduire une insuffisance de sa part, alors que l’employeur a confié cette mission à L X, directrice financière de l’entreprise, dès le 17 mai 2013 et que A D s’est trouvée en arrêt de travail à compter du 18 mai 2013 ;

Attendu s’agissant de la gestion des stocks que la société produit la fiche d’évaluation 2011 de A D selon laquelle l’employeur avait estimé que la Geide (outil de suivi des flux) avait été un point d’amélioration marquant mais que le fonctionnement du service avait été perturbé en fin d’année, de sorte que la performance en matière d’organisation de la chaîne de production était inférieure aux attentes ; que la salariée avait noté qu’outre la Geide, la mise en place du «bill of matériel» et d’un fichier de suivi des besoins d’approvisionnement (caisses en particulier) était de nature à assurer un gain de temps et à sécuriser les approvisionnements ; que l’affirmation de l’intimée selon laquelle les problèmes d’organisation du service «achat / supply chain» faisaient l’objet de nombreuses remontées en comité de direction n’est étayée par aucun élément ; qu’aucune évaluation de la salariée n’a été faite en 2012 ; qu’aucune observation ne lui a été faite ; qu’il n’est pas fait état, après l’évaluation 2011, d’autres incidents d’approvisionnement que ceux des 15 et 16 mai 2013, lesquels ne sont pas imputables à un défaut de prévision des besoins, d’analyses de la rotation des stocks et de vision historique des flux ; qu’il résulte par ailleurs du mail adressé par V Y à l’ensemble des managers du site le 12 avril 2013 que la direction souhaitait donner à la société une nouvelle impulsion et orienter le site vers une plus grande culture du profit avec mission pour les managers de mesurer, améliorer et contrôler tous les sujets ; qu’il n’est pas démontré que les procédures, fichiers et plans de production élaborés par A D ne correspondaient pas jusqu’alors aux attentes de son employeur ni qu’ils ont empêché l’entreprise de faire face aux commandes de clients ou été à l’origine de surcoûts ou de pertes financières ; que A D ayant été placée en arrêt de travail à compter du 18 mai 2013, son inaptitude à exercer ses fonctions conformément aux nouvelles attentes de la direction n’est pas établie ; que la circonstance que d’autres modalités de fonctionnement ont ensuite été mises en place ne suffit pas à caractériser une insuffisance de la salariée et son inaptitude à exercer ses fonctions ;

Que de même, s’agissant du grief relatif à l’absence d’outil efficace de pilotage de l’optimisation des coûts d’approvisionnement, la justification des outils prévisionnels mis en place par le successeur de A D ne permet pas de démontrer que les solutions mises en 'uvre par l’appelante étaient inefficaces et qu’elles ne donnaient pas les résultats escomptés et définis par l’employeur ; qu’outre notamment le témoignage de W AA, responsable hiérarchique de A D depuis son embauche jusqu’à décembre 2009, qui indique n’avoir pas constaté d’insuffisance professionnelle de sa part et d’agissements mettant en cause ses compétences, AB AC, responsable offset, atteste que l’appelante dirigeait son service avec efficacité et disponibilité, que les ateliers offset étaient toujours

approvisionnés et que, lors des réunions de «saving», il a pu observer son implication dans la recherche de réduction des coûts ;

Que s’agissant du management par A D de son équipe, il ne peut être tiré aucune conséquence de la modification de ses attributions depuis son embauche puisqu’il ne résulte d’aucun élément qu’elle avait été décidée par l’entreprise à raison de carences imputables à la salariée ; que Barbara Dennetière-Willerval, responsable planning, atteste qu’elle ne recevait aucun soutien de A D, qui ne suivait pas son travail au quotidien et lui disait de se débrouiller en cas de problème ; qu’elle ajoute que Monsieur C avait même demandé en 2012 de changer de service tellement il ne supportait plus de travailler sous le management de A D ; qu’au contraire, B AD, employée au service Supply Chain sous la responsabilité de A D de novembre 2009 jusqu’à sa démission en juillet 2013, motivée selon elle par l’ambiance détestable de délation, pressions et menaces subie depuis avril 2013, indique que les tâches de chacun étaient bien définies, les méthodes et les outils de travail efficaces, avec notamment un taux de service toujours au-delà de 97 %, que A D savait soutenir son équipe dans les difficultés quotidiennes et apporter des solutions concrètes, qu’ils disposaient d’outils efficaces de contrôle physique hebdomadaires permettant de gérer achats et approvisionnements et que des «savings» substantiels étaient réalisés ; que AE AF atteste également du sérieux de l’organisation du service de A D, sous la responsabilité de laquelle elle a travaillé de 2008 à 2013, et des actions de saving menées afin d’améliorer la situation financière de l’entreprise ; que certes, il résulte du mail de L X du 17 mai 2013 que le process d’appel des bobines et la sécurisation du stock à 48 heures a révélé des points de contrôle inexistants et particulièrement qu’T U ne savait pas devoir organiser les appels de livraison pour réception 48 heures avant la production et contrôler les bobines reçues, de sorte qu’il n’avait pas signalé la non-réception, prévue le 13 mai 2013, du chargement des camions bloqués en Espagne ; que toutefois, dans sa lettre de cadrage du 12 juin 2013, la société avait demandé à A D de renforcer le contrôle et le management de son équipe et d’organiser son travail de sorte que les actions de chacun soient préparées, suivies et contrôlées ; que la responsable des ressources humaines avait ajouté à cette occasion que, compte tenu de l’arrêt maladie de A D, cette lettre avait pour objet d’attirer son attention sur les axes d’amélioration attendue et que la société ne doutait pas de sa capacité à s’inscrire dans le cadre de cette démarche ; que la société ne pouvait sérieusement reprocher à la salariée, toujours en arrêt maladie, sa carence dans le management de son équipe, sans lui laisser le temps de mettre en 'uvre les axes d’amélioration fixés un mois auparavant, alors qu’elle indiquait alors ne pas douter de son aptitude à conduire cette démarche ;

Qu’il résulte du mail de L X en date du 18 juin 2013 que le stock physique était désorganisé, sans emplacement défini pour les bobines, avec un temps

important perdu pour la recherche des bobines à mettre en production, et que l’espace de stockage était encombré de bobines obsolètes ou bloquées ; que la responsable des ressources humaines indique avoir mis en place un tri afin de réexpédier chez GMF le stock des bobines non conformes ou n’étant pas à utiliser dans les prochaines productions, la définition d’un mode de rangement par travées avec un panneau identifiant les emplacements des bobines ; qu’il résulte cependant des mails échangés entre T U et Medhi Malek les 24 et 25 janvier 2013 que le scannage des bobines existait déjà et des mails de Medhi Malek des 20 février et 17 mai 2013 que nombre de difficultés avaient pour origine non pas tant le rangement des bobines qu’un étiquetage manquant ou erroné ; que Medhi Malek et A D avaient à cet égard sollicité et attiré l’attention du service des opérateurs production sur cette question ; que l’absence d’emplacement défini pour les bobines et la présence dans l’espace de stockage de bobines obsolètes ou bloquées ne suffit pas à démontrer l’insuffisance professionnelle imputée à A D ce qui justifie d’infirmer le jugement et de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu en application de l’article L.1235-3 du code du travail qu’au vu du bulletin de salaire de juin 2013, A D percevait un salaire mensuel brut moyen de 3 951,30 euros sur les six derniers

mois : qu’elle était âgée de quarante et un ans et avait une ancienneté de cinq ans au sein de l’entreprise à la date de son licenciement ; qu’elle a retrouvé un emploi en décembre 2013 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée de dix mois ; que le préjudice résultant de la perte de son emploi sera indemnisé par l’octroi d’une indemnité de 30 000 euros ; que les indemnités allouées par la cour portent intérêts de retard au taux légal à compter de l’arrêt ;

Attendu en application de l’article L.1235-4 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d’ancienneté au sein de l’entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés ; que les conditions étant réunies en l’espèce, il convient d’ordonner le remboursement par la société Graphic Packaging International des allocations versées à A D dans les conditions prévues à l’article précité ;

Attendu que l’issue du litige justifie d’allouer à A D la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté la société Graphic Packaging International de sa demande reconventionnelle, et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Graphic Packaging International à verser à A D :

30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que les indemnités allouées portent intérêts de retrad au taux légal à compter de l’arrêt.

Ordonne le remboursement par la société Graphic Packaging International au profit du Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à A D du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent arrêt à hauteur de six mois d’indemnités.

Condamne la société Graphic Packaging International aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. BERLY P. H

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