Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 27 octobre 2020, n° 20/01306

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 27 oct. 2020, n° 20/01306
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 20/01306
Décision précédente : Tribunal d'instance de Lyon, 16 décembre 2019, N° 12-19-0216
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 20/01306

N° Portalis DBVX-V-B7E-M34I

Décision du

Tribunal d’Instance de LYON

Référé

du 17 décembre 2019

RG : 12-19-0216

X

C/

S.A. ALLIADE HABITAT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2020

APPELANTE :

Mme Z X

[…]

[…]

Représentée par Me Catherine GAUTHIER de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T 713

INTIMÉE :

S.A. ALLIADE HABITAT représentée par son Directeur Général en exercice, audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Fabienne DE FILIPPIS, avocat au barreau de LYON, toque : 218

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 30 Septembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Octobre 2020

Date de mise à disposition : 27 Octobre 2020

Audience tenue par Karen STELLA, conseiller faisant fonction de président, et B C, vice-président placé près le premier président de la cour d’appel de LYON, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, B C a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Karen STELLA, conseiller faisant fonction de président

— Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

— B C, vice-président placé près le premier président de la cour d’appel de LYON, délégué par ordonnance du 31 août 2020 pour exercer les fonctions de conseiller de la cour d’appel de Lyon, affecté à la 8e chambre civile

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Karen STELLA, conseiller faisant fonction de président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Par acte d’huissier de justice en date du 4 novembre 2019, la société Alliade Habitat a fait délivrer assignation à Z X devant le juge des référés du tribunal d’instance de Lyon aux fins de voir constater son occupation sans droit ni titre du local, situé […] et voir ordonner son expulsion.

Par ordonnance du 17 décembre 2019, le juge des référés du tribunal d’instance de Lyon a :

• constaté que Z X est entrée et se maintient par voie de fait dans la propriété de la SA D’HLM Alliade Habitat sise […], porte 6 au deuxième étage,

• dit en conséquence que le délai de deux mois de l’article L412-1 du Code de procédure civile d’exécution ne peut trouver application,

• débouté la SA Alliade Habitat de sa demande de suppression du délai de l’article L312-6 alinéa 3 du Code de procédure civile d’exécution,

• à l’issue de la période de trêve hivernale, autorisé la société Alliade Habitat à faire procéder à l’expulsion de Z X de ces lieux, ainsi qu’à celle de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique et d’un huissier de justice si besoin est,

• dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile d’exécution,

• condamné Z X aux dépens qui comprendront le coût du procès-verbal du 14 juin 2019.

* * * * * * *

Selon déclaration d’appel par voie électronique du 18 février 2020 enregistrée sous le n°20/00936 Z X a interjeté appel total de ce jugement en ce qu’il a :

• constaté qu’elle est entrée et se maintient par voie de fait dans la propriété de la SA D’HLM Alliade Habitat sise […], porte 6 au deuxième étage,

• dit en conséquence que le délai de deux mois de l’article L412-1 du Code de procédure civile d’exécution ne peut trouver application,

• à l’issue de la période de trêve hivernale, autorisé la société Alliade Habitat à faire procéder à son expulsion de ces lieux, ainsi qu’à celle de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique et d’un huissier de justice si besoin est,

• l’a condamnée aux dépens qui comprendront le coût du procès-verbal du 14 juin 2019.

* * * * * * *

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2020, D X demande à la Cour d’appel, sur le fondement des articles L 412-1 et L 412-2 du Code de la construction et L 1244-1 du Code civil de :

• réformer l’ordonnance rendue le 17 décembre 2019 par le tribunal d’instance de Lyon en ce qu’elle constate qu’elle est entrée et se maintient par voie de fait dans le local situé 13, rue de la Villette, […] et qu’à l’issue de la période de trêve hivernale, le bailleur peut procéder à son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique et d’un huissier de justice si besoin est,

• débouter la société Alliade Habitat de l’ensemble de ses demandes.

Pour contester toute occupation sans droit ni titre du local, elle soutient que :

• elle bénéficie d’un bail régularisé avec E Y par acte sous seing privé du 1er août 2017,

• ce dernier venait récupérer le loyer et lui délivrer quittance, mais qu’il ne se présente plus à son domicile,

• elle est victime d’une escroquerie et n’a commis aucune voie de fait puisque la preuve de l’effraction n’est pas rapportée, qu’elle justifie d’un bail pour lequel elle perçoit des prestations sociales et que l’assistante sociale a eu l’occasion de se rendre à plusieurs reprises dans ce local,

Elle sollicite un délai de 3 ans et subsidiairement de 5 mois pour quitter les lieux, en faisant valoir qu’elle est mère de trois enfants âgés de 1 an à 11 ans, qu’elle bénéficie du revenu de solidarité et des allocations familiales et qu’elle a formulé une demande de logement social dans le cadre du dispositif DALO.

* * * * * * *

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2020, la société Alliade Habitat demande à la Cour d’appel de :

• débouter Z X de l’intégralité de ses demandes et prétentions,

• confirmer l’ordonnance de référé rendue le 17 décembre 2019 par le Président du tribunal d’instance de Lyon entreprise sauf sur les chefs suivants qui seront infirmés en ce qu’il la déboutée de sa demande en suppression du bénéfice de la trêve hivernale prévue à l’article L 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution,

Et statuant au lieu et place :

• supprimer le bénéfice du sursis à expulsion du fait de la période hivernale prévu au premier alinéa de l’article L 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution en application du dernier alinéa de l’article L 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution,

• l’autoriser à faire procéder à l’expulsion immédiate de Z X de ces lieux, ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un huissier de justice si besoin est,

Et en conséquence

• confirmer le surplus de l’ordonnance de référé rendue le 17 décembre 2019 par le Président du tribunal d’instance de Lyon entreprise et donc :

• constater que Z X est entrée et se maintient par voie de fait dans sa propriété sise […], […] porte 6 au 2e étage,

• dire en conséquence que le délai de deux mois de l’article L 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution ne peut trouver application,

• condamner Z X aux dépens qui comprendront le coût du procès-verbal du 14/06/2019,

A titre subsidiaire si par impossible la Cour ne confirmait pas l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit que le délai de deux mois de l’article L 412-1 du code des procédures civiles ne peut trouver application alors supprimer le délai de deux mois de l’article L 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution

Y ajoutant dans tous les cas,

• condamner Z X à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

• condamner Z X à supporter les entiers dépens tant de première instance comprenant le coût du procès-verbal du 14 juin 2019 que les dépens d’appel, ces derniers distraits au profit de Maître Fabienne De Filipis avocat sur son affirmation de droit,

Pour caractériser la voie de fait reprochée à Madame X, elle expose que :

• Madame X est entrée dans les lieux par voie de fait, sans autorisation et par effraction comme en atteste le constat d’huissier qui relève que la porte d’entrée a été forcée et présente

des dégradations au bas de la porte sur laquelle apparaissent des traces de frottements profondes de la peinture et des impacts laissant apparaître le métal et sur le montant gauche de l’encadrement de porte en zone écaillée, à la jointure avec l’embrasure,

• elle a changé la serrure de la porte d’entrée,

• Madame X n’a jamais conclu de contrat avec Monsieur Y, lequel n’existe pas, puisqu’elle a fabriqué le contrat et les quittances de loyer pour les besoins de la cause, et qu’elle n’est pas en mesure de justifier des paiements de loyers,

Au soutien de sa demande de suppression du délai de 2 mois pour quitter les lieux, elle expose que ce délai de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ne s’applique pas dans la mesure où l’occupation des lieux est la conséquence d’une voie de fait.

Au soutien de sa demande de suppression du délai de la trêve hivernale, elle fait valoir que :

• postérieurement à l’ordonnance de référé, Madame X a pu bénéficier pendant le cours de la procédure d’appel de la trêve hivernale du 1er novembre 2019 au 31 mars 2020, prolongée au 31 mai 2020 du fait des mesures exceptionnelles prises ensuite de la propagation du COVID 19, de sorte qu’au jour où l’arrêt sera rendu, Madame X aura déjà bénéficié d’un long délai pour quitter les lieux,

• elle ne justifie d’aucune diligence dans la recherche d’un nouveau logement et perçoit indument des allocations logement sur la base de fausses déclarations.

* * * * * * *

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2020.

A l’audience, les conseils des parties ont fait leurs observations et remis leurs dossiers. Puis l’affaire a été mise en délibéré au 27 octobre 2020.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu au préalable de rappeler qu’aux termes de l’article 954, alinéa 2 du Code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En conséquence, la Cour n’est pas saisie d’une demande d’octroi de délais pour quitter les lieux, de la part de Z X, cette prétention n’étant pas formulée au dispositif de ses conclusions.

1) Sur la demande d’expulsion

Le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant au propriétaire d’obtenir en référé l’expulsion des occupants.

En l’espèce Z X prétend occuper l’appartement situé […] à Lyon en vertu d’un bail régularisé le 1er août 2017 avec E Y, lequel l’aurait trompé sur la réalité de sa qualité de propriétaire.

Néanmoins, si l’appelante se dit victime d’une escroquerie, elle ne justifie d’aucune plainte à l’encontre de son prétendu bailleur, qu’elle n’a au demeurant jamais attrait dans la cause et se révèle incapable de fournir le moindre élément permettant d’attester de la réalité de son existence.

Elle ne justifie pas davantage du moindre paiement effectué au profit de ce dernier mais se prévaut uniquement de déclarations vagues et non circonstanciées aux termes desquelles E Y serait venu régulièrement dans l’appartement pour obtenir le prix du loyer avant de subitement ne plus paraître au domicile, ainsi que de quittances insuffisantes pour faire la preuve de ces paiements.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments, que Z X, qui a pris possession de l’appartement sis […] à Lyon, sans avoir obtenu l’autorisation de la société Alliade Habitat, propriétaire des lieux, en s’y maintenant grâce notamment au changement de la serrure, en connaissance de l’absence de tout droit à occuper ces lieux, a commis une voie de fait.

Ainsi Z X occupe sans droit ni titre l’appartement situé […] à Lyon 3e arrondissement et appartenant à la société Alliade Habitat, de sorte que cette dernière est bien fondée à obtenir l’autorisation de faire procéder à son expulsion. Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance déférée de ce chef.

2) Sur le délai de l’article L 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution

Le bénéfice du délai de deux mois prévu par l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution est supprimé de plein droit lorsque l’occupation des lieux sans droit ni titre résulte d’une voie de fait. En conséquence il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit que le délai de deux mois de l’article L 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution ne peut trouver application.

3) Sur la suppression du bénéfice du suris à expulsion du fait de la trêve hivernale

Conformément à l’article L 412-6 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution, le sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante ne s’applique pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voie de fait. Par ailleurs, en application de l’alinéa 3 de ce texte, le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice de ce sursis lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l’aide d’une voie de fait.

La situation de Madame X relève de l’article 412-6 alinéa 3 du Code des procédures civiles d’exécution, les locaux litigieux n’étant pas le domicile personnel ou professionnel de l’intimée.

En l’espèce, si Madame X est mère de trois enfants âgés de 1 an à 11 ans, elle bénéfice d’un revenu mensuel de 1661,67 € au titre de prestations sociales et familiales, lui permettant d’accéder au logement, et en particulier d’être éligible à un logement social. Par ailleurs, l’appelante qui se maintient sans droit ni titre dans les locaux de la société Alliade Habitat depuis 3 ans, a déjà bénéficié du sursis de la trêve hivernale entre le 1er novembre 2019 et le 31 mars 2020, prolongé au 31 mai 2020 dans le cadre des dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire. En considération de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de supprimer le bénéfice du sursis de l’article L 412-6 alinéa 1er du Code des procédures civiles d’exécution, Madame X ayant déjà bénéficié de larges délais pour libérer les lieux.

4) Sur l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

L’équité commande au regard des circonstances de la présente affaire laisser à chaque partie la charge de ses frais exposés au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel.

Z X, partie perdante doit être condamnée aux entiers dépens d’appel, à l’exclusion du coût du procès verbal du 14 juin 2019, les émoluments des officiers publics et ministériels relevant des frais irrépétibles conformément à l’article 695 du Code de procédure civile. Il convient en outre

de confirmer l’ordonnance déférée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a autorisé la société Alliade habitat à faire procéder à l’expulsion de Z X de l’appartement sis, […], ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un huissier de justice si besoin est,

Confirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit que le délai de deux mois de l’article L 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution ne peut trouver application,

Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a accordé à Z X le bénéfice de la trêve hivernale,

Et statuant à nouveau,

Supprime le bénéfice du sursis à expulsion durant la trêve hivernale,

Autorise la société Alliade habitat à faire procéder sans délai à l’expulsion de Z X de l’appartement sis […], ainsi qu’à celle de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique et d’un huissier de justice si besoin est,

Laisse à chaque partie la charge de ses frais exposés au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d’appel,

Confirme l’ordonnance déférée sur les frais irrépétibles,

Condamne Z X aux entiers dépens d’appel, à l’exclusion du coût du procès verbal du 14 juin 2019, les émoluments des officiers publics et ministériels relevant des frais irrépétibles conformément à l’article 695 du Code de procédure civile,

Confirme l’ordonnance déférée sur les dépens de première instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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