Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 2, 26 mars 2021, n° 19/00042

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. a salle 2, 26 mars 2021, n° 19/00042
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 19/00042
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Arras, 5 décembre 2018, N° 17/00260
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

26 Mars 2021

1358/21

N° RG 19/00042 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SB7R

BR/AL

RO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARRAS

en date du

06 Décembre 2018

(RG 17/00260 -section )

GROSSE :

aux avocats

le

26 Mars 2021

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANTE :

SAS WIV FRANCE en liquidation judiciaire

non comparante

SELARL ALLIANCE MJ Représentée par Me PEY HARVEY ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS WIV FRANCE

INTERVENANT VOLONTAIRE

[…]

[…]

représentée par Me Marie hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Françoise SITTERLE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

M. Z X

[…]

[…]

représenté par Me Matthieu LAMORIL, avocat au barreau d’ARRAS

Association AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE

[…]

[…]

[…]

représenté par Me Tal LETKO BURIAN, avocat au barreau d’ARRAS substitué par Me Alexandre DUCQ SANSONETTI, avocat au barreau d’ARRAS

DÉBATS : à l’audience publique du 09 Février 2021

Tenue par B C

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Véronique MAGRO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphane MEYER : PRÉSIDENT DE CHAMBRE

D E

: PRESIDENT DE CHAMBRE

B C : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mars 2021,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par

B C, Conseiller et par Annie LESIEUR, greffier auquel la

minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 Février 2021

M. Z X a été engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée le 9 mars 1998

par la société Pieroth Frère et Fils, devenue par la suite Saint Ferdinand-Pieroth, en qualité de VRP.

Son contrat a été transféré en juin 2015 à la SAS Wiv France suite à une fusion absorption.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de chef de section.

La SAS Wiv France a été placée sous sauvegarde le 5 décembre 2016.

En parallèle, elle a mis en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) portant sur le licenciement de 44 salariés. Ce plan a été validé par la DIRECCTE le 30 janvier 2017.

C’est dans ce cadre que M. X a fait l’objet d’un licenciement pour motif économique le 13 mars 2017 et a adhéré le 16 mars au congé de reclassement.

Contestant le bien-fondé du licenciement, il a saisi le 17 octobre 2017 le conseil de prud’hommes d’Arras qui, par jugement du 6 décembre 2018, a :

— dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

— condamné la SAS Wiv France à payer au salarié les sommes de :

—  77 367 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  17 696,74 euros brut, outre 1 372,06 euros brut de congés payés, au titre des heures supplémentaires,

—  7 319,88 euros brut, outre 731,98 euros brut de congés payés, au titre des repos compensateurs pour dépassement de contingent annuel,

—  5 574,47 euros brut au titre des indemnités de congés payés,

—  1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rappelé que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation, soit le23 octobre 2017, pour les sommes de nature salariale et à compter de la décision pour les autres sommes ;

— ordonné le remboursement par la SAS Wiv France des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à M. X postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois ;

— ordonné sous astreinte à la SAS Wiv France de remettre à M. X les documents de fin de contrat conformes ;

— débouté M. X du surplus de ses demandes ;

— dit que la décision n’est pas opposable à la SELARL Alliance MJ, à la SELARL AJ Partenaires et au CGEA de Chalon sur Saône.

Par déclaration du 20 août 2019, la SAS Wiv France et la SARL AJ UP ès qualités de commissaire à l’exécution du plan ont interjeté appel du jugement.

La SAS Wiv France a été placée en redressement judiciaire le 6 février 2020 puis en liquidation judiciaire le 25 juin 2020.

Par conclusions transmises par voie électronique le 3 août 2020, la SELARL Alliance MJ, intervenant volontairement en qualité de liquidateur judiciaire, et la SAS Wiv France demandent à la

cour d’infirmer le jugement déféré, de débouter M. X de ses prétentions et de le condamner au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elles demandent de rappeler que l’AGS couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d’observation et dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession et d’ordonner à l’AGDS de garantir l’indemnité de congés payés de M. X .

Elles soutiennent que :

— le licenciement est fondé en ce que :

— les difficultés économiques ayant conduit au licenciement sont réelles, le chiffre d’affaires et le résultat d’exploitation de l’entreprise et du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient ayant connu une forte baisse du fait de la diminution des ventes ;

— le poste de M. X a été supprimé ; qu’en effet l’intéressé occupait bien les fonctions de directeur régional pour avoir été promu à ce poste en 2015 suite à la première réorganisation de la société ; qu’un poste de directeur régional a été supprimé et que, par application des critères d’ordre, c’est M. X qui a été désigné pour cette suppression ;

— elle a satisfait à son obligation de reclassement ; que M. X n’a pas souhaité recevoir de proposition de poste à l’étranger ; qu’elle a offert au salarié l’ensemble des postes disponibles qu’il pouvait occuper ; qu’elle a même effectué des recherches en externe ;

— M. X n’ayant pas travaillé depuis la fin de l’année 2015 en raison d’un arrêt pour maladie, il ne devait pas cumuler de congés payés pour l’année 2016-2017 conformément aux dispositions de l’article L. 3141-5 du code du travail ; que l’indemnité de congés payés n’est donc pas due ; qu’en tout état de cause elle devrait être garantie par l’AGS ;

— M. X, dont les horaires de travail étaient totalement libres, n’a pas accompli d’heures supplémentaires, étant rappelé que les temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail ne constituent pas du travail effectif.

Par conclusions transmises par voie électronique le 24 septembre 2020, M. X, qui a formé appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris excepté en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses prétentions, sollicitant la condamnation de la SAS Wiv France à lui verser les sommes de 25 788,90 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé et de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la majoration des condamnations des intérêts au taux légal, la capitalisation des intérêts et l’opposabilité de l’arrêt à intervenir à la SELARL Alliance MJ et à la SELARL AJ Partenaires.

Il fait valoir que :

— la procédure de sauvegarde étant expressément visée à l’article L. 3253-6 du code du travail, la SELARL Alliance MJ, la SELARL AJ Partenaires et le CGEA ne doivent pas être mis hors de cause ;

— il a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées ; que les déplacements entre deux lieux de travail constituent du travail effectif tandis que ceux entre le domicile et un lieu de travail non habituel doivent donner lieu à des compensations ;

—  46 jours de congés payés lui ont été supprimés ;

— son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que :

— la réalité des difficultés économiques au niveau du groupe n’est pas démontrée, l’évolution des résultats d’exploitation et le bénéfice n’étant pas justifiés;

— son emploi n’a pas été supprimé ; qu’en effet le poste de chef de section ne figure pas sur la liste des 44 postes supprimés ; que la circonstance que son emploi relèverait de la même catégorie que celle des directeurs régionaux est sans incidence à ce niveau ;

— la SAS Wiv France a failli à son obligation de reclassement dès lors qu’elle n’a pas cherché à adapter son emploi aux postes disponibles et dans la mesure où elle n’a pas fait preuve de loyauté, ne lui ayant offert que des postes de télévente – ne correspondant pas à la même catégorie que l’emploi précédemment occupé ni à un emploi équivalent ;

— la SAS Wiv France ne justifie pas des critères d’ordre qu’elle a établis.

Par conclusions transmises par voie électronique le 29 mai 2020, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de Chalon sur Saône demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a mise hors de cause, à titre subsidiaire de débouter M. X de l’ensemble de ses prétentions et en tout état de cause de dire que sa garantie est limitée et plafonnée et que son obligation de garantie ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement des sommes dues.

Elle fait valoir que :

— sa garantie n’est pas due en application des dispositions de l’article L. 3253-8 du code du travail ; qu’en outre le représentant des créanciers reste en l’absence de fonds l’intermédiaire obligatoire de toute mise en oeuvre de la garantie de l’AGS ;

— M. X n’a pas accompli d’heures supplémentaires ;

— M. X ne démontre pas que la SAS Wiv France lui serait encore redevable d’une indemnité de congés payés ;

— le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse dès lors que :

— les difficultés économiques de la SAS Wiv France et du groupe auquel elle appartient sont réelles ;

— la SAS Wiv France a respecté son obligation de reclassement ;

— la SAS Wiv France a respecté les critères d’ordre visés à l’article L. 1233-5 du code du travail.

SUR CE :

Attendu que la cour constate en premier lieu l’intervention volontaire de la SELARL Alliance MJ en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Wiv France, à qui le présent arrêt est donc déclaré opposable – la SELARL AJ Partenaire n’étant pour sa part plus missionnée par le tribunal de commerce ;

Qu’elle regarde par ailleurs les demandes de M. X tendant à la condamnation de la SAS Wiv France au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaires comme tendant à la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de l’entreprise ;

— Sur le caractère réel et sérieux du licenciement :

Attendu, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable : ' Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. / Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à : / a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ; / b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; / c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; / d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; / 2° A des mutations technologiques ; / 3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; / 4° A la cessation d’activité de l’entreprise. / La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. / Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national./ Pour l’application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français. / Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.' ;

Attendu qu’en l’espèce M. X a été licencié par lettre recommandée du 13 mars 2017 en raison de la suppression de son poste induite par la réorganisation de l’entreprise nécessitée par les difficultés économiques de la société et du groupe Wiv consécutives à la concurrence sur internet et au contexte économique global et caractérisées par la chute libre des résultats de la SAS Wiv France pour l’exercice 2016, et ce après un recul constant depuis 2011 : chiffres d’affaires HT au 31 décembre 2016 de 12,4 M€ (contre 16,6 M€ au 31 décembre 2015) et résultat d’exploitation au 31 décembre 2016 de -2,9 M€ ; qu’il est noté que, avec une perte consolidée arrêtée au 30 septembre 2016 à -18 M€, le groupe Wiv ne peut plus financer Wiv France ;

Attendu que les seuls documents produits par la SAS Wiv France en pièce 8 bis et intitulés 'Monthly Reporting Wiv Wein International Group’ne permettent pas à la cour d’apprécier la réalité des difficultés économiques du groupe Wiv auquel l’entreprise appartient, alors même que l’appelante n’en propose aucune explication ou analyse et n’en tire aucune conclusion ; que les seuls chiffres afférents au groupe auxquels elle se réfère dans ses écritures sont un prévisionnel de 242 M€ pour 2016 et un résultat intermédiaire d’exploitation de – 18M€ ; que toutefois aucun prévisionnel ne figure à la pièce 8 bis tandis que le montant de -18 M€ ne correspond à aucun des chiffres des tableaux qu’elle comporte ; que ces tableaux sont incompréhensibles et que la cour se trouve dès lors dans l’incapacité de vérifier la baisse du résultat d’exploitation alléguée ; que, par suite, la cour retient que la réalité des difficultés économiques ayant motivé le licenciement de M. X n’est pas établie ;

Attendu, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable : 'Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.' et que, selon l’article L. 1233-4-1 du même code dans sa rédaction applicable : ' Lorsque l’entreprise ou le groupe dont l’entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L’employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises. / Les modalités d’application du présent article, en particulier celles relatives à l’information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national, sont précisées par décret.' ;

Attendu qu’en l’espèce, si la SAS Wiv France affirme avoir informé le salarié de la possibilité de demander des offres de reclassement hors du territoire national, elle n’en justifie pas ; qu’elle ne produit notamment pas le courrier du 2 février 2017 dont elle fait état dans la lettre de licenciement ;

Que par ailleurs il ne ressort des pièces du dossier ni qu’aucun poste correspondant à la catégorie professionnelle de M. X n’était disponible au sein des sociétés du groupe Wiv situées sur le territoire national, ni que l’ensemble des postes disponibles relevant d’une catégorie différente ou inférieure lui a été proposé ; que les deux seuls courriers versés en pièce 9 par la SAS Wiv France adressés par le président de la société à un dénommé M. F G et au département des ressources humaines de Métairie France les informant d’une recherche de reclassement pour 44 salariés de son entreprise sont en effet insuffisants à en rapporter la démonstration ;

Que, par suite, la cour retient que la SAS Wiv France a failli à son obligation de reclassement ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que M. X a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu’en considération de son ancienneté (19 ans), de sa rémunération mensuelle brute (4 298 euros), de son âge (56 ans au moment du licenciement) et du fait qu’il a constitué une société en novembre 2017 dont le premier exercice a été déficitaire – la cour ignorant ses résultats postérieurs, son préjudice est évalué à la somme de 50 000 euros ;

Attendu qu’il y a lieu de fixer la créance de Pôle emploi au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Wiv France aux indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois ;

— Sur les heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ;

Que, selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminés par voie réglementaire ;

Qu’enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;

Qu’il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires susvisées ;

Que par ailleurs le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Qu’enfin, si le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel ne constitue pas du temps de travail effectif, il en est autrement des temps de déplacement entre deux lieux de travail ;

Attendu qu’en l’espèce M. X soutient avoir accompli bien davantage que 35 heures et sollicite le paiement d’heures supplémentaires pour la période non prescrite comprise entre octobre 2014 et novembre 2015 ; qu’il produit :

— un décompte quotidien des horaires accomplis, avec mention du temps de pause pour le repas et des tâches accomplies ;

— un récapitulatif hebdomadaire du nombre d’heures supplémentaires effectuées ;

— ses notes de frais contresignées par le directeur commercial ;

— les témoignages de collègues, de relations d’affaires et de proches qui attestent de l’ampleur de ses journées de travail en particulier lors de ses nombreux déplacements professionnels ;

Attendu que le salarié produit ainsi des éléments suffisamment précis à l’appui de sa demande ;

Attendu que la SAS Wiv France conteste la réalisation d’heures supplémentaires ; qu’elle note des incohérences dans le décompte produit par le salarié et fait valoir d’une part qu’il n’a jamais été demandé à l’intéressé, totalement libre de ses horaires, d’effectuer des heures supplémentaires, d’autre part que le temps de trajet domicile travail ne peut être considéré comme du travail effectif ; qu’elle verse aux débats :

— l’attestation de M. H I, qui indique avoir des fonctions similaires à celles qu’occupait M. X et précise être totalement libre de son emploi du temps et de son temps de travail ;

— le témoignage de M. Y, qui travaillait avec M. X de 2013 à 2015 en tant qu’assistant des ventes et qui certifie que l’intéressé était libre de son temps et de son organisation ; qu’il ajoute que M. X lui demandait souvent de fermer le bureau à sa place et qu’il lui arrivait fréquemment de travailler chez lui ;

— l’attestation de l’ancien responsable direct de M. X qui confirme la liberté d’organisation de

l’intéressé et ajoute que ses missions ne nécessitaient pas qu’il accomplisse des heures supplémentaires ;

— les décomptes de télépéage du numéro 071525200007, avec un tableau récapitulatif ;

— le courrier de restitution du badge rédigé par la SAS Wiv France en 2016 qui identifie le badge de M. X comme étant le numéro 00007 ;

— une facture Total identifiant le numéro de plaque d’immatriculation du véhicule de M. X, lequel correspond bien à celui identifié par la SAS Wiv France dans le courrier de restitution du badge ainsi que dans les décomptes des cartes essence de M. X ;

— les décomptes des cartes Total de M. X ;

Attendu que la SAS Wiv France ne produit aucun décompte .des heures de travail de M. X ; qu’elle ne justifie donc pas avoir satisfait à ses obligations en la matière ; que les incohérences qu’elle relève entre d’une part les décomptes péages et cartes essence, d’autre part les horaires figurant au décompte du salarié sont insuffisantes à ôter toute crédibilité au relevé précis établi par l’intimé ; que les temps de trajet domicile-travail ne constituent pas du travail effectif, à la différence des temps de trajet entre deux lieux de travail ; qu’au vu des éléments produits de part et d’autre la cour a la conviction au sens du texte précité que M. X a bien effectué des heures supplémentaires ; que toutefois, compte tenu notamment des erreurs relevées, la cour estime devoir fixer la somme due de ce chef au salarié à 5 700 euros brut, outre 570 euros brut de congés payés ;

Attendu que la demande d’indemnité pour privation de la contrepartie obligatoire en repos ne peut prospérer dans la mesure où le contingent annuel d’heures supplémentaires (220 heures) n’a pas été dépassé ;

— Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ' Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; / 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli (…)' et qu’aux termes de l’article L. 8223-1 du même code : ' En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.' ;

Attendu que la volonté délibérée de la SAS Wiv France de dissimuler sur les bulletins de paie les heures réellement accomplies par le salarié n’est pas suffisamment caractérisée ; que la demande d’indemnité pour travail dissimulé est donc rejetée ;

— Sur l’indemnité de congés payés :

Attendu que, alors qu’il figurait un crédit de 51,50 jours de congés payés sur la fiche de paie de M. X de mai 2017 (soit 20,50 sur l’année N-1 et 31 sur l’année en cours), seuls 5,5 jours apparaissent sur la paie de juin 2017 ;

Attendu que, pour expliquer cette suppression, la SELARL Alliance MJ ès qualités soutient qu’une régularisation a dû être opérée dans la mesure où M. X était en arrêt pour maladie depuis la fin de l’année 2015 et que, en application de l’article L. 3141-5 du code du travail, cette période n’est pas

considérée comme une période de travail effectif ;

Attendu que certes il résulte de l’article L 3141-5 du code du travail que contrairement aux arrêts de travail consécutifs à un accident du travail ou à une maladie professionnelle et sauf dispositions conventionnelles plus favorables les autres absences pour raisons médicales ne sont pas légalement assimilées à du temps de travail effectif pour l’acquisition des droits à congés payés ;

Que cependant, il convient de relever que la Cour de Justice de l’Union Européenne dans son arrêt du 6 novembre 2018 ( C-569/16 et C-570/16) a reconnu l’effet direct horizontal de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux sur le droit à congé en retenant que le droit à une période de congés annuels payés, consacré dans le chef de tout travailleur par l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, revêt quant à son existence même, un caractère tout à la fois impératif et inconditionnel, cette dernière ne demandant en effet pas à être concrétisée par des dispositions du droit de l’Union ou de droit national, lesquelles sont seulement appelées à préciser la durée exacte du congé annuel et, le cas échéant, certaines conditions d’exercice de ce droit ; qu’il s’ensuit que ladite disposition se suffit à elle-même pour conférer aux travailleurs un droit invocable en tant que tel dans un litige qui les oppose à leur employeur dans une situation couverte par le droit de l’Union et relevant, par conséquent, du champ d’application de la Charte;

Que le droit au congé annuel ne constitue que l’un des deux volets du droit au congé annuel payé en tant que principe essentiel du droit social de l’Union reflété par l’article 7 de la directive 93/104 et par l’article 7 de la directive 2003/88 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, entre temps expressément consacré en tant que droit fondamental à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte ;

Que des limitations ne peuvent être apportées à ce droit que dans le respect des conditions strictes prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et, notamment, du contenu essentiel dudit droit ;

Qu’ainsi, les États membres ne peuvent déroger au principe découlant de l’article 7 de la directive 2003/88 , lu à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, selon lequel les travailleurs ont droit à un repos annuel de 4 semaines, le droit de l’Union s’opposant à ce que l’acquisition du congé payé principal de 4 semaines soit subordonnée à une période minimale de travail effectif ;

Que l’article 7 de la directive 2003/88 et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte doivent donc être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans le présent litige prévoyant, selon l’origine de l’absence du travailleur en congé maladie, une durée de congé payé annuel inférieure à la période minimale de quatre semaines garantie par cette directive ;

Qu’au regard de l’effet direct de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux et en vertu de ce texte, la juridiction nationale saisie d’un litige entre un salarié et son ancien employeur ayant la qualité de particulier, en cas d’impossibilité d’interpréter une réglementation nationale telle que celle en cause au principal doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée et veiller à ce que le salarié se voie octroyer une période minimale de 4 semaines de congés payés ;

Qu’il résulte de ces éléments que le droit national et plus particulièrement l’article L 3141-5 du code du travail qui ne prend pas en compte la période de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle pour l’acquisition des droits à congés payés n’est pas conforme aux articles 7 de la directive 2003/88 et 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, de sorte que M. X devant bénéficier d’une période minimale de 4 semaines de congés payés, son employeur n’est pas fondé à supprimer les congés auxquels il avait droit ;

Attendu que M. X, qui au dispositif de ses conclusions demande sur ce point la confirmation du jugement même s’il argue d’une créance supérieure dans les motifs, est donc créancier de la somme de 5 574,47 euros brut allouée par le conseil de prud’hommes ;

— Sur les intérêts :

Attendu que les procédures collectives ont arrêté le cours des intérêts, de sorte que les montants alloués ne sauraient être assortis des intérêts au taux légal ;

— Sur la remise des documents sociaux rectifiés :

Attendu que, compte tenu de la solution donnée au litige, il est ordonné à la SELARL Alliance MJ ès qualités de remettre à M. X une attestation Pôle emploi, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, sans qu’il soit besoin d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;

— Sur les frais irrépétibles

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité d’allouer à M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel, les dispositions du jugement relatives aux frais exposés en première instance étant quant à elles confirmées ;

— Sur les obligations de l’AGS :

Attendu que les observations du CGEA, à qui l’arrêt est opposable compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire, quant à l’étendue de ses garanties seront retenues ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Constate l’intervention volontaire de la SELARL Alliance MJ en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Wiv France et lui déclare en cette qualité le présent arrêt opposable,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

— dit que le licenciement de M. Z X est sans cause réelle et sérieuse,

— alloué à M. Z X la somme de 5 574,47 euros brut au titre de l’indemnité de congés payés, sauf à dire qu’il s’agit d’une créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Wiv France ,

— alloué à M. Z X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à dire que cette condamnation est mise à la charge de la SELARL Alliance MJ ès qualités,

— débouté M. Z X de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Fixe la créance de M. Z X au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Wiv France aux sommes de :

—  50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  5 700 euros brut, outre 570 euros brut de congés payés, au titre des heures supplémentaires,

Fixe la créance de Pôle emploi au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Wiv France aux indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de deux mois,

Ordonne à la SELARL Alliance MJ ès qualités de remettre à M. Z X une attestation Pôle emploi, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que cette condamnation ne soit assortie d’une astreinte,

Déboute M. Z X de ses demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos et au titre des intérêts,

Condamne la SELARL Alliance MJ ès qualités à payer à M. Z X la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel,

Déclare le présent arrêt opposable à l’UNEDIC délégation AGS CGEA de Chalon sur Saône, dans les limites de sa garantie légale telle que fixée par les articles

L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l’article D. 3253-5 du même code,

Dit que l’obligation de l’AGS de faire l’avance des sommes garanties ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et justification de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

Condamne la SELARL Alliance MJ ès qualités aux dépens d’appel,

Le Greffier Pour le Président empêché,

A. LESIEUR B. C, Conseiller

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Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 2, 26 mars 2021, n° 19/00042