Cour d'appel de Metz, Chambre sociale section 1, 21 juillet 2022, n° 21/01225

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc. sect. 1, 21 juill. 2022, n° 21/01225
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 21/01225
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Forbach, 30 septembre 2013, N° 11/0302E
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n°22/00553

21 Juillet 2022

— -----------------------

N° RG 21/01225 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FP4S

— ---------------------------

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORBACH

01 Octobre 2013

11/0302 E

— ---------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt et un juillet deux mille vingt deux

APPELANTS :

M. [W] [S] agissant en qualité d’héritier de M. [H] [S], décédé

[Adresse 2]

Représenté par Me Jean-Daniel CAUVIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

Mme [R] [S] épouse [E] agissant en qualité d’héritier de M. [H] [S], décédé

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean-Daniel CAUVIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

Etablissement Public AGENCE NATIONALE DE GARANTIE DES DROITS DES MINEUR S-ANGDM représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Frédéric CHARDIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 Janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, conseillère pour la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, , et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [H] [S] a effectué sa carrière professionnelle jusqu’au 31 décembre 1986 au service des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), devenues Charbonnages de France, aux droits desquelles vient l’Agence pour la Garantie des Droits des Mineurs (ANGDM).

M. [S] relevait du statut du mineur, qui prévoit notamment au profit des agents et anciens agents d’entreprises minières et ardoisières, des avantages en nature sous la forme d’une attribution de combustible ou de fourniture d’un logement ou leur substitution par une indemnité équivalente.

Le 29 décembre 1986, M. [S] a signé un contrat viager prévoyant le rachat anticipé de son indemnité de logement. Ainsi, Les Houillères du Bassin de Lorraine lui ont versé un capital au titre du rachat de la prestation de logement. En contrepartie, M. [S] a autorisé les Houillères à retenir, chaque trimestre, le montant des indemnités de logement qui lui étaient dues en application du statut du mineur.

Par demande introductive d’instance enregistrée au greffe le 4 juillet 2011, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la reprise du versement de l’indemnité de logement à compter du 1er janvier 2011, la condamnation de l’ANGDM au paiement de 42 630 euros échus au 30 décembre 2010, de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement du 1er octobre 2013, le conseil de Prud’hommes de Forbach, section encadrement, a :

— débouté M. [S] de l’ensemble de ses chefs de demande, débouté l’ANGDM de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [S] aux entiers frais et dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 6 janvier 2014, M. [S] a régulièrement interjeté appel du dit jugement.

Par ordonnance de radiation du 24 mars 2015, la cour d’appel de Metz a ordonné la radiation de l’affaire et l’a supprimée du rang des affaires en cours.

Par ordonnance de radiation du 30 mai 2018, la cour d’appel de Metz a ordonné la radiation de l’affaire et l’a supprimée du rang des affaires en cours.

Par leurs dernières conclusions datées 18 octobre 2021, M. [W] [S] et Mme [R] [E] [S], ayants-droit de M. [S], et le Syndicat fédération nationale encadrement mines CFE-CGC demandent à la cour de :

— Infirmer le jugement entrepris,

— Donner acte à la FNEM ETAM MINES de ce qu’elle fait sienne l’argumentation du mineur précité,

— Juger en conséquence qu’il y a lieu au retour aux droits et paiements des indemnités sollicités par M. [S],

— Constater ou dire et juger qu’en acceptant d’avoir donné à son employeur la possibilité d’imputer en remboursement du prêt ou de l’avance de trésorerie qui lui a été consentie par celui-ci, les indemnités « avantages en nature chauffage et logement » auxquelles ils avaient droit toute leur vie durant, que ce soit au titre du contrat de logement ou du contrat de chauffage,

— Constater ou dire que les demandeurs n’ont pas renoncé à recevoir après remboursement des dites sommes, prêtées ou avancées, les indemnités trimestrielle postérieurs à cette échéance de remboursement,

— Ordonner que soient repris les paiements, et seulement pour les avantages auxquels il a été prétendument renoncé, à c’est à dire en nature de logement et/ou de chauffage et non pas en indemnités,

— Ordonner à compter du remboursement des sommes avancées par l’ANGDM, la reprise du paiement des avantages en nature de chauffage et de logement,

— Si telle ne devait pas être l’interprétation donnée, la Cour estimant n’y avoir pas lieu à interprétation, accueillir sa demande en nullité de la clause éventuelle de renonciation à recevoir les indemnités de logement auxquelles il avait droit en vertu du statut des mineurs,

— Sauf si mieux n’aime à la Cour, accueillir l’exception de nullité de la clause éventuelle de renonciation à recevoir les indemnités de logement auxquelles il avait droit en vertu du statut des mineurs,

— Considérant l’incertitude juridique résultant de l’interprétation possible de la clause dite de renonciation aux indemnités de logement,

— Constatant pour les mineurs, requérants aux présentes, la disproportion qu’il y a entre les sommes reçues et les sommes attendues,

— Rejeter comme irrecevable ou infondé le moyen tiré de la prescription,

— Accueillir la nullité des clauses litigieuses,

— Ordonner, à compter du remboursement des sommes avancées par l’ANGDM, la reprise du paiement des avantages en nature de chauffage et de logement,

En tout état de cause, si la nullité de la convention, ou de sa clause, en tant que telle, ne devait être accueillie il ne saurait en être tiré pour un quelconque motif même la prescription, le rejet des demandes du paiement des indemnités mensuelles ou trimestrielles qui étaient dues à M. [S], celles-ci n’étant par nature pas prescrites,

— Constater que M. [S] a lancé son action dans le délai de prescription,

— Rejeter le moyen tiré de la prescription des échéances d’avantages natures et avantages logement vu l’inopposabilité de la clause de renonciation qui est nulle,

— Condamner l’ANGDM à leur payer les indemnités des avantages nature de chauffage et de logement non prescrites,

— Condamner l’ANGDM à leur payer 66 636 euros au titre des indemnités échues à la date du 31 décembre 2015,

— Condamner l’ANGDM à reprendre le versement de la prestation logement conformément à l’article 23 du statut du mineur à compter du 1er janvier 2016 et ce jusqu’à la date de son décès le 28 avril 2020,

— Sur la CSG CRDS, dire et juger que la demande de l’ANGDM est prescrite et à défaut que la CSG CRDS est inapplicable à ces contrats et de rejeter les demandes présentées par l’ANGDM à ce titre,

— Condamner l’ANGDM pour l’avenir à ne plus solliciter le règlement de ces sommes ni à les faire payer ni à les prélever d’une manière ou d’une autre,

— Condamner l’ANGDM à rembourser aux mineurs qui ont été amenés à la payer le montant de la CSG et de la CRDS,

— Dire n’y avoir lieu au paiement de la CSG CRDS pour l’avenir, et ce rétroactivement depuis la première date à laquelle cette somme a été réclamée,

— Déclarer la décision à venir exécutoire et prononcer une astreinte de 1 000 euros par semaine de retard, un mois après notification, en cas de non exécution,

— Dénoncer et condamner la nature du contrat sur plusieurs points :

les articles 2 et 3 de la convention du rachat viager,

l’accroissement de la valeur de remboursement annuel,

— Donner acter que la CFE CGC s’associe avec les demandes formulées par le mineur,

— Dire et juger qu’à compter du remboursement, l’ANGDM sera condamnée à reprendre le versement des prestations logement et chauffage conformément aux articles 22 et 23 du statut des mineurs,

— Condamner l’ANGDM à payer à la FNEM ETAM MINES la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession,

— Condamner l’ANGDM aux entiers dépens, outre la somme de 4 000 euros sur la base de l’article 700 du Code de procédure civile.

A l’appui de leur appel, les consorts [S] rappellent les circonstances dans lesquelles il a été proposé aux mineurs de racheter les avantages en nature, indemnité de logement et indemnité de chauffage, que leur octroyait les articles 22 et 23 de leur statut jusqu’à leur décès, ainsi que le mécanisme de ce rachat, par octroi d’un capital déterminé en fonction de l’espérance de vie du salarié, remboursable par le versement trimestriel des indemnités qui auraient été dues par la société des Houillères des Bassins de Lorraine, aux droits de laquelle vient l’ANGDM.

Ils considèrent que la signature par M. [S] du contrat le 29 décembre 1986 ne valait pas abandon définitif par lui de la créance, malgré son caractère viager, ce contrat étant susceptible d’interprétation et ayant donné lieu tant à une définition législative dans la loi de finances pour 2009 qu’à une concertation avec les partenaires sociaux et à une succession d’arrêts contradictoires de la Cour de cassation, jusqu’à un arrêt du 11 septembre 2019, qui a déclaré prescrite l’action d’un syndicat qui intervenait au côté d’un salarié qui n’avait pas lui-même formé de pourvoi, en se basant pour le point de départ de la prescription quinquennale sur la date du contrat signé par ce dernier.

Ils estiment que cet arrêt n’est pas transposable à l’action du salarié lui-même et que l’interprétation du contrat reste ouverte à cette action, rappelant l’inéquité créée par le contrat qui lui a fait perdre une somme particulièrement importante, faisant notamment valoir que si le salarié ne connaît pas ses droits à la date de la signature du contrat il faut admettre que le contrat puisse encore donner lieu à interprétation même plus de vingt ans plus tard, donc qu’il n’y a pas prescription.

Cette interprétation doit en l’occurrence conduire à prononcer la nullité de la clause de renonciation du contrat ou à recevoir l’exception de nullité, aux motifs que le contrat est contraire au droit viager créé par le statut du mineur, instauré par voie réglementaire.

Les consorts [S] invoquent aussi d’autres causes de nullité, dont le fait que ce contrat porterait atteinte au droit au logement du mineur, dont au droit du conjoint garanti par l’article 214 du code civil, ainsi qu’au principe d’égalité en matière de rémunérations, ainsi que la jurisprudence aux termes de laquelle il n’est pas possible à un salarié tant que son contrat de travail est en cours de renoncer aux avantages qu’il tire d’une convention collective ou de dispositions statutaires d’ordre public.

Enfin, les consorts [S] ajoutent qu’il y a une violation du droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l’homme et du droit au respect des biens garanti par l’article 1 du Protocole n°1 dans le cas où le délai de prescription éteint le droit de créance des mineurs et de leurs ayants-droit.

Par ses dernières conclusions datées du 29 octobre 2021, enregistrées au greffe le même jour, l’ANGDM demande à la cour de :

— A titre principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [S] de ses demandes,

— Dire et juger irrecevable du fait de la prescription quinquennale la demande en nullité du contrat de capitalisation formée par M. [S],

— A titre subsidiaire, confirmer en toutes ses dispositions la décisions du Conseil de Prud’hommes de Forbach du 1er octobre 2013,

— Dire et juger régulière la convention de capitalisation signée par M. [S],

En tout état de cause, débouter M. [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— Condamner les consorts [S] à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens de l’instance.

L’ANGDM soulève à titre principal la prescription de la demande, rappelant que l’action tendant à l’annulation d’une convention pour méconnaissance d’une règle d’ordre public de protection se prescrit par cinq ans à compter de sa conclusion, la violation d’une telle règle, en l’espèce les articles 22 à 24 du statut du mineur, étant sanctionnée par une nullité relative telle que prévue à l’article 1304 du code civil.

Elle rappelle les dernières jurisprudences intervenues dans des espèces similaires, dont des arrêts de la Cour de cassation et des arrêts de la chambre commerciale de notre Cour.

Au fond, elle expose le mécanisme de la capitalisation des prestations visées au statut du mineur mis en place déjà à partir de 1949, avec actualisation successive des circulaires et harmonisation par une circulaire du 9 février 1988, décrit l’option choisie par M. [S] parmi les trois possibles, à savoir le rachat avec souscription d’un contrat viager, qui n’a pas la nature d’un contrat de prêt dans la mesure ou le capital versé initialement n’est pas amorti par le versement des indemnités de logement ou de chauffage chaque trimestre à l’ANGDM, de sorte qu’il ne peut y avoir trop perçu lorsque le montant de ce capital est atteint, mais d’abord d’un contrat de rente viagère par lequel le souscripteur a choisi de remplacer le versement viager de ces indemnités par une autre modalité, à savoir un paiement en une seule fois sous forme d’un capital, devenu contrat sui generis depuis la loi de finances pour 2009, qui a validé le mécanisme dans un article 3 qui stipule notamment que les contrats de capitalisation se substituent, à titre définitif, aux prestations viagères visées au statut du mineur, ce qui rend le droit d’option du mineur entre capitalisation ou poursuite des versements trimestriels irrévocable, cette loi ayant aussi précisé à quel moment les prélèvements fiscaux et sociaux auxquels sont assujetties les indemnités de logement et de chauffage prenaient fin, soit la date à laquelle le bénéficiaire du capital a atteint l’âge de référence ayant servi de base au bénéficiaire de ce capital.

L’intimée précise enfin pourquoi il est justifié d’assujettir les indemnités à la CSG et à la CRDS depuis la création de ces impositions.

Il convient en application de l’article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l’action

M. [S] a conclu le 29 décembre 1986 avec les Houillères des Bassins de Lorraine un contrat disposant que :

« Après qu’il ait été exposé que :

Les Houillères du Bassin de Lorraine offrent à leur personnel, au moment du départ à la retraite, la possibilité de souscrire un contrat viager comportant :

d’une part, le versement par le CNGR pour leur compte d’un capital au retraité ;

d’autre part, le versement trimestriel au CNGR par le retraité sa vie durant, d’une somme déterminée.

Au décès du souscripteur de ce contrat, s’il laisse une veuve ouvrant droit du chef de son mari, à une prestation de logement, les Houillères reprennent à son bénéficie, le versement de l’indemnité de logement, compte tenu, le cas échéant des règle fixant la prestation à servir lorsque la veuve peut bénéficier de droits personnels.

Monsieur [S] [H] et Madame [T] [G] son épouse s’étant déclarés intéressés par cette proposition,

Il est convenu ce qui suit :

Article 1er

Le contrat dûment signé, dès réception de la fiche individuelle d’état civil portant la mention marginale « non décédé », délivrée par la mairie du lieu de résidence, dans les huit jours qui suivent la la cessation d’activité, le CNGR versera à Monsieur [S] [H] par virement bancaire, un capital de F.305 754.

Article 2

Monsieur [H] [S] s’oblige à s’acquitter de la dette qu’il a ainsi contractée à l’égard des Houillères du Bassin de Lorraine, à dater du 01.01.1987 par des versements trimestriels au CNGR dont le premier terme interviendra le 31.03.1987 et les suivants à l’échéance de chaque trimestre civil, et ce, jusqu’au décès du cocontractant.

Article 3

Le montant de chaque versement trimestriel correspondra à celui de l’indemnité trimestrielle de logement à laquelle pourra effectivement prétendre Monsieur [S] [H] à la date de l’échéance trimestrielle considérée.

Article 4

Monsieur [H] [S] autorise le CNGR, en règlement des montants précisés ci-dessus, qu’il s’est engagé à verser, à retenir à chaque échéance trimestrielle le montant de l’indemnité de logement qui lui sera due à la même échéance ».

Par ce contrat, il convient de relever qu’il ne prenait effet qu’au jour de la retraite du salarié, date de versement du capital, M. [H] [S] a clairement accepté de se voir verser un capital remplaçant, sa vie durant, la perception les indemnités trimestrielles de logement prévues à l’article 23 du statut du mineur institué par le décret du 14 juin 1946, autorisant les Houillères du Bassin de Lorraine à retenir le paiement de ces indemnités en contrepartie de ce capital, ce caractère viager ressortant des termes « contrat viager » figurant dans l’exposé préalable, « sa vie durant » stipulés dans ce même préambule et « jusqu’au décès du cocontractant » figurant à l’article 2 pour l’obligation de s’acquitter de la dette.

L’action des consorts [S], venant aux droits de M. [H] [S] décédé, tend en fait, sous la prétention première d’une interprétation de ce contrat, à remettre en cause sa validité et l’engagement du co-contractant salarié, dont il est allégué qu’il n’en aurait pas compris le sens, la nullité de cet acte étant invoquée à titre principal ou par voie d’exception (mais en l’espèce les appelants n’étant pas défendeurs à une action principale, cette nullité ne peut être invoquée qu’à titre principal) pour soutenir la prétention au paiement par l’ANGDM des indemnités trimestrielles de logement.

Il convient à cet égard de rappeler que l’interprétation n’est pas une source de droit, seuls les actes juridiques, dont l’interprétation est le moyen d’apprécier la portée, en l’espèce le contrat concerné, étant générateurs de droits ou d’obligations et que cette interprétation, quel que soit le moment où elle pourrait être requise, est donc impropre à interrompre ou empêcher la prescription applicable à l’action en nullité de cet acte.

Au surplus, le contrat en question, dont les termes sont dépourvus de toute équivoque et que M. [S] a librement accepté de signer, ne donnent lieu à aucune interprétation, a fortiori dans le sens selon lequel le salarié n’aurait pas renoncé à percevoir les indemnités après remboursement du capital, alors qu’il y a clairement renoncé sa vie durant.

La seule nullité invoquée en l’espèce, tel que cela ressort du dispositif des conclusions des appelants, qui seul lie la cour, puisque la cour n’est, aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, tenue de statuer que sur les prétentions énoncées à ce dispositif et les moyens présentés à leur soutien, est la nullité de la « clause éventuelle de renonciation à recevoir les indemnités auxquelles il [M. [S]] avait droit en vertu du statut des mineurs ».

Les dispositions du statut des mineurs, dont les ayants-droit du salarié invoquent la violation au soutien de leur demande de nullité, appartiennent à l’ordre public de protection puisqu’elles bénéficient au salarié d’une catégorie particulière, relevant d’un statut dérogatoire, dont lui seul peut se prévaloir, de sorte qu’il s’agit d’une nullité relative dont le délai de prescription est quinquennal.

En effet, aux termes de l’article 1304 du code civil, dans sa version en vigueur au jour de la demande de M. [S], qui s’applique à toutes les actions en nullité relative d’un contrat, « dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. »

Par ailleurs, aux termes de l’article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières, dont font aussi partie les actions en nullité relative d’un acte, se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, il a déjà été relevé que les dispositions du contrat litigieux stipulait de manière claire et sans ambiguïté son caractère viager, de sorte que M. [H] [S] était parfaitement informé dès sa souscription qu’en acceptant le capital proposé il renonçait sa vie durant à la perception des indemnités de logement, sans pouvoir prétendre à une reprise de leur paiement, même lorsque leur montant aura atteint celui du capital alloué, puisque leur rétrocession était prévue jusqu’à son décès.

En conséquence, point de départ de la prescription quinquennale était le jour de la signature du contrat le 29 décembre 1986 et la demande de nullité de ce contrat était largement prescrite au jour même de l’introduction de la demande, le 4 juillet 2011, par application de l’article 1304 du code civile.

Il convient de préciser que le délai de prescription ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge ni une atteinte au droit au respect des biens, en l’occurrence de la créance sollicitée, dès lors que ce délai a pour finalité de garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions du salarié dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant la juridiction prud’homale, ce avant même que la prescription ne lui soit opposée, sachant que les ayants-droit n’ont fait que reprendre l’action engagée par le salarié sans que la date à laquelle ils ont pris connaissance des faits ne puisse reculer le point de départ de la prescription applicable à son action.

Le jugement entrepris sera donc complété pour accueillir la fin de non recevoir tirée de la prescription.

Il est rappelé au surplus que les contrats de capitalisation des indemnités logement ou ont déjà été validés, en ce qui concerne le pouvoir de contracter de l’employeur, tant par la loi, en l’espèce la loi de finances pour 2009, même si son objet était essentiellement fiscal, que par la jurisprudence, notamment au regard de l’habilitation du Ministre de l’Industrie et du Commerce en date du 13 octobre 2009 s’agissant du droit au logement et de la circulaire ministérielle du 1er septembre 1956 concernant l’indemnité de chauffage.

Sur la demande en paiement des indemnités de logement

Cette demande, qui repose sur la nullité des clauses litigieuses, si elle n’est pas prescrite, ne peut pas prospérer puisque la validité du contrat, et donc de l’engagement de M. [S], ainsi que le caractère viager de ce contrat ne peuvent plus être remis en cause, les premiers juges ayant au surplus déjà rejeté cette demande par des motifs adaptés et pertinents.

Les consorts [S] seront donc déboutés de leur demande de paiement des indemnités et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il avait débouté M. [S] de sa demande de paiement, alors autrement formulée, avec cette précision que les consorts [S] sont déboutés de leurs prétentions nouvelles à ce titre en cause d’appel.

Sur la demande de remboursement des cotisations sociales

Il sera d’abord relevé que l’ANGDM ne forme aucune demande au titre de la CSG-CRDS.

La cour constate ensuite que les consorts [S] et le syndicat CFE CGC, qui estiment de manière générale qu’il convient de « rembourser aux mineurs qui ont été amenés à la payer le montant de la CSG et de la CRD », se contentent de dire que dans le cas d’espèce il n’y a pas lieu au paiement de la CGS CRDS « pour l’avenir et ce rétroactivement » si bien que la cour ne peut suppléer la carence des appelants qui ne présente aucune demande ni chiffrée ni chiffrable à ce titre pour les sommes déjà versées.

Ils seront donc déboutés de leur demande de remboursement des cotisations sociales prélevées sur les indemnités et de leur demande d’astreinte.

Il n’y a pas lieu par ailleurs de « dénoncer » la nature du contrat sauf à préciser que le contrat de capitalisation était un contrat sui généris qui n’a pas la nature d’un contrat de prêt.

Sur le surplus

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [S] et le syndicat CFE CGC, qui succombent en cause d’appel, supporteront les dépens d’appel.

L’équité n’impose pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, compte tenu de la situation économique respective des parties.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à interprétation du contrat conclu le 29 décembre 1986 entre les Houillères du Bassin de Lorraine et M. [H] [S] ;

Déclare irrecevable, car prescrite, l’action en nullité de ce contrat ;

Déboute Mme [R] [E] [S] et M. [W] [S], venant aux droits de M. [H] [S], et le syndicat Fédération nationale encadrement mines CFE-CGC de leur demande de paiement des indemnités de logement et de chauffage, autrement formulée en cause d’appel,

Déboute Mme [R] [E] [S] et M. [W] [S], venant aux droits de M. [H] [S], et le syndicat Fédération nationale encadrement mines CFE-CGC de leurs demandes de reversement des cotisations sociales et d’astreinte ;

Dit n’y avoir lieu à dénoncer la nature du contrat ;

Condamne in solidum Mme [R] [E] [S] et M. [W] [S], venant aux droits de M. [H] [S], et le syndicat Fédération nationale encadrement mines CFE-CGC aux dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le Greffier P/ La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère

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