Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 16 décembre 2022, n° 21/00564

  • Licenciement·
  • Travail·
  • Propos·
  • Indemnité·
  • Adresses·
  • Employeur·
  • Monde·
  • Fait·
  • Mise à pied·
  • Emploi

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. b salle 3, 16 déc. 2022, n° 21/00564
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 21/00564
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Calais, 30 mars 2021, N° F19/00153
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 17 janvier 2023
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 2055/22

N° RG 21/00564 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TSR7

PS/NB

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CALAIS

en date du

31 Mars 2021

(RG F19/00153)

GROSSE :

aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

Mme [R] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Ludovic SARTIAUX, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021004993 du 11/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A.S. PRO IMPEC

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me François ROCHET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 08 Novembre 2022

Tenue par Patrick SENDRAL

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 18 octobre 2022

FAITS ET PROCEDURE

En 2017 Mme [V] a été engagée par la société PRO IMPEC en qualité d’agent de service à temps partiel par contrat prévoyant une reprise de son ancienneté depuis 1995. Ayant été licenciée pour faute grave le 5 juillet 2019 elle a attrait son employeur devant le conseil de prud’hommes en paiement d’indemnités au titre de la rupture selon elle dénuée de cause réelle et sérieuse.

Le 26 avril 2021 elle a formé appel du jugement l’ayant déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Vu ses conclusions du 21 juin 2021 tendant à la de la société PRO IMPEC, sur la base d’un salaire de référence de 1069,08 euros mensuels, au paiement des sommes suivantes :

' indemnité compensatrice de préavis: 2138,16 euros outre l’indemnité de congés payés

' indemnité de licenciement: 7632 euros

' dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 036 euros

' frais non compris dans les dépens: 2000 euros outre l’établissement par l’employeur sous astreinte des documents de fin contrat rectifiés conformément à l’arrêt à intervenir

Vu les conclusions par lesquelles la société PRO IMPEC demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

MOTIFS

Le bien-fondé du licenciement

Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Lorsque l’employeur invoque une faute grave il lui incombe d’apporter la preuve des griefs à charge pour le juge d’apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s’ils constituaient une violation des obligations contractuelles rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Dans la lettre de licenciement fixant les limites du litige la société PRO IMPEC reproche à Mme [V] d’avoir le 15 mai 2019 et en présence de collègues tenu envers sa collègue [M] les propos injurieux et humiliants suivants :

' «c’est toi qui a inondé les sols

' ton travail a été mal fait

' le personnel a crié à mon retour voici le retour de la sauveuse ([R])

' l’autre la brune n’a rien glandé »

L’employeur fait valoir que :

— le conseil de prud’hommes a parfaitement motivé sa décision en prenant en compte une mise en garde et une mise à pied antérieures pour retenir une réitération de comportements fautifs par la salariée

— les faits sont établis notamment par les attestations de Mme [M] et de sa collègue [Y]

— ils ne sont pas discutés en leur matérialité et ils empêchaient tout maintien de la salariée dans les effectifs même temporairement.

Celle-ci fait plaider que :

— les propos adressés à Mme [M] concernaient uniquement la qualité de ses prestations et non sa personne

— elle a haussé le ton parce que Mme [M] en a fait de même

— sa mise à pied disciplinaire étant postérieure aux faits du 15 mai 2019 ayant motivé le licenciement il ne peut lui être reproché de ne pas en avoir tenu compte

— elle a été convoquée à l’entretien préalable au licenciement 12 jours après les faits ne justifiant pas la cessation du contrat de travail.

Sur ce,

Al’appui de ses dires l’employeur verse les témoignages suivants :

lettre de Mme [M]

«Par la présente, je me permets de vous écrire ce courrier suite à un problème que j’ai eu avec Madame [V] [R] sur le lieu de travail à PEUGEOT pendant que je remplaçais Madame [U] [X]. En effet [N] [Y] m’a présentée à Madame [V] et suite à cela Madame [V] a commencé à me dénigrer mon travail quand je I 'ai remplacé à la douane du tunnel à la paf de [Localité 6] … elle criait pour que tout le monde entend alors que tous ces propos étaient faux. Je cite ces propos : «tous le monde m 'appelait la sauveuse tellement que vous avez fait du dégat vous ne savez pas faire et vous avez tous innondé » Je ne serais plus vous dire exactement tous le reste de ces paroles mais pendant un bon quart d 'heures elle n 'a pas arrêté de me rabaisser. Madame [Y] était présente tous le long, elle criait et essayer de parler plus fort que moi sans m’écouter. Je comprends mieux pourquoi [E] quand Madame [Y] [N] m 'a présenté juste avant I 'altercation ne m 'a pas dit bonjour et m 'a directement dit: ah c 'est toi qui a fait la douane ». Elles avaient parlé toute les deux derrière mon dos. Donc voilà en bref Madame [V] est très mauvaise elle aime dénigrer le travail des autres alors que quand je travaille je le fais à fond elle a fini par se taire quand j 'ai haussé un peu le ton en lui disant qu 'elle déformait et disait n’importe quoi et le lendemain elle ne m 'a pas dit bonjour ni adressé la parole. Tous cela aurait du être dit en privé et non le hurler et manquer de respect devant tout le monde. Tous cela s 'est passée le 15/05 ». (pièce 6).

lettre de Mme [Y] à l’employeur

«Titulaire sur le site Sofidap Citroen [Adresse 5] je me permets de vous faire part de ma position de témoin lors de l’interpellation entre Madame [R] [V] et Madame [M] [C]. Le 15 Mai 2019 Madame [V] [R] arrive sur le site afin de commencer sa prestation et celle-ci sans raison s’en prend verbalement à Madame [M] [C] en évoquant de vive voix devant le personnel de Peugeot présent je cite ces propos: C 'est toi qui as innonder les sols ,. Ton travail a été mal fait

Le personnel a crié à mon retour voilà le retour de la sauveuse ([R])

L’autre la brune n 'est rien glander

Madame [M] n 'a pas réussi à répondre dans la mesure où Madame [V] ne lui laissait aucune issue pour s’expliquer. Madame [M] a été humiliée, dénigrée et insultée devant tout le personnel ainsi que collègue de travail.

Je souhaite que cette situation cesse car cela fait déjà plusieurs fois que Madame [V] établit un climat de tension dans I 'établissement Peugeot Sofidap » (pièce 7).

Il résulte de ces témoignages que Mme [V] a tenu les propos visés dans la lettre de licenciement à sa collègue [M] mais il ne résulte d’aucun élément qu’ils l’aient été devant le client ou d’autres personnes que des collègues. Il n’est ni établi ni allégué que les reproches adressés par Mme [V] à Mme [M] sur la qualité de son travail n’avaient aucun fondement. S’ils auraient pu être plus délicats ils s’adressaient non pas à un supérieur hiérarchique mais à une collègue de même rang mais moins ancienne.

Il sera ajouté que comme tout salarié Mme [V] jouissait dans l’entreprise d’une liberté d’expression à laquelle seules des restrictions liées à la nature des taches à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. Compte tenu de la nature des missions accomplies par la salariée, de sa place subalterne dans la hiérarchie de l’entreprise, de la teneur des propos rapportés et du contexte d’énervement réciproque dans lequel ils ont été proférés l’adresse à sa collègue n’a pas excédé les bornes de la liberté d’expression. Portant exclusivement sur la qualité du travail effectué et non sur sa personnalité ils n’ont du reste présenté aucun caractère injurieux.

La faute n’étant pas caractérisée, le moyen tiré par l’employeur de ce qu’elle devrait être examinée au regard de la mise en garde prononcée en juillet 2018 au titre d’un travail défectueux et de la mise à pied à titre disciplinaire postérieure aux faits sera écarté.

Il en résulte que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Les conséquences financières

Les montants n’étant pas discutés il convient de faire droit aux demandes d’indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et d’indemnité de licenciement.

Compte tenu des effectifs de l’entreprise, de l’ancienneté de Mme [V], de son âge (55 ans), du revenu dont elle a été privée, de ses revenus de remplacement, de ses qualifications, de ses difficultés relatives à retrouver un emploi dans ce secteur d’activité et des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture (emploi retrouvé en août 2019) il y a lieu de lui allouer 10 000 euros de dommages-intérêts. Cette somme, excédant le plancher d’indemnisation prévu par l’article L 1235-3 du code du travail, répare en totalité et de manière adéquate le préjudice moral et financier causé par la perte d’emploi injustifiée.

Les frais de procédure

L’appel ayant engendré des frais qu’il serait inéquitable de laisser totalement à la charge de l’appelante la société PRO IMPEC devra lui payer une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :

DIT que le licenciement de Mme [V] est dénué de cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la société PRO IMPEC à lui payer les sommes suivantes :

' indemnité compensatrice de préavis : 2138,16 euros

' indemnité de congés payés : 213,81 euros

' indemnité de licenciement : 7632 euros

' dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 000 euros

' indemnité de procédure : 1500 euros

ORDONNE le remboursement par la société PRO IMPEC à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [V] suite au licenciement, dans la limite de 3 mois;

ORDONNE la délivrance d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie conformes au présent arrêt;

DIT n’y avoir lieu à astreinte;

DEBOUTE Mme [V] du surplus de ses demandes;

CONDAMNE la société PRO IMPEC aux dépens d’appel et de première instance.

LE GREFFIER

Gaetan DELETTREZ

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 16 décembre 2022, n° 21/00564