Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 25 juin 2019, n° 17/04570

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc. -sect. a, 25 juin 2019, n° 17/04570
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 17/04570
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Valence, 12 septembre 2017, N° 16/00390
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

PS

N° RG 17/04570 – N° Portalis DBVM-V-B7B-JHHA

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

la SELARL ACTANCE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 JUIN 2019

Appel d’une décision (N° RG 16/00390)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 13 septembre 2017

suivant déclaration d’appel du 29 Septembre 2017

APPELANTE :

Madame Y X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant

et Me Jean-Bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMEE :

SASU MARKEM IMAJE INDUSTRIES

[…]

[…]

représentée par Me Lucie VINCENS de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jean-Michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

Monsieur Frédéric BLANC, Conseiller,

Assistés lors des débats de Melle Sophie ROCHARD, greffier.

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Mai 2019, Monsieur SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président est entendu en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs observations et plaidoiries.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

Exposé du litige:

Selon contrat à durée indéterminée du 1er février 1988, Mme X a été engagée par la société Markem Imaje Industries Sasu, en qualité d’assistante service ressources humaines. Le 16 mars 2015, Mme X a été licenciée pour motif personnel. Le conseil de Mme X a adressé un courrier à la société Markem Imaje Industries Sasu en date du 20 mars 2015, contestant les motifs du licenciement. Un protocole de transaction était signé par les parties en date du 30 mars 2015.

Le 27 juillet 2016, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Valence d’une demande en paiement au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence.

Par jugement du 13 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Valence a :

— débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes,

— débouté la société Markem Imaje Industries Sasu de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,condamné Mme X aux dépens.

Mme X a fait appel de ce jugement le 29 septembre 2017.

Par ordonnance du 25 septembre 2018, le conseiller chargé de la mise en état a :

— débouté Mme X de ses demandes tendant à voir déclarer la constitution d’avocat de la société Markem Imaje Industries Sasu irrégulière et à voir déclarer irrecevables les conclusions de la société Imaje Industries,

— débouté la société Markem Imaje Industries Sasu de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d’appel.

A l’issue des débats et de ses conclusions du 19 mars 2019, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme X demande de :

— dire et juger que la clause de non-concurrence est valable et qu’elle l’a respectée,

— dire et juger que la transaction intervenue entre les parties ne peut lui être opposée,

— constater que la contrepartie à la clause de non-concurrence lui est due,

En conséquence,

— infirmer le jugement

Statuant à nouveau,

— condamner la société Markem Imaje Industries Sasu à lui payer les sommes suivantes:

—  47 959,90 € au titre de la contrepartie financière, outre 4 795,99 € au titre des congés payés afférents, ces sommes devant produire intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, soit le 22 juillet 2016,

—  7 500 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

—  3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle expose en substance qu’il est de jurisprudence constante que lorsque la transaction venant régler les conséquences d’un licenciement ne mentionne pas expressément l’indemnité de non-concurrence dans la transaction, ce qui est le cas en l’espèce, celle-ci n’est pas considérée comme faisant partie de la transaction, qu’elle est donc en droit d’en réclamer le paiement, que la société Markem Imaje Industries Sasu ne peut lui opposer le délai à l’issue duquel elle en a sollicité le versement dès lors que son action n’est pas prescrite et que la société Markem Imaje Industries Sasu ne peut prétendre, à titre subsidiaire, qu’elle n’aurait droit qu’au versement de l’indemnité de base et non pas de l’indemnité de non-concurrence majorée puisqu’elle a simplement créé un site en mai 2016 et n’a pas retrouvé d’emploi salarié.

Au des débats et de ses conclusions du 2 avril 2019, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Markem Imaje Industries Sasu demande de :

à titre principal,

— constater que la transaction signée le 30 mars 2015 couvre tout litige lié à la relation contractuelle entre les parties, y compris la contrepartie financière à l’obligation de non-concurrence,

par conséquent,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Valence du 13 septembre 2017

— débouter la société Markem Imaje Industries Sasu de ses demandes,

à titre subsidiaire,

— débouter Mme X de ses demandes pour un montant supérieur à 39 969,96 €,

en tout état de cause,

— débouter Mme X de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre reconventionnel,

— condamner Mme X aux dépens,

— condamner Mme X à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de son argumentation, la société Markem Imaje Industries Sasu fait valoir que par arrêt du 11 janvier 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence antérieure par laquelle elle considérait que le salarié pouvait solliciter le paiement de l’indemnité de non-concurrence lorsque la transaction ne la mentionnait pas expressément et qu’en conséquence, la transaction, qui comprend la renonciation à toutes actions liées à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail, interdit de réclamer le paiement de l’indemnité de non-concurrence, que dans le cadre du protocole litigieux, Mme X a renoncé à toutes actions liées à l’exécution et la rupture du contrat de travail et par conséquent le versement de l’indemnité de non-concurrence, que son solde de tout compte, elle a reconnu avoir perçu de la société Markem Imaje Industries Sasu son solde définitif et irrévocable de tout compte, et à titre subsidiaire, que Mme X ayant exercé une activité indépendante à compter de la rupture du contrat de travail, elle ne pourrait solliciter que le versement d’une indemnité minorée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR CE :

Sur l’indemnité de non-concurrence :

L’article 2048 du code civil énonce que les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.

L’article 2049 du même code dispose que les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.

Il est de jurisprudence que la clause par laquelle un salarié renonce, moyennant le paiement d’une indemnité forfaitaire et définitive, à toute réclamation de quelque nature qu’elle soit relative tant à l’exécution du contrat de travail ou sa rupture lui interdit toute action postérieure, quel qu’en soit le fondement, fondée sur l’exécution du contrat de travail ou la cessation des relations contractuelles.

Par ailleurs, il est de principe que les clauses contractuelles destinées à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail ne sont pas, sauf disposition expresse contraire, affectées par la transaction intervenue entre les parties pour régler les conséquences d’un licenciement et que la renonciation par l’employeur à l’obligation de non concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.

En l’espèce, le contrat de travail de Mme X prévoyait une clause de non-concurrence d’une durée d’un an, renouvelable une fois, moyennant le paiement d’une indemnité de 5/10 de la moyenne

mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels reçus au cours des douze derniers mois de présence dans l’entreprise, ou de 6/10 en cas de licenciement non provoqué par un faute grave tant que Mme X n’aurait pas retrouvé un nouvel emploi dans la limite de durée de non concurrence, et que l’employeur pourrait décharger Mme X de cette clause par écrit dans les huit jours suivant la notification du préavis, ou en cas d’inobservation du préavis, dans les huit jours suivant la rupture effective du contrat de travail.

Selon courrier du 16 mars 2015, la société Markem Imaje Industries Sasu a procédé au licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme X et l’a dispensée d’exécuter son préavis.

Le 30 mars 2015, la société Markem Imaje Industries Sasu et Mme X ont conclu un protocole transactionnel aux termes duquel :

— la rupture du contrat de travail de Mme X, à la date du 30 novembre 2015, a été confirmée,

— les parties se sont accordées sur le principe et le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité compensatrice de congés payés, l’indemnité de congés payés et l’indemnité conventionnelle de licenciement dues à Mme X,

— Mme X a reconnu qu’elle ne pouvait prétendre à un bonus au titre de l’exercice 2015,

— Mme X a admis que ces sommes constituaient son solde définitif et irrévocable de tout compte,

— la société Markem Imaje Industries Sasu a accepté de verser à Mme X, à titre de compensation, une indemnité transactionnelle forfaitaire, définitive et irrévocable de 77 000 € bruts ayant vocation à réparer l’ensemble des préjudices tant professionnels que moraux que Mme X prétend subir du fait des modalités d’exécution de son contrat de travail, de sa rupture, des conditions dans lesquelles elle est intervenue et au regard de ses conséquences de toute nature, et notamment ceux expressément invoqués dans le protocole,

— Mme X a reconnu que les concessions de la société Markem Imaje Industries Sasu étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil, et en particulier l’article 2052 du code civil, afin de la remplir de tous ses droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre la société Markem Imaje Industries Sasu ou l’une quelconque des sociétés du groupe et la société Markem Imaje Industries Sasu,

— Mme X a déclaré expressément renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature qu’elle soit, à l’encontre de la société Markem Imaje Industries Sasu ou de son groupe, pouvant avoir pour cause, conséquence ou objet, directement ou indirectement, l’exécution ou la cessation des fonctions qu’elle a exercées au sein de la société ou du groupe auquel elle appartient,

— Mme X a déclaré renoncé à toute action ou instance liée à la rupture de son contrat de travail,

— Mme X a indiqué n’avoir plus aucune demande à formuler à quelque titre que ce soit vis-à-vis de Mme X ni d’aucune entité du groupe,

— Mme X a renoncé à toute instance ou action judiciaire relative au présent litige à l’encontre de la société Markem Imaje Industries Sasu ou de toute autre société du groupe.

Il n’est pas justifié par la société Markem Imaje Industries Sasu qu’elle a expressément levé la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail tant à l’occasion du licenciement que postérieurement à ce dernier. Par ailleurs, la transaction litigieuse ne comprend aucune mention dont il résulterait que les parties au protocole ont entendu régler la question de l’indemnité de non-concurrence due à Mme X. La société Markem Imaje Industries Sasu ne peut en conséquence exciper de l’autorité de la chose jugée s’attachant au protocole transactionnel du 30 mars 2015 pour s’opposer à la demande en paiement formée par Mme X. Celle-ci est en conséquence fondée à en réclamer le versement.

Il ne ressort pas de la rédaction de la clause de non-concurrence litigieuse, selon laquelle l’indemnité de non-concurrence serait majorée tant que Mme X n’aurait retrouvé un nouvel emploi dans la limite de durée de non concurrence, que les parties ont entendu limiter cette majoration qu’à la seule hypothèse d’absence d’emploi salariée. Il ressort du compte Linkedin de Mme X qu’elle a développé une activité de consultante dans le délai prévu par la clause de non-concurrence. La société Markem Imaje Industries Sasu est en conséquence fondée à soutenir subsidiairement que Mme X ne peut prétendre qu’au paiement de l’indemnité de non-concurrence de base et non de l’indemnité de non-concurrence majorée.

Enfin, s’agissant d’une créance de nature indemnitaire et non de nature salariale, cette indemnité ne peut être génératrice d’un droit à congés payés. Mme X sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur le surplus des demandes :

Les faits de l’espèce ne révèlent pas d’abus de la part de la société Markem Imaje Industries Sasu dans le droit de se défendre en justice. Mme X sera par conséquent déboutée de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.

Enfin la société Markem Imaje Industries Sasu, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à Mme X la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme X recevable en son appel,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Valence du 13 septembre 2017,

STATUANT à nouveau,

CONDAMNE la société Markem Imaje Industries Sasu à payer à Mme X les sommes suivantes:

—  39 969,96 €, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, soit le 22 juillet 2016,

—  2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société Markem Imaje Industries Sasu aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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