Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 23 avril 2021, n° 18/00581

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. d salle 2, 23 avr. 2021, n° 18/00581
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 18/00581
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lille, 25 janvier 2018, N° F16/01774
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

23 Avril 2021

1497/21

N° RG 18/00581 – N° Portalis DBVT-V-B7C-RMAN

CPW/SST/JLP

RO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE

en date du

26 Janvier 2018

(RG F16/01774 -section )

GROSSE :

aux avocats

le

23 Avril 2021

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme L X

[…]

[…]

représentée par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉE :

Association AFEJI

[…]

[…]

assistée de Me Ghislaine STREBELLE-BECCAERT, avocat au barreau de LILLE, représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l’audience publique du 04 Mars 2021

Tenue par S T-U

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

N O

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

P Q

: CONSEILLER

S T-U : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Avril 2021,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par N O, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 4 juin 2020

EXPOSE DU LITIGE :

Mme X a été embauchée par l’AFEJI en contrat à durée déterminée du 1er septembre 2005 au 30 août 2006 en qualité de technicienne qualifiée à Dunkerque.

La relation de travail s’est poursuivie par un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en qualité de technicienne supérieure au sein de la maison d’enfant à caractère social (MECS), complété du 1er septembre au 31 décembre 2006, par un contrat à durée déterminée à temps partiel en qualité de cadre éducatif au sein de la maison 'la Dune aux Pins’ de Ghyvelde.

A compter du 1er janvier 2007, le contrat à durée indéterminée est passé à temps complet, et au titre d’avenants régularisés par les parties, Mme X a occupé les fonctions de chargée de pilotage de la démarche qualité et de chef de service éducatif à Gravelines.

Le 1er octobre 2010, la salariée a été mutée au sein de la résidence de la Lys à Armentières afin d’y occuper à temps plein ses fonctions de chef de service éducatif. Elle a dans ce cadre, signé une charte managériale le 19 octobre 2012.

La relation de travail relevait de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

A la suite d’une alerte d’un délégué du personnel le 5 février 2015 sur le comportement de Mme X, également adressée au président du CHSCT, l’AFEJI a procédé à une enquête menée conjointement avec le CHSCT entre le 12 et le 20 février 2015, ce dont Mme X a été informée par courrier du 11 février.

Le 20 février 2015, le CHSCT a déposé le compte rendu d’enquête suivant :

'Cette enquête fait suite à de nombreuses manifestations de souffrance au travail que les salariés ont transmis au CHSCT tant à la représentation du personnel qu’au président. Les représentants du personnel mandatés pour cette enquête ont pu rencontrer la totalité du personnel concerné.

Notre constat est sans appel :

La majorité du personnel du FH, FL et FA est en situation de souffrance et de peur au travail. Les causes principales en sont un management que nous pouvons qualifier de terreur au regard des différents éléments recueillis. Les faits qui nous ont été relatés sont particulièrement graves et choquants : propos menaçants, humiliations, harcèlement, tentative d’isolement (cf. synthèse de l’enquête).

Telles sont les conditions de travail que doivent subir les salariés (FH et FL) depuis plusieurs mois. Certains salariés en font la cause principale de leur possible démission future tandis que d’autres sont dans les pleurs.

En conclusion, toute la structure du FH et du FL est déstabilisée dans ses missions. Nous nous étonnons qu’à notre connaissance, la direction du territoire n’ait pas en sa possession des éléments sur la dégradation des conditions de travail qui existe depuis plusieurs mois.

Nous rappelons l’obligation de sécurité de résultat qui doit s’entendre comme un véritable devoir de prévention.

Modalités de l’enquête

4 membres du CHSCT ont participé à l’enquête dont le représentant syndical. En effet deux membres du CHSCT sont concernés directement par les faits (travaillent au FH) et dans un souci d’objectivité il n’était ainsi pas opportun qu’ils y participent.

7 salariés ont été auditionnés par un seul membre pour des questions d’organisation et de disponibilité. Tous les autres, ainsi que la direction ont été vu par deux membres.

Les entretiens ont eu lieu du mercredi 11 février 14h00 au vendredi 20 février 11h30.

Foyer d’accompagnement

Les salariés du FA ne sont pas ou peu touchés par le management mis en place par la CSE du FH et FL (pas de lien hiérarchique direct en dehors des temps d’astreinte. Néanmoins, en terme de perception et de ressenti, certaines déclarations nous interpellent.

Propos

'elle est rigide, fort à cheval, à la lettre, elle montre que c’est elle la chef. Peu de personnes l’apprécient’ (…).

Foyer Logement

Les deux salariés du foyer logement sont en lien hiérarchique direct avec Mme X. L’organisation du travail occasionne une proximité professionnelle certaine avec la CSE même si le travail auprès des résidents implique un isolement (travail en tête à tête avec l’usager).

Faits

- manière répétitive dans la façon de serrer la main (serre la main en cassant son poignet afin de présenter celle-ci en hauteur à la personne en face)

- interpellation régulière par rapport à la pause avec le regard, sans un mot, coincé sur la pendule et reste devant moi

- réflexion systématiques (vous ici’ Sur un ton sec, 'vous revenez du FA''')

- chantage et menace par rapport à la prise de congés 'vous travaillez tous les jours ou vous ne pensez pas travailler'

- ma collègue avec la voiture de service a le droit de prendre une stagiaire mais la CSE refuse qu’elle me prenne en voiture alors que je n’ai pas le permis

- si 'l’ambiance est bonne’ durant la réunion, la CSE m’autorise à l’accompagner en voiture, si la réunion a été conflictuelle, la CSE refuse de me prendre et je dois me rendre au FH à pied

- Nouvelle organisation horaire sans en référer à qui que ce soit, ex : 13h00-21h00 au lieu de 14h00-21h00 et dernièrement 16h00-21h00 au lieu de 14h00-21h00

- me fait venir sur des temps où il n’y a pas d’urgences, par contre lorsque je demande à récupérer cela n’est pas possible’ il faut de la présence éducative'

- refus de m’accorder une 1/2 journée pour la naissance de ma petite fille

(…)

Ressenti

- interpellation devant les autres ou pour les autres insupportables

- 'casse’ les stagiaires devant les résidents (propos désobligeants, remarques répétitives)

- génère de la violence, j’ai envie de crever ses pneus

- comportement d’enfant colérique

- elle est tyrannique

- elle me fait au moins une crasse par an

- je plains les autres si elle reste là, j’ai peur pour le temps qu’il me reste à faire,

- elle est perverse et inhumaine

- c’est une personne qui cherche la faille, à vous faire mal, à vous humilier, je n’ai jamais vu cela de toute ma carrière, elle jubile et en plus si elle peut le faire devant une autre personne ou un usager c’est encore mieux. J’ai une fois tapé sur la table en lui disant qu’elle était inhumaine

- je n’ai jamais été en arrêt de toute ma carrière, maintenant je n’hésite pas

- elle sait que je suis un peu sourde, elle fait exprès de me parler tout bas (…)

Foyer d’hébergement

Les salariés du FH dans leur ensemble, sont en lien hiérarchique direct avec Mme X. Nous avons pu tous les entendre, les faits et propos tenus sont concordants et note une réelle souffrance de l’équipe dans sa globalité.

Faits

- 'elle pète un steak’ : elle tape du poing sur la table

- lors de sa présentation, elle a dit 'je suis le chef d’orchestre, je vous mènerai à la baguette', 'je vois le travail comme une salade de fruit, je garde ce que j’aime, le reste, je jette'

- manière répétitive dans la façon de serrer la main (serre la main en cassant son poignet afin de présenter celle-ci en hauteur à la personne d’en face)

- si vous voulez me déranger, vous avez intérêt à taper à la porte

- petits mots dans la bannette pour des changements horaires intempestifs (ex: tu commences à 22h03, regarde le planning!)

(…)

- j’ai vu des collègues sortir en pleurant de son bureau, je ne la supporte plus

- elle m’a déjà dit 'Ah, vous savez compter'

- 'vous aurez vos horaires au compte-goutte’ (…)

Ressenti

- Elle a du savoir-faire, elle est compétente

- doit revoir sa copie en terme de savoir-être (froide, rigide, carré…)

- elle a un regard noir

- parfois très dur, ce qui m’inquiète c’est pour les collègues, j’en rêve la nuit

- pas d’irrespect envers moi dans le travail

- si même la directrice craint la CSE, elle en a peur

(…)

Entretien avec Mme X (CSE depuis 2010 au FH, FL et FA)

Mme X a été auditionnée le vendredi 20 février de 9h30 à 11h30 par deux membres du CHSCT. (…) Mme X expose lors de son entretien sa surprise d’être ici. Elle dit être tombée au troisième sous-sol. (…)

En conclusion

Au vu des éléments récoltés, des paroles prononcées, des faits énoncés et de la souffrance affichée par les salariés, il nous semble que l’employeur se doit de prendre des dispositions immédiates et ce sans délai afin de permettre aux salariés d’exercer ses obligations de contrat de travail en toute sécurité conformément à l’article L.4121-1 du code du travail.'

Le 23 février 2015, Mme X a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 4 mars 2015. Son licenciement pour motif personnel lui a été notifié le 10 mars 2015, par courrier ainsi libellé :

'(…) En effet, suite à un droit d’alerte pour des faits de harcèlement et risques psychosociaux déposé par les délégués du personnel en date du 5 février 2015 auprès du Président du CHSCT, celui-ci a diligenté une enquête au sein de l’établissement. Cette enquête a permis d’entendre 35 personnes.

L’enquête a permis de mettre en exergue plusieurs situations concrètes et datées :

- Modifications horaires régulières sans respect du délai de prévenance ou information préalable de votre hiérarchie ou des instances paritaires compétentes

- Pressions répétées sur la prise des congés des salariés et interpellations régulières et répétées des salariés sur leur temps de pause

- Refus d’absences répétées envers des salariés justifiant de contraintes médicales exceptionnelles ou d’événements familiaux ouvrant de tels droits, ou afin de permettre d’améliorer l’employabilité des jeunes stagiaires

- Instauration de modalités de contrôle des états d’avance de caisse dévalorisantes envers vos équipes.

L’ensemble de ces éléments démontre, malgré les explications que vous avez données lors de votre entretien, un comportement managérial contraire aux valeurs de l’AFEJI et à la Charte managériale que vous avez signée et approuvée.

Je suis, par conséquent, au regret de vous informer par la présente que j’ai décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse liée à votre comportement managérial inadapté envers les salariés dont vous avez la responsabilité au foyer d’hébergement 'Résidence de la Lys’ à Armentières.

Votre préavis, d’une durée de 4 mois, que nous vous dispensons d’effectuer, débutera le 11 mars 2015, date présumée de première présentation de cette lettre recommandée et se terminera le 10 juillet 2015 et n’entraînera aucune diminution de salaire. (…)'

Le 22 juillet 2015, afin de faire constater l’illégitimité de son licenciement, et obtenir le versement de dommages et intérêts à ce titre outre diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Lille, qui par jugement du 26 janvier 2018, a rendu la décision suivante :

— dit que M. R Y était parfaitement habilité à signer la lettre de licenciement de Mme X ;

— dit le licenciement parfaitement régulier au regard de la loi et de la procédure interne d’autorisation préalable au licenciement ;

— dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute Mme X de ses demandes de dommages et intérêts à ce titre ;

— fixe le montant de rappel de salaire sollicité par Mme X au titre des astreintes à 2.175,36€ ;

— dit que l’AFEJI n’est redevable à Mme X d’aucune somme au titre d’un rappel d’indemnité de licenciement ou de rappel de salaires au titre des congés payés ;

— déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamne l’AFEJI aux dépens.

Le 23 février 2018, Mme X a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées par les parties.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 4 juin 2020, l’audience de plaidoiries initialement fixée au 11 juin 2020, ayant été renvoyée en raison de l’état d’urgence sanitaire au 4 mars 2021.

Vu les dernières écritures notifiées par RPVA le 14 janvier 2020, dans lesquelles Mme X demande à la cour de :

— dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

1/ ' 1.377 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

2/ ' 150.000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3/ ' 30.000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

4/ ' 144 euros à titre d’indemnité de congés payés sur une journée de congé mobile,

5/ ' 1.474 euros à titre d’indemnité différentielle de congés payés,

6/ ' 2.137,36 euros à titre d’indemnité d’astreinte,

7/ ' 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— 'condamner aux entiers dépens.'

Elle fait valoir en substance :

1/ Sur l’indemnité de licenciement : l’employeur n’a pas pris en compte les astreintes qu’elle aurait dû percevoir de février à juillet 2015 durant son préavis pour calculer l’indemnité de licenciement, ce qui représente une différence de 1.377,99 euros ;

2 / Sur le bien fondé du licenciement :

* sur l’enquête du CHSCT : qu’elle était illégale en l’absence de danger grave et imminent ; qu’aucun fait précis ne lui a été relaté, et les faits qui lui ont été dénoncés lors de l’entretien préalable, qu’elle

conteste vivement, ne sont en rien un danger grave et imminent ; qu’elle produit des attestations d’anciens salariés qui ont été dirigés par elle et d’anciens supérieurs hiérarchiques, qui démentent l’existence de pratiques harcelantes de sa part ; que les conditions permettant au CHSCT de mener une enquête n’étaient pas réunies, et l’enquête a en outre été menée dans des conditions qui ne respectent pas le code du travail puisque rien n’indique que le signalement ait été réellement inscrit sur un registre ni qu’une réunion extraordinaire ait été tenue dans les 24 heures, et que certains salariés ont été auditionnés par une seule et unique personne en l’absence de l’employeur ou de son délégué ; que le licenciement a été prononcé sur la foi de déclarations de ressentis, d’impressions sans qu’un quelconque fait objectif personnellement imputable à la salariée ne soit établi ; que deux salariés à l’origine de l’exercice du droit d’alerte, membres du CHSCT, ont participé aux travaux du CHSCT, et les conditions dans lesquelles les auditions ont été réalisées démontrent une totale déloyauté et un manque évident d’impartialité ;

* sur le signataire de la lettre de licenciement : qu’il ne ressort d’aucune des pièces adverses que le signataire de la lettre de licenciement, qui n’est pas le président de l’association ni le directeur général, ait reçu délégation de signature pour procéder au licenciement ;

* sur la qualification du licenciement et le non respect de garanties de fond : que le licenciement n’est aucunement pour insuffisance disciplinaire ; qu’il ne peut qu’être qualifié de disciplinaire au regard de la lettre, et d’une part conformément à l’article 33 de la convention collective, l’employeur ne pouvait ainsi la licencier de façon disciplinaire alors qu’elle n’avait pas fait l’objet d’au moins deux sanctions, d’autre part l’employeur ne justifie pas non plus avoir respecté l’article 7.3 de son règlement intérieur ; qu’en outre, la convention collective met à la charge de l’employeur l’obligation de signaler toute sanction d’un salarié à l’ARS, ce que l’AFEJI n’a pas fait ;

* sur le fond : qu’elle conteste vivement les reproches formulés dans la lettre de licenciement ; qu’elle s’est toujours efforcée de planifier à l’avance les horaires de ses salariés pour ne pas avoir à les modifier alors que le délai de prévenance était épuisé ; que son autorité était exercée avec tact, et s’il est bien évident qu’elle a nécessairement dû refuser certaines prises de congés ou rappeler à ses collaborateurs que le temps de pause était épuisé, cela ne saurait lui être reproché dès lors que ces situations faisaient partie intégrante de ses fonctions de chef de service, et sa direction lui aurait d’ailleurs reproché un éventuel laxisme ; qu’elle a toujours essayé d’organiser au mieux la prise de congés ; qu’elle s’est toujours efforcée de rendre la procédure de retour de caisse la plus transparente possible, pour éviter les trous de caisse, et a pour cela mis en place une procédure de contrôle des feuilles de budget, d’ailleurs approuvée en réunion en janvier 2014 ; que si elle a instauré de nouvelles mesures, c’est uniquement parce que leur nécessité s’imposait du fait des problèmes récurrents, et elle n’a à aucun moment voulu infantiliser ses collaborateurs ou les dévaloriser ; que l’employeur n’a produit qu’une toute petite partie des témoignages des salariés dans le cadre de l’enquête, ne produisant que ceux à charge et excluant du dossier ceux élogieux à son égard ; qu’à aucun moment il n’a été fait état d’un quelconque grief à l’occasion des entretiens annuels d’évaluation ; que les déclarations à charge de quelques salariés sont contredites par les pièces objectives qu’elle produit ;

3/ Sur les conséquences du licenciement abusif : qu’elle a particulièrement mal vécu le licenciement ; que la procédure suivie par l’association a été très douloureuse puisqu’elle s’est vue mettre à l’écart sans en comprendre les raisons, malgré ses sollicitations ; qu’elle s’est sentie injustement jugée, isolée et lâchée par sa propre hiérarchie et les conséquences sur sa santé mentale ont été très importantes, et nécessitent actuellement une prise en charge spécifique, un traitement médicamenteux et un suivi psychologique ; que ses souffrances se sont prolongées après le licenciement, et elle est donc fondée en ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

4/ Sur le paiement d’une journée de congé mobile : l’employeur reste redevable de cette journée d’une valeur de 144 euros dès lors qu’il ne produit aucune demande de congé de sa part ;

5/ Sur l’indemnité de congés payés : l’employeur n’a pas pris le mode de calcul le plus favorable et il reste donc dû le montant de 1.475 euros ;

6/ Sur le paiement des astreintes : qu’elle aurait dû être rémunérée des astreintes qu’elle aurait dû faire de février à juillet 2015 au regard du planning établi par l’AFEJI, correspondant aux sommes qu’elle aurait perçues si elle avait continué à travailler normalement, et l’employeur reste donc redevable de 2.137,36 euros ; qu’il a reconnu devoir à hauteur de 2.175,36 euros, somme retenue par le conseil de prud’hommes.

Vu les dernières écritures notifiées par RPVA le 25 septembre 2019, dans lesquelles l’AFEJI demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a :

' Dit et jugé que Monsieur R Y était parfaitement habilité à signer la lettre de licenciement de Mme X ;

' Dit et jugé que le licenciement de Mme X est parfaitement régulier au regard de la loi et de la procédure interne d’autorisation préalable au licenciement ;

' Dit et jugé que le licenciement de Mme X est parfaitement justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

' Débouté Mme X de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre ;

' Fixé le montant de rappel de salaires sollicité par Mme X au titre des astreintes à 2.175,36 euros ;

' Dit et jugé que l’Association AFEJI n’est redevable à Mme X d’aucune somme au titre d’un rappel d’indemnité de licenciement et de rappel de salaires au titre des congés payés ;

' Débouté Mme X de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

' Débouté Mme X de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au dispositif.

Statuant à nouveau :

— fixer le montant du rappel de salaires sollicité par Mme X au titre des astreintes, à une somme de 2.137,36 euros, correspondant au montant sollicité par la salariée ;

— condamner Mme X à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X aux entiers frais et dépens de l’instance.

Elle réplique en substance :

1/ Sur l’indemnité de licenciement : qu’en vertu de l’article 10 de l’annexe 6 de la Convention collective 66, l’indemnité de licenciement est calculée en tenant compte du salaire moyen des 3 derniers mois de pleine activité, et dès lors la période de référence servant de base au calcul de l’indemnité ne doit pas tenir compte des éventuelles périodes de dispense d’activité et de préavis, qui ne correspondent pas à des périodes de pleine activité ; que l’absence de versement d’indemnités d’astreinte durant le préavis n’a donc eu aucun impact sur le montant de l’indemnité de licenciement, calculée en tenant compte des 3 derniers mois de pleine activité, et le montant versé correspond au

montant dû ;

2 Sur le bien fondé du licenciement :

* sur l’enquête du CHSCT : qu’elle est parfaitement légale, justifiée, et bien réalisée ; que deux délégués du personnel dont un membre du CHSCT ont alerté l’employeur suite à la dénonciation par plusieurs salariés d’un comportement irrespectueux et d’un management traumatisant de la part de Mme X, estimant le danger grave et imminent caractérisé au regard de l’atteinte aux conditions de travail et à la santé des salariés à l’origine du signalement, et l’existence d’un danger grave et imminent est donc établi, justifiant la mise en place d’une enquête menée conjointement avec l’employeur ; que la consignation de l’alerte a bien été effectuée sur un cahier d’alerte ; qu’aucun manquement de l’AFEJI dans le cadre de la réalisation et du résultat de l’enquête ne saurait être retenu ; qu’il ne saurait être reproché à l’association un manque d’objectivité ou d’impartialité dans le déroulement de l’enquête, étant précisé que deux salariés membres habituels du CHSCT ont été écartés volontairement dans un souci de parfaite objectivité, puisqu’ils travaillaient au sein du foyer d’hébergement managé par Mme X, et n’ont participé qu’à la réunion aux fins de validation du compte-rendu d’enquête ; que la validation du compte rendu d’enquête a été obtenue à l’unanimité des membres du CHSCT, ce qui signifie que la présence de ces deux salariés n’a eu strictement aucune incidence sur l’issue de l’enquête ; qu’elle a réagi très rapidement et procédé à l’enquête en respectant au plus près tant les dispositions légales en la matière que celles de l’accord national interprofessionnel relatif au harcèlement et à la violence au travail ;

* sur le signataire de la lettre : que M. Y, qui en vertu de ses compétences et de sa proximité avec la salariée dont il était le supérieur hiérarchique, a reçu délégation du directeur général pour la licencier, qui avait lui-même reçu délégation du président de l’association notamment pour les ruptures de contrat de travail ; M. Y était donc parfaitement compétent pour signer la lettre de licenciement, en vertu du schéma de délégation associatif ;

* sur la qualification du licenciement et ses conséquences : que les griefs d’insuffisance managériales invoqués relevaient bien d’une insuffisance professionnelle et elle a parfaitement respecté la procédure interne d’autorisation préalable de licenciement ; que les formalités invoquées par la partie adverse, propre au licenciement disciplinaire, n’étaient donc pas applicables au licenciement de Mme X ; que préalablement à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement de Mme X, une demande d’autorisation de licenciement a été réalisée le 6 mars 2015, et le document mentionne l’avis favorable du directeur des ressources humaines et l’autorisation du directeur général de l’association ; que la convention collective ne met aucunement à la charge de l’employeur l’obligation de signaler toute sanction d’un salarié à l’ARS ou à la DDCS ;

* sur le fond : que le 1er entretien annuel d’évaluation de 2011 laissait déjà apparaître des difficultés s’agissant du 'savoir-être relationnel’ de Mme X et que la prise de fonction n’avait pas été simple dans le relationnel avec sa hiérarchie et l’équipe éducative ; que suite aux interpellations des salariés, la Directrice a reçu à plusieurs reprises Mme X afin de lui demander de revoir sa pratique managériale sous l’angle de son savoir-être à l’égard des salariés placés sous sa subordination ; qu’en outre, plusieurs formations lui ont été proposées pour compléter sa formation initiale déjà poussée (maîtrise en management), et la salariée disposait donc de la formation et des compétences nécessaires pour mener à bien sa mission ; que les méthodes de management de Mme X ont eu des répercussions importantes sur les conditions de travail et la santé des membres de son équipe alors qu’elle avait, comme les cadres de l’AFEJI, signé la charte manageriale dont Mme X n’a pas appliqué et respecté les engagements associatifs et les valeurs morales ; qu’au regard du compte rendu du CHSCT et des auditions menées dans le cadre de l’enquête menée par le CHSCT en février 2015, la quasi-totalité des salariés travaillant sous sa subordination ont fait état de méthodes choquantes, humiliantes, apparaissant totalement contraires aux méthodes de management légitimement attendues d’un cadre en charge d’une équipe éducative au sein d’un établissement sanitaire et social qu’au moment de son licenciement, l’appelante avait 14 personnes sous sa

subordination ; que Mme X était dans une position de refus systématique, de toute puissance et entretenait par son attitude un sentiment de soumission et de dévalorisation totale des salariés ; qu’elle démontre les faits concrets, objectifs et précis sur lesquels elle a fondé sa décision de licencier Mme X, à savoir ses carences managériales et ses méthodes peu compatibles avec ses fonctions d’encadrement mises en évidence de façon incontestable par l’enquête du CHSCT ; que c’est la réitération et l’aggravation de l’attitude de Mme X et l’état de stress excessif, de démotivation et de découragement de ses subordonnés qui ont conduit les salariés à tirer la sonnette d’alarme auprès de la direction ;

3/ Sur les conséquences du licenciement abusif : que le licenciement est justifié et la salariée devra donc être déboutée ; que subsidiairement, que les montants des dommages et intérêts sollicités sont complètement disproportionnés ; que Mme X se contente d’invoquer l’existence d’un préjudice sans même chercher à le démontrer ; que notamment Mme X se dispense de toute justification de recherche effective d’emploi, ce qui laisse penser qu’elle a rapidement trouvé un emploi après le licenciement ;

4/ Sur le paiement d’une journée de congé mobile : que Mme X n’apporte aucun élément de preuve au soutien de sa demande, qui devra donc être rejetée ;

5/ Sur l’indemnité de congés payés : que la partie adverse se contente d’indiquer que l’AFEJI n’aurait pas appliqué le calcul le plus favorable au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, sans toutefois apporter la moindre précision quant au calcul ayant permis de parvenir au montant réclamé ; qu’une telle carence démontre incontestablement l’absence de bien-fondé de la demande de la partie adverse, alors qu’elle maintient avoir bien versé à Mme X le montant qui lui était dû au titre de son indemnité compensatrice de congés payés ;

6/ Sur le paiement des astreintes : qu’il n’est pas contesté que la salariée aurait dû être rémunérée des astreintes qu’elle aurait dû faire de février à juillet 2015 au regard du planning établi par l’AFEJI, et qu’il reste dû à ce titre 2.175,36 euros, somme retenue par le conseil de prud’hommes, qui devra cependant être réduite à 2.137,36 euros conformément à la demande de la salariée à hauteur d’appel.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS :

Sur les chèques vacances :

La cour n’est saisie d’aucune contestation sur les dispositions du jugement sur les chèques vacances, demande que Mme X ne maintient d’ailleurs pas à hauteur d’appel, qui seront donc confirmées comme n’étant pas discutées.

Sur les astreintes :

Il résulte des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

L’appel de Mme X tel qu’il est circonscrit par le dispositif de ses dernières conclusions ne tend pas à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné l’AFEJI à lui payer la somme de 2.175,36 euros que l’association reconnaissait devoir en première instance ou à la somme de 2.137,36 figurant dans ses motifs, mais sa condamnation à une somme de 2.137 euros.

L’AFEJI reconnaissant devoir le montant plus important retenu par les premiers juges, il sera fait

droit à la demande réduite en cause d’appel par la salariée, à hauteur du montant ainsi sollicité de 2.137 euros. Le jugement sera de ce chef réformé.

Sur les rappels de salaires au titre des congés payés :

- sur la journée de congé mobile :

Mme X sollicite le paiement d’une journée de congé mobile qu’elle estime à 144 € sans aucun élément à l’appui. Le jugement qui l’a déboutée de sa demande, sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

Estimant que l’AFEJI n’a pas pris en compte le calcul le plus favorable pour l’indemnité de congés payés, Mme X réclame la somme de 1.475€.

Or, il résulte du solde de tout compte que l’employeur a versé la somme de 7.672,92€ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, qui correspond au montant dû, dès lors qu’après vérification, il a bien été pris en compte le résultat le plus favorable à la salariée entre l’application de la règle du 1/10 et le maintien du salaire.

Pour soutenir le contraire, Mme X sur qui pèse la charge de la preuve, se contente d’un simple rappel général des règles, sans communiquer le moindre calcul ou le moindre document attestant d’une erreur. En l’absence de tout élément de nature à établir la réalité d’un reliquat dû, la salariée sera donc déboutée de sa demande, et le jugement de ce chef confirmé.

Sur le reliquat d’indemnité de licenciement :

Mme X sollicite le paiement d’un complément d’indemnité de licenciement lié aux astreintes non effectuées durant la période de préavis.

Or, il résulte de l’article 10 de l’annexe 6 de la convention collective applicable que l’indemnité de licenciement est calculée en tenant compte du salaire moyen des 3 derniers mois de pleine activité. Tel n’est pas le cas de la période de préavis que Mme X a été dispensée d’exécuter. La période de référence servant de base au calcul de l’indemnité est constituée des trois derniers mois de pleine activité de Mme X ayant précédé la période de préavis, au cours desquels elle a perçu des indemnités d’astreinte. L’absence de paiement d’indemnités d’astreinte durant le préavis non exécuté, est dès lors indifférente.

Au regard des éléments communiqués, il apparaît que le montant de l’indemnité de licenciement a été exactement calculé par l’AFEJI. Le jugement qui a débouté Mme X de sa demande d’un reliquat, sera donc confirmé.

Sur le licenciement :

- Sur le signataire de la lettre de licenciement :

Mme X se prévaut de l’absence de justification du pouvoir du signataire de la lettre de licenciement pour justifier sa demande tendant à dire que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Or, en application de l’article L.1232-6 du code du travail, en cas de défaut de pouvoir de licencier du signataire de la lettre de licenciement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le président d’une association a la faculté de consentir en la matière des délégation de pouvoir, pour

autant lorsque les statuts de l’association prévoient une procédure spécifique et des dispositions particulières pour ce type de délégations, ces dernières, qui doivent par ailleurs être expresses, ne peuvent intervenir selon des modalités autres que celles fixées par les statuts.

Aux termes de l’article 13 des statuts de l’AFEJI qu’elle produit, qui détermine les attributions des membres du bureau et les attributions du président de l’association, c’est le président qui est investi du pouvoir d’embauche et de révocation du personnel employé par cette structure. Il est en outre spécifié que le président et les autres membres du bureau dont les attributions sont ainsi délimitées, peuvent consentir des délégations de pouvoir dans les conditions fixées par le règlement intérieur, lequel selon l’article 12 de ces mêmes statuts est adopté par le conseil d’administration sur proposition du bureau.

En application de l’article 5 du règlement intérieur de l’association ainsi visé, adopté à l’unanimité par le conseil d’administration, produit par l’AFEJI, 'le Président représente seul l’Association dans tous les actes de la vie civile et est investi de tous pouvoirs à cet effet (…) Il embauche et met fin au contrat de travail des salariés (…) Le Président peut déléguer partiellement ses pouvoirs aux Vice-Présidents et au Directeur Général.'

Les délégations de pouvoir ne sont soumises à aucun formalisme déterminé, mais doivent être expresses en vertu des statuts de l’AFEJI, et ne peuvent intervenir selon des modalités autres que celles fixées par ces statuts.

En l’espèce, Mme X a été licenciée par lettre signée par M. Y, directeur du territoire Métropole.

Le règlement intérieur de l’association visé par les statuts est le règlement associatif, adopté à l’unanimité par le conseil d’administration sur proposition du bureau, qui a pour objet de 'préciser les modalités particulières d’action de l’AFEJI en application des statuts', et est produit par l’AFEJI en pièces 70 à 72 (versions de 2006, 2009 et 2015).

Ce règlement associatif est certes complété par le règlement intérieur de 2005 applicable aux salariés de l’association, produit par Mme X en pièce 124, mais qui n’est pas celui visé par les statuts. Ce règlement intérieur complémentaire est en effet soumis à l’avis des comités d’établissement et du CHSCT et communiqué à l’inspecteur du travail, transmis à chaque salarié, et a uniquement pour objet de préciser l’application à l’AFEJI de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité, de déterminer les règles générales et permanentes relatives à la discipline et la nature et l’échelle des sanctions applicables, de rappeler les garanties de procédure dont jouissent les salariés en matière de sanctions disciplinaires et rappeler les dispositions légales en matière de harcèlement.

Or, le règlement intérieur associatif de 2009 applicable au litige, prévoit que le directeur général est investi par délégation du président de l’association du pouvoir disciplinaire vis à vis de l’ensemble des personnels cadres et non cadres et que les cadres de direction de la direction générale peuvent être investis d’un pouvoir disciplinaire par délégation du directeur général.

Le 26 octobre 2011, M. Z, président de l’association, a délégué à M. A, directeur général, le pouvoir permanent de rompre les contrats de travail. Cette délégation prévoit en outre une 'subdélégation et remplacement de façon permanente', le président indiquant à ce titre qu’il l''autorise, en qualité de Directeur Général de l’Association, si vous le jugez nécessaire, à déléguer vous-même une partie de vos pouvoirs à l’un ou plusieurs des cadres placés sous votre autorité, à la condition que ces derniers possèdent la compétence et l’autorité nécessaire et aient à leur disposition les moyens d’exercer ces pouvoirs.'

L’AFEJI produit également un schéma de délégation associatif daté du 26 octobre 2011 et signé par le président, en vertu duquel des délégations sont prévues pour le licenciement au directeur général,

avec pouvoir de subdélégation.

Il s’ensuit qu’au moment du licenciement de Mme X, le directeur général de l’association était investi par délégation du président de l’AFEJI, du pouvoir de licencier avec faculté de subdélégation, et le 7 décembre 2011, M. A, directeur général, a subdélégué à M. Y, directeur de territoire, une partie de ses pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines, et en particulier la possibilité de mettre en ouvre les mesures individuelles de licenciement des cadres relevant de son champ de responsabilité après information du directeur général. Dès lors que le directeur de territoire, membre du comité stratégique de l’association, a pour mission de piloter l’ensemble des établissements et services installés dans le territoire dont il a la responsabilité et d’assurer le management hiérarchique des directeurs de site, M. Y disposait bien de la compétence et de l’autorité nécessaires pour recevoir cette subdélégation conformément à la délégation du 26 octobre 2011.

Il s’évince de ces développements qu’au moment du licenciement, M. Y, supérieur hiérarchique direct de Mme X, disposait bien de la qualité, des compétences, de l’autorité et de la délégation de pouvoir nécessaires pour mettre en oeuvre la procédure. Le moyen ne sera donc pas retenu.

- Sur le bien fondé du licenciement :

L’article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi.

Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, pour justifier le licenciement, les griefs doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

En l’espèce, Mme X soutient que son licenciement est abusif dès lors que :

' bien que de nature disciplinaire, il n’a pas été précédé de deux sanctions disciplinaires comme le prévoit l’article 33 de la convention collective applicable,

' il n’a pas été préalablement soumis au directeur général et est en cela contraire au règlement intérieur,

' l’employeur s’appuie sur une enquête du CHSCT illégale, dès lors qu’elle n’a pas été mise en place en raison de l’existence d’un danger grave et imminent et que les modalités de cette enquête ne respectent pas les dispositions légales, notamment du fait de la participation de deux salariés directement concernés par les faits allégués et membres du CHSCT, du fait d’auditions menées par un seul membre du CHSCT, etc,

' les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont contestés et non prouvés.

' Or, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à Mme X un 'comportement managérial inadapté envers les salariés' du foyer hébergement dont elle avait la responsabilité, l’employeur précisant que les éléments de fait qu’il présente '[démontrent], malgré les explications que vous avez données lors de votre entretien, un comportement managérial contraire aux valeurs de l’AFEJI et à la Charte managériale que vous avez signée et approuvée.'

A la lecture de la lettre de licenciement dans son entièreté, le manquement reproché à Mme X relève de façon évidente de l’insuffisance professionnelle. L’employeur invoque en effet exclusivement son mode de management à l’appui du licenciement, sans à aucun moment évoquer une mauvaise volonté de la salariée ou son intention, ni à aucun moment mentionner une faute de celle-ci, la référence à une pratique contraire aux valeurs de l’association et à la Charte managériale signée et approuvée venant uniquement appuyer l’insuffisance alléguée dès lors que la Charte ne fait que rappeler les grand principes d’un management conforme aux valeurs de l’association.

Cette analyse est confirmée par la demande d’autorisation de licenciement adressée au directeur général le 6 mars 2015, dans laquelle il est clairement mentionné, dans la case destinée aux 'motifs du licenciement de Mme X' que son 'licenciement est envisagé en raison des carences managériales.'

Les griefs d’insuffisance manageriale relevant d’une insuffisance professionnelle non fautive, le moyen développé par Mme X concernant le caractère disciplinaire du licenciement est rejeté. Il s’ensuit que le moyen subséquent développé par la salariée sur le fondement de l’article 33 de la convention collective, qui ne concerne que le licenciement disciplinaire, est inopérant.

' S’agissant de l’autorisation de licenciement, le règlement intérieur de l’AFEJI prévoit que tout projet de licenciement est préalablement soumis par écrit au directeur général de l’association qui statue après avis technique et juridique de la direction des ressources humaines.

En l’espèce, il ressort des développements qui précèdent que, contrairement aux affirmations de la salariée, une telle demande d’autorisation de la licencier a bien été adressée à la direction des ressources humaines et au directeur général de l’association immédiatement après l’entretien préalable de licenciement, et il en ressort un avis favorable signé. La procédure prévue au règlement intérieur, qui n’est soumise à aucun délai obligatoire, a été respectée. Le moyen est rejeté.

' S’agissant de l’enquête du CHSCT, Mme X soutient d’abord qu’à défaut de danger grave ou imminent, il n’y aurait pas dû y avoir d’enquête.

Or, en vertu de l’article L.4131-2 du code du travail, le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, en alerte immédiatement l’employeur selon la procédure prévue au premier alinéa de l’article L.4132-2.

Le danger grave et imminent est la menace dont il est raisonnable de penser qu’il est de nature à provoquer une atteinte à l’intégrité ou à la santé d’un travailleur, et en l’espèce, il est établi par la page du cahier d’alerte produite par l’AFEJI, que le 5 février 2015 à 14h50, M. B a été alerté en sa qualité de délégué du personnel titulaire par plusieurs salariés, d’un comportement irrespectueux d’un cadre nécessitant son signalement. Le même jour, M. B avec un autre salarié, estimant le danger réel, grave et imminent caractérisé du fait de ses conséquences sur les conditions de travail des salariés placés sous l’autorité de Mme X et la santé de ceux-ci, ont alerté l’employeur sur son comportement.

Il est également établi que cette alerte est intervenue après que l’une des salariées concernées, ait précédemment fait l’objet d’un arrêt de travail de plusieurs semaines motivé par son état dépressif. Il s’ajoute que les compte rendus d’audition des salariés par le CHSCT et les attestations des salariés directement placés sous l’autorité de Mme X produites par l’employeur, confirment la réalité d’un danger grave et imminent qui justifiait donc l’enquête menée par le CHSCT.

Enfin, le compte rendu de l’enquête partiellement repris dans l’exposé du litige et sa conclusion

particulièrement claire et alarmante, confirment encore cette réalité.

Par conséquent, le moyen ne sera donc pas retenu.

— Mme X critique ensuite le déroulement même de l’enquête, en reprochant à l’AFEJI de n’avoir pas consigné l’alerte par écrit dans un registre dédié. Or, l’employeur rapporte au contraire la preuve de cette consignation. Le moyen ne sera donc pas retenu.

— Mme X critique en outre l’enquête en ce que des auditions ont été faites par un seul membre du CHSCT, en l’absence de l’employeur ou de son délégué, et en ce qu’elle l’estime dépourvue d’objectivité.

Or, il est établi par le compte rendu de cette enquête que 7 auditions ont été menées par un seul membre du CHSCT 'pour des questions d’organisation et de disponibilité.' (Cf: modalités de l’enquête). Toutefois, le compte rendu souligne que 'tous les autres, ainsi que la direction ont été vus par deux membres.', la procédure suivie comme le compte rendu ont été validés à l’unanimité des membres du CHSCT, et Mme X ne justifie d’aucun grief lié à ces 7 auditions sur 35 réalisées par un unique membre du CHSCT pour des motifs valables.

Mme X soutient que l’enquête n’est cependant pas objective dès lors que deux membres du CHSCT appartenant aux salariés placés sous sa subordination, M. C et M. B y ont participé. Or, il est établi par les Cerfa produits par l’AFEJI qui mentionnent clairement les membres du CHSCT ayant participé à l’enquête, que ces deux salariés en ont justement été écartés et n’ont mené aucune audition, ce qui est confirmé par le compte rendu d’enquête établi par les seuls membres ayant composé la commission d’enquête, qui précise (Cf: modalités de l’enquête) de manière transparente que dans un souci d’objectivité, '4 membres du CHSCT ont participé à l’enquête dont le représentant syndical. En effet, deux membres du CHSCT sont concernés directement par les faits (travaillent au FH).'

S’il est prouvé par le compte rendu que ces deux membres du CHSCT écartés de l’enquête ont en revanche participé à la réunion du CHSCT du 20 février 2015 au cours de laquelle le compte rendu a été lu et validé, il demeure d’une part que leur présence lors de cette réunion finale était légitime du fait de leur qualité de membre du CHSCT, d’autre part qu’il n’est pas établi que du fait de cette présence lors d’une réunion destinée à la seule lecture du compte rendu d’enquête pour validation les deux salariés ont pu avoir la moindre influence sur l’enquête elle-même, et ensuite qu’il n’est pas non plus établi que leur voix a pu être déterminante alors que la validation a été votée à l’unanimité.

Il ressort des éléments produits par l’employeur que l’impartialité de l’enquête à l’occasion de laquelle ont été recueillis les propos tant des salariés concernés que de salariés non directement concernés afin de contextualiser, et le témoignage de Mme X d’une part, tant les propos de salariés en faveur de Mme X, reconnaissant son caractère professionnel et son expertise que des propos à charge d’autre part, était en outre assurée par les modalités mises en place. Mme X, qui ne produit pas le moindre élément contraire, ne conteste pas utilement cette analyse.

Les moyens ici développés par l’appelante ne seront pas retenus.

— Mme X soutient encore que l’enquête serait formellement irrégulière faute de signature d’un représentant du personnel sur les documents Cerfa dans lesquels sont consignés les témoignages des salariés auditionnés.

Or, si la cour y constate effectivement l’absence de signature du membre du CHSCT ayant auditionné les salariés, il apparaît que cette irrégularité formelle ne saurait suffire à remettre en cause la validité des témoignages comme le prétend Mme X, alors que les auditions sont suivies de la signature du salarié auditionné authentifiant ses propos, que ces salariés ont également signé le

document dactylographié formalisant leur témoignage, et que la l’AFEJI produit les attestations des salariés confirmant leurs propos. Il s’ensuit que le moyen est inopérant.

— Mme X reproche enfin à l’AFEJI de n’avoir pas organisé une réunion du CHSCT dans les 24 heures suivant les résultats de l’enquête.

Or, Mme X rappelle pourtant elle-même qu’à l’issue de l’enquête, deux possibilités doivent être envisagées. Soit l’employeur et les membres du CHSCT parviennent à un accord sur les mesures nécessaires à mettre en place pour faire cesser le danger et dans un tel cas ces mesures sont mises en oeuvre et la procédure s’arrête, soit les parties ne parviennent pas à un accord et une réunion du CHSCT doit alors être organisée dans les 24h. En l’espèce, il est établi que l’employeur et les représentants du CHSCT sont parvenus à un accord sur la situation et sur les mesures nécessaires pour faire cesser le danger. Rien ne justifiait donc l’organisation d’une réunion dans les 24 heures. Le moyen ne sera pas retenu.

Mme X ne saurait par ailleurs sérieusement reprocher à l’AFEJI ni l’organisation de l’enquête qui apparaît légitime dans le cadre de son obligation de sécurité des salariés placés sous sa subordination, ni le fait d’avoir confié au CHSCT sa réalisation dès lors que cette enquête a été menée conjointement dans le respect des mesures prévues par l’Accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 relatif au harcèlement et à la violence au travail et par l’Accord de branche sanitaire, sociale et Médico-sociale privée à but non lucratif à la santé et à la qualité de vie au travail, et dès lors qu’une enquête menée non directement par l’employeur seul mais dirigée de façon impartiale et indépendante par le CHSCT apparaît protectrice des droits de la salariée.

En conséquence, il résulte de l’ensemble de ces développements qu’aucune irrégularité de nature à invalider le licenciement n’est établie et que l’enquête du CHSCT comme son compte rendu ne sauraient être écartés des débats.

' S’agissant de la cause du licenciement, Mme X conteste les faits qui lui sont reprochés.

Or, la cause du licenciement doit être réelle et sérieuse, ce qui implique notamment que le reproche invoqué par l’employeur à l’appui du licenciement doit être suffisamment pertinent pour justifier le licenciement.

Il ressort de l’article L.1235-1 du code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste il profite au salarié.

Par ailleurs, l’article L.4121-1 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et de mettre en oeuvre ces mesures pour éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme.

Selon l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par l’employeur ou un supérieur hiérarchique, dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l’espèce, au regard des motifs suffisamment précis et circonstanciés figurant dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur reproche à Mme X un comportement managérial inadapté non fautif.

A l’instar des premiers juges, la cour constate que Mme X a fait l’objet d’un nombre important de formations en management, en particulier depuis 2012 à l’occasion de son emploi au sein de l’AFEJI.

Il est par ailleurs établi qu’en 2012, Mme X a signé la charte managériale de l’association en vertu de laquelle elle s’est engagée à contribuer à 'une relation professionnelle conciliant l’amélioration permanente du soutien aux personnes accompagnées et le mieux être des équipes.' et à 'privilégier une relation humaine envers chaque collaborateur et la recherche d’une relation respectant tant sa vie privée que son engagement professionnel ; (…) améliorer les conditions de travail des équipes et prévenir les risques auxquels elles peuvent être exposées (…).'

A l’appui de ses allégations quant aux carences managériales de Mme X, l’employeur produit en particulier :

— le compte rendu d’enquête du CHSCT qui établit indiscutablement l’existence d’un management inadapté de Mme X (qualifié 'de terreur') à l’égard des salariés du foyer logement et des salariés du foyer d’hébergement, seuls ces derniers étant visés par la lettre de licenciement, ayant pour conséquence que la majorité des salariés est en situation de souffrance et de peur au travail ;

— les auditions concordantes de salariés de ces deux foyers réalisées dans le cadre de l’enquête du CHSCT, dont il résulte que Mme X avait un comportement à leur égard agressif, menaçant, dévalorisant voire humiliant ; ces auditions dans lesquelles les salariés concernés par le management de Mme X font état de faits précis, et leurs témoignages circonstanciés concordants corroborant les propos tenus dans le cadre de l’enquête du CHSCT, attestations qui présentent des garanties

suffisantes pour permettre à la cour de se forger une conviction sur la valeur et la portée des éléments qu’elles contiennent et que rien au dossier ne justifie d’écarter, démontrent précisément les reproches figurant dans la lettre de licenciement, à savoir que :

' l’intéressée procédait régulièrement à des modifications d’horaires sans respect du délai de prévenance de 7 jours minimum ou 3 jours en cas d’urgence (pour exemple, Mme D précise que ces changements se faisaient par 'petits papiers dans le casier sans explication, pour un changement d’horaire', Mme E souligne 'nous avons des modifications constantes sur les horaires sans accord des salariés. Mais nous n’osons même pas aller la voie. Impossible d’avoir un décompte horaire.', ou encore Mme F atteste avoir été appelée par Mme X à son domicile un jour de repos, pour l’informer qu’elle devait venir travailler le lendemain après midi en raison d’une réunion de sa collègue dont il n’est pas établi qu’elle se serait ajoutée en dernière minute, et ce alors que la manager avait été de longue date informée par la salariée de son indisponibilité le lendemain) ; Mme X produit elle-même des tableaux en pièce 106, qui établissent la réalité de changements d’horaires sans respect du délai de prévenance minimal de 3 jours, dont rien ne prouve qu’ils étaient par ailleurs communiqués aux salariés concernés ; l’AFEJI produit en outre plusieurs attestations de salariés qui font état de l’amélioration de la situation concernant les modifications des horaires de travail depuis le départ de Mme X (pour exemple : M. G indique '(…) concernant mes horaires, ils posent nettement moins de difficultés (…) Le rythme de travail est plus cohérent et plus facile à gérer. Nos remarques sur les plannings sont écoutées. Nous sommes plus dans l’échange que précédemment', Mme H précise quant à elle : 'l’ambiance au sein de l’équipe a été meilleure (…) Pour ma part je reviens au travail avec grand plaisir, je n’ai plus cette boule au ventre et ma santé s’en ressent. Je communique plus facilement avec ma direction alors qu’auparavant je faisais que des échanges par écrit, de peur des représailles que je pouvais avoir avec Mme X. Je ne souhaite plus revivre ce management 'de terreur’ qui m’a bouleversée et qui a eu des conséquences terribles sur ma santé et au sein de ma vie personnelle' ou encore Mme F indique ' les exigences sont restées les mêmes mais j’ai retrouvé une sérénité dans mon travail. A ce jour je n’ai plus d’angoisse lors de ma prise de poste') ;

' Mme X exerçait des pressions sur la prise de congés (pour exemple : Mme E souligne ' J’ai eu un problème avec elle suite à un accord par la Direction pour des vacances en Martinique. Elle m’a fait passer devant tous mes collègues en leur précisant que si moi je partais en Martinique, eux ne pourraient pas avoir leurs vacances de Noël avec leurs enfants. Je me suis sentie très mal' ou encore 'elle a décidé qu’il n’y aurait qu’une personne en congés par semaine, en précisant 'ce n’est pas mon problème, c’est le vôtre', Mme F indique quant à elle : 'elle m’a refusé une journée de congé pour aller à Eurodisney (pourtant prévu 3 mois à l’avance avec mes petits enfants)' et que 'suite à la pose de la journée de congés par erreur de deux salariés, elle nous a dit : de toute façon, maintenant, vous travaillerez tous les jours où vous ne pensiez pas travailler') ;

' Mme X opposait des refus d’absences envers des salariés justifiant de contraintes médicales exceptionnelles ou d’événements familiaux ouvrant de tels droits (pour exemple : Mme F précise que Mme X a refusé 'de me laisser partir pour un rendez-vous chez l’ophtalmologue demandé à l’avance.', Mme I souligne 'ma fille était malade, elle a insisté pour que je vienne travailler', Mme H précise que Mme X a refusé à une stagiaire de changer son jour pour pouvoir passer son code, ou encore le refus consigné dans le compte rendu d’enquête opposé par Mme X pour la prise d’une demi journée de congés pour la naissance d’un petit enfant) ;

' Mme X a instauré des modalités de contrôle des états d’avance de caisse dévalorisantes envers ses équipes, ce qui est suffisamment démontré par le témoignage édifiant de Mme H a qui précisé lors de son audition par le CHSCT que 'lors de la vérification des caisses, des collègues voulaient quitter la réunion. Vérification des caisses et des comptes devant tout le monde. Mise en difficulté, elle soupçonne les gens. Elle ajoute un euro de plus dans les caisses de certains salariés pour vérifier leur honnêteté. Elle dit 'je le fais exprès'. Elle semble jubiler à l’idée que quelqu’un ait fait une faute' et a ajouté dans une attestation que dans le cadre de la vérification de l’argent alloué par la résidence pour les budgets alimentaires, petit déjeuner et lavoir du mois d’après, 'en vérifiant je trouve 13€ au lieu de 12€ pour le budget d’un résident. Je me permets donc de la déranger pour lui dire qu’il y a une erreur dans les comptes et là elle me dit : 'C’est bien de l’avoir vu car je fais parfois exprès de mettre un euro de plus pour voir si vous êtes honnête et voir si vous allez ou non me rendre cet argent en trop'. Je suis très étonnée de sa réponse et de sa façon de faire. Je lui dis : 'C’est vicieux ce que vous faites ! Pourquoi faites-vous cela ' Et là elle me répond : 'Et oui, c’est comme ça, c’est pour voir votre honnêteté '. Et elle se retourne sur son ordinateur pour continuer son travail'.

Si l’employeur souligne que Mme X a déposé plainte le 3 octobre 2018 à l’encontre de Mmes H et F et M. G au vu de la pièce 126 produite par l’appelante, il reste qu’elle n’en fait pas état à hauteur d’appel, et que les témoignages de ces trois collaborateurs de Mme X s’agissant de son comportement ci-dessus décrit, sont corroborés par les autres témoignages. Au demeurant, s’agissant de Mme H, elle ne conteste dans cette plainte que les propos de la salariée quant à une absence de convocation, et s’agissant de M. G sa plainte ne vise pas non plus les propos repris ci-dessus. Rien n’est par ailleurs versé aux débats pour justifier des suites de la procédure pénale. Il n’y a donc pas lieu d’écarter les témoignages de Mmes H et F et M. G s’agissant des propos ci-dessus exposés.

Il résulte des auditions, des attestations et du compte rendu d’enquête que les comportements inappropriés de Mme X ainsi établis ont un lien avéré avec la dégradation des conditions de travail de son équipe du foyer d’hébergement (pour exemple : Mme E souligne qu’elle est 'angoissée à l’idée de reprendre', M. J indique 'même si je n’ai jamais eu de conflit direct avec Mme X, sa manière d’être m’a donné l’impression de ne pas avoir ma place comme éducateur spécialisé au sein du foyer d’hébergement', Mme K évoque 'une boule au ventre pour la journée ou plus'ou encore le fait que ' des salariés ont pleuré à cause d’elle', Mme F indique qu’elle a consulté à plusieurs reprises son médecin traitant qui l’a placée en arrêt de travail pour dépression et conclu son propos en soulignant 'en 27 ans de carrière au sein de l’AFEJI je n’ai jamais rencontré un pareil ressenti de souffrance dans mon travail que (…) De 2012 à 2015 sous le management de Mme X', M. B précise quant à lui que ' les collègues sont dans la crainte d’un retour. Ils ont peur (…) que cela soit pire').

Ainsi et au regard de ces éléments pris dans leur ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres reproches, il est établi que Mme X a fait preuve d’une absence totale de souplesse et de dialogue et a eu le comportement inadapté allégué contraire aux valeurs rappelées dans la charte de l’association signée par Mme X dès 2012.

En réponse, l’appelante fait valoir plusieurs moyens et arguments dont aucun n’est fondé. Elle ne verse pas aux débats de documents permettant de contredire les éléments ci-dessus énoncés, qui convergent sur la description d’une responsable ayant adopté un comportement inapproprié extrêmement déstabilisant vis-à-vis des salariés placés sous son autorité et ayant provoqué chez ceux-ci une situation avérée de souffrance au travail, à l’origine du signalement en février 2015.

Les nombreuses affirmations non étayées de Mme X, la copie d’entretiens d’évaluation professionnelle lesquels soulignent ses compétences professionnelles (le 1er entretien annuel du 1er septembre 2011notant néanmoins un problème de 'savoir-être relationnel' point sur lequel il était noté que la salariée devait rester 'vigilante et rester en questionnement, en réflexion'), des compte rendus de réunions dans lesquels il n’est pas fait état de difficultés mais qui ne contredisent pas les témoignages ci-dessus, qui ont précédé la révélation des faits, les plannings éparses qu’elle produit, ou encore les témoignages généraux d’anciens collaborateurs ou d’anciens supérieurs hiérarchiques qui n’étaient pas en poste en lien avec elle au moment des faits dénoncés, ou même les témoignages de salariés auditionnés par le CHSCT soulignant son comportement cordial et professionnel et le fait de n’avoir jamais eu à faire à un comportement problématique de sa part, produits par Mme X comme par l’employeur, ne contredisent pas de façon opérante les éléments extrêmement circonstanciés et concordants de l’AFEJI repris ci-dessus.

Mme X ne prouve pas non plus l’intérêt qu’auraient eu les salariés dont les auditions et témoignages sont produits par l’employeur, de témoigner comme ils l’ont fait. Elle ne démontre pas la réalité d’un règlement de compte, et affirme encore sans aucune preuve tangible que certains voulaient en réalité mettre à profit cette situation qu’ils auraient créée de toute pièce.

Dans ces conditions, et sans même qu’il soit utile d’évoquer les autres comportements allégués par l’employeur ou de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, et nonobstant l’absence de toute sanction ou rappel à l’ordre antérieur, il convient de retenir que les agissements tels qu’ils sont matérialisés sont constitutifs de la carence managériale reprochée dans la lettre de licenciement et à eux seuls suffisamment sérieux pour justifier le licenciement.

En conséquence de quoi, par voie de confirmation, Mme X est déboutée de sa demande de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Faute de justifier d’un manquement de l’employeur et d’un préjudice en résultant justifiant sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, alors d’ailleurs qu’elle invoque les mêmes arguments pour justifier tant sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif que pour justifier cette seconde demande indemnitaire, Mme X en sera également déboutée et le jugement de ce chef confirmé.

Sur les autres demandes :

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

Mme X, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel. L’équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions sur le montant du rappel de salaire au titre des astreintes ;

Statuant à nouveau sur ce seul chef et ajoutant,

Condamne l’AFEJI à payer à Mme X la somme de 2.137€ au titre du rappel de salaire sollicité par Mme X au titre des astreintes ;

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

Condamne Mme X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A. LESIEUR V. O

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Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 23 avril 2021, n° 18/00581