Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 15 novembre 2017, n° 16/00901

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc.-sect. 1, 15 nov. 2017, n° 16/00901
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 16/00901
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Thionville, 21 février 2016, N° 14/0196C
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n°17/00529

15 Novembre 2017

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RG N° 16/00901

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de THIONVILLE

22 Février 2016

14/0196 C

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

quinze Novembre deux mille dix sept

APPELANTE

 :

SARL NORMA prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Thierry COUMES, avocat au barreau de SARREGUEMINES, substitué à l’audience par Me METZGER, avocat au barreau de SARREGUEMINES

INTIMÉ

 :

Monsieur Y Z

[…]

[…]

Représenté par Me Michèle BOUCHÉ, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Septembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre

Monsieur Jacques LAFOSSE, Conseiller

Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur A B

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre, et par Monsieur A B, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil des prud’hommes de Thionville en date du 22 février 2016;

Vu la déclaration d’appel de la société NORMA en date du 15 mars 2016 ;

Vu les conclusions de la société NORMA en date du 9 mai 2017 ;

Vu les conclusions de M. Y Z en date du 18 août 2017 ;

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail en date du 25 avril 2010, M. Y Z a été engagé par la société NORMA, en qualité de responsable de magasin (agent de maîtrise de niveau V), moyennant un traitement fixe mensuel forfaitaire brut de 1 714€, pour 190,67 heures de présence, auquel s’ajoute une prime annuelle calculée dans les conditions fixées par la convention collective.

En plus de cette rémunération, le salarié perçoit également une prime individuelle de rendement, calculée sur la base du chiffre annuel mensuel du magasin, dont il a la charge, et de la productivité horaire du magasin, obtenue en divisant le chiffre d’affaire du mois avec le nombre total d’heures travaillées.

Ce contrat de travail est régi par les dispositions de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire en date du 17 juillet 2001, publiée au Journal Officiel du 6 août 2002.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 février 2014, la société NORMA a notifié à M. Y Z son licenciement pour faute grave, suite à une visite dans son magasin de son responsable de réseau, le 28 décembre 2013, ayant relevé plusieurs infractions aux consignes de travail.

Par exploit introductif d’instance reçu au greffe le 6 octobre 2014, M. Y Z a saisi le conseil des prud’hommes de Thionville de plusieurs demandes de rappels de salaire, ayant trait au calcul de sa rémunération mensuelle au regard des salaires minima garantis par la convention collective, de ses primes annuelles, et des repos compensateurs. Le salarié conteste également les motifs de son licenciement et sollicite la condamnation de la société NORMA au paiement des indemnités de rupture.

Suivant jugement en date du 22 février 2016, le conseil des prud’hommes de Thionville a :

— dit que le licenciement de M. Y Z est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la société NORMA à payer à M. Y Z les sommes suivantes :

* 13 838,23 € brut, au titre de rappel de salaire,

* 1 383,82 € brut, au titre du rappel de congés payés,

* 7,05 € brut, au titre de la prime annuelle,

* 204,17 € brut, au titre des repos compensateurs,

* 3 000 € net, à titre de dommages-intérêts pour non-respect des salaires,

* 4 574,90 € brut, au titre du préavis,

* 457,49 € brut, au titre des congés payés sur préavis,

* 1 738,46 € net, au titre de l’indemnité de licenciement,

* 14 000 € net, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 200 € net, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné la rectification des documents suivants, sous astreinte de 50 € par jour et par document, le conseil se réservant le droit de liquider celle-ci, passé un délai de 30 jours suivant la notification du jugement pour chaque document suivant :

* bulletins de salaires du 26 avril 2010 au 11 février 2014,

* certificat de travail (avec durée préavis inclus),

* attestation Pôle Emploi conforme au jugement,

— ordonné le remboursement à Pôle Emploi de six mois de salaire, soit 13 724,70 €,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement au visa de l’article 515 du code de procédure civile,

— condamné la société NORMA aux dépens,

Par conclusions sus-visées et reprises à l’audience, la société NORMA demande de confirmer le jugement entrepris, en ce qu’elle a été condamnée à payer à M. Y Z les sommes brutes de 7,05 €, au titre de la prime annuelle et 204,17 € correspondant au rappel de repos compensateur. Elle demande d’infirmer le jugement pour le surplus et de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions. La société NORMA sollicite enfin la condamnation de M. Y Z à lui payer la somme de 1 500 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Par conclusions sus-visées et reprises à l’audience, M. Y Z demande de confirmer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions, et de débouter la société NORMA de toutes ses demandes, fins et conclusions. Il demande également de condamner l’employeur à lui payer la somme de 2 000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS :

— Sur le rappel de salaire :

Attendu que conformément à l’article L. 3121-38 du code du travail, lorsque l’horaire de travail comporte l’accomplissement régulier d’heures supplémentaires, l’employeur et le salarié peuvent convenir d’une rémunération forfaitaire, incluant dans la rémunération mensuelle un nombre déterminé d’heures supplémentaires hebdomadaires ;

Qu’en application de l’article L. 3121-41 du code du travail, la rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour les heures supplémentaires prévues à l’article L. 3121-22 du même code ;

Qu’en l’espèce, l’article 5.1 du contrat de travail fixe la rémunération forfaitaire brute de M. Y Z à 1 714 €, sur la base d’un forfait mensuel en heures, fixé à 190,67 heures, incluant tous les mois le règlement de 39 heures supplémentaires par mois (soit 190,67 heures ' 151,67 heures) ;

Attendu que la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire en date du 17 juillet 2001, dont relève la société NORMA, fixe les salaires minima mensuels garantis pour les agents de maîtrise de niveau V aux montants suivants :

—  1 621 € bruts, du 1er mars 2009 au 31 mars 2011,

—  1 662,57 € du 1er avril 2011 au 30 avril 2012,

—  1 699,20 € bruts, du 1er mai 2012 au 30 avril 2013,

—  1 731,05 € bruts, du 1er mai 2013 au 12 février 2014,

Qu’en exécution de la convention de forfait conclue avec son employeur, M. Y Z effectuait tous les mois 39 heures supplémentaires, devant être majorées de 25 %, en application de l’article L. 3121-22 du code du travail ;

Attendu que conformément au décompte établi par le salarié, sa rémunération minimale garantie aurait dû être pour 190,67 heures de travail par mois, dont 39 heures supplémentaires majorées à 25 % de :

—  2 142,02 € bruts, du 1er mars 2009 au 31 mars 2011,

—  2 196,95 € bruts, du 1er avril 2011 au 30 avril 2012,

—  2 245,36 € bruts, du 1er mai 2012 au 30 avril 2013,

—  2 287,45 € bruts, du 1er mai 2013 au 12 février 2014,

Qu’or, à la lecture des bulletins de paie versés aux débats, force est de constater que M. Y Z a perçu systématiquement sur les quatre périodes considérées une rémunération brute inférieure à celle minimale ainsi définie par les dispositions conventionnelles, soit en l’espèce :

—  1 714 € brut, du 1er mars 2009 au 31 mars 2011,

—  1 768 € brut, du 1er avril 2011 au 30 avril 2012,

—  1 812 € brut, du 1er mai 2012 au 30 avril 2013,

—  1 851 € brut, du 1er mai 2013 au 12 février 2014,

Attendu que la société NORMA soutient à tort que la rémunération de M. Y Z est constituée d’une base mensuelle, fixée au jour de la signature du contrat de travail à 1 714 € bruts, à laquelle s’ajoute une prime individuelle de rendement prévue à l’article 5.2, dont le minimum garanti de 303 € bruts par mois vient en complément des rémunérations mentionnées ci-dessus ;

Que l’article 5.2 du contrat de travail fixe en effet la prime de rendement à un montant forfaitaire de 303 € bruts, mais uniquement pendant la période de formation de M. Y Z, étant observé que celle-ci, calculée ensuite en fonction des résultats mensuels du salarié, ne peut être intégrée au salaire minimum, puisqu’elle présente par nature un caractère variable et incertain ;

Attendu que la convention de forfait n’est valable que si elle assure au salarié une rémunération au moins égale au salaire minimum en vigueur dans l’entreprise pour la catégorie à laquelle appartient le salarié, majorée du paiement de la totalité des heures susceptibles d’être effectuées au-delà de la durée légale dans la limite de l’horaire sur lequel le forfait de salaire est basé ;

Que si la comparaison est désavantageuse pour le salarié, la convention de forfait est nulle, le salarié pouvant en conséquence réclamer le paiement des heures supplémentaires qu’il a accomplies au-delà de 35 heures dans le cadre du forfait convenu avec son employeur ;

Qu’ il convient en l’espèce d’annuler la convention de forfait de salaire, convenue à l’article 5 du contrat de travail, dans la mesure où il manifeste que celle-ci est défavorable à M. Y Z qui perçoit un salaire inférieur à celui garanti par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Que si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que les éléments constitués par les bulletins de paie des mois de mars 2009 à février 2014 sont suffisants pour étayer la demande formée par M. Y Z, dans la mesure où ces bulletins font apparaître qu’il a accompli tous les mois 39 heures supplémentaires, ce que l’employeur ne discute pas ;

Que depuis son embauche jusqu’à son licenciement, la société NORMA ne conteste pas en effet que l’intimé a accompli 39 heures supplémentaires par mois, étant précisé qu’elle a payé au salarié lesdites heures, sans toutefois appliquer la majoration de 25%, en exécution de la convention de forfait prévue à l’article 5.1 de son contrat de travail ;

Attendu que du fait de la nullité de la convention de forfait, M. Y Z a droit à un rappel de salaire correspondant aux majorations égales à 25%, sur les heures supplémentaires accomplies entre la 35e et la 39e heure par mois, en application de l’article L. 3121-22 du code du travail ;

Que conformément au décompte établi par le salarié, lequel n’appelle aucune observation de la part de l’employeur, la société NORMA sera condamnée à payer à M. Y Z la somme de 13 838,23 € brut, à titre de rappel de salaire, ainsi qu’à celle de 1 383,82 € brut correspondant aux congés payés afférents à celui-ci, calculés selon la règle du dixième ;

— Sur la demande de dommages-intérêts :

Attendu que M. Y Z ne rapporte pas la preuve qu’il aurait subi un préjudice distinct de celui déjà indemnisé par la condamnation sous le bénéfice de l’exécution provisoire de son employeur au paiement d’un rappel de salaire correspondant aux majorations dues sur les heures supplémentaires qu’il a accomplies;

Qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a condamné la société NORMA à payer à M. Y Z la somme de 3 000 €, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par l’employeur des dispositions relatives aux salaires minima de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;

— Sur le licenciement :

Attendu qu’aux termes de la lettre de licenciement en date du 11 février 2014, faisant suite à un contrôle opéré le 28 décembre 2013 au magasin NORMA d’Hettange-Grande par M. X, responsable de réseau, l’employeur reproche à M. Y Z :

—  1°) de multiples défaillances dans la gestion commerciale de son point de vente caractérisées selon elle par douze manquements recensés par son responsable de réseau dans l’organisation et le fonctionnement du magasin,

—  2°) « un manque de gestion des produits sensibles » résultant d’une absence d’utilisation des outils de gestion mis à sa disposition, tels que les calendriers « fruits et légumes » et « viandes et volailles », dont ceux afférents aux semaines 50 et 51 de l’année 2013 qui ont été retrouvés non remplis dans une poubelle,

—  3°) « un non-respect des procédures de gestion du coffre des caisses » : à savoir une absence de tenue de la comptabilité du coffre principal et du coffre tirelire (fait du 13 décembre 2013) et de passation des clés du coffre du responsable de magasin à son remplaçant (fait du 24 décembre 2013), ainsi qu’une différence injustifiée de 33,84 € du coffre principal,

—  4°) « un manque de contrôle divers » : à savoir une absence d’évaluation du personnel effectuée depuis le 14 avril 2013, de contrôle de bons de livraisons du 23, 24 et 27 décembre 2013, de présence de produits périmés dans la surface de vente (15 produits) et impropres à la vente (11 produits),

—  5°) « un non-respect de procédure de rotation des dates limites de vente » portant sur 7 produits différents (« croissants fourrés x5 », brioches tranchées, sirop de menthe, « milky way », purée, pommes de terre cuite et « […] »,

Attendu qu’en application de l’article L. 1332-2 du code du travail lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié ;

Que lors de l’audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, et au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié ;

Que la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien, devant être motivée et notifiée à l’intéressé ;

Attendu que M. Y Z soutient préliminairement que la société NORMA ne peut se prévaloir d’une faute grave, par définition d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis, alors qu’il s’est écoulé un délai de près 45 jours pendant lequel il est resté à son poste de travail après que l’employeur a eu connaissance des faits (28 décembre 2013) jusqu’à la notification de son licenciement intervenue le 11 février 2014 ;

Que le salarié relève également qu’il a fait l’objet précédemment d’un avertissement en date du 25 octobre 2011, puis d’une mise à pied d’une journée datée du 13 mai 2013 pour des faits similaires, à savoir la présence de produits périmés dans les rayons de son magasin, si bien que la société NORMA ne pouvait considérer, que les faits énoncés dans la lettre de licenciement seraient constitutifs d’une faute grave ;

Attendu que suite au contrôle opéré le 28 décembre 2013, la société NORMA justifie avoir convoqué M. Y Z, le 7 janvier 2014, à un entretien préalable, soit dans le délai de deux mois prescrit par l’article L. 1332-4 du code du travail, étant observé qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir prononcé une mesure de mise à pied conservatoire qui constitue une mesure facultative ;

Que de même, la société NORMA a régulièrement notifié au salarié son licenciement pour faute grave, après l’entretien préalable qui s’est tenu le 16 janvier 2014, soit dans le délai prescrit par L. 1332-2 du code du travail, sachant qu’il ne peut également être reproché à l’employeur de ne pas avoir notifié cette sanction plus tôt ;

Qu’enfin, les sanctions disciplinaires d’un degré inférieur qui ont été précédemment prononcées à l’encontre de M. Y Z, pour des faits identiques ou assimilés, ne lient pas l’employeur, quant au choix de la sanction devant être infligée pour des faits postérieurs, dont la gravité doit au contraire s’apprécier au regard de leur caractère répété ;

Attendu que M. Y Z ne peut également soutenir que le contrôle, effectué le 28 décembre 2013 par le responsable de réseau de la société NORMA, ne serait pas contradictoire, alors qu’il était présent dans son magasin lors de celui-ci, et qu’il a été ultérieurement en capacité de faire valoir ses observations au cours de la procédure disciplinaire initiée par son employeur ;

Qu’à cet égard, le salarié ne conteste pas qu’il a eu connaissance avant l’entretien préalable des griefs qui lui sont reprochés par son employeur, lesquels reposent sur un ensemble de constatations précises et détaillées faites par son responsable de réseau, s’agissant en particulier des produits périmés faisant l’objet d’une liste jointe au contrôle ;

Attendu que sur le fond la lettre de licenciement fait état d’une gestion commerciale défectueuse du point de vente géré par M. Y Z et relève les 12 points suivants sur lesquels il est reproché au salarié de ne pas avoir respecté les ordres et les consignes de travail de sa hiérarchie :

* « dans la table de fruits et légumes en allée 1, vous n’aviez pas mis le produit demandé en place : vous y présentiez « les endives 1 kg », alors que la consigne indiquait de présenter « les oignons 2kg ».

* « l’opération « samedi exclusif » qui doit être placée en allée 1 ne s’y trouvait pas. Vous l’aviez placé dans la zone « vendredi »,

* « vous aviez toujours en place les produits et l’affiche correspondant au samedi précédent (21/12). Vous n’aviez pas remis cette zone à jour ».

* « vous aviez présenté en surface de vente les produits correspondant à l’opération commerciale du samedi 4/01/2014 ! ».

* « dans la zone « prix massacrés » vous n’aviez pas respecté l’affichage et l’étiquetage. De plus certaines affiches n’étaient pas en place ».

* « la table « nouveau » (contenant normalement 3 produits) contenait également des plantes et de fleurs coupées contrairement à notre procédure ».

* « de nombreux balisages « moins cher » et « nouveau » n’étaient pas en place en surface de vente ».

* « en date du 4/11/2013 votre responsable de réseau vous avait demandé de déplacer « la bière Becker’s » de l’allée 1 vers la zone « prix massacrés », de dégager les articles qui obstruaient l’issue de secours et l’accès au RIA. Or, le 28.12.2013 vous n’aviez toujours pas exécuté ces tâches ».

* « de même, il vous a été demandé de procéder à un comptage des présentoirs de semences et ensuite de retourner cette marchandise à l’entrepôt. Le 28.12.13, vous n’aviez toujours pas respecté cet ordre de travail ».

Attendu que l’ensemble de ces griefs n’est pas établi, dans la mesure où la société NORMA ne rapporte pas la preuve qu’elle aurait donné directement au salarié, ou par l’intermédiaire de son responsable de réseau, des ordres ou mêmes des directives précises concernant l’affichage des offres de promotions à l’attention des clients, l’agencement du magasin et la présentation des produits commercialisés ;

Que sur les points précités, l’employeur ne démontre pas en effet qu’il aurait adressé personnellement à M. Y Z des ordres, notamment lors des précédentes visites de son chef de réseau, et ne justifie pas non plus de l’existence de directives générales applicables au sein du magasin qui auraient été préalablement portées à la connaissance du salarié ;

Attendu qu’en revanche, il est établi par la production de la fiche de correspondance établie par M. X, responsable de réseau, le jour de son contrôle que M. Y Z a omis sur la table « moins cher », située en allée 1, de faire figurer le prix des trois articles suivants : n° 31414 confitures, n° 43852 sirop de pêche, […] bio ;

Que dans le rayon frais, « à saisir », pour la semaine 52, le salarié a omis également d’indiquer la référence d’un bloc de pâte feuilletée (n° 45612), ainsi que le prix sur six produits (n° 37970 jambon sec de Savoie, […], […], […], […] fort piquant et […] de porc farci), ce que l’intéressé ne conteste pas, en concédant sur ce point dans ses écritures « certaines anomalies » ;

Attendu que M. X, responsable de réseau, a aussi constaté dans la « zone plantes », le 23 décembre 2013, lors de son contrôle du magasin, la présence de fleurs fanées et donc invendables en surface de vente, à savoir précisément 11 unités de l’article n° 47551 cyclamen et 4 unités de l’article n° 48239 « arrangements orchidées » ;

Que les négligences relevées et l’absence d’étiquetage de certains produits qui ont été constatées lors du contrôle, opéré le 28 décembre 2013, sont établies par les constatations du responsable de réseau, étant précisé que M. Y Z ne conteste pas que ces négligences lui sont personnellement imputables, en sa qualité de responsable du magasin ;

Attendu que le point B de la fiche de poste indique de plus que le responsable de magasin « doit entreprendre toutes les mesures nécessaires afin de réaliser les objectifs d’inventaires et de productivité convenus et assumer entièrement la responsabilité des écarts en valeur entre le stock théorique et le stock réel » ;

Qu’en l’espèce, la société NORMA ne rapporte pas la preuve des manquements allégués dans la « gestion des produits sensibles » du magasin, étant observé que la lettre de licenciement ne caractérise sur ce point aucune défaillance ou erreur imputable au salarié dans la gestion des stocks du magasin ou dans la réalisation des inventaires ;

Qu’enfin, l’employeur ne peut reprocher à M. Y Z de ne pas avoir complété les calendriers « fruits et légumes » et « viandes et volailles » qui avaient été mis à sa disposition pour gérer et contrôler ses stocks, dès lors qu’il n’est pas établi que l’utilisation de ces deux outils était obligatoire, notamment à la lecture de la fiche de poste du salarié qui ne comporte aucune précision sur ce point ;

Attendu que la société NORMA fait grief à M. Y Z de ne pas avoir respecté la procédure de gestion du coffre et des caisses et relève dans la lettre de licenciement trois manquements aux prescriptions de l’annexe à son contrat de travail intitulée « règles à suivre pour le traitement des espèces » ;

Que reprenant les constatations de son responsable de réseau, elle indique que le 13 décembre 2013, le salarié a omis de contrôler le coffre principal, ainsi que le coffre tirelire, alors que l’article 1 de l’annexe précitée commande d’exécuter cette opération tous les jours ;

Qu’au mépris de l’article 2 de cette annexe, il est également reproché à M. Y Z de ne pas avoir remis en main propre, le 24 décembre 2013, les clés du coffre à son remplaçant, et ce après avoir opéré « un comptage physique » et inscrit la reprise du coffre dans un cahier destiné à cet effet ;

Que la société NORMA reproche enfin à M. Y Z le fait que le coffre principal présentait depuis plusieurs jours un déficit de 33,84 €, alors que l’article 10 de l’annexe mentionnée ci-dessus précise que le contenu du coffre doit correspondre au stock initial et que le responsable de magasin, ou en cas d’absence son remplaçant, sont entièrement responsables des déficits et des découverts ;

Attendu que la société NORMA s’abstient cependant de verser aux débats l’annexe ayant trait à la procédure à suivre, concernant le traitement des espèces au sein du magasin, qu’elle affirme être jointe au contrat de travail dans la lettre de licenciement ;

Que la Cour n’est donc pas en mesure d’apprécier la réalité des négligences imputées à M. Y Z, au regard de ses devoirs et obligations qui figureraient dans une annexe au contrat de travail qui n’a pas été communiquée, et dont il n’est pas établi par conséquent qu’elle aurait été portée à la connaissance du salarié ;

Que par ailleurs, le rapport de M. X relève, le 28 décembre 2013, un déficit de 33,84 €, au préjudice du magasin, existant selon lui depuis plusieurs jours au niveau de la comptabilité du coffre principal ;

Qu’il est cependant impossible d’imputer cette erreur de caisse personnellement au salarié, alors qu’il est noté qu’une passation des clés du coffre principal est intervenue le 24 décembre 2013 entre le responsable de magasin et son remplaçant ;

Qu’en conclusion, l’ensemble des griefs qui sont énoncés dans la lettre de licenciement au registre du « non-respect des procédures de gestion du coffre et des caisses » n’est pas en l’espèce fondé ;

Attendu qu’au titre « manque de contrôle divers », la lettre de licenciement rappelle que le point B paragraphe 3 de la fiche de poste précise que le responsable de magasin doit former, contrôler, évaluer et diriger ses collaborateurs, et faire en sorte qu’ils respectent très exactement ses instructions et les fonctions inhérentes à leur poste ;

Qu’en l’espèce, après consultation du classeur « G8 », rubrique « fiches d’évaluation », la société NORMA reproche à M. Y Z de n’avoir procédé à aucune évaluation des employés du magasin, et ce depuis le 15 avril 2013, date du dernier entretien avec son responsable de réseau ;

Que ce grief n’est pas fondé, dans la mesure où, ni le contrat de travail du salarié, ni la fiche de poste visée dans la lettre de licenciement, n’indiquent à quelle fréquence et selon quelles modalités, le responsable de magasin doit procéder à l’évaluation de ses collaborateurs, étant observé qu’il n’est pas précisé dans la lettre de licenciement pour quel salarié du magasin, M. Y Z aurait omis de procéder à l’évaluation ;

Attendu que le point D 2 c de la fiche de poste indique que le responsable de magasin est chargé personnellement de réceptionner et de contrôler la marchandise en provenance des fournisseurs ou de l’entrepôt, au moyen d’un bon de livraison qu’il doit vérifier systématiquement ;

Qu’il ressort en l’espèce des constatations effectuées par son responsable de réseau, le 28 décembre 2013 que M. Y Z a effectivement omis de contrôler les bordereaux d’expédition en date des 23, 24 et 27 décembre 2013, ce que l’intéressé n’a pas contesté lors de l’entretien préalable, de sorte que ce dernier grief est établi ;

Attendu que le contrôle a enfin révélé qu’au 28 décembre 2003 15 articles proposés à la vente dans les rayons du magasin, à savoir respectivement 7 lots de « pizza Villa Gusto » (référence n° 99682), 2 lots de jambon à griller (référence n° 46937), un filet de porc (référence n° 16099), 2 lots de « bifidus citron X 4 » (référence n° 42337) un pain spécial de campagne (référence n° 16835), un lot de « mélange fruits séchés » (référence n° 11958) et un dernier lot « cerneaux mél. Noix » (référence n° 36816) étaient périmés, ayant en effet dépassé la date limite de consommation de plusieurs jours, et parfois pour certains articles de plusieurs mois ;

Qu’il a également été constaté que 11 produits étaient impropres à la vente, dont un lot de « chorizo piment 250 g » (n° 31469) moisi, 5 lots de pommes de terre bio (n° 35880) présentant de nombreux germes, un ananas « Victoria » (n° 70724), un lot d’oranges bio (n° 39401), un lot de pommes « Golden » (n° 70721), un lot de poire (n° 70298) et un choux fleur ([…] ;

Qu’en procédant à un contrôle des dates limite de vente des produits présentés dans les rayons du magasin, le responsable de réseau a également constaté que la rotation des articles n’avait pas été appliquée correctement et que certaines marchandises étaient placées en avant dans les rayons avec une date de limite de consommation (DLC) plus longue que celles placées en arrière et cite ainsi comme exemples :

— un lot de « croissants fourrés x5 » (n° 13161) : mise en avant de la DLC au 24.02.2014 au lieu de celle au 18.02.2014,

— un lot de brioches tranchées (n°15560) : mis en avant de la DLC au 6.01.2014 au lieu de celle au 2.01.2014,

— un lot de sirop de menthe (n° 33807) : mis en avant de la DLC à 8/2016 au lieu de celle à 03/2016 ;

— un lot « Milky Way » (n° 46709) : mis en avant de la DLC au 13. 07.2014 au lieu de celle du 30.03.2014,

— un lot de purée (n° 31940) : mis en avant de la DLC au 22.06.2014 au lieu de celle au 21.04.2014,

— un lot de pommes de terre cuites (13530) : mise de la DLC au 01.03.2014 au lieu de celle au 15.01.2014,

— un lot de « saumon atlantique surgelé » (n° 99646) : mis en avant de la DLC à 03/2015 au lieu de celle à 02/2014,

Attendu que les constatations ainsi relevées par le responsable de réseau, sur lesquelles M. Y Z n’a fourni aucune explication, traduisent une gestion défectueuse des stocks, ainsi que de graves négligences dans le contrôle de la distribution des produits alimentaires au sein de son magasin, s’agissant en particulier de la présentation en surface de vente de plusieurs produits périmés, voire impropres à la vente (produits moisis ou périmés) ;

Que les défaillances ainsi relevées lors du contrôle opéré le 28 décembre 2013, auxquelles s’ajoutent l’absence d’étiquetage de certains produits, de contrôle de certains bons de livraison constituent une violation par le salarié de ses obligations, d’une gravité telle qu’elles rendent impossibles le maintien du contrat de travail pendant la durée de préavis ;

Que les manquements du salarié qui sont établis sont en effet constitutifs d’une faute grave, compte tenu des risques sanitaires encourus par la clientèle du magasin et par le fait que certains d’entre eux constituent des infractions pénales engageant la responsabilité de son employeur ;

Qu’ il sera noté enfin que M. Y Z a déjà été sanctionné, le 13 mai 2013, d’une mise à pied d’une journée pour avoir distribué au sein de son magasin des produits alimentaires périmés et ne pas avoir respecté la procédure de rotation des dates de limite de vente, soit déjà pour des infractions en matière d’hygiène identiques à celles justifiant aujourd’hui son licenciement ;

Qu’au vu de ces observations, il convient d’infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a considéré que le licenciement de M. Y Z est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de dire que celui-ci repose sur une faute grave ;

— Sur les demandes formées au titre des indemnités de rupture :

Attendu qu’en application de l’article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice ;

Que le licenciement du salarié reposant sur une faute grave, M. Y Z sera débouté de se demande formée au titre du paiement par son employeur d’une indemnité compensatrice de préavis, ainsi que de celle formée au titre des congés payés y afférents ;

Attendu qu’en application de l’article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ;

Que M. Y Z sera également débouté de sa demande formée au titre de l’indemnité légale de licenciement dès lors qu’il a commis une faute grave ;

Qu’enfin, pour les mêmes motifs, l’intimé sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée au titre de l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail :

— Sur la délivrance des documents de fin de contrat :

Attendu qu’il convient d’ordonner la délivrance par la société NORMA à M. Y Z des bulletins de paie pour la période allant du 26 avril 2010 au 11 février 2014, d’un certificat de travail, d’une attestation destinée à Pôle Emploi, rectifiés selon les prescriptions du présent arrêt, sous astreinte de 5 € par jour de retard et par document pendant trois mois, passé un délai d’un mois courant à compter de la notification de la présente décision ;

— Sur l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail :

Attendu qu’il n’y a pas lieu d’ordonner à la société NORMA d’ordonner le remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités, dans la mesure où ce licenciement repose sur une faute grave ;

— Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu qu’il convient de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais et dépens exposés en première instance et en cause d’appel ;

Que compte tenu de l’équité, la société NORMA et M. Y Z seront respectivement déboutés de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

- Confirme le jugement entrepris, en ce qu’il a condamné la société NORMA à payer à M. Y Z la somme de 13 838,23 € brut, à titre de rappel de salaire, celle de 1 383,82 € brut, au titre du rappel de congés payés, celle de 7,05 € brut, au titre de la prime annuelle, ainsi que celle de 204,17 € brut, au titre du repos compensateur ;

- L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant :

- Déboute M. Y Z de sa demande de dommages-intérêts « pour non-respect des salaires » ;

- Dit que le licenciement de M. Y Z repose sur une faute grave ;

- Déboute en conséquence M. Y Z de ses demandes formées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur cette indemnité, de l’indemnité de licenciement, ainsi que celle de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit n’y a avoir lieu d’ordonner le remboursement par la société NORMA aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. Y Z ;

- Ordonne la délivrance par la société NORMA à M. Y Z des bulletins de paie pour la période allant du 26 avril 2010 au 11 février 2014, d’un certificat de travail, d’une attestation destinée à Pôle Emploi, rectifiés selon les prescriptions du présent arrêt, sous astreinte de 5 € par jour de retard et par document, passé un délai d’un mois courant à compter de la notification de la présente décision et ce pendant une durée maximale de trois mois;

- Déboute la société NORMA et M. Y Z de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d’appel ;

- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais et dépens exposés en première instance et en cause d’appel.

Le Greffier, La Présidente de Chambre,

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Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 15 novembre 2017, n° 16/00901