Cour d'appel de Montpellier, 20 décembre 2006, n° 06/02402

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 20 déc. 2006, n° 06/02402
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 06/02402
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 7 mars 2006

Texte intégral

CC/JLP/SD

4° chambre sociale

ARRET DU 20 Décembre 2006

Numéro d’inscription au répertoire général : 06/02402

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 MARS 2006 CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE MONTPELLIER , N° RG05/00770

APPELANTE :

SARL Y Z

prise en la personne de son représentant légal en exercice,

XXX

XXX

Représentant : la SCP CHATEL – CLERMONT – TEISSEDRE TALON – BRUN (avocats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame A X

XXX

XXX

Représentant : Me Monique .CAPARROS CAILLON (avocat au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 NOVEMBRE 2006, en audience publique, Monsieur B C ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur B C, Président de Chambre

Madame Bernadette BERTHON, Conseiller

Monsieur I-Luc PROUZAT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme D E

ARRET :

— Contradictoire.

— prononcé publiquement le 20 DECEMBRE 2006 par Monsieur B C, Président de Chambre.

— signé par Monsieur B C, Président de Chambre, et par Mme D E, présent lors du prononcé.

*

* *

A X a été embauchée le 1er septembre 1991 par la SARL Y Z en qualité de secrétaire hôtesse, coefficient 150, de la convention collective de la distribution des papiers et cartons.

Le 3 janvier 2005, elle a été convoquée pour le 11 janvier à un entretien préalable à son licenciement économique.

Celui-ci lui a été notifié, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 20 janvier 2005, en ces termes :

A la suite de notre entretien du 11 janvier 2005 et constatant malgré nos recherches l’impossibilité de reclassement, n’ayant aucun autre poste à vous proposer, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant :

Notre entreprise a entamé une réorganisation interne, notamment suite au départ en retraite de deux salariés. Cette réorganisation étant nécessité par la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise et le maintien de sa position sur le marché face à une concurrence toujours plus vive.

Nous sommes donc contraints de supprimer votre poste de travail.

Estimant son licenciement infondé et réclamant le paiement d’heures supplémentaires, madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier qui, par jugement du 8 mars 2006, a notamment :

— dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Y Z à lui payer :

# 30 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,

# 259,17 euros en règlement de majorations pour heures supplémentaires,

# 25,91 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents,

— ordonné le remboursement par la société Y Z à l’Assedic des indemnités de chômage versées à madame X à la suite de la rupture de son contrat de travail, dans la limite d’un mois.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 6 avril 2006 au greffe de la cour, la société Y Z a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle en sollicite l’infirmation et demande à la cour de débouter madame X de sa demande de dommages et intérêts et subsidiairement, de minorer le montant, outre l’allocation de la somme de 1000,00 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

— les griefs faits à l’employeur selon lesquels il aurait tenté d’évincer madame X avant de la licencier sont infondés,

— la lettre de licenciement est motivée tant en ce qu’elle énonce la cause économique que ses conséquences sur l’emploi,

— dans un contexte économique difficile 'le chiffre d’affaires de la société a diminué de 25% en quatre ans depuis 2001- et face aux départs simultanés des trois salariés composant le service commercial, la société a dû se réorganiser en vue de la sauvegarde de sa compétitivité,

— le poste de madame X a ainsi été supprimé, ses tâches (accueil des clients, réception téléphonique, traitement du courrier) ayant été soit affectées directement aux personnes concernées notamment grâce à la capacité nouvelle du système informatique, soit réparties sur l’ensemble du personnel.

Madame X conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré son licenciement comme sans cause réelle et sérieuse mais, formant appel, incident, demande la condamnation de la société Y Z à lui payer les sommes de :

# 60 000,00 euros à titre de dommages et intérêts, tenant son ancienneté et son âge,

# 2852,46 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,

# 285,24 euros au titre des congés payés y afférents,

# 1500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir que la lettre de licenciement n’est pas motivée, que les difficultés économiques invoquées dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise ne se trouvent pas établies, que la société Y Z a d’ailleurs recruté six salariés supplémentaires en 2004 et 2005 dont quatre sous contrat à durée indéterminée et qu’aucune proposition de reclassement ne lui a été faite ; elle ajoute qu’à compter de septembre 2004, l’employeur l’a volontairement isolée dans un bureau au 1er étage, sans contact téléphonique, ni rapport avec la clientèle, ce qui constituait l’essentiel de ses tâches depuis 15 ans, lui confiant des tâches insignifiantes à effecteur ; enfin, elle affirme que pour la période du 1er janvier 2002 au 27 avril 2004, elle a accompli 162,50 heures par mois au lieu de 151,67 heures et qu’il lui est donc dû, sur 107 semaines, des majorations à 10% pour 299 heures supplémentaires.

MOTIFS DE LA DECISION :

  1. le licenciement et ses conséquences :

En application de l’article L 122-14-2 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les termes du litige, à défaut de quoi, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; s’agissant d’un licenciement pour motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer, de façon suffisamment précise, la raison économique, ainsi que son incidence sur l’emploi ou le contrat de travail.

En l’occurrence, la lettre de licenciement du 20 janvier 2005, fixant les termes du litige, évoque une restructuration interne faisant suite au départ à la retraite de deux salariés, nécessitée par la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise et le maintien de sa position sur le marché face à une concurrence toujours plus vive (sic), et l’obligation de supprimer l’emploi de secrétaire hôtesse de madame X ; elle ne précise pas cependant en quoi consiste la réorganisation envisagée et l’incidence de celle-ci sur l’emploi de secrétaire hôtesse.

La réorganisation de l’entreprise constitue, par ailleurs, un motif économique de licenciement au sens de l’article L 321-1 du code du travail si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient ; tel est le cas si la réorganisation, non liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, a pour but de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi ; il appartient ainsi à l’employeur de fournir des éléments concrets de nature à établir que la réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Dans ses conclusions d’appel, la société Y Z invoque une baisse en 2004 de son chiffre d’affaires par rapport aux trois exercices précédents 'les comptes de résultats produits aux débats établissent que la société a réalisé en 2004 un chiffre d’affaires net de 2 388 263,00 euros alors que ses chiffres d’affaires pour 2001, 2002 et 2003 s’élevaient, respectivement, à 3 158 398,00 euros, 2 754 241,00 euros et 2 722 090,00 euros', ainsi qu’une chute des prix à la production dans le secteur des papiers d’impression, observée depuis 2002, d’après les indices publiés par l’Insee ; toutefois, il n’est pas établi en quoi le remplacement courant 2004 de trois salariés affectés au service commercial , deux étant partis à la retraite (B F, G H), le troisième ayant été déclaré inapte à son poste de travail (I J) et la modernisation opérée en juin 2004 de son système informatique, était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, confrontée à une baisse de 12% de son chiffre d’affaires en 2004 par rapport à 2003.

Enfin, le premier juge a relevé à juste titre que l’employeur ne justifiait pas avoir recherché, de manière concrète, les possibilités de reclassement de madame X dans des emplois disponibles au sein de l’entreprise ; il convient à cet égard de relever, en l’état de l’extrait du registre du personnel communiqué, que concomitamment à l’engagement de la procédure de licenciement, la société Y Z a embauché, le 3 janvier 2005, une assistante commerciale (K L) par contrat à durée indéterminée, sans que le poste n’ait été proposé à madame X, aucune indication n’étant donnée sur la nature de la qualification exigée et l’aptitude de l’intéressée à occuper le poste.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a considéré le licenciement de madame X comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Lors de son licenciement, madame X était âgée de 62 ans, comptait 13 ans d’ancienneté au sein de l’entreprise et percevait une rémunération brute mensuelle de 1476,81 euros ; aucun élément n’est en revanche fourni concernant sa situation matérielle actuelle.

Pour réclamer la somme de 60 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement cause réelle et sérieuse, la salariée invoque le comportement harceleur de l’employeur (sic) qui l’aurait isolée, à compter du mois de septembre 2004, dans un bureau au 1er étage et privée de l’essentiel de ses tâches (l’accueil des clients, la réception des appels téléphoniques), ce qui aurait provoqué chez elle un état dépressionnaire grave ; cependant, un tel chef de préjudice ne découle pas directement de la rupture du contrat de travail mais de ses conditions d’exécution ; de plus, la preuve des faits invoqués, permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L 122-49, ne se trouve pas établie, madame X communiquant, outre divers certificats relatifs à un suivi médical à compter du 30 juin 2004 pour un état dépressif, l’attestation d’un ancien salarié (G H) qui, rédigée en des termes vagues, se borne à faire état de brimades dont elle a fait l’objet telles que réflexions désobligeantes sur son travail et insinuation sur ses absences pour maladie.

En fonction des éléments d’appréciation analysés, l’évaluation à la somme de 30 000,00 euros du montant des dommages et intérêts, arbitré par le premier juge, doit ainsi être entérinée.

  1. le rappel de salaire pour heures supplémentaires :

L’article L 212-1 bis du code du travail, dans sa rédaction de la loi du 13 juin 1998 dite « AUBRY I », a fixé à 35 heures la durée légale du travail à partir du 1er janvier 2002 pour les entreprises de 20 salariés ou moins, une telle durée constituant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ; en application de la loi du 19 janvier 2000, dite « AUBRY II », le taux de bonification en repos ou de majoration de salaire des quatre premières heures supplémentaires a été fixé à 10%, disposition prorogée jusqu’au 31 décembre 2005 par la loi du 17 janvier 2003.

Il n’est pas discuté qu’en vertu de l’accord national de branche du 25 novembre 1999, la société Y Z a réduit le temps de travail de ses salariés de 169 heures à 162,50 heures par mois, soit 37,50 heures hebdomadaires ; l’examen des bulletins de paie établit en outre que le salaire de base de madame X a été maintenu à la somme de 1316,33 euros brut, malgré la réduction du temps de travail.

Les heures effectuées au-delà de l’horaire légal ont été rémunérées mais sans la majoration de 10% ; ces heures non majorées sont au nombre de 299 pour la période du 1er janvier 2002 au 27 avril 2004, soit un rappel de salaire de 259,17 euros, compte tenu d’un taux horaire de 8,68 euros ; le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a alloué à madame X ladite somme de 259,17 euros, outre celle de 25,91 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

  1. les dépens et l’application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile :

La société Y Z qui succombe doit être condamnée aux dépens d’appel, sans toutefois que l’équité ne commande l’application, au profit de madame X, des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 mars 2006 par le conseil de prud’hommes de Montpellier,

Condamne la société Y Z aux dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu à l’application, au profit de madame X, des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Montpellier, 20 décembre 2006, n° 06/02402