Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 9 janvier 2020, n° 18/03155

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 6e ch., 9 janv. 2020, n° 18/03155
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/03155
Décision précédente : Tribunal d'instance de Trévoux, 25 février 2018, N° 1116-285
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/03155

N° Portalis DBVX-V-B7C-LVQE

Décision du

Tribunal d’Instance de TREVOUX

Au fond

du 26 février 2018

RG : 11 16-285

X H-I

C/

Z A

C B

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6e Chambre

ARRÊT DU 09 JANVIER 2020

APPELANT :

M. H-I X

[…]

[…]

Représenté par la SCP BALAS & METRAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 773

INTIMÉS :

Mme A Z

151 route de Bourg Saint-Christophe

[…]

M. B C

151 route de Bourg Saint-Christophe

[…]

Représentés par Me Raphaël BERGER, avocat au barreau de LYON, toque : 2167

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 03 Septembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Novembre 2019

Date de mise à disposition : 09 Janvier 2020

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Dominique BOISSELET, président

— Catherine CLERC, conseiller

— Karen STELLA, conseiller

assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l’audience, Karen STELLA a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le couple C-Z est propriétaire d’une maison sise 151 route de Bourg Saint-Christophe à […]. H-I X est propriétaire du tènement voisin. Les parcelles sont séparées par un muret surplombé d’un grillage et d’un brise-vue. Sur le fonds de Monsieur X, sur toute la longueur de la limite séparative, une haie d’arbres débordant sur le tènement Z jouxtait la clôture. Il a refusé de l’élaguer malgré les tentatives de trouver une solution amiable y compris devant un conciliateur de justice.

Par acte du 27 octobre 2016, les consorts C-Z l’ont assigné ainsi que Madame Y devant le tribunal d’instance de Trévoux aux fins de faire cesser le trouble anormal de voisinage en obtenant leur condamnation, sous exécution provisoire et sous astreinte de 250 euros par jour de retard à élaguer les arbres en limite de propriété outre 1 000 euros en réparation de leur préjudice et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens incluant les frais du constat d’huissier d’un montant de 444,74 euros.

Ils ont augmenté leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 500 euros et ont sollicité le rejet des prétentions adverses.

Monsieur X a demandé la mise hors de cause de D Y qui n’est pas propriétaire de l’immeuble litigieux. Il a soulevé la prescription trentenaire pour s’opposer à la demande d’élagage. Il a demandé, à titre subsidiaire, de lui donner acte de ce qu’il arrachera les arbres car l’élagage n’est pas possible

eu égard à l’essence spécifique d’arbres à tige haute. Il a formulé une demande reconventionnelle aux fins de destruction sous astreinte de 250 euros par jour de retard de la terrasse des demandeurs. Selon lui, ses arbres, qu’il n’a pas d’autres choix que de les arracher, lui permettaient de ne pas souffrir de la vue que ses voisins ont créé directement sur sa propriété en construisant sans autorisation d’urbanisme en 2016 une terrasse surélevée de 1m80 par rapport au terrain naturel et à moins de 1,90 mètre de la limite de propriété, en violation de l’article 678 du code civil. A titre plus subsidiaire, il a sollicité une expertise judiciaire pour vérifier la hauteur de l’extension de la terrasse et mesurer la distance de cette extension au regard de la limite séparative des deux fonds. A défaut, a été sollicitée la condamnation des demandeurs à lui payer 3 000 euros de dommages et intérêts au titre du trouble anormal de voisinage résultant des vues plongeantes sur son fonds outre 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon jugement contradictoire, en premier ressort du 26 février 2018, le tribunal d’instance de Trévoux a':

• mis hors de cause D Y qui n’a pas la qualité de propriétaire

• condamné Monsieur X à élaguer ses arbres pour qu’ils ne dépassent pas la hauteur de 2 mètres et pour qu’aucune branche n’avance sur la propriété de ses voisins à moins qu’il ne préfère les couper,

• débouté les demandeurs du surplus de leurs prétentions

• rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur X et l’a condamné à payer aux consorts C-Z la somme de 400 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens, en ce non compris les frais du constat d’huissier du 23 août 2016

• dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Selon le premier juge, le point de départ de la prescription trentenaire pour s’opposer à l’application de l’article 672 n’est pas la date de plantation des arbres mais la date à laquelle ils ont dépassé la hauteur maximum permise. Le plan de division cadastrale produit par le défendeur ne comporte pas de date et aucun élément ne permet de s’assurer que les arbres litigieux sont ceux qui figurent sur le plan. Les deux attestations produites, l’une d’un paysagiste qui date d’environ 30 ans les arbres au regard de leur hauteur et de la circonférence de leurs troncs respectifs et celle de l’ancien propriétaire de la maison des demandeurs selon lequel en 1996 les arbres existaient depuis plus de 15 ans, tendent à prouver que les arbres auraient été plantés en 1981 au moins, ce qui n’établit pas qu’ils auraient à cette date et avant le 27 octobre 1986 dépassé la taille des deux mètres. La prescription trentenaire n’est pas démontrée. Or, en plus de dépasser les deux mètres, ces arbres avancent sur le fonds voisin de sorte que les demandeurs sont fondés à demander que les branches soient coupées au titre des articles 671, 672 et 673 du code civil et les arbres élagués. Le premier juge a considéré en revanche qu’il n’apparaissait pas utile de prévoir une astreinte.

S’agissant du trouble anormal du voisinage causé par les arbres car feuilles et brindilles tombent envahissent la propriété du couple C-Z engorgeant la grille d’évacuation de leur petite dépendance en salissant la terrasse et les panneaux photovoltaïques, il est versé un constat d’huissier et des photographies outre des devis de nettoyage de la terrasse et des panneaux. Or, les demandeurs vivent en milieu rural avec une végétation abondante qui n’est pas le fait exclusif de leur voisin X. La chute de feuilles est inévitable durant toute l’année notamment à l’automne et à la fin de l’été en période sèche ce qui était le cas au moment de l’établissement du constat. Les devis produits correspondent à un entretien normal d’une terrasse et de panneaux photovoltaïques sans permettre d’établir un lien entre ces salissures et les arbres du défendeur. Il est également déploré une privation d’ensoleillement, leur maison passant à l’ombre très vite dans la journée empêchant le rendement maximum des panneaux photovoltaïques. Pour autant, ces allégations ne sont pas étayées notamment pas par une mesure comparée fiable de perte de productivité. D’ailleurs une photographie figurant dans le constat d’huissier démontre que l’ombre des arbres sur leur toit en fin d’après-midi ne couvre pas les panneaux solaires.

S’agissant de la terrasse du couple C-Z et du respect de l’article 678 du code civil en matière de vues sur le fonds annexe, les demandeurs prouvent qu’ils n’avaient pas besoin d’une déclaration ou d’un permis de construire car il s’agit d’une terrasse de plain-pied non surélevée. Le défendeur n’établit pas que la construction de l’extension ait nécessité un rehaussement du terrain alors qu’une terrasse existait déjà depuis

plusieurs décennies à un niveau de terrain plus élevé au niveau de la limite séparative en raison d’une pente naturelle. Il n’établit pas non plus que l’absence des arbres crée une vue sur son terrain car la limite séparative n’est pas constituée de la seule haie mais également par un muret surplombé d’un grillage avec pare-vue. Monsieur X pourrait également replanter une haie conforme.

Appel a été interjeté par déclaration électronique le 24 avril 2018 par le conseil de H-I X limité au rejet de sa demande reconventionnelle s’agissant de la terrasse, de la mesure d’expertise judiciaire, de sa demande indemnitaire et au titre des frais irrépétibles.

Suivant ses dernières conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 20 mai 2019, H-I X demande à la Cour de :

• le déclarer recevable en son appel et bien fondé

• réformer le jugement sur le rejet de sa demande reconventionnelle au titre des vues

• condamner les consorts C-Z à détruire sous astreinte de 250 euros par jour de retard dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir l’extension de leur terrasse et à remettre le terrain dans son état d’origine avant la création de cette extension.

• A défaut, les condamner à lui payer 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du trouble anormal de voisinage résultant des vues plongeantes sur son fonds depuis leur terrasse avec intérêts légaux

• A titre subsidiaire, ordonner une mesure d’instruction afin de vérifier la hauteur de l’extension de la terrasse par rapport au terrain naturel et de mesurer la distance de cette extension au regard de la limite séparative des deux fonds puis donner un avis sur les préjudices subis notamment en termes de vues

• débouter les intimés de l’intégralité de leurs demandes

• les condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Il précise qu’il a acquis son terrain à Beligneux par acte du 10 mai 2011. Ses voisins ont acquis le fonds voisin en 2013. En 2016, ils ont prolongé la terrasse dallée qui existait devant la façade Nord-Ouest du bâtiment principal par une dalle de béton au Sud-Ouest et au Nord-Est de leur terrain. Un muret mitoyen rehaussé d’un grillage sépare les deux fonds. Les terrains sont en pente dans le sens Sud-Ouest/Nord-Est. L’ancien plan cadastral fait clairement figurer les plantations d’arbres entre les deux parcelles dont des arbres de type chêne, frêne, érables. Cette haie d’arbres avait non seulement un attrait paysager mais permettait aussi de masquer la maison de ses voisins et la vue exercée sur son fonds depuis l’extension de leur terrasse en surplomb. Compte tenu du jugement déféré, il s’est exécuté et a conformément à son annonce, coupé la haie. Il verse un plan topographique établi le 10 juillet 2018 par le cabinet Altea géomètre expert outre une coupe transversale des lieux. Le premier juge a eu un raisonnement erroné s’agissant de la terrasse. La haie a été supprimée car elle ne respectait pas les distances légales. La plantation d’une nouvelle haie à la distance réglementaire ne supprimera pas la vue créée illégalement sur son fonds en 2016.

En application de l’article 678 du code civil qui s’applique aux terrasses, les vues plongeantes sont interdites et constituent un trouble anormal de voisinage. Les mesures du géomètre confirment que les deux terrains sont en pente et que l’extension de la terrasse d’origine n’a pu se faire au Nord-Ouest du bâtiment qu’en créant une surélévation par rapport au terrain naturel. La terrasse ancienne qui était limitée à la façade Nord-Ouest n’était pas édifiée sur une hauteur de trois rangées de moellons comme pour l’extension qui surplombe son fonds. Comme il existe une pente naturelle, les voisins ont nécessairement dû créer une surélévation pour que l’extension soit au même niveau que la terrasse d’origine. La pente naturelle n’est pas dans le sens Ouest-Est comme l’a cru le tribunal mais dans le sens Sud-Ouest/Nord-Est. Le plan de coupe relève au droit du bâtiment un dénivelé de 0,93 m entre le sol de la terrasse et la base du muret de clôture. Au Nord-Est du bâtiment, à proximité de la maison X, le dénivelé est plus accentué : la murette est de 0,55 m de hauteur et le grillage de 1,20 m, le haute du grillage actuel séparant les deux fonds dépasse à peine le sol de la terrasse litigieuse. Les mesures du géomètre confirment aussi que l’extension ne respecte pas la distance de prospect de 1,90 m prévue à l’article 678 du code civil à l’endroit le plus proche, l’extension se trouve à 1 m seulement de la limite. Les photographies qu’il a prises après l’abattage de la haie montrent que le pare-vue n’a aucune

utilité par rapport à la hauteur de la terrasse. Ses voisins ne peuvent se prévaloir de l’avis des services de la mairie selon lequel l’extension aurait constitué une terrasse de plain-pied non surélevée car une autorisation d’urbanisme est toujours délivrée sous réserve du droit des tiers et que le droit de l’urbanisme ne tient pas compte des règles du code civil notamment les règles de prospect. L’attestation de la mairie de Beligneux établie a posteriori confirme l’absence de toute démarche préalable à la réalisation des travaux litigieux en 2016. La mairie a estimé à tort qu’il s’agissait d’une terrasse non surélevée sur le fondement des seules déclarations de ses voisins sans procéder à des vérifications par rapport à la pente naturelle et à la distance de prospect. L’extension n’est pas de plain-pied mais surélevée par rapport au terrain naturel. Ses voisins s’opposent à la demande subsidiaire d’expertise et sollicitent que le rapport du géomètre Altea ne leur soit pas opposable mais ils n’ont pas contesté les mesures effectuées. Il a versé des pièces suffisantes pour étayer ses allégations et obtenir une mesure d’instruction. Son action n’est pas atteinte par la prescription contrairement à ce que soutient le couple C-Z. Ils n’ont pas soulevé cette prétention dans leurs conclusions n°2. Son action n’est fondée que sur l’extension en 2016 et pas sur la terrasse figurant dans l’acte de vente en 2013. Seule cette extension a créé une vue irrégulière. L’extension a été faite plus au Sud vers l’abri de jardin et plus au Nord vers la maison X. Ils ont reconnu qu’ils avaient prolongé la terrasse mais sans toucher à la hauteur du terrain naturel. Ils prétendent ne pas avoir créé de vue car ils n’ont pas surélevé leur terrain. Or, compte tenu de la déclivité du terrain, la prolongation de la terrasse au même niveau que la terrasse d’origine a nécessairement constitué une surélévation par rapport au fonds voisin. Elle est parfaitement visible depuis son fonds et est constituée par au moins trois rangées de moellons d’une hauteur de 25 cm soit 75 cm. Il ne leur fait pas grief d’avoir modifié le terrain naturel mais d’avoir construit sur le terrain naturel et prolongé la terrasse en surélévation par rapport au terrain naturel ce qui a eu pour effet de créer dans la bande des, 90 m une saillie au sens de l’article 678 du code civil ce qui permet une vue droite sur son fonds. Ces travaux datent de 2016. Ses voisins se prévalent d’une ancienne ouverture mais rien ne prouve qu’il s’agissait d’une porte accessible par le terrain. S’agissant de la fosse sceptique et du bac à graisse qui seraient implantés sous la terrasse litigieuse, cela n’a aucune incidence car la terrasse elle-même fait bien saillie dans la limite de l’article 678 du code civil.

Enfin, sur le fait qu’il a découpé le brise-vue, il fait valoir que la coupe de la haie a mis en évidence qu’il n’était plus fixé sur sa partie haute au delà du grillage et s’affaissait de manière peu esthétique. Il a ôté la partie du brise-vue qui dépassait du grillage et battait au vent. Il l’a expliqué dans une réponse du 10 juillet 2018. Ces explications sont étayées par les photographies de ses voisins. L’infraction à l’article 678 du code civil existe indépendamment de l’existence ou non d’un brise-vue. L’extension de la terrasse a été bâtie dans la bande des 1,90 m et permet l’exercice d’une vue droite alors que le niveau du sol de la terrasse est au niveau du sommet du grillage. Le brise-vue n’est pas utile compte tenu de la hauteur de l’extension de la terrasse.

Suivant ses conclusions dites d’intimé n°2 notifiées par voie électronique le 21 mars 2019, A Z et B C demandent à la Cour de :

• confirmer le jugement déféré,

• débouter Monsieur X de ses fins, moyens et prétentions,

• le condamner à leur payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

• le condamner avec Madame Y aux entiers dépens y compris les frais du constat d’huissier d’un montant de 444,74 euros lesquels seront distraits au profit Maître Raphaël Berger avocat sur son affirmation de droit.

Ils font valoir que Monsieur X a procédé à l’arrachage des arbres selon son choix et non à leur élagage. Il n’établit nullement qu’il était nécessaire de les arracher. Ils avaient tenté amiablement à lui permettre un élagage à 4 mètres. Il existe toujours un muret, un grillage et un brise-vue. En dépit de l’arrachage des arbres, les photographies démontrent que cela n’a pas créé de vue en raison du brise-vue. Or, le 18 juin 2018, il a volontairement abaissé le niveau du brise-vue de 30 cm pour créer la vue litigieuse. Ce brise-vue empêchait la vue entre les deux fonds. Un courrier entre avocats a fait état de ce comportement déraisonnable. Contrairement à ce qu’il tente de faire croire, le grillage et le brise-vue ne nécessitaient pas de

rabotage. Il s’agit d’une clôture mitoyenne qui nécessitait d’ailleurs leur accord. Monsieur X a tenté de volontairement créer une vue droite entre les deux fonds. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Il a ensuite fait intervenir à ses frais la société Altea Experts le 20 juin 2018. Il ne s’agit pas d’une pièce contradictoire elle a été réalisée de manière privée à ses frais. Les mesures sont imprécises ayant été faites à partir de limites présumées et sans pénétration sur la propriété voisine. Il n’est même pas fait mention de brise-vue en limite de propriété. Au surplus, si l’existence d’une vue était établie, il faudrait prouver qu’elle est irrégulière. Les mesures de ce rapport non contradictoire ne peut faire preuve. En outre, Monsieur X est prescrit dans son action. Cela n’est pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau déjà débattu en première instance. Cette terrasse existait déjà en 2013 dans l’acte de vente. Ils l’ont seulement prolongée sans toucher à la hauteur du terrain naturel. L’abri de jardin et la maison datent des années 60. Les travaux d’extension n’ont pas eu pour effet de créer une vue car ils n’ont pas surélevé leur terrain. Ils sont conformes aux règles du PLU et ne nécessitaient pas d’autorisation d’urbanisme ainsi qu’en a attesté la mairie de Beligneux pour une terrasse de plain-pied non surélevée. Lors des travaux d’aménagement en 2016, ils ont condamné une porte qui donnait sur la partie Nord de la terrasse. Elle démontre qu’ils n’ont pas touché au terrain naturel sur toute la surface de leur terrasse. Il n’y a pas eu de vue plus incommodante que celle qui existait naturellement au niveau de la ligne séparative entre les deux fonds car leur fonds était situé en amont de celui de leur voisin. Pour recouvrir le bac à graisse et la fosse sceptique, ils n’ont pas non plus touché au niveau du terrain naturel. S’il existe une vue, elle existe depuis les années 60 depuis plus de trente ans et, à défaut, il existe une servitude de vue depuis plus de trente ans. Il ne peut exister de trouble anormal de voisinage. La demande indemnitaire est particulièrement infondée et disproportionnée, la terrasse ne donnant que sur son chemin d’accès situé à plusieurs dizaines de mètres de sa maison et de sa piscine. Il s’opposent à une mesure d’instruction car elle ne peut suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve et que l’action au fond n’a aucune chance de prospérer notamment en raison de la prescription.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2019 et les plaidoiries fixées au 26 novembre 2019 à 13H30.

A l’audience, les conseils des parties ont plaidé et déposé leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 9 janvier 2020.

MOTIFS

sur la recevabilité de l’appel limité de Monsieur X

La recevabilité de cet appel n’a pas été contesté. Interjeté dans les formes et délais légaux, l’appel de Monsieur X est recevable.

sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Monsieur X

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut du droit d’agir notamment en raison de la prescription de son action. Selon l’article 123 du même code, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause. Aucun grief n’est à prouver.

Ainsi, le moyen tiré de la prescription de l’action de Monsieur X est recevable en ce qu’il ne s’agit pas d’une prétention nouvelle mais d’une fin de non-recevoir qui peut être proposée en tout état de cause y compris pour la première fois en appel dans un dernier jeu de conclusions.

Pour autant, comme l’a fait observer Monsieur X, son action au titre des vues, n’est fondée que sur les conséquences dommageables pour lui liées à l’extension de la terrasse de ses voisins en 2016 et pas sur la terrasse figurant dans leur acte de vente en 2013. Seule cette extension, dont la réalisation par prolongation de l’existant, n’est pas contestée, a créé la situation dont se plaint Monsieur X. Ainsi, en exposant sa demande pour la première fois à l’audience du 15 janvier 2018, Monsieur X n’est pas prescrit en son action.

La Cour rejette la fin de non-recevoir présentée par la consorts C-Z au titre de la prescription de l’action de Monsieur X.

sur la régularité de l’extension de la terrasse des consorts C-Z

En application de l’article 678 du code civil « on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d’aspect ni balcons ou autres semblables saillies sur l’héritage clos ou non clos de son voisin, s’il n’y a dix neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s’exerce la vue ne soit déjà grevé au profit du fonds qui en bénéficie d’une servitude de passage faisant obstacle à l’édification de construction ». Les terrasses sont soumises à ces dispositions.

Une vue droite est constituée par une ouverture de type perron, balcon, plate-forte, terrasse, lucarne, fenêtre… qui fictivement prolongée dans la direction de son axe atteint le fonds voisin.

Cette vue parallèle au fonds voisin n’est autorisée que si elle respecte une distance de 1,90 mètre à compter de la ligne extérieure dans l’hypothèse d’une terrasse.

Les servitudes de vue existantes ne doivent pas être aggravées.

Le voisin qui se plaint d’une vue peut être déchu de tout recours par le jeu de la prescription acquisitive car à l’issue de trente ans de possession paisible sans contestation, le propriétaire de la saillie acquiert de plein droit une servitude de vue sur le fond de son voisin. Si les distances légales sont respectées, le voisin qui se dit lésé peut envisager un recours sur le fondement des troubles anormaux du voisinage s’il fait état d’une privation de la jouissance paisible de son droit de propriété.

La Cour observe que Monsieur X fait grief à ses voisins de ne pas avoir respecté les distances légales de l’article 678 du code civil pour obtenir sous astreinte leur condamnation à détruire leur extension de terrasse et remettre le terrain en l’état initial mais il a également sollicité des dommages et intérêts en raison des troubles anormaux du voisinage que cette ouvrage lui cause.

En l’espèce, Les travaux ont consisté en 2016 à prolonger une terrasse existante sans modification du terrain naturel ni surélévation de la terrasse initiale.

Le fait que la prolongation de la terrasse litigieuse n’ait pas fait l’objet d’objection de la part de la mairie de Beligneux ne signifie pas pour autant qu’elle respecte nécessairement les dispositions de l’article 678 du code civil.

En prolongeant leur terrasse en direction du fonds du voisin, les consorts Z-C ont créé une saillie au sens de l’article 678 du code civil.

Les intimés se prévalent en premier lieu de la prescription trentenaire de la servitude de vue depuis les années 60. Cet argument n’est pas opérant dès lors qu’il ressort des multiples photographies versées au débat par les deux parties que ce n’est qu’en 2016, au moment de l’extension de leur terrasse, que le couple C-Z a comblé la déclivité naturelle du terrain afin d’avoir une plus grande surface plane et créé une avancée vers le fonds de leur voisin en aggravant nécessairement la servitude de vue existante.

En second lieu, ils font valoir que Monsieur X, en arrachant ses arbres et en rabotant le brise-vue qui séparait les fonds, a lui-même créé la vue droite dont il se plaint.

Toutefois, Monsieur X n’a fait que se conformer au jugement l’ayant condamné à couper sa haie d’arbres de manière réglementaire. Il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir laissé une haie de troncs d’arbres plutôt que de les couper à ras. S’agissant du brise-vue, l’argument n’est pas pertinent tant il appartient à celui qui crée la saillie parallèlement au fond voisin de respecter les distances légales et de mettre en place les moyens nécessaires pour empêcher les vues créées.

Monsieur X a versé un dossier dressé par le cabinet d’experts géomètres Altea qui a réalisé des mesures le 20 juin 2018. En dépit du vocable «'experts'», ce document, qui n’émet aucun hypothèse ni ne fait aucune démonstration, n’a pas valeur d’expertise. Ce cabinet s’est borné à prendre des mesures et établir un plan en reportant des valeurs. Il s’agit d’un constat discuté contradictoirement comme pourrait l’être un constat d’huissier réalisé à la demande d’une seule partie. S’il apparaît sur ce document que les mesures ont été effectuées sans pénétration sur la propriété voisine, ces mesures n’ont toutefois pas été remises en cause par les intimés par un autre avis ou un autre constat démontrant leur caractère erroné. Par ailleurs, ce document peut être confronté aux diverses photographies versées par les deux parties. Il ressort de cette confrontation que le bord extérieur de l’extension de terrasse déborde manifestement la limite légale des 1,90 mètres sans qu’il soit utile d’ordonner une expertise judiciaire.

En conséquence, la Cour déboute les intimés de leurs demandes, infirme le jugement déféré sur la demande reconventionnelle de Monsieur X et condamne A Z et B C à supprimer la vue créée depuis la partie de la terrasse située moins de 1,90 mètre de la limite de propriété, soit en démolissant cette partie de l’ouvrage, soit en masquant par tous moyens la vue droite sur la propriété de Monsieur X qu’a un individu stationnant debout sur cette partie de terrasse.

Cette obligation sera assortie d’une mesure d’astreinte pour assurer son exécution effective.

sur la demande indemnitaire de Monsieur X

Monsieur X sollicité une indemnisation en raison des troubles anormaux du voisinage subis du fait de l’extension de la terrasse par ses voisins C-Z. Il lui appartient de démontrer un préjudice particulier distinct de la seule création de la vue droite déjà réparée par la condamnation à sa suppression. En l’état de ses conclusions, il ne fait aucune démonstration de ses préjudices et ne verse aucune pièce. Au surplus, en découpant le brise-vue qui existait de 30 cm, il a contribué volontairement à la situation d’être vue. La Cour confirme le jugement déféré en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

sur les demandes accessoires

L’équité conduit la Cour à débouter les parties de leurs demandes réciproques au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel. La Cour n’a pas été saisie de demande au titre des frais irrépétibles de première instance de sorte qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause la condamnation prononcée par le jugement déféré.

Succombant dans l’essentiel de leurs prétentions, la Cour met à la charge de A Z et B C les dépens d’appel. La Cour confirme la condamnation de Monsieur X, condamné à élaguer sa haie, aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

déclare recevable l’appel interjeté par Monsieur X,

statuant dans les limites de l’appel,

déboute les consorts C-Z de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Monsieur X,

infirme le jugement déféré sur la demande de suppression de la vue droite formulée par H-I X,

statuant à nouveau,

condamne A Z et B C à supprimer la vue sur la propriété de H-I X créée depuis la partie de la terrasse située moins de 1,90 mètre de la limite des propriétés, soit en démolissant cette partie de l’ouvrage, soit en masquant par tous moyens la vue droite sur la propriété de Monsieur X qu’a un individu stationnant debout sur cette partie de terrasse, sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé un délai de 4 mois après la signification du présent arrêt et pendant une période de 6 mois,

déboute A Z et B C de toutes leurs demandes,

confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Monsieur X de sa demande de dommages et intérêts en réparation des troubles anormaux du voisinage,

déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

confirme le jugement déféré sur la condamnation aux dépens de première instance,

met à la charge de A Z et B C les dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 9 janvier 2020, n° 18/03155