Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 28 mai 2021, n° 18/03636

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. d salle 3, 28 mai 2021, n° 18/03636
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 18/03636
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lannoy, 14 novembre 2018, N° 17/00166
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

28 Mai 2021

1673/21

N° RG 18/03636 – N° Portalis DBVT-V-B7C-SAOB

LG/CH/AA

RO

AJ

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LANNOY

en date du

15 Novembre 2018

(RG 17/00166 -section )

GROSSE :

aux avocats

le

28 Mai 2021

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme Y X

[…]

[…]

représentée par Me Laurence PIPART-LENOIR, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178002/18/14001 du 02/01/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

SAS SIGESS

[…]

[…]

représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Patrick PROTIERE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS : à l’audience publique du 11 Mars 2021

Tenue par A B

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

C D

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

A B

: CONSEILLER

E F-G : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Mai 2021,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par C D, Président et par Charlotte GERNEZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11mars 2021.

EXPOSE DU LITIGE :

La société ENI FRANCE, spécialisée dans la distribution de produits pétroliers et dans la fourniture de gaz exploitait sous l’enseigne AGIP une station service située à Villeneuve d’Ascq (centre commercial V2).

Suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 29 juin 1994, elle a engagé Madame Y X en qualité de caissière, niveau I, échelon 2, coefficient 145 de la convention collective du commerce et réparation automobile, du cycle et du motocycle.

La salariée a été affectée sur le site de Villeneuve d’Ascq.

A compter du 16 décembre 2014, la société SIGESS dont l’activité est l’administration et la gestion de stations service, a pris en location gérance le fonds de commerce exploité jusqu’alors par la société ENI FRANCE;

Dans ces circonstances et en application des dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de Madame X lui a été transféré.

Au dernier état de la relation contractuelle, cette dernière occupait les mêmes fonctions à raison de 143 heures par mois et percevait une rémunération mensuelle brute de 1577 euros, majorée de primes.

Le 17 juillet 2015, la Métropole Européenne de Lille a notifié par voie extrajudiciaire, à la société ENI FRANCE la non reconduction du bail à construction à échéance au 18 juillet 2016, en l’enjoignant de lui restituer le terrain dans son état primitif, vierge de toute construction.

Le 10 décembre 2015, la société SIGESS a informé les trois employés de la station service de la fermeture prochaine de l’établissement, précisant qu’elle effectuait des démarches afin de pourvoir à leur reclassement.

Le 23 décembre 2015, Madame X a été convoquée à un entretien préalable à licenciement pour motif économique fixé au 11 janvier 2016.

Par courrier du 5 janvier 2016, la société SIGESS lui a exposé les motifs conduisant à envisager son licenciement et de l’état d’avancement de ses recherches de reclassement.

Lors de l’entretien préalable, la salariée s’est vue remettre la documentation relative au Contrat de Sécurisation Professionnelle auquel elle a, par la suite, adhéré.

Quelques jours plus tard, par courrier en date du 21 janvier 2016, la société SIGESS lui a notifié à titre conservatoire son licenciement.

La relation professionnelle a pris fin le 1er février 2016.

Contestant la légitimité de la rupture de son contrat de travail, la salariée a, par requête en date du 29 décembre 2016, saisi le conseil des prud’hommes de Lannoy afin d’obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes et indemnités.

Suivant jugement en date du 15 novembre 2018, la juridiction prud’homale a :

— dit et jugé que la SAS SIGESS n’a pas respecté la procédure de licenciement et la consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel;

— en conséquence, condamné la SAS SIGESS à verser à Madame Y X la somme de 1784,68 euros au titre de l’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, somme majorée de l’intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement;

— dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse;

— dit et jugé que la SAS SIGESS n’a pas manqué à son obligation de reclassement;

— dit et jugé qu’il n’ y a pas lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein;

— dit et jugé que Madame Y X n’a pas subi de préjudice suite à l’application du nouveau régime conventionnel de couverture santé qui s’imposait aux parties;

— en conséquence, débouté Madame Y X du surplus de ses demandes, y compris de sa demande de rectification des fiches de paie, de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de

travail;

— condamné la SAS SIGESS à verser à Madame Y X la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— débouté la SAS SIGESS de sa demande de ce chef;

— condamné la SAS SIGESS aux éventuels dépens.

Le 11 décembre 2018, Madame X a interjeté appel de cette décision dans les conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées entre les parties.

La SAS SIGESS a relevé appel incident.

Par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état la clôture de la procédure a été prononcée au 11 mars 2021 et l’audience de plaidoirie, fixée à la même date.

Suivant conclusions régulièrement transmises via le RPVA, le 23 février 2021, Madame X sollicite la réformation de la décision déférée sauf en ce qu’elle a dit et jugé que la SAS SIGESS n’a pas respecté la procédure de licenciement et n’a pas procédé à la consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel;

Pour le surplus, elle demande à la cour de :

— tirer toutes les conséquences de droit de la nullité de la procédure de licenciement du fait du défaut de consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel;

— dire et arrêter que le motif allégué à l’appui du licenciement ne présente aucune cause réelle et sérieuse et que l’employeur n’a pas justifié de la sauvegarde de sa compétitivité et des mutations technologiques;

— en conséquence, dire et arrêter qu’elle est recevable et bien fondée à demander la réparation de son préjudice, au regard de son ancienneté, par le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 45 556,80 euros;

— A titre subsidiaire, au cas où la cour ne retiendrait pas l’absence de motif économique réel et sérieux, dire que la société SIGESS a manqué à son obligation de reclassement;

— requalifier son contrat de travail en contrat à temps plein;

— condamner la société SIGESS au paiement de rappel de salaires sur la base d’un temps plein à lui verser sur les trois années avant la rupture de son contrat de travail, la somme de 4805,52 euros outre 480,55 euros au titre des congés payés.

— dire que l’indemnité conventionnelle devra être versée et complétée à hauteur de 4890,00 euros;

— lui donner acte de ce qu’elle renonce à son appel du chef du non paiement de sa mutuelle d’entreprise;

— ordonner la rectification des fiches de paie, de l’attestation Assédic et du certificat de travail, sous peine d’astreinte de 50 euros par jour de retard.

— condamner la société SIGESS au paiement d’une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses écritures, régulièrement transmises via le RPVA le 5 mars 2021 (conclusions récapitulatives n° 2) et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, la SAS SIGESS conclut à la réformation partielle du jugement entrepris:

Elle demande à la cour de :

— dire et juger son appel incident recevable et bien fondé;

— confirmer la décision en ce qu’elle a :

* jugé que le licenciement de Madame X prononcé pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse;

* jugé qu’elle a respecté son obligation de reclassement;

* jugé qu’il n’y a pas lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein de la salariée;

— A titre subsidiaire sur ces trois points, si par impossible la cour venait à juger que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse et/ou qu’elle n’a pas respecté son obligation de reclassement et/ou qu’il y a lieu à requalification du contrat à temps plein, juger que Madame X ne justifie ni du bien fondé et quantum des sommes réclamées, ni de l’existence, ni de l’étendue du préjudice allégué;

En conséquence,

— la débouter de ses demandes;

Et à défaut;

— réduire à de plus justes proportions ses demandes indemnitaires afférentes aux préjudices allégués, étant précisé que son salaire brut s’élevait à la somme de 1577 euros bruts;

— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit et jugé qu’elle n’avait pas respecté la procédure de licenciement pour défaut de consultation du comité d’entreprise ou de la délégation du personnel; et l’a condamnée à verser à madame X la somme de 1784,68 euros à titre d’indemnité;

Statuant à nouveau sur ce point :

— dire et juger qu’elle a bien respecté la procédure de licenciement pour motif économique adaptée à son effectif et débouter Madame X de sa demande d’indemnité, dont l’existence et l’étendue n’est pas démontrée (sic)

En tout état de cause :

— débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions plus amples ou contraires;

— condamner la même à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— condamner la même aux entiers dépens de l’instance;

SUR CE, LA COUR :

A titre liminaire, la cour constate que Madame X n’entend plus remette en cause la disposition du jugement l’ayant déboutée de sa prétention relative au non paiement de sa mutuelle d’entreprise et ne formule, d’ailleurs, aucune demande à ce titre.

Il y aura donc lieu de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur la demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et les demandes subséquentes :

Madame X affirme que bien qu’embauchée à temps partiel, son employeur lui imposait la réalisation de nombreuses heures en sus de ce qui était contractuellement convenu, de sorte qu’elle ne pouvait prévoir son rythme de travail, était contrainte de se tenir en permanence à la disposition de l’entreprise et ne pouvait envisager d’occuper un autre emploi pour compléter sa rémunération.

Elle sollicite en conséquence la requalification de son contrat en contrat à temps plein et un rappel de salaires sur trois années. Elle demande en outre une revalorisation de son indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur la base d’un horaire mensuel de 143 heures.

La société SIGESS relève que la partie appelante procède par allégations, ne précise pas le fondement de sa demande et fait état d’une situation antérieure à la date à laquelle, elle a pour sa part, repris le contrat de travail de la salariée.

Elle estime que dans ces conditions, la demande formulée ne saurait prospérer.

En l’espèce, il ressort des pièces versées à la procédure que les horaires de la salariée ont toujours été précisés tant dans le contrat de travail initial que dans ses avenants successifs.

Il apparaît que depuis 2006, la salariée a toujours travaillé les mêmes jours avec les mêmes horaires. Elle pouvait donc prévoir son rythme de travail et s’organiser.

S’il n’est pas discuté que l’intéressée a pu effectuer des heures complémentaires, cette seule circonstance ne peut suffire à requalifier la relation contractuelle en un contrat à temps plein.

Sur ce point, la partie appelante n’apporte aucun élément probant permettant de retenir que la société SIGESS lui aurait régulièrement demandé d’effectuer des heures en plus ou aurait modifier ses horaires. Elle n’établit aucunement s’être trouvée dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail pas plus qu’elle ne démontre s’être tenue à la disposition de son employeur au cours des trois années précédant la rupture de la relation professionnelle.

Il y aura donc lieu d’approuver les premiers juges, qui opérant les mêmes constatations, ont débouté la salariée de sa réclamation financière et de sa demande subséquente relative à l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur l’irrégularité de procédure au titre de l’absence de consultation du Comité d’entreprise ou de la délégation du personnel préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour motif économique.

Madame X expose en premier lieu, que la société SIGESS qui disposait d’un effectif de plus de 99 salariés et d’au moins 88 établissements, a rompu son contrat de travail sans consulter au préalable les instances représentatives du personnel.

Elle rappelle qu’en présence d’un licenciement collectif pour motif économique une telle formalité

est obligatoire dans la mesure où l’article L 1233-8 du code du travail prévoit que l’employeur doit, avant d’engager la procédure de licenciement, soumettre au comité d’entreprise, les informations économiques et financières justifiant la mesure envisagée et lui préciser, notamment, le nombre et la catégorie professionnelle des salariés concernés par le projet de licenciement.

Elle précise que si l’entreprise est dépourvue de comité d’entreprise, une telle démarche doit être effectuée auprès des délégués du personnel.

Elle déclare que le non respect de ces dispositions constitue une atteinte à ses droits, justifiant le versement de dommages et intérêts.

La Société SIGESS s’oppose à cette demande faisant valoir que la procédure de licenciement n’est affectée d’aucune irrégularité. Elle expose que l’établissement de Villeneuve d’Ascq ne comptait, en effet, que 3 salariés, tous concernés par la suppression de leur emploi. Elle indique qu’elle a dûment informé l’inspection du travail du projet de licenciement et soutient qu’au regard du nombre réduit des effectifs en tout état de cause, inférieur à 11 salariés, elle ne disposait ni d’un comité d’entreprise ni d’une délégation du personnel, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer la formalité prévue à l’article L 1233-8 du code du travail relatif aux licenciements collectifs. Elle souligne, à ce titre, que dès lors qu’il n’est pas démontré en procédure qu’elle remplissait, en terme d’effectifs, les conditions requises pour mettre en place des instances représentatives du personnel, il ne peut lui être fait grief, comme l’a pourtant fait le conseil des prud’hommes, de n’avoir pas produit un procès verbal de carence.

Elle ajoute, qu’en tout état de cause, Madame X ne justifie pas du préjudice qu’elle invoque.

L’article L 1233-8 du code du travail dans sa version applicable au litige, prévoit que «l’employeur qui envisage de procéder à un licenciement économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, réunit et consulte le comité d’entreprise (ou à défaut les délégués du personnel) sur le projet de licenciement économique et ce, avant d’adresser les convocations aux entretiens individuels préalables. Il doit, dans ce cadre indiquer le ou les raisons économiques, financières ou techniques du licenciement, le nombre de salariés dont le licenciement est envisagé, les catégories professionnelles concernées, les critères proposés pour l’ordre des licenciements, le nombre de salariés permanent ou non employés dans l’établissement, le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures économiques envisagées.

Par ailleurs en application des dispositions de l’article L 1235-15 du même code, est irrégulier tout licenciement économique intervenu dans une entreprise dans laquelle les instances représentatives du personnel n’ont pas été mises en place alors qu’elle est assujettie à cette obligation et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi.

Ce texte précise : «le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis.»

En l’espèce, la société SIGESS déclare qu’elle ne disposait d’aucune instance représentative du personnel compte tenu du nombre limité d’employés sur le site, représentant un nombre inférieur à 11 salariés, ce qui l’exonérerait de la procédure de consultation rappelée par le texte susvisé.

Si effectivement aux termes des articles L 2312-2 L 2313-13 et à L 2322-2 du code du travail dans leur version en vigueur à l’époque du litige, la mise en place d’instances représentatives s’impose dans tous les établissements dont l’effectif atteint 11 salariés pendant 12 mois consécutifs ou non, au cours de trois années successives, il importe de préciser que lorsqu’au sein d’une entreprise, il existe plusieurs établissements, dont certains comptent moins de 11 salariés, l’employeur doit, soit regrouper plusieurs de ces établissements pour atteindre le seuil de 11 salariés, soit rattacher ces

établissements à un établissement plus important, ce, afin de ne pas priver le personnel de son droit à la défense de ses intérêts. L’employeur qui n’y procède pas commet une faute.

Ainsi, la société SIGESS, qui au vu des informations issues du site Infogreffe.fr produites par Madame X (pièce 17) et des mentions figurant sur certaines correspondances, non contredites par les autres pièces versées aux débats, disposait à l’époque du licenciement de 12 établissements, dont un établissement principal à Bron (69) et justifiait d’un effectif global de 66 salariés, ne peut invoquer le nombre réduit d’employés affectés à la station service du centre commercial V2 pour s’affranchir des règles protectrices rappelées plus haut.

Comme, l’ont parfaitement relevé les premiers juges, il incombait à la société SIGESS de mettre en place des instances représentatives du personnel et, le cas échéant, en cas d’impossibilité de désigner des délégués du personnel ou instituer un comité d’entreprise, de produire un procès-verbal de carence pour justifier du non respect des dispositions légales.

La partie intimée se montrant défaillante sur ce point, il y aura lieu d’approuver les premiers juges ayant déclaré la procédure irrégulière.

Dans la mesure où Madame X a été privée d’une garantie légale quant au respect de ses droits dans le cadre d’une procédure aboutissant à la perte de son emploi, elle justifie d’un préjudice qui doit être réparé.

Il n’y aura pas lieu, à cet égard de minorer le montant de l’indemnisation allouée par les premiers juges, celle-ci résultant d’une juste prise en compte de l’étendue du préjudice subi.

Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef.

Sur la légitimité du licenciement économique et les demandes subséquentes.

Madame X soutient que le motif économique invoqué à l’appui de son licenciement n’est pas avéré. Elle rappelle l’envergure de la société SIGESS, qui dispose de nombreux sites, et fait valoir que la fermeture d’un seul établissement de cette entité ne saurait être assimilée à une cessation complète de l’activité de l’entreprise.

Elle indique qu’en outre, la partie intimée ne justifie pas de la réalité de ses difficultés économiques ni ne démontre que la cessation de l’activité de la station service de Villeneuve d’Ascq était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Elle en conclut que sur ces seules constatations son licenciement doit être invalidé.

Elle ajoute qu’en tout état de cause, l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement et ne justifie d’aucune démarche auprès de ses autres établissements ni ne transmet ses registres d’entrées et de sortie du personnel, ce qui permet là encore de considérer le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société SIGESS fait valoir que la rupture du contrat de travail de Madame X n’est pas liée à des difficultés économiques mais à des raisons qui ne lui sont pas inhérentes à savoir la suppression de la station service en raison de la décision de la Métropole Européenne de Lille de ne pas reconduire le contrat de bail du terrain sur lequel elle exerçait son activité et de récupérer celui-ci dans son état primitif, c’est à dire vierge de toute construction.

Elle précise que le motif invoqué à l’appui du licenciement est la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et sa pérennité.

Sur ce point, elle explique qu’en l’absence d’autres établissements dans l’agglomération lilloise, le maintien dans l’emploi des trois salariés affectés au fonds de commerce, sans fourniture de prestation de travail n’était pas envisageable puisque le coût annuel de leurs salaires aurait été supérieur au bénéfice annuel réalisé par la société.

Elle en conclut que dans ces conditions la réalité du motif invoqué n’est pas discutable.

Elle ajoute que ses recherches de reclassement ont été complètes et menées de façon loyales et fait observer que la partie appelante opère une confusion entre la société SIGESS et la société ENI, alors que les deux entités n’ont aucun lien juridique, n’exercent pas la même activité, ce qui exclut toute permutabilité de leur personnel.

En vertu de l’article L 1233-2 du code du travail, tout licenciement pour motif économique doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

L’article L1233-3 du Code du Travail, dans sa version applicable au litige, définit le licenciement économique comme la rupture du contrat de travail effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification refusée par la salariée, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques se fait au niveau du groupe ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient si ce groupe comporte plusieurs secteurs d’activité.

La réorganisation de l’entreprise peut constituer un motif économique de licenciement, dès lors qu’elle est liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, ou à défaut, dès lors qu’elle apparaît indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.

Il appartient à l’employeur d’établir la réalité des difficultés économiques invoquées, lesquelles doivent justifier les mesures prises.

Comme le lui impose l’article L1233-16 du code du travail dans sa version en vigueur à l’époque, l’employeur doit en tout état de cause mentionner dans la lettre de rupture, les raisons économiques justifiant sa décision ainsi que leur incidence sur l’emploi du salarié concerné.

L’adhésion à un Contrat de Sécurisation Professionnelle constitue une modalité du licenciement pour motif économique qui ne prive pas le salarié de son droit de contester ultérieurement ledit licenciement.

Dans ce cas de figure, l’employeur doit énoncer le motif économique l’ayant contraint à procéder à la rupture du contrat de travail, soit dans le document écrit d’information sur le contrat de Sécurisation Professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai dont ce dernier dispose pour faire connaître sa réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L 1233-15 et L 1233-39 du code du travail, soit encore dans tout autre document écrit porté à la connaissance du salarié au plus tard au moment de son acceptation.

A défaut, la rupture du contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

L’article L1233-4 du Code du travail énonce quant à lui que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du

groupe auquel l’entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il résulte notamment de ce texte qu’il appartient à l’employeur de prouver qu’il a satisfait à son obligation de reclassement et qu’il doit en particulier, lorsqu’il fait partie d’un groupe, produire tous éléments de preuve permettant de déterminer si un reclassement du salarié était possible au sein d’une entreprise de ce groupe.

En l’espèce, il est constant que Madame X a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été remis lors de son entretien préalable.

La lettre en date 21 janvier 2016, qui expose les motifs du licenciement est libellée comme suit :

«Nous sommes au regret de vous informer que nous sommes dans l’obligation de poursuivre ce projet de licenciement économique à votre égard.

Je vous en rappelle à toutes fins utiles les motifs : Motif économique.

Comme vous le savez, le 12 janvier 2016, nous avons été contraints de fermer définitivement la station-service de Villeneuve d’Ascq au sein de laquelle vous exercez en qualité de caissière.

La Métropole Européenne de Lille reprend possession de son terrain sur lequel est implanté la station.

Celle-ci est destinée à être détruite dans le cadre d’un projet urbain piloté par ladite métropole.

Aucune activité pétrolière ne subsistera sur cet emplacement.

La fermeture de la station-service a entraîné la cessation de toute activité sur le site à compter du 12 janvier 2016 pour permettre le démantèlement des éléments.

Tous les postes de travail attachés à l’établissement ont été supprimés à cette date, dont le vôtre.

Le maintien dans l’emploi des trois salariés attachés à la station sans prestation de travail serait source de difficultés économiques pour l’entreprise.

La réorganisation de l’entreprise est dès lors nécessaire pour assurer la sauvegarde de sa compétitivité et sa pérennité.

C’est ainsi que nous envisagions la suppression de votre poste de travail de caissière comme celui de vos collègues.

Votre licenciement pour motif économique étant envisagé en raison de la suppression de votre poste, nous avons examiné les possibilités de vous reclasser. (':…) Nous avons tout mis en oeuvre pour procéder à votre reclassement compte tenu des moyens dont nous disposons.

En vain.»

Il y a donc lieu de constater que la société SIGESS, qui disposait en 2016 de plusieurs établissements

sur le territoire national, justifie la mesure de licenciement par la cessation totale de toute activité sur son site de Villeneuve d’Ascq et par une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

Il importe à ce titre de préciser que la fermeture d’un établissement entraînant une cessation partielle de l’entreprise, quand bien même cette situation résulterait de la décision d’un tiers, ne constitue pas un motif autonome de nature à fonder un licenciement économique.

Il appartient dans cette hypothèse à l’employeur de justifier en outre, soit de difficultés économiques, soit d’une mutation technologique, soit d’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde.

Au cas présent, la société SIGESS se prévaut de cette dernière situation.

Or, sur l’ensemble des pièces qu’elle verse aux débats constituées majoritairement de courriers qu’elle a adressés à la salariée ou à la DIRECCTE ou à des entreprises extérieures dans le cadre de ses recherches de reclassement, aucune d’entre elles ne vient établir que la suppression des emplois des salariés de la station service procéderaient d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

La partie intimée n’apporte aucun élément, notamment comptable ou financier, permettant de caractériser la menace pesant sur sa compétitivité, se contentant d’affirmer que le maintien du versement de la rémunération de Madame X et de ses deux collègues sans réalisation d’une prestation de travail aurait nécessairement impacté de façon négative son résultat financier, ce qui n’est guère contestable, et éludant, ainsi, la question plus pragmatique de la poursuite de la prestation de travail de ces salariés au sein d’une autre de ses structures relevant du même secteur d’activité et notamment celles implantées à Seclin et Compiègne (pièce 17 appelante).

Ces premières constatations permettent de retenir que le licenciement de Madame X est uniquement lié à la fermeture de l’établissement de Villeneuve d’Ascq laquelle résulte, non pas, du choix de l’employeur dicté par une nécessité de sauvegarder sa compétitivité ou de préserver celle-ci mais de la décision de la Métropole Lilloise de reprendre ses droits sur le terrain exploité par la société SIGESS. La rupture du contrat de travail de l’appelante ne relève donc pas d’un motif économique au sens des dispositions rappelées plus haut.

Au surplus, force est de constater que la société SIGESS, qui conteste les éléments transmis par la partie appelante quant au périmètre géographique de son obligation de reclassement, ne transmet aucune information à ce sujet et se contente de soutenir qu’elle ne disposait d’aucune solution de reclassement en interne, s’abstenant volontairement de produire son registre d’entrée et de sortie du personnel et se montrant dans l’incapacité de justifier de la moindre démarche au sein de ses autres établissements.

A ce second titre, le licenciement est également dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera en conséquence réformé sur ce point.

En tenant compte de l’ancienneté de la salariée au sein de l’entreprise (plus de 21 ans), des circonstances de la rupture du contrat de travail, de l’âge de Madame X l’époque (42 ans), de son niveau de rémunération (1784 euros par mois environ en incluant les primes), des conséquences financières et personnelles résultant de la perte injustifiée de son emploi ainsi que des éléments relatifs à sa situation actuelle, il y aura lieu de fixer à la somme de 30 000 euros le montant des dommages et intérêts lui revenant.

La société SIGESS sera condamnée au paiement de cette somme et devra remettre à la salariée une

fiche de paie, une attestation destinée à Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés en considération du présent arrêt, ce, sans qu’il soit besoin d’assortir cette mesure d’une astreinte.

Il sera en revanche fait application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail;

Sur les frais non répétibles et les dépens :

Le jugement ayant condamné la société SIGESS à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens sera confirmé.

La société SIGESS sera condamnée à verser en cause d’appel à Madame X une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

La demande au titre des frais non répétibles présentées par la société SIGESS en cause d’appel sera rejetée.

Celle-ci succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

débouté Madame Y X de sa demande en requalification de la relation contractuelle en contrat à temps plein et de ses demandes subséquentes;

dit et jugé que la SAS SIGESS n’a pas respecté la procédure de licenciement et la consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel;

en conséquence, condamné la SAS SIGESS à verser à Madame Y X la somme de 1784,68 euros au titre de l’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, somme majorée de l’intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement;

dit et jugé que Madame Y X n’a pas subi de préjudice suite à l’application du nouveau régime conventionnel de couverture santé qui s’imposait aux parties;

condamné la SAS SIGESS à verser à Madame Y X la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

débouté la SAS SIGESS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

condamné la SAS SIGESS aux éventuels dépens de première instance.

Le réforme pour le surplus;

Statuant à nouveau sur les chefs de dispositions réformés et y ajoutant;

dit que le licenciement de Madame Y X ne repose pas sur un motif économique;

constate en outre que la société SIGESS ne justifie pas de recherches loyales et sérieuses de reclassement;

déclare le licenciement de Madame Y X dépourvu de cause réelle et sérieuse;

condamne en conséquence la société SIGESS à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ce, afin de réparer la perte injustifiée de son emploi;

ordonne à la société SIGESS de remettre à Madame Y X une fiche de paie, un certificat de travail ainsi qu’une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiées en considération du présent arrêt;

dit n’y avoir lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte;

ordonne le remboursement par la Société SIGESS aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Madame Y X du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage;

condamne la société SIGESS à régler à Madame Y X une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel;

rejette sa demande au titre des frais non répétibles;

la condamne aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C.GERNEZ V. D

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Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 28 mai 2021, n° 18/03636