Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 24 juin 2019, n° 18/00654

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Limoges, ch. soc., 24 juin 2019, n° 18/00654
Juridiction : Cour d'appel de Limoges
Numéro(s) : 18/00654
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Limoges, 24 juin 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° .

N° RG 18/00654 – N° Portalis DBV6-V-B7C-BH2MA

AFFAIRE :

SARL LIMOGES LECLERC

C/

X-I Y

VL/MLM

Licenciement

G à Me Debernard-Dauriac et à Me Rosas le 24/06/2019

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

------------

ARRÊT DU 24 JUIN 2019

-------------

Le vingt quatre Juin deux mille dix neuf, la Chambre économique et Sociale de la Cour d’Appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

SARL LIMOGES LECLERC prise en la personne de son gérant

dont le siège social est […]

représentée par Me X DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d’un jugement rendu le 25 Juin 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de limoges

ET :

X-I Y, demeurant 10, rue de la Vise – 34540 BALARUC-LES-BAINS

représentée par Me Sylvie ROSAS, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

---==oO§Oo==---

L’affaire a été fixée à l’audience du 20 Mai 2019, après ordonnance de clôture rendue le 30 avril

2019, la Cour étant composée de Madame G H, Présidente de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et de Madame Mireille VALLEIX, Conseiller, assistés de Monsieur E F, Greffier, Madame G H, Présidente de Chambre, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis, Madame G H, Présidente de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 24 Juin 2019, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE :

Mme X-I Y a été engagée en contrat à durée indéterminée à temps partiel le 3 mai 2010 comme assistante de direction par la SA Y. A compter du 1er janvier 2012, les parties poursuivent leurs relations contractuelles dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet. La société Y est placée en liquidation judiciaire le 27 février 2015 ; le fonds de commerce a été vendu et transféré à la SARL Limoges Leclerc à compter du 1er mars 2015.

Après avoir échangé des courriers avec son employeur entre le mois d’avril et le mois de juin 2015 sur ses conditions de travail en lui reprochant de ne pas lui fournir de travail et du matériel de travail et en refusant la modification de son lieu de travail proposé le 29 mai 2015, Mme Y a été placée en arrêt de travail du 26 juin 2015 au 15 juillet 2015.

Le 3 août 2015, la société Limoges Leclerc lui a fait une nouvelle proposition de modification de son contrat de travail qu’elle a refusée le 19 août 2015 car elle modifierait sa qualification.

Mme Y a saisi le conseil de prud’hommes de Limoges le 15 septembre 2015 aux fins d’obtenir la résiliation de son contrat de travail.

Le 16 septembre 2015, la société Limoges Leclerc a formulé une nouvelle proposition de modification du contrat de travail de Mme Y en lui proposant 10 postes de travail qui ont été refusés une nouvelle fois pour les mêmes raisons le 23 septembre 2015.

Le 30 octobre 2015, la société Limoges Leclerc a notifié à Mme Y son licenciement pour motif économique après un entretien préalable fixé au 15 octobre 2015 auquel elle ne s’est pas présentée. La salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 3 novembre 2015. Le contrat de travail a été rompu le 12 novembre 2015.

***

Par saisine du 15 septembre 2015, Mme Y a saisi le Conseil de prud’hommes de Limoges aux fins de voir, suite à la rectification de ses demandes, son licenciement économique requalifié et d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail et des salaires ou compléments de salaire non versés.

Par Jugement en date du 25 juin 2018, le conseil de prud’hommes de Limoges a :

• prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail liant Mme Y à la société Limoges Leclerc aux torts exclusifs de cette dernière et fixé la date de la rupture au 30 octobre 2015 ;

• condamné la société Limoges Leclerc à payer à Mme Y les sommes de :

—  21 068,76€ au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  3 000 € en réparation du préjudice moral ;

—  538,16 € brut au titre du paiement du salaire complet du mois de juin ;

• condamné la société Limoges Leclerc à remettre à Mme Y les bulletins de salaires et attestation Pôle Emploi rectifiés en conséquence de la présente décision ;

• rappelé que l’exécution provisoire est de droit au titre de l’article R. 1454-28 du code du travail concernant les créances salariales sur la base de la moyenne des trois derniers mois de salaires perçus, soit 1 755,73 € brut, sans qu’il y ait lieu de l’ordonner pour le surplus au titre de l’article 515 du code de procédure civile ;

• condamné la société Limoges Leclerc à payer à Mme Y la somme de 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamné la société Limoges Leclerc aux entiers dépens.

La société Limoges Leclerc a régulièrement interjeté appel de cette décision le 4 juillet 2018, son recours étant limité aux chefs de jugement prononçant la résolution judiciaire du contrat ainsi que ceux portant condamnation à son encontre.

***

Aux termes de ses écritures en date du 14 février 2019, la société Limoges Leclerc demande à la Cour de :

• déclarer recevable l’appel formé par la société Limoges Leclerc ;

• réformer le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud’hommes de Limoges en date du 25 juin 2018 en ce qu’il a prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Limoges Leclerc et l’a condamnée en conséquence ;

En conséquence :

• dire et juger bien-fondé le licenciement économique prononcé à l’égard de Mme Y ;

• constater le respect par la société Limoges Leclerc de son obligation d’adaptation et de reclassement ;

• constater l’absence de manquement justifiant la demande de résiliation judiciaire ;

• constater la régularisation de la rupture en cours de procédure ;

• juger comme non avenue la demande de résiliation ;

• débouter la salariée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

• réformer le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud’hommes de Limoges en date du 25 juin 2018 en ce qu’il a condamné la société Limoges Leclerc au titre du paiement du salaire de juin ;

En conséquence :

• constater que Mme Y était placée en absence injustifiée au mois de juin 2015 et débouter la salariée de sa demande de paiement de salaire pour cette période ;

• réformer le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud’hommes de Limoges en date du 25 juin 2018 en ce qu’il a condamné la société Limoges Leclerc en réparation du préjudice moral ;

En conséquence :

• constater que Mme Y n’a subi aucun préjudice distinct justifiant l’octroi de dommages et intérêts ;

• réformer le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud’hommes de Limoges en date du 25 juin 2018 en toutes les dispositions ayant débouté la société Limoges Leclerc ;

En conséquence :

• débouter Mme Y de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

• condamner Mme Y à payer à la société Limoges Leclerc la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• condamner Mme Z aux entiers dépens.

A l’appui de son recours, la société Limoges Leclerc soutient le caractère infondé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs au motif que les manquements qui lui sont reprochés sont inexistants et subsidiairement qu’ils ne sont pas suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat.

La modification du contrat de travail de Mme Y résultant de l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3 du code du travail, et les formes requises ayant été satisfaites, elle considère avoir respecté les règles énoncées par l’article L. 1222-6 du code du travail, la notification de la modification du contrat de travail étant dès lors régulière.

La société Limoges Leclerc fait valoir de plus qu’elle a respecté la procédure applicable en matière de modification du contrat de travail pour motif économique en opérant une recherche scrupuleuse des postes de reclassement disponibles au sein des différentes entités du groupe et en faisant à Mme Y des propositions précises et individuelles de reclassement au sein de la société, que la procédure n’ayant été engagée qu’à réception de son refus dans le respect de l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’Ordonnance du 22 septembre 2017, et dans un délai de 10 jours, il ne peut être considéré qu’elle a procédé tardivement au licenciement économique de la salariée.

Elle expose en outre qu’elle a régularisé la situation au cours de la procédure, rendant ainsi infondée Mme Y à se prévaloir d’un manquement de sa part et dès lors de solliciter une résiliation judiciaire de son contrat de travail par ailleurs rompu du fait de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle auquel Mme Y a adhéré en date du 13 novembre 2015, le licenciement économique étant justifié par une cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, la société Limoges Leclerc indique que Mme Y ne peut revendiquer un préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail qui est régulière, la résiliation n’étant pas fondée puisque la tardiveté du licenciement au regard des efforts de la société pour lui proposer un reclassement ne peut être invoquée et le licenciement économique ayant une cause réelle et sérieuse, qu’elle ne peut davantage prétendre à l’existence d’un préjudice moral en lien avec ses rapports de travail avec son nouvel employeur, en raison de l’absence de faute de la société Limoges Leclerc et de l’absence de lien de causalité avec un préjudice que Mme Y ne démontre pas.

Elle soutient également que le salaire du mois de juin n’avait pas à être réglé à Mme Y, cette dernière ayant décidé unilatéralement de quitter son poste de travail dès le 29 mai 2015 et cela sans formuler de demande de congés payés, se plaçant donc dans une situation d’abandon de poste et donc d’absence injustifiée.

Aux termes de ses écritures en date du 2 avril 2019, Mme Y demande à la Cour de :

• confirmer intégralement le jugement attaqué ;

Et statuant de nouveau, de :

• condamner la société Limoges Leclerc à lui payer les sommes suivantes :

' 21 068,76 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 10 000,00 € pour préjudice moral pour tardiveté de la mise en place du licenciement ;

' 538,16 € correspondant au salaire complet du mois de juin ;

' 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• ordonner la remise des bulletins de salaires rectifiés et de l’attestation Pôle Emploi rectifiée avec les montants correspondants ;

• condamner la société Limoges Leclerc aux entiers dépens d’instance.

En réponse, Mme Y fait valoir le non-respect par la société Limoges Leclerc de la procédure applicable en matière de modification du contrat de travail pour motif économique, notamment en violation de l’article L.1222-6 du code du travail, la société n’ayant pas informé Mme Z de la prise en charge des frais entraînés par la mutation.

Elle soutient qu’à la suite de son premier refus, et alors qu’elle avait précisé que sa situation familiale ne lui permettait pas de mobilité géograhique, l’employeur n’a engagé aucune procédure de licenciement, a attendu plusieurs mois avant de lui faire de nouvelles propositions qu’elle a refusées sans entraîner de réaction de la part de la société Limoges Leclerc qui a laissé le contrat se poursuivre dans des conditions habituelles, aucun travail ne lui étant alors fourni, ce qui caractérise un manquement justifiant la résiliation sollicitée aux torts de l’employeur. Elle soutient que le délai pris par l’employeur pour tirer les conséquences de son refus n’était pas justifié par des recherches de reclassement qui pouvaient être plus rapides d’autant qu’il n’ignorait pas qu’elle ne pouvait pas quitter Limoges.

Mme Y soutient que la société Limoges Leclerc a manqué à ses obligations relatives à l’exécution de son contrat de travail en ne lui fournissant ni tâche, ni matériel, ces manquements pouvant également justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, et que, sa demande de résiliation étant fondée, le licenciement prononcé postérieurement à sa demande doit dès lors être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Elle expose que l’attitude de son employeur dans l’exécution du contrat de travail lui a causé un préjudice moral lié à l’incertitude relative au maintien de son contrat de travail dans laquelle elle a été placée et que son préjudice financier résulte de la perte et du non paiement des salaires n’ayant pu retrouver d’emploi qu’en avril 2016.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

sur la résiliation

Sur le fondement de l’article 1184 du code civil, dans sa version applicable en l’espèce, et en application de l’article L1231-1 du code du travail, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à raison des manquements de l’employeur aux obligations découlant du contrat de travail ; les manquements doivent être

suffisamment graves pour ne pas permettre la poursuite du contrat de travail, et la charge de la preuve de ces manquements pèse sur le salarié ; si la résiliation judiciaire est prononcée, elle prend effet à la date de la décision judiciaire la prononçant, sauf si la rupture du contrat de travail est intervenue entre temps pour autre cause, auquel cas elle prend effet à la date de la rupture effective.

En l’espéce, Mme Y invoque essentiellement deux griefs à l’encontre la SARL LIMOGES LECLERC à laquelle elle reproche de ne pas lui avoir fourni de travail ni de matériel de travail et d’avoir tardé à mettre en 'uvre une procédure de licenciement en laissant perdurer cette situation.

Les parties produisent les courriers qu’elles ont échangés entre le mois de mars et le mois de septembre 2015 dont il ressort que :

— le 1er avril 2015, Mme Y et Mme Z ont écrit à leur employeur pour dénoncer le fait qu’elles ne disposaient d’aucun matériel de travail et d’aucune fiche de poste, n’avaient pas de réelles tâches et avaient l’impression d’être mises à l’écart depuis la reprise par le groupe le 1er mars 2015 ; elles demandaient à la SARL LIMOGES LECLERC de remédier à cette situation; il a été répondu à Mme Y par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 avril 2015 qu’un ordinateur se trouvait à sa disposition à Périgueux ; Ce courrier contenait par ailleurs des observations faites à la salariée sur ses carences professionnelles, son employeur estimant que son niveau de compétence professionnelle était manifestement inadapté aux responsabilités confiées, et ses besoins en formation ;

— le 16 avril 2015, Mme Y a rappelé à son employeur par lettre recommandée avec accusé de réception les conditions de travail difficiles auxquelles elle était confrontée, notamment sa dépossession de tout moyen de communication et de son outil de travail (ordinateur, connexion internet, imprimante, fax) et a répondu point par point aux reproches professionnels qui lui avaient été faits dans son courrier du 8 avril 2015 ;

— le 29 mai 2015, Mme Y a informé la société Limoges Leclerc par lettre recommandée avec accusé de réception que, n’ayant aucune tâche à effectuer ni de matériel sur son lieu de travail, elle rentrait à son domicile où elle se tiendrait à disposition de son employeur ;

— le 29 mai 2015, par lettre recommandée avec accusé de réception, l’employeur a informé Mme Y du transfert de son poste à Périgueux, à partir du 1er juillet 2015 et lui a transmis un avenant à son contrat de travail ; Mme Y a refusé la modification de son contrat de travail par courrier en date du 9 juin 2015 ;

— le 5 juin 2015, par lettre recommandée avec accusé de réception en réponse au courrier que lui avait adressé cette dernière le 29 mai 2015, l’employeur a demandé à Mme Y, de se rendre sur son lieu de travail situé à Périgueux afin d’effectuer les tâches relevant de sa fonction d’assistante de direction, soit : calcul des RFA à réaliser au siège à Périgueux, création d’un planning personnalisé pour chaque point de vente, élaboration d’un cadencier fournisseur relatif à l’approvisionnement des points de vente, création d’un document ayant pour objectif de faciliter le comptage du fonds de caisse ; il précisait que ces trois dernières tâches pouvant être réalisées sur documents papier sur le lieu de travail habituel à Limoges ;

— le 15 juin 2015, Mme Y, accusant réception du courrier de l’employeur du 5 juin 2015, a informé la société Limoges Leclerc par lettre recommandée avec accusé de réception, qu’ayant refusé son transfert de poste à Périgueux, elle était revenue sur son poste de Limoges à compter du 9 juin mais qu’à défaut de consignes de travail précises et de moyens de travail convenables elle repartait à son domicile en se tenant néanmoins à la disposition de son employeur.

Mme Y produit également le courrier adressé le 29 juin 2015 à l’employeur par le contrôleur du travail qui, après s’être rendu sur le lieu de travail de Mme Y et de sa collègue Mme A à

Limoges le 25 juin, relève que les deux salariées étaient installées dans un bureau d’une surface d’environ 5 m², trop petit et insuffisamment éclairé, qu’elles avaient pour tout matériel un cahier, du petit matériel (stylo, crayon à papier, stylo bille, règle), sans aucun matériel informatique permettant d’effectuer des tâches administratives et d’être en liaison avec les collègues du site de Périgueux, que néanmoins leurs cahiers petits format avaient permis à Mme Y d’effectuer trois tâches qui lui avaient été demandées oralement par le directeur des opérations le 24 juin (création d’un planning, création d’un cadencier, création d’un document de comptage de fonds de caisse) sans aucun élément de base fourni par l’employeur.

Le contrôleur note qu’au cours de sa visite les deux salariées étaient en pleurs et effondrées et engage l’employeur à faire cesser rapidement ces situations contraires, selon lui, aux dispositions de l’article L 1152'1 du code du travail.

La fourniture d’un travail et des moyens matériels permettant au salarié de remplir les tâches qui lui sont confiées est une des obligations essentielles de l’employeur, qui doit rapporter la preuve qu’il l’a respectée.

Or en l’occurrence, tel n’est pas le cas puisqu’il découle au contraire des courriers ci-dessus analysés, confirmés par les attestations du 9 et 15 juin 2015 des Ms. Dahamni et Revel-Crozat et Mme B, la démonstration que depuis la reprise le 1er mars 2015 de la société premier employeur de Mme Y, la SARL LIMOGES LECLERC n’a fourni aucune activité à cette salariée et ne lui a donné aucun moyen matériel lui permettant de continuer à tout le moins d’exécuter les tâches qui étaient les siennes avant le transfert de son contrat de travail.

Même si à l’occasion du courrier du 5 juin 2015, il a été demandé à Mme Y d’exécuter une prestation de travail, l’employeur lui a imposé de se présenter tous les jours pour l’exécuter à Périgueux, ce qui supposait une modification relative au lieu d’exécution de son contrat de travail sur laquelle la salariée n’avait pas pris position, et il a été constaté par le contrôleur de la DIRECCTE que la salariée ne disposait pas des moyens adaptés pour l’exécuter mais qu’elle avait néanmoins tenté de s’acquitter du travail confié avec les moyens limités qui étaient les siens.

Il s’en déduit que le manquement de l’employeur à son obligation de fournir à la salariée du travail et des moyens matériels pour le réaliser est établi.

Après le refus par la salariée, le 9 juin 2015, du transfert de son poste de travail à Périgueux imposé par l’employeur par courrier du 29 mai, ce dernier lui a fait deux nouvelles propositions de modification de son contrat travail par courriers du 3 août 2015, puis du 16 septembre 2015, qui rappelaient les raisons des modifications proposées (difficultés d’organisation des postes de travail, éloignement de l’équipe administrative du groupe, difficultés à organiser les formations nécessaires, difficultés à planifier et à structurer les postes de travail, amélioration du confort de travail), étant observé que le courrier du 16 septembre comportait plusieurs propositions d’affectation mais seulement un poste situé à Limoges, soit le poste de première vendeuse qui avait déjà été refusé par la salariée en raison de la modification substantielle de la qualification et des conditions de travail, et alors que l’employeur ne pouvait ignorer l’absence de mobilité de Mme Y que celle-ci lui avait clairement signifiée dès le 9 juin 2015.

La SARL LIMOGES LECLERC produit des courriers adressés le 7 août 2015 à certaines des sociétés franchisées en vue d’une recherche de postes de reclassement qui établissent qu’à cette période elle recherchait des postes pour reclasser les ''salariés concernés'' par la réduction des effectifs qu’elle envisageait dans le cadre de la reprise du groupe Y, ces courriers ne visant toutefois aucun salarié en particulier, de sorte qu’ils ne peuvent être considérés comme démontrant l’existence de recherches individualisées relatives à Mme Y.

Or, la SARL LIMOGES LECLERC n’a engagé la procédure de licenciement que le 7 octobre 2015,

date de la convocation de Mme Y à l’entretien préalable fixé le 15 octobre suivant, alors que cette procédure aurait pu être diligentée plutôt.

Elle aurait pu l’être en effet soit, au plus tôt, à la suite du courrier de refus de la salariée en date du 9 juin qui mentionnait « ma situation familiale actuelle ne me permet pas d’envisager une modification géographique » et « je suis tout à fait consciente que cette décision va entraîner de facto mon licenciement économique », le courrier du contrôleur du travail du 29 juin 2015 mentionnant en outre « par courriers Mesdames Z et Y ont refusé vos propositions de mutation à Périgueux elles seraient en attente de votre réponse, soit, au plus tard, à la suite du courrier de refus en date du 19 août du poste de première vendeuse de la salariée en raison de la modification de la qualification.

A cette dernière date la SARL LIMOGES LECLERC, qui ne démontre pas qu’elle était en mesure de proposer à Mme Y un poste équivalent localisé à Limoges, était en possession de tous les éléments lui permettant de considérer qu’elle n’était pas en mesure de procéder au reclassement de la salariée à Limoges avec les mêmes qualification et attributions, de sorte qu’elle ne peut justifier du délai écoulé entre le 19 août et le 7 octobre 2015.

N’étant pas contesté que les conditions de travail ci-dessus relevées comme caractérisant le manquement de l’employeur à une de ses obligations essentielles ont perduré au cours des mois de juillet, août et septembre et jusqu’au licenciement de la salariée, il convient de considérer que la SARL LIMOGES LECLERC a manqué à son obligation de loyauté en maintenant Mme Y dans une situation qu’elle dénonçait depuis plusieurs mois sans justification.

Le second manquement invoqué par la salariée est donc établi.

Ne pas respecter d’une part, son obligation de fournir du travail à la salariée et d’autre part son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail constituent pour l’employeur des manquements graves justifiant la rupture du contrat de travail à ses torts, la SARL LIMOGES LECLERC ne pouvant utilement invoquer la régularisation de ces manquements au motif qu’elle a procédé au licenciement économique de la salariée en cours de procédure de sorte qu’à la date où le premier juge a statué ceux-ci n’étaient plus d’actualité alors que par définition le contrat n’étant plus en cours les manquements qui lui étaient reprochés étaient insusceptibles de régularisation.

Dans ces conditions, la résiliation du contrat de travail de Mme Y aux torts de la SARL LIMOGES LECLERC doit être prononcé eet le jugement confirmé sur ce point.

S’agissant des conséquences de cette résiliation qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme Y est fondée à demander la confirmation du jugement qui lui octroie la somme de 21 068,76€ à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, dont les premiers juges ont fait une juste appréciation au regard de l’ancienneté de la salariée, de son âge et de ses possibilités de retrouver un emploi.

S’agissant du préjudice moral, Mme Y justifie par ses arrêts de travail et un certificat médical que les conditions dans lesquelles s’est déroulée la relation de travail avant la rupture de son contrat ont généré un préjudice moral dont les premiers juges ont fait une juste appréciation de la réparation. Le jugement sera donc confirmé également sur ce point.

sur la demande de rappel de salaire

Il découle des motifs qui précèdent que l’employeur a failli à ses obligations en ne fournissant pas de travail à sa salariée qui l’a pourtant réclamé à plusieurs reprises et s’est maintenue à disposition de la SARL LIMOGES LECLERC au mois de juin, cette dernière n’étant pas fondée, compte tenu de son propre manquement, à lui opposer une absence injustifiée et le paiement partiel de son salaire du mois de juin. Le jugement sera donc que confirmé en ce qu’il condamne l’employeur à payer le solde

du salaire correspondant.

sur les dépens et les frais irrépétibles

La SARL LIMOGES LECLERC succombe à l’instance de sorte qu’elle doit en supporter les dépens et être condamnée à payer à Mme Y la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera quant à elle déboutée de sa demande du même chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la SARL LIMOGES LECLERC à payer à Mme Y 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL LIMOGES LECLERC de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL LIMOGES LECLERC aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

E F. G H

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Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 24 juin 2019, n° 18/00654