Cour d'appel de Metz, 1ère chambre, 15 décembre 2016, n° 15/02129

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Chronologie de l’affaire

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Lexis Veille · 1er février 2017
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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 1re ch., 15 déc. 2016, n° 15/02129
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 15/02129
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

XXX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G : 15/02129

Y

C/

D

COUR D’APPEL DE METZ 1eRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2016 APPELANTE :

Madame X Y

XXX

XXX

Représentée par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

Monsieur B-C D

XXX

XXX

Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : M. HITTINGER, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame STAECHELE, Conseiller

Madame BOU, Conseiller, entendu en son rapport.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame Camille SAHLI DATE DES DÉBATS : Audience publique du 27 Octobre 2016.

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 15 Décembre 2016.

EXPOSE DU LITIGE

B-C D et X Y sont propriétaires de maisons mitoyennes situées respectivement 23 et XXX à Longeville-lès-Metz.

Courant octobre 2012, X Y a fait installer chez elle une chaudière à condensation (ventouse) dont la bouche d’évacuation se situe sur la façade de son immeuble, à une hauteur d’environ 2 mètres, à proximité de la limite séparative et en contrebas de la fenêtre de la cuisine de B-C D.

Se plaignant de la gêne visuelle, esthétique et de visibilité causée par l’évacuation de la vapeur d’eau de la chaudière et se fondant sur la théorie des troubles anormaux de voisinage, B-C D a, par acte d’huissier du 21 août 2013, fait assigner X Y devant le tribunal de grande instance de Metz afin de la voir condamner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, à effectuer ou faire effectuer les travaux nécessaires à la cessation du trouble subi par lui. Il a en outre sollicité la condamnation de X Y à lui payer la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, outre le bénéfice de l’exécution provisoire.

X Y s’est opposée à ces prétentions en contestant l’existence du dommage invoqué, le débouché étant dirigé vers son fonds, et l’anormalité du trouble à supposer celui-ci établi, arguant à cet effet de l’environnement urbain des lieux, du caractère réglementaire de l’emplacement de l’évacuation et du caractère ponctuel de la présence de vapeur d’eau sur le fonds de son voisin. Elle a demandé au tribunal de condamner B-C D à lui payer la somme de 3000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement du 27 mai 2015, le tribunal de grande instance de Metz a:

— condamné X Y à effectuer ou faire effectuer les travaux nécessaires à la cessation du trouble subi par B-C D du fait de l’évacuation des fumées de vapeur d’eau résultant de l’installation de la chaudière à ventouse, sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de la décision ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— débouté X Y de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

— condamné X Y aux dépens et à payer à B-C D la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer en ce sens, le premier juge a rappelé :

— que la théorie des troubles anormaux du voisinage repose sur une responsabilité sans faute de sorte que le demandeur n’a qu’à démontrer l’existence d’un dommage excessif ou anormal;

— que le caractère excessif ou anormal s’apprécie in concreto au regard des troubles habituels du voisinage, en fonction des circonstances de temps et de lieu.

Il a retenu : – que le caractère réglementaire de l’installation litigieuse importe donc peu ;

— que même s’il est établi que la chaudière ne sert pas à la production d’eau chaude mais uniquement au chauffage de l’habitation, la vapeur d’eau s’évacue par une bouche placée à quelques centimètres de la limite séparative des fonds pendant toute la période de chauffe qui est généralement longue en Lorraine ;

— que B-C D voit régulièrement passer devant la fenêtre de sa cuisine ou dans son champ de vision les vapeurs d’eau ainsi dégagées ;

— que même en s’élevant au droit du fonds de X Y, les fumées provoquent sur la droite de la fenêtre de B-C D un halo brumeux gênant la vue normalement dégagée sur les jardins environnants dont il dispose ;

— qu’il s’agit d’une pollution visuelle et esthétique récurrente, perturbant en outre la visibilité dans une zone qui n’est pas une zone urbaine concentrée.

Il en a conclu que le trouble subi par B-C G est caractérisé dans la mesure où il existe manifestement des solutions techniques permettant de l’éviter, et excède les inconvénients normaux de voisinage.

Par déclaration de son avocat faite le 6 juillet 2015 au greffe de la cour d’appel de Metz, X Y a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions de son avocat du 14 juin 2016, X Y demande à la Cour de:

'- Recevoir l’appel

Ecarter des débats le DVD produit en pièce n°26 de Me RIGO;

Infirmer le jugement et statuant à nouveau :

Débouter M. B-C D de toutes ses demandes, fins et conclusion;

En tout état de cause supprimer l’astreinte;

Le condamner aux entiers dépens et à 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile'.

Au soutien de son appel, X Y fait valoir :

— que le DVD n’est pas une pièce admise par le code civil ;

— que la chaudière est préconisée par Gaz de France pour réduire la pollution et a été installée conformément aux règles de l’art, à l’endroit déterminé par le chauffagiste et non par elle ;

— que l’évacuation se situe sur sa maison et est orientée vers son jardin de telle sorte que les vapeurs d’eau s’y évacuent par principe et que ce sont les vents dominants qui détournent les vapeurs pour les diriger vers le jardin de B-C D, l’action du vent et non la sienne étant donc à l’origine du prétendu trouble ;

— que les vapeurs ne sont que ponctuelles et éphémères, se produisant uniquement en période de froid et, qu’elle n’est pas non plus responsable de la rigueur du climat ; – que le trouble ne peut être considéré comme anormal dès lors qu’il s’agit de maisons mitoyennes se situant dans une zone très urbanisée où aucune disposition légale n’assure aux prioritaires la jouissance permanente d’une vision lointaine sur l’horizon, qui est d’ailleurs obstruée par plusieurs constructions, et qu’il existe dans les environs immédiats des maisons pourvues d’installations du même type ;

— que rien ne l’oblige à installer chez elle une chaudière avec conduit de cheminée, l’appelante ajoutant que ce qui est préconisé par son voisin n’est plus proposé à la vente.

Elle conteste la somme réclamée au titre des frais engagés auprès de Météo France au motif que l’étude faite par cet organisme n’était pas nécessaire.

Par conclusions de son avocat du 13 juin 2016, B-C D demande à la Cour de dire l’appel mal fondé et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions en y ajoutant la condamnation de X Y à lui verser :

— la somme de 24,04 euros à titre de remboursement des frais de constat d’huissier,

— celle de 222,60 euros au titre des frais de l’étude de Météo France,

— celle de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu’aux dépens.

B-C D fait valoir :

— que la réalité du trouble est prouvée par de nombreuses photos, un constat d’huissier, des attestations, le justificatif des sens des vents qui vont, en règle général, d’ouest en est et un DVD qui établissent l’ampleur et l’épaisseur des fumées et le fait qu’elles dépassent la limite de propriété, l’intimé soutenant que les attestations produites par l’appelante sont de complaisance;

— que cette évacuation de fumée constitue un trouble anormal de voisinage en ce qu’elle inonde sa vue sur des jardins, et même parfois sa cuisine, que ce préjudice s’étend sur huit mois de l’année et que si la fumée en cause contient essentiellement de la vapeur d’eau, elle comporte aussi, bien que très faiblement, du nox qui est un composé chimique toxique alors que des installations de ce type ne sont pas récurrentes dans leur zone d’habitation et que la normalité en centre ville est d’évacuer les fumées par les conduits de cheminée ;

— que X Y pourrait mettre en oeuvre cette solution qui lui coûterait moins de 1 500 euros;

— que les frais qu’il a engagés auprès de Météo France étaient nécessaires pour combattre les dénégations de X Y sur la propagation de la fumée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande visant à écarter des débats le DVD

Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Aucune disposition du code civil n’interdit en soi le recours au DVD comme mode de preuve. X Y s’abstient d’ailleurs de préciser le texte sur lequel elle se fonde pour prétendre que le DVD ne serait pas une pièce admise.

Il convient au demeurant de relever que le DVD produit n’est que le support technique des photographies qu’il contient et que X Y n’invoque aucune circonstance tenant aux modalités particulières de prise ou de conservation de ces photographies conduisant à considérer qu’il s’agirait en l’occurrence d’un mode de preuve illicite.

Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande visant à écarter des débats le DVD, ce qui n’exclut nullement le droit pour la partie adverse de discuter, dans le cadre du débat sur le fond, la valeur probante des éléments contenus dans cette pièce.

Sur la demande principale

Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

Le voisin qui a pris l’initiative de l’opération à l’origine du trouble anormal en est responsable sans pouvoir s’en exonérer en prouvant son absence de faute, comme l’a justement relevé le tribunal, qui a également souligné de manière fondée que l’anormalité du trouble s’appréciait in concreto.

En l’espèce, les vapeurs d’eau dont B-C D se plaint proviennent de la chaudière à condensation ou ventouse que sa voisine, X Y, a fait installer en 2012 chez elle et, plus précisément, de la bouche d’évacuation située sur la façade de son immeuble, à proximité de la limite séparative des deux fonds et en contrebas de la fenêtre de la cuisine de B-C D.

S’il est établi que la chaudière en cause ne sert qu’au chauffage et non à la production d’eau chaude, elle fonctionne ainsi durant toute la période de chauffe qui est généralement longue en Lorraine ainsi que l’a relevé le premier juge.

Il résulte incontestablement des pièces produites (notamment procès-verbal de constat d’huissier, photographies sur papier et DVD, attestations) que le champ de vision de B-C D depuis sa maison est régulièrement pollué par les vapeurs d’eau qui se dégagent et qui forment un nuage variable mais d’ampleur et d’épaisseur souvent certaines. Ces mêmes documents et ceux émanant de Météo France établissent que même si la buse d’évacuation est dirigée droit vers le jardin de X Y, du fait de sa faible distance de la ligne séparative et du sens du vent dominant, le nuage de vapeur d’eau se rabat fréquemment vers le jardin et la maison de B-C D. Dans de telles circonstances, la fenêtre de la cuisine de B-C D doit être maintenue close sauf à faire rentrer dans cette pièces lesdites vapeurs qui contiennent du nox, même si c’est à faible taux, comme l’indique l’installateur.

Le trouble subi, consistant pour l’essentiel en des nuisances visuelles, est ainsi important alors que l’immeuble de B-C D sert à l’habitation et que son jardin constitue un jardin d’agrément. Contrairement à ce que soutient X Y, les photographies produites démontrent qu’il ne s’agit pas d’une zone concentrée mais d’une zone où la densité de constructions est très relative, avec d’importants et vastes espaces verts ainsi qu’une vue dégagée et agréable.

X Y prétend que ce type d’installations est fréquent dans l’environnement local. Cependant, force est de constater que sur les photographies produites, aucune vapeur d’eau du même type que celles subies par B-C D ne se dégage. Il n’est donc pas établi que les bouches figurant sur ces photographies servent au même usage que celle équipant la façade de X Y alors qu’il peut s’agir de simples bouches d’aération. En outre, ces photographies ne permettent pas pour toutes de s’assurer qu’elles ont été prises dans l’environnement en cause ou dans un environnement similaire à celui où se situent les maisons de X Y et de B-C D. Enfin, l’une des attestations produites par ce dernier ainsi qu’un devis démontrent que les chaudières à condensation peuvent être équipées de dérivation et reliées aux conduits de fumée par le biais d’extension, ce qui permet d’éloigner les vapeurs d’eau s’en dégageant.

En considération de l’ensemble de ces éléments, l’existence d’un trouble anormal de voisinage, c’est-à-dire excédant les inconvénients normaux de voisinage au regard des circonstances de temps et de lieu, est caractérisé.

Le caractère réglementaire de la chaudière, le fait qu’elle soit préconisée par Gaz de France et la conformité de sa pose aux règles de l’art sont indifférents au litige, s’agissant d’une responsabilité sans faute.

Les circonstances tenant à la rigueur du climat lorrain imposant de se chauffer sur une longue période durant l’année et au sens des vents dominants ne sauraient exonérer X Y dès lors que le trouble subi par B-C D n’a pas pour origine ces circonstances mais trouve directement sa source dans l’installation mise en oeuvre par X Y et son système d’évacuation.

Par ailleurs, ce trouble n’est nullement irrésistible puisque l’attestation de Z A et le devis de la société Hoffmann Remiatte justifient que la chaudière litigieuse pourrait être raccordée à un conduit de cheminée pour un coût raisonnable de 1 466,85 euros au regard du montant total de l’installation payée par X Y de 5 155,35 euros. En tous les cas, X Y ne verse aux débats pour sa part aucun élément prouvant la non faisabilité de cette solution ou contredisant son coût.

Dès lors, c’est à juste titre que le tribunal a condamné X Y à effectuer ou faire effectuer les travaux nécessaires à la cessation du trouble subi par B-C D sous astreinte.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

X Y ne développant aucune critique à l’encontre du jugement l’ayant déboutée de cette demande qu’elle ne renouvelle d’ailleurs pas à hauteur d’appel, le jugement sera de ce chef aussi confirmé.

Sur les dépens, l’article 700 du code de procédure civile et les frais de constat d’huissier et d’étude de Météo France

X Y qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer sur ce fondement la somme de 1 500 euros à B-C D au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement étant confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.

Il convient de préciser que les frais de constat d’huissier et d’étude de Météo France sont compris dans les sommes allouées en application de l’article 700 du code de procédure civile, s’agissant de sommes exposées par une partie et non comprises dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe :

REJETTE la demande visant à écarter des débats le DVD produit par B-C D ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ; CONDAMNE X Y à payer à B-C D la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;

CONDAMNE X Y aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été prononcé par sa mise à disposition publique le 15 Décembre 2016, par M. HITTINGER, Président de Chambre, assisté de Madame SAHLI, Greffier, et signé par eux.

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