Cour d'appel de Grenoble, 3 mars 2016, n° 13/04294

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 3 mars 2016, n° 13/04294
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 13/04294
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 16 septembre 2013, N° F12/01276

Sur les parties

Texte intégral

GP

RG N° 13/04294

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Sophie-Adrienne FOREST

Me Sophie GEYNET-BOURGEON

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

XXX

ARRÊT DU JEUDI 03 MARS 2016

Appel d’une décision (N° RG F12/01276)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 17 septembre 2013

suivant déclaration d’appel du 27 Septembre 2013

APPELANTE :

Société DSV AIR AND SEA en son établissement d’Echirolles, prise en la personne de son représentant légal et dont le siège se situe au :

XXX

XXX

XXX

comparante en la personne de M. Olivier COHEN-SOLAL, DRH, assisté de Me Sophie-Adrienne FOREST, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Madame Z A

XXX

XXX

XXX

comparante en personne, assistée de Me Sophie GEYNET-BOURGEON, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Gilberte PONY, Présidente,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

M. Philippe SILVAN, Conseiller,

Assistés lors des débats de Monsieur Hichem MAHBOUBI, Greffier.

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Décembre 2015,

Madame PONY a été entendue en son rapport,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 21 Janvier 2016. Prorogé au 03 Mars 2016

L’arrêt a été rendu le 03 Mars 2016.

RG 13/4294 GP

Suivant contrat à durée indéterminée du 25 octobre 1985, Z A a été engagée par la société MARESE en qualité de patronnière gradeuse. En novembre 1998, elle a été affectée au service de réserve magasin.

Son contrat de travail a été repris par la société ABX dans le cadre d’une cession de l’entité expédition de la société MARESE intervenue au mois de septembre 2005. La société ABX est devenue société DSV AIR & SEA le 1er avril 2009.

La société DSV AIR & SEA exerce une activité de transport national et international de marchandises et emploie environ 255 salariés. Elle est soumise à la convention collective nationale des transports routiers.

Z A y exerçait des fonctions de préparateur magasinier.

Le 30 mars 2012, la société DSV AIR & SEA l’a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui a notifié en même temps une mise à pied à titre conservatoire.

Le 31 mars 2012, Z A a été placée en arrêt de travail en raison du choc émotionnel subi lors de la remise de la convocation à l’entretien préalable.

Ce choc émotionnel a été considéré comme accident de travail par un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble du 8 mars 2013 et les arrêts de travail ont été pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Le 28 septembre 2012, Z A a saisi le conseil des prud’hommes de Grenoble en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Avant que le conseil des prud’hommes ne statue, le médecin du travail, après deux visites médicales qui ont eu lieu les 27 mai et11 juin 2013, déclarait Z A ' inapte à son poste dans l’environnement actuel et prescrivait son reclassement quel que soit le poste dans un autre contexte relationnel et donc dans une autre agence ou une autre entreprise’ ;

L’employeur a proposé le 18 juin 2013 à la salariée, un poste de préparateur de commandes à Angers et un poste d’agent d’exploitation à Saint Quentin Fallavier qu’elle a refusés.

Par lettre du 24 juillet 2013, la société DSV AIR & SEA a notifié à Z A son licenciement pour inaptitude.

* * *

Par jugement du 17 septembre 2013, le conseil des prud’hommes de Grenoble a :

— dit que la société DSV AIR & SEA a commis des faits de harcèlement moral et a failli à son obligation de sécurité de résultat ;

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Z A à la société DSV AIR & SEA à la date

du 17 septembre 2013 ;

— condamné la société DSV AIR & SEA à payer à Z A :

avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2012

* 3 193,04 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

* 319,30 euros au titre des congés payés afférents ;

* 12'239,97 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

* 7 982,60 euros à titre de rappel de 13e mois ;

Avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

* 40'000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

* 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée adressée au Greffe de la Cour le 27 septembre 2013, la société DSV AIR & SEA a interjeté appel de ce jugement.

* * *

La société DSV AIR & SEA conclut à l’infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de :

à titre principal :

— constater l’absence de tous faits de harcèlement moral ou autre faits susceptibles de justifier le bien-fondé d’une résiliation judiciaire du contrat de travail de Z A ;

— dire que Z A a bien bénéficié du versement de son salaire sur 13 mois lors de son arrivée dans la société ABX aux droits de laquelle la société DSV AIR & SEA ;

à titre subsidiaire :

— dire que le licenciement pour inaptitude de Z A est bien

fondé ;

— dire qu’elle a été intégralement remplie de ses droits au titre de l’exécution de son contrat de travail ;

— débouter Z A de toutes ses demandes.

Elle réclame en outre paiement de la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Z A conclut à la confirmation du jugement déféré à titre principal.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de dire que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société DSV AIR & SEA à lui payer :

* 3 193,04 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

* 319,30 euros au titre des congés payés afférents ;

* 24 479,94 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

* 7 982,60 euros à titre de rappel de 13e mois ;

* 43 106,04 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 9 579,12 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Elle réclame également paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Avant d’être licenciée pour inaptitude, Z A avait saisi le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail fondée sur des agissements de harcèlement moral.

Il convient donc de rechercher en premier lieu si le harcèlement allégué est établi et de statuer sur la demande de résiliation judiciaire.

1- sur le harcèlement et la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail..

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’ ;

Le salarié qui se prétend victime de harcèlement doit établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, à charge pour l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Z A invoque :

— une sanction injustifiée ;

— des remarques déplaisantes de son supérieur hiérarchique, M. X ;

— une mise à l’écart et un défaut de fourniture de travail ;

— une tentative de ce supérieur hiérarchique de ne pas appliquer les instructions du médecin du travail ;

— des propositions de son employeur tendant à la forcer à rompre son contrat de travail ;

La sanction injustifiée :

Le 11 avril 2011, la société DSV a notifié à Z A un avertissement pour une erreur commise le 2 mars 2011 dans l’une de ses expéditions qui comportaient trois pièces en plus et plus généralement un défaut de contrôle des marchandises préparées et à expédier.

Z A a reconnu l’existence de ces erreurs et si elle a contesté la sanction auprès de son employeur, elle n’est pour autant pas allée jusqu’au bout de sa démarche en portant sa contestation devant le conseil des prud’hommes.

Le caractère injustifié de cette sanction n’est pas établi.

Les remarques et le comportement désobligeants de son supérieur hiérarchique.

Z A ne produit aucune pièce susceptible d’établir ce grief. Les lettres qu’elle a écrites à son employeur et les attestations émanant des époux Y, qui reprennent les dires de la salariée, ne sont étayées par aucun témoin direct des faits allégués.

De plus, ses collègues de travail ont démenti les propos et comportement désobligeants prêtés à M. X , lorsqu’ils ont été entendus par l’enquêteur de la caisse primaire d’assurance-maladie dans le cadre de l’accident de travail déclaré par la salariée.

Les fais allégués ne sont donc pas prouvés.

La non-application des instructions du médecin du travail.

Z A verse aux débats la fiche d’aptitude établie le 19 août 2011 par le médecin du travail prescrivant 'la reprise à temps partiel thérapeutique, sans port de charges de façon répétée et en alternant la position assise avec le regroupement des horaires sur une demi-journée, plutôt le matin'.

Elle ne fait cependant état d’aucun élément démontrant que ces prescriptions n’ont pas été respectées.

Les diverses propositions de rupture de contrat de travail.

Ici non plus, Z A ne prouve pas que la société DSV lui a, à trois reprises, proposé de quitter l’entreprise ( proposition de retraite en janvier 2012 et en février 2012, propositions de rupture conventionnelle le 16 mars 2012).

En revanche, il est établi que le 30 mars 2012, la société DSV lui a remis une convocation à un entretien préalable à licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Suite à cette convocation, Z A a été placée en arrêt de travail.

Si le tribunal des affaires de sécurité sociale a, dans un jugement rendu le 8 mars 2013, considéré que la remise d’une lettre de convocation à entretien préalable avant licenciement, avec 'dispense d’activité payée', a provoqué un choc psychologique pouvant être assimilé à un accident du travail, il reste que le seul usage par l’employeur de son droit de licencier un salarié, même si ce droit est subordonné à l’existence d’une cause réelle et sérieuse, ne peut être constitutif de harcèlement, le harcèlement supposant en effet l’existence d’agissements répétés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, une éventuelle absence de cause réelle et sérieuse serait sanctionnée par les dommages-intérêts mais ne pourrait être considérée comme du harcèlement.

Il convient en conséquence de constater que les faits de harcèlement allégués par Z A ne sont pas établis et de la débouter de sa demande de résiliation judiciaire.

2- sur le licenciement.

Z A a été licenciée le 24 juillet 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment ou elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Ces deux conditions sont cumulatives.

L’inaptitude qui a été cause du licenciement de Z A est la conséquence du choc psychologique provoqué par la remise d’une lettre de convocation, le 30 mars 2012, à l’entretien préalable à un licenciement pour faute grave que l’employeur envisageait alors.

Les conséquences de ce choc ont été prises en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance-maladie et l’employeur avait été informé dès le 20 mai 2013 par la salariée du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 8 mars 2013 qui avait ordonné cette prise en charge.

Le syndrome dépressif dont était atteint Z A avait donc bien une origine professionnelle et l’employeur en avait connaissance lorqu’il a engagé la procédure de licenciement pour inaptitude.

Aux termes de l’article L 1226-10 du code du travail, lorsqu’à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise.

Après la seconde visite médicale qui a eu lieu le 11 juin 2013, le médecin du travail a déclaré Z A ' inapte à son poste dans l’environnement actuel’ et a prescrit son reclassement quel que soit le poste dans un autre contexte relationnel et donc dans une autre agence ou une autre entreprise’ ;

Par lettre du 18 juin 2013, la société DSV, après avoir consulté le médecin du travail a proposé au salarié un poste de préparateur de commandes à Angers et un poste d’agent d’exploitation à Saint Quentin Fallavier ; les fiches de poste décrivant les fonctions inhérentes à chaque poste, les qualités requises, les horaires de travail, la rémunération et les possibilités de formation à ces postes étaient jointes aux propositions de l’employeur.

Les délégués du personnel, consultés le 14 juin 2013 sur ces possibilités de reclassement de Z A, ont émis un avis favorable comme en atteste le procès-verbal établi le 14 juin 2013.

Ces postes ont été refusés par Z A au motif qu’elles n’étaient pas suffisamment précises et qu’elles ne constituaient pas de véritables recherches de reclassement.

Sans être abusif, le refus opposé par la salariée aux propositions de reclassement qui lui ont été faites, n’était pas sérieusement motivé.

Il convient dans ces conditions de constater que la société DSV a procédé à des recherches loyales et sérieuses pour reclasser la salariée et que celle-ci a refusé les emplois proposés.

Il sera des lors considéré que le licenciement pour inaptitude de Z A était justifié et il y a lieu de la débouter de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, Z A peut revendiquer le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité spéciale de licenciement conformément aux dispositions de l’article L 1226-14 du code du travail.

La société DSV AIR & SEA AIR GRENOBLE sera condamnée à lui payer :

* 3 193,04 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

* 319,30 euros au titre des congés payés afférents ;

* 12'239,97 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

3- sur le rappel de salaires.

Z A réclame paiement d’un treizième mois en faisant valoir que tous les salariés de la société DSV bénéficient de ce treizième mois.

La société DSV ne conteste pas l’existence au sein de son entreprise de l’avantage correspondant au 13e mois.

Or, le contrat de travail de Z A prévoit une rémunération de 17 483,82 euros versés sur 12 mois ; cette rémunération ne se confond pas avec la prime de 13e mois et dès lors que les salariés de la société DSV bénéficient du 13e mois, c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société DSV AIR & SEA à payer à Z A la somme de 7 982,60 euros à titre de rappel de 13e mois.

Z A succombe en appel en la quasi-totalité de ses prétentions. Chaque partie conservera donc à sa charge les dépens qu’elles auront exposés à l’occasion de la procédure d’appel et il ne sera pas fait, pour des raisons d’équité, application de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société DSV AIR & SEA à payer à Z A la somme de 7 982,60 euros à titre de rappel de 13e mois ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau :

Déboute Z A de sa demande tendant à constater qu’elle a été victime de harcèlement ;

La déboute de sa demande de résiliation judiciaire ;.

Dit que le licenciement de Z A pour inaptitude, repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société DSV AIR & SEA AIR GRENOBLE à payer à Z A :

* 3 193,04 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

* 319,30 euros au titre des congés payés afférents ;

* 12'239,97 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens qu’elles auront exposés à l’occasion de la procédure d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame PONY, Président, et par Madame Chrystel ROHRER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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