Cour d'appel de Lyon, 13 mai 2016, n° 15/00121

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 13 mai 2016, n° 15/00121
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/00121
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 3 décembre 2014, N° F14/00179

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 15/00121

ASSOCIATION AH-Q R

C/

B

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 04 Décembre 2014

RG : F 14/00179

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 13 MAI 2016

APPELANTE :

ASSOCIATION AH-Q R

XXX

69150 DECINES-CHARPIEU

Représentée par Me Sarah EL HAMMOUTI, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Francesco DIGIURO avocat au barreau de PARIS,

en présence de M. E X, gestionnaire intendant de l’association,

INTIMÉ :

AD B

né le XXX à XXX

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Malik NEKAA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Matthieu ALLARD, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mars 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Mai 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Michèle GULLON, Greffier en chef auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Le groupe scolaire AH-Q comprend une école primaire, un collège et un lycée. Il dispense un enseignement confessionnel musulman. Il est géré par deux associations soeurs:

l’association AH-Q R,

l’association AH-Q Pédagogie.

Quelques classes sont concernées par un contrat d’association avec l’Etat.

AD B a été engagé par l’association AH-Q R en qualité de conseiller principal d’éducation sous contrat à durée déterminée du 5 mars au 30 juin 2007.

Il a ensuite été engagé sous contrat à durée indéterminée du 4 septembre 2007 en qualité de conseiller principal d’éducation et enseignant d’espagnol.

Son contrat de travail était soumis à la convention collective nationale de l’enseignement privé hors contrat du 27 novembre 2007.

Ni le président (Nazir S) ni le vice-président (S T) de l’Association AH-Q R ne participaient à la direction quotidienne de l’établissement, le premier résidant à Istanbul et le second à Paris.

I J, qui dirigeait l’ensemble du groupe scolaire, ne pouvait lui consacrer plus de deux après-midi par semaine. Il était assisté de deux adjoints, l’un en charge du collège/lycée, l’autre de l’école primaire et de l’ingénierie éducative.

Le 1er octobre 2011, AD B a été promu directeur adjoint du collège/lycée (statut cadre) en remplacement de Neji JMAL moyennant un salaire mensuel brut de 2 673,94 €.

G H était assistante de direction et E X intendant.

I J a présenté à deux reprises sa démission. Dans sa première lettre de démission du 10 septembre 2012, il a mis en avant le fait qu’il n’était pas parvenu à endiguer les difficultés d’ordre fonctionnel et relationnel, émanant de l’équipe administrative et dépassant le simple 'qui doit faire quoi, qui commande qui’ pour mettre en péril la stabilité de l’établissement.

A dater du 19 novembre 2012, AD B a assuré l’intérim d’I J pendant le congé de maladie de celui-ci.

Dans un courriel du 12 décembre 2012, AD B a porté à la connaissance du directeur plusieurs faits démontrant le refus de G H d’exécuter des actions qu’il lui avait demandé d’effectuer en qualité de directeur adjoint.

Dans un courriel du 31 décembre 2012, AD B a fait savoir à Nazir S et à S T qu’il travaillait dans des conditions insupportables, l’établissement étant dirigé par la secrétaire qui modifiait à sa guise les décisions de la direction.

AD B a démissionné à son tour en février 2013. Il a accepté de reprendre sa démission le 18 mars 2013.

En mars 2013, Yassine A a remplacé I J dans ses fonctions de directeur du groupe scolaire.

Par lettre recommandée du 17 juin 2013, le nouveau directeur, confronté depuis son arrivée à un climat d’hostilité déclarée entre divers salariés, dont AD B faisait partie, a convoqué celui-ci le 26 juin 2013 en vue d’un entretien préalable à une sanction disciplinaire.

Par lettre recommandée du 21 juillet 2013, AD B a dénoncé à Yassine A les agissements constitutifs de harcèlement moral dont il était victime de la part de G H, assistante de direction, O D, directrice adjointe du primaire et E X intendant.

Par lettre du 25 juillet 2013, Yassine A lui a notifié qu’un avertissement avait été prévu concernant son manque d’initiative et d’implication pour mettre fin au climat de tension dans l’établissement. Cependant, par indulgence, la sanction avait été 'abrogée'.

Le 19 août 2013, Yassine A a répondu au courrier du salarié qu’une commission d’enquête de trois personnes était mise en place pour déterminer la version de tous les 'belligérants’ cités.

En retour, AD B a contesté la composition de la commission en demandant qu’elle soit formée du directeur et des délégués du personnel. Il a notamment contesté la présence en son sein d’une amie prétendue de la responsable du primaire.

Le 6 septembre 2013, K L et AF AG, délégués du personnel, ont demandé au directeur, en application de l’article L 2313-2 du code du travail, de mener une enquête conjointe avec les délégués du personnel sur les conditions de travail de AD B.

A une date indéterminée, la commission a déposé un rapport dont la conclusion est la suivante :

Dans le cas de monsieur B notre analyse des faits ne démontre aucun harcèlement moral de sa hiérarchie car non seulement la direction et la présidence lui ont permis non seulement d’évoluer au sein de l’établissement du poste de CPE a celui de directeur adjoint avec une augmentation de salaire conséquente , mais elle lui a également permis de revenir sur son poste à la suite de sa démission sans aucune retenue de salaire pendant cette période.

Concernant les faits évoqués sur son courrier il n’y a pas non plus de cas de harcèlement de la part des personnes citées. Les faits nous démontrent qu’il s’agit là plutôt de relations conflictuelles engendré par un manque de posture adéquat que l’on pourrait attendre d’un cadre. Nous notons que monsieur B n’a fait aucune formation managériale qui lui aurait permis de prendre la mesure de son poste.

Par lettre recommandée du 4 septembre 2013, l’employeur a informé AD B de ce que de sérieuses difficultés économiques le contraignaient à envisager la suppression de son poste. Il lui a proposé un reclassement dans un poste d’enseignant en espagnol (technicien, coefficient 3-B).

Le salarié n’a pas accepté cette proposition.

Par lettre recommandée du 10 septembre 2013, l’Association AH-Q R a convoqué AD B le 20 septembre 2013 en vue d’un entretien préalable à son licenciement pour motif économique.

Des avis d’arrêt de travail ont été délivrés à AD B pour la période du 13 septembre au 4 octobre 2013.

AD B a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé le 20 septembre 2013.

Par lettre recommandée du 11 octobre 2013, l’Association AH-Q R a notifié à AD B son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

Celui-ci est justifié par la réorganisation de notre direction et la suppression en conséquence du poste de directeur-adjoint que vous occupiez. Il est en effet apparu que le maintien de ce poste, créé originellement afin de pallier à la présence partielle de l’ancien chef d’établissement, ne se justifiait plus suite à l’embauche d’un directeur à temps plein. Cette supression s’inscrit par ailleurs dans la politique de l’établissement visant au recentrage de sa chaîne de commandement et au dépassement des blocages existants. Elle est également destinée à ajuster la baisse de nos charges salariales à la réalité de la chute de nos financements étrangers.

Vous avez refusé la proposition de reclassement vers un V d’enseignant qui vous a été faite.

Nous n’avons donc pas d’autre solution que de prononcer votre licenciement. […]

AD B a saisi le Conseil de prud’hommes de Lyon le 16 janvier 2014.

***

LA COUR,

Statuant sur l’appel limité interjeté le 7 janvier 2015 par l’Association AH-Q R du jugement rendu le 4 décembre 2014 par le Conseil de prud’hommes de LYON (section encadrement) qui a :

— dit et jugé que le licenciement de Monsieur AD B prononcé par l’Association AH Q R pour motif économique ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

— dit et jugé que le harcèlement moral à l’encontre de Monsieur AD B n’est pas démontré,

— fixé la moyenne mensuelle des salaires de Monsieur AD B à la somme de

2758,27 €,

— condamné l’Association AH Q R à payer à Monsieur AD B les sommes suivantes :

8 274,81 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

827,48 € au titre des congés payés afférents,

2 531,04 € au titre du solde de l’indemnité compensatrice de congés payés,

outre intérêt légaux à compter de la réception par la défenderesse de la convocation devant le Bureau de Conciliation soit le 21.01.2014,

16 600,00 € bruts au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 758,27 € au titre des dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

1 500,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

outre intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement,

— ordonné à I 'Association AH Q R de remettre à Monsieur AD B les documents de rupture rectifiés conformément au présent jugement,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— dit n’y avoir lieu qu’à exécution provisoire de droit conformément aux dispositions de l’article R1454-28 du Code du Travail,

— condamné l’Association AH Q R aux entiers dépens de l’instance, y compris les éventuels frais d’exécution forcée de la présente décision ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 17 mars 2016 par l’Association AH-Q R qui demande à la Cour de :

In limine titis :

— débouter Monsieur Y de sa demande d’irrecevabilité et dire l’appel recevable,

Vu les articles L 1152-1, L1233-3 du Code du Travail

Vu la lettre de licenciement

Vu les pièces communiquées

— dire ne pas y avoir d’harcèlement moral de la part de l’association AH Q,

— dire le licenciement causé, fondé sur une cause réelle et sérieuse économique

— débouter Monsieur B de ses entières demandes le disant mal fondé,

— condamner Monsieur B au paiement de 3 000 euros au titre de l’article l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 17 mars 2016 par AD B qui demande à la Cour de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’Association AH Q R à verser à Monsieur B les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaire) 8.724,81 €

congés payés afférents 872,48 €

reliquat d’indemnité compensatrice de congés payés 2.531,04 €

— infirmer le jugement déféré sur le quantum des autres sommes et condamner l’Association AH Q R à verser à Monsieur B les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans nul

ou, à défaut, sans cause réelle et sérieuse (18 mois) 49.648,86 €

Subsidiairement, confirmer le jugement déféré quant à la somme allouée ;

dommages et intérêts pour harcèlement (12 mois) 33.099,24 €

dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité (12 mois) 33.099,24 €

Subsidiairement, confirmer le jugement déféré quant à la somme allouée ;

dommages et intérêts pour licenciement vexatoire (6 mois) 16.549,62 €

dommages et intérêts pour violation de l’obligation

de recherche de reclassement (3 mois) 8.274,81 €

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la remise d’une fiche de paie, d’une attestation U V, d’un certificat de travail, d’un solde de tout compte rectifiés ;

— condamner l’Association AH Q R à verser à Monsieur Z la somme de 5.000€ en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— dire et juger que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil

— condamner l’Association AH Q R aux entiers dépens ;

Sur la recevabilité de l’appel :

Attendu que l’Association AH- Q R a signé le 8 décembre 2014 l’accusé de réception de la lettre recommandée par laquelle le greffe du Conseil de prud’hommes lui a notifié le jugement du 4 décembre 2014 ; que l’appel formé le 7 janvier 2015, dans le délai d’un mois prescrit par l’article R 1461-1 du code du travail, est donc recevable ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Attendu qu’aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel';'

Attendu qu’aux termes de l’article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l’application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement'; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Qu’il résulte de l’organigramme communiqué par AD B et du courriel adressé le 10 mars 2013 par le vice-président S T à l’ensemble du personnel que l’intendant et l’assistante de direction étaient placés sous l’autorité hiérarchique de AD B, chef d’établissement adjoint, qui relevait lui-même du chef d’établissement ; qu’à plusieurs reprises à compter du 10 septembre 2012, AD B a porté à la connaissance du président de l’association et du chef d’établissement le comportement de plusieurs salariés qui ne respectaient pas le principe de subordination ; qu’il s’agissait principalement de G H, assistante de direction, qui :

pratiquait la rétention d’informations et de documents,

ne faisait plus le travail qui lui était dévolu,

distribuait à sa guise le travail aux salariés,

ne prenait plus les rendez-vous du chef d’établissement adjoint,

refusait de transmettre à ce dernier les codes nécessaires pour inscrire les élèves aux examens,

dénigrait le chef d’établissement adjoint auprès des salariés et parents d’élèves ;

Que AD B a mis en cause également l’attitude de l’intendant E X et celle de la directrice de la section primaire, O D, qui s’ingérait, selon lui, dans les activités du lycée/collège ;

Qu’au soutien de ses dires, AD B communique en copie de nombreux courriels et attestations difficilement déchiffrables en raison du surlignement partiel de certains originaux, de l’écriture incertaine de nombre de scripteurs et de la qualité très médiocre des photocopies ; que ces pièces confirment cependant les griefs de l’intimé contre G H ; que leurs relations étaient déjà tendues à l’automne 2012 ; qu’en effet, rendant compte le 18 septembre 2012 au directeur I J de ce que AD B ne voulait pas affecter l’élève I.M. en classe de 6e A sans voir auparavent le directeur, l’assistante de direction a conclu son courriel en ces termes : « franchement, il m’exaspère, mais certainement plus pour longtemps » ; qu’informé d’un rendez-vous pris avec lui pour une dame TAHIR, AD B a exprime le 18 décembre 2012 le souhait d’être informé des demandes de rendez-vous au préalable, d’en connaître le motif et de choisir le moment ; que G H lui a répondu qu’elle avait cru bien faire et qu’à l’avenir, elle ne lui prendrait plus aucun rendez-vous ; qu’au sujet d’un projet de réponse négative à une demande d’inscription de l’élève S.O. en classe de 6e, I J a posé à l’assistante de direction cette question le 20 janvier 2013 : "que penses-tu de mettre AD en copie pour ce genre d’information si tu leur réponds par mail ' ' ; que le 20 février 2013, le vice-président S T a dû rappeler à G H : je n’apprécie pas le « votre » directeur adjoint, c’est également le tien ; que le 1er mai 2013, AD B a fait le constat de ce que les fiches d’émargement des conseils de classe restant ainsi que le point sur les dossiers d’inscription (nombre de demandes par niveau, nombre d’élèves déjà inscrits..), demandés le 19 mars, ne lui avaient pas été remis par le secrétariat ; que le 27 mai 2013, l’intimé s’est plaint à Yassine A d’avoir appris l’existence d’une épreuve (ASSR) par le service d’accueil de AH-Q qui avait reçu le 22 mai un assistant du collège W AA au sujet du groupe ayant passé l’ASSR 1 l’après-midi même ; qu’il a rappelé que, selon sa fiche de poste, il était le coordonnateur de l’ASSR et a demandé qui s’était chargé de l’organisation ; qu’à AD B qui lui demandait le 11 juin 2013 les fiches de présence des enseignants aux conseils de classe, G H a répondu par un courriel laconique : « vous pouvez les imprimer vous-même à partir de votre poste » ; que deux salariés attestent avoir entendu l’assistante de direction remettre en cause la compétence de AD B (K L, M N) tandis que AB AC relate un épisode au cours duquel G H, imputant à tort à AD B l’oubli d’un rendez-vous pris par l’agent d’accueil en l’absence de l’assistante de direction, avait adopté un ton accusateur envers le directeur adjoint en mettant le haut-parleur afin que le directeur puisse entendre son échange téléphonique avec AB AC ;

Que les « intentions malveillantes » prêtées à E X sont beaucoup moins caractérisées ; que AD B reproche à l’intendant de lui avoir parfois donné des ordres ; que dans un courriel du 10 juin 2013, adressé à AD B et au secrétariat, E X a demandé qu’une mise à jour des données soit effectuée sur EDT, des SMS surtaxés continuant d’être envoyés à l’étranger ; qu’après avoir pris connaissance d’un descriptif de postes rédigé par le directeur adjoint à l’intention de Pôle V, l’intendant a objecté que la diffusion des postes de COP et CPE était prématurée, aucun budget n’étant encore alloué pour le premier et le contrat du CPE se terminant seulement le 3 juillet ; que l’intimé fait état aussi d’erreurs dans une attestation de salaire de septembre 2013, de ses contrats de travail et de ses fiches de paie rectifiés non obtenus ; que l’existence de contrats de travail écrits entre AD B et l’Association AH- Q R est hypothétique ; que la nature des rectifications à apporter aux fiches de paie n’est pas précisée ;

Que AD B a été l’objet d’empiétements de la part de O D, directrice adjointe de l’école primaire ; que de nombreuses attestations font état de la présence quasi-permanente de celle-ci au collège/lycée, ce que les attributions visées dans sa fiche de mission (responsabilité de l’ingénierie pédagogique, de la mise en place des dispositifs de la réussite scolaire et de la formation) ne pouvait suffire à justifier ; que le 18 mars 2013, jour du retour de AD B, O D se trouvait en salle de réunion avec des élèves de 1re S ; que le 5 septembre 2013, O D a demandé au nouveau professeur de français (collège/lycée) de l’attendre devant le bureau de Yassine A, où elle le recevrait avec ce dernier ; que Mohamed BARCHI, conseiller principal d’éducation, rapporte un fait du 24 septembre 2013 , jour où O D s’est interposée entre lui et le nouveau professeur de technologie (6e B), retardant l’entrée des élèves afin de pouvoir se présenter comme membre de la direction ; que Tareque C, technicien de maintenance informatique, rapporte une conversation qu’il a eue avec O D au sujet de la prise de décision dans l’établissement et que celle-ci a conclue en ces termes : « de toute façon, ça va changer, tu verras » ;

Que le harcèlement moral peut résulter de l’attitude adoptée par un employeur en présence de comportements délibérés de salariés, incompatibles avec l’organisation hiérarchique de l’établissement et plaçant un cadre dans l’impossibilité d’exercer normalement les fonctions qui lui ont été confiées ; qu’ici, l’éloignement du président et, à un degré moindre, du vice-président, la présence très intermittente du précédent directeur I J, avaient été l’occasion pour certains salariés, telles O D et plus encore G H d’étendre leur territoire à l’intérieur d’un groupe scolaire où le lien hiérarchique était devenu diffus ; que l’aveu d’impuissance contenu dans le courrier de démission d’I J du 10 septembre 2012 n’a pas été l’occasion pour le conseil d’R et le bureau d’une reprise en main immédiate destinée à crever l’abcès, délimiter les responsabilités, préciser les circuits de transmission des informations, sanctionner les manquements ; que dans un contexte très difficile, AD B a pris le poste de directeur adjoint sans formation adéquate et n’a pu s’imposer ; qu’il n’a eu de cesse d’alerter sur ses difficultés ; que plusieurs réunions ont été organisées par l’employeur, notamment le 26 juin 2013, sans autre résultat que l’engagement contre AD B d’une procédure disciplinaire qui n’a pas été suivie d’une sanction ; que Yassine BENZEDA a semblé imputer à l’intimé la responsabilité du « climat d’hostilité déclarée entre divers salariés » qu’il avait constaté ; que, pour autant, la nature des comportements qui, selon le directeur, caractérisaient de la part du directeur adjoint des manquements à ses devoirs professionnels, demeure inconnue ; que la commission que l’employeur avait mise en place n’a pas davantage précisé en quoi consistait « le manque de posture adéquat » de l’intimé ; que si l’Association AH- Q R s’est abstenue de sanctionner AD B,

elle n’a pas pour autant conforté son autorité, la situation continuant de se détériorer ; que les agissements répétés de l’Association AH- Q R sous diverses formes (inertie prolongée de l’employeur face aux alertes lancées par AD B, réunions sans effet, procédure disciplinaire sans suite) ont dégradé les conditions de travail du salarié au point de la pousser à la démission dès février 2013 puis de le contraindre à cesser le travail pour raison médicale (troubles nerveux) ;

Que AD B n’est pas fondé à solliciter des dommages-intérêts distincts pour le harcèlement moral et pour la violation de l’obligation de sécurité qui ont concouru à la réalisation d’un préjudice unique ; que celui-ci justifie l’octroi au salarié d’une indemnité de 8 000 € ;

Sur le motif du licenciement :

Attendu que si l’employeur est tenu par les dispositions de l’article L 1232-6 du code du travail d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement, ces motifs ne fixent les limites du litige qu’à l’égard de l’employeur qui l’a rédigée'; qu’il appartient au juge de rechercher, lorsqu’il y est invité par le salarié, si les motifs énoncés sont la véritable cause de la rupture ;

Qu’en l’espèce, la lettre de licenciement faisant état d’une suppression d’V consécutive à une réorganisation est suffisamment motivée ;'que l’employeur fonde cette réorganisation sur les considérations suivantes :

— la raison qui avait conduit à la création du poste de directeur adjoint a disparu avec l’embauche d’un directeur à temps plein,

— la nécessité de recentrer la chaîne de commandement et de dépasser les blocages existants,

— l’ajustement des charges salariales à la chute des financements étrangers ;

Que les considérations économiques ne sont donc pas le seul motif de la réorganisation ; qu’elles sont cependant avérées, selon l’Association AH- Q R, la perte des parrainages étrangers, et les prévisions négatives en résultant, confrontant l’association à la perspective de ne plus pouvoir assumer ses engagements financiers en cours d’année ; que, certes, les 6 et 19 juillet 2013, le Groupe scolaire AH-Q avait sollicité des financeurs à Istanbul et à Dubai ; que ceux-ci avaient répondu négativement les 22 et 29 août 2013 ; que le montant des subventions demandées à ces deux financeurs n’est cependant pas connu ; que les documents comptables communiqués (bilan synthétique, compte de résultat synthétique et grand livre) sont insuffisants pour permettre de mesurer l’impact du désistement de ces financeurs sur l’équilibre des comptes ; que les recrutements d’enseignant(e), d’agent d’accueil, de C.O.P., et de conseiller principal d’éducation pour la rentrée 2013/2014, dont AD B rapporte la preuve, ne témoignent pas d’une volonté de réduire les charges salariales ; que l’Association AH- Q R n’était pas tenue d’accepter que AD B revienne sur sa démission et reprenne son poste le 18 mars 2013; que la prise de fonction de Yassine BENZEDA, nouveau directeur à temps plein, au cours du même mois aurait au contraire pu l’inciter à mettre à profit cette démission pour faire disparaître un poste d’adjoint devenu, selon elle, inutile ; que la nécessité de « dépasser les blocages existants » est le principal motif de la réorganisation, la suppression d’un poste ayant été le moyen d’éliminer une personne ; que ce licenciement, inhérent à la personne de AD B, n’a pas de caractère économique ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir des agissements répétés de

harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés';'que selon l’article L 1152-3, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2 est nul ;

Qu’en l’espèce, le licenciement de AD B procède du harcèlement moral que le salarié a subi ; qu’il est donc nul ;

Sur les conséquences de la nullité du licenciement :

Attendu que le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, d’une part, aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est au moins égal à celui prévu par l’article L 1235-3 du code du travail ;

Qu’admis au bénéfice de l’allocation de sécurisation professionnelle, AD B avait perçu 225 allocations journalières au 11 octobre 2014, suivies de 365 allocations d’aide au retour à l’V du 12 octobre 2014 au 11 octobre 2015 ; que la Cour dispose d’éléments suffisants pour fixer à la somme de 35 000 € le montant des dommages-intérêts dus à AD B en réparation de son préjudice ;

Que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement ;

Attendu qu’en l’absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents ; que seules les sommes éventuellement versées par l’employeur au salarié peuvent être déduites de la créance au titre de l’indemnité de préavis, et non celles versées à Pôle V ;

Qu’en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’Association AH- Q R à payer à AD B une indemnité de préavis de 8 274,81 € et une indemnité de congés payés afférente de 827,48 € ;

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

Attendu que l’Association AH- Q R ne saisit la Cour d’aucun moyen contre la disposition du jugement qui l’a condamnée à payer à AD B la somme de 2 531,04 € à titre d’indemnité de congés payés ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire :

Attendu que AD B ne caractérise aucun fait distinct du harcèlement moral retenu par la Cour, de nature à conférer un caractère vexatoire au licenciement et à justifier l’octroi à AD B de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice moral ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l’appel, régulier en la forme,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

— condamné l’Association AH- Q R à payer à AD B les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis 8 274,81 €

congés payés afférents 827,48 €

solde d’indemnité compensatrice de congés payés 2 531,04 €

avec intérêts légaux à compter du 21 janvier 2014,

article l’article 700 du code de procédure civile 1 500,00 €

avec intérêts légaux à compter du prononcé du jugement,

— débouté AD B de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

— condamné l’Association AH- Q R aux dépens de première instance;

Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que AD B a été victime de harcèlement moral,

En conséquence, condamne l’Association AH- Q R à payer à AD B la somme de huit mille euros (8 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Dit que le licenciement de AD B par l’Association AH- Q R est nul,

En conséquence, condamne l’Association AH- Q R à payer à AD B la somme de trente-cinq mille euros (35 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Dit que les dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, relatives au remboursement par l’employeur à Pôle V des indemnités de chômage versées au salarié, ne sont pas applicables,

Dit que les sommes allouées par le présent arrêt supporteront, s’il y a lieu, les cotisations et contributions sociales,

Ordonne à l’Association AH- Q R de remettre à AD B des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle V, conformes au présent arrêt,

Déboute AD B du surplus de ses demandes ;

Y ajoutant :

Condamne l’Association AH- Q R aux dépens d’appel,

Condamne l’Association AH- Q R à payer à AD B la somme de deux mille euros (2 000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la Cour.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Michèle GULLON Michel SORNAY

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Cour d'appel de Lyon, 13 mai 2016, n° 15/00121