Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 21 juin 2011, n° 10/03569

  • Sociétés·
  • Relation commerciale·
  • Transport·
  • Indemnité d'immobilisation·
  • Véhicule·
  • Contrats·
  • Accord·
  • Conteneur·
  • Tribunaux de commerce·
  • Autriche

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2° ch., 21 juin 2011, n° 10/03569
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 10/03569
Décision précédente : Tribunal de commerce de Perpignan, 26 avril 2010, N° 2009-02024

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 21 JUIN 2011

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/03569

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 AVRIL 2010

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2009-02024

APPELANTE :

SA LKW WALTER INTERNATIONAL TRANSPORT ORGANISATION AG, société anonyme de droit autrichien, représentée par son représentant légal en exercice en cette qualité au siège social

IZ NÖ-SÜD

Strasse 14,A

XXX

représentée par la SCP Gilles ARGELLIES ET Fabien WATREMET, avoués à la Cour

assistée de Me Brigitte VICTOR-GRANZER avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SARL ENTREPRISE MEDJEBEUR, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

XXX

XXX

représentée par la SCP Yves et Yann GARRIGUE, avoués à la Cour

assistée de Me LAVIE avocat au barreau de LYON

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 16 Mai 2011

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 MAI 2011, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Daniel BACHASSON, Président

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller

Madame Brigitte OLIVE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La société de droit autrichien LKW Walter Transport Organisation AG (la société LKW Walter) a entretenu des relations commerciales, de septembre 2006 à juillet 2009, avec la société Entreprise Medjebeur (la société Medjebeur) à laquelle elle avait confié le transport par route de caisses mobiles depuis le terminal Novatrans de Perpignan jusqu’en Espagne.

Ces relations ont été formalisées par un accord conclu le 19 octobre 2007 entre les parties, fixant les conditions tarifaires des transports et la durée du contrat.

Par courrier du 23 juillet 2009, la société Medjebeur, après avoir rappelé les termes de l’accord prévoyant que la société LKW Walter s’était engagée à utiliser par jour quatre véhicules avec châssis porte-conteneurs et quatre conducteurs et, à défaut, hors le cas de force majeure, de l’indemniser à hauteur de 60% de la somme de 475,00 euros en compensation des frais encourus, a mis celle-ci en demeure de lui régler une somme de 184 696,20 euros à titre d’indemnité, à raison d’un non-respect, depuis septembre 2008, de ses engagements contractuels.

Par acte du 24 juillet 2009, la société Medjebeur, se fondant sur les articles 1134, 1148 du code civil et L. 442-6 I (5°) du code de commerce, a fait assigner la société LKW Walter devant le tribunal de commerce de Perpignan en paiement des sommes de 195 616,20 euros, montant réactualisé des indemnités prévues à l’accord du 19 octobre 2007, et 200 000,00 euros en réparation de son préjudice consécutif à l’investissement non amorti de ses véhicules et remorques.

En cours d’instance, par courrier du 30 juillet 2009, la société LKW Walter a notifié à la société Medjebeur la rupture, avec effet immédiat, de la relation commerciale.

Elle a ensuite invoqué, dans le cadre du litige soumis au tribunal de commerce de Perpignan, l’incompétence de cette juridiction au profit du tribunal de commerce de Kufstein, en Autriche, et l’inapplicabilité du droit français.

Par jugement du 27 avril 2010, le tribunal a notamment :

— rejeté l’exception d’incompétence,

— débouté la société Medjebeur de sa demande en paiement de la somme de 195 616,20 euros,

— condamné la société LKW Walter à lui payer la somme de 136 500,00 euros en indemnisation du préjudice subi sur la période de septembre 2009 au 19 octobre 2010 à la suite de la rupture abusive des relations contractuelles,

— rejeté le surplus des demandes,

— alloué à la société Medjebeur la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société LKW Walter a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour de faire droit à son exception d’incompétence et de renvoyer la société Medjebeur à mieux se pourvoir, devant la juridiction compétente de Kufstein ; subsidiairement, elle conclut à la confirmation du jugement ayant débouté la société Medjebeur de sa demande en paiement de la somme de 195 616,20 euros, mais sollicite son infirmation en ce qu’il a appliqué le droit français et prononcé à son encontre, sur le fondement de l’article L. 442-6 I (5°), une condamnation en paiement de la somme de 136 500,00 euros ; à titre très subsidiaire, elle demande à la cour de constater l’absence de caractère abusif de la rupture pour débouter la société Medjebeur de sa demande d’indemnisation, fondée sur ce texte ; enfin, elle réclame l’allocation de la somme de 20 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

— c’est à tort que le premier juge a justifié sa compétence sur la base de l’article 31.1 b) de la Convention de Genève dite « CMR » alors, d’une part, que le litige est né de sa prétendue responsabilité délictuelle, non régie par la CMR, et du soit-disant manquement à des obligations étrangères à la CMR et, d’autre part, qu’aucune clause attributive de compétence ne figure dans l’accord du 19 octobre 2007 relativement aux litiges nés dudit accord,

— au regard des dispositions de l’article 5 du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, la compétence pour connaître du litige revient au tribunal de commerce de Kulstein, en Autriche, dans le ressort duquel s’est produit le prétendu fait dommageable et devait être exécutée l’obligation de quota, dont la violation est alléguée,

— elle n’a contracté aucune obligation de résultat, visant à utiliser chaque jour quatre des véhicules de la société Medjebeur, les factures produites, concernant notamment la période d’octobre 2007 à août 2008, faisant d’ailleurs apparaître un nombre journalier de tractions variant entre 1 et 4, sans qu’aient été appliquées des indemnités d’immobilisation,

— lors de la fixation des prix, en février 2009, il a, en outre, été convenu que « cet accord est une moyenne de travail de deux journées », ce qui confirme qu’elle était tenue d’une simple obligation de moyen,

— le premier juge a appliqué le droit français sur la rupture brutale de la relation commerciale découlant de l’article L. 442-6 I (5°) du code de commerce, sans rechercher si le droit autrichien applicable, l’autorisait,

— en toute hypothèse, la rupture de la relation contractuelle, notifiée par courrier du 30 juillet 2009, ne présente aucun caractère abusif, puisqu’elle fait immédiatement suite à la lettre recommandée de la société Medjebeur du 23 juillet 2009 et à son assignation en justice du 24 juillet, invoquant, pour la première fois, une obligation de quatre tractions par jour, en dépit de la modification convenue en février 2009.

La société Medjebeur demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence et considéré qu’était applicable le droit français ; formant appel incident, elle conclut à la condamnation de la société LKW Walter à lui payer :

— la somme de 195 616,20 euros, assortie des intérêts au taux conventionnel de 9% conformément à l’article L. 441-6 du code de commerce à compter de la mise en demeure du 23 juillet 2009, capitalisés,

— la somme de 200 000,00 euros à titre d’indemnité pour le préjudice financier subi du fait de l’investissement, en application de l’article L. 442-6 du code de commerce,

— la somme de 330 876,00 euros correspondant au paiement de la période du 1er août 2009 au 19 octobre 2010, dans le cadre de la tacite reconduction du contrat.

En outre, elle sollicite l’allocation de la somme de 20 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que :

— le contrat liant les parties, en ce qu’il se réfère à des prestations de transport, est soumis à la CMR, texte d’ordre public, dont l’article 31 donne compétence à la juridiction du pays sur le territoire duquel a eu lieu la prise en charge de la marchandise, en l’occurrence le tribunal de commerce de Perpignan,

— l’application de la CMR est expressément visée dans le contrat du 19 octobre 2007,

— il est clairement stipulé dans l’accord que la société LKW Walter s’engage à utiliser par jour quatre véhicules avec châssis porte-conteneurs et qu’à défaut, hors force majeure, elle devra l’indemniser à hauteur de 60% de la somme de 475,00 euros, un tel accord ayant été normalement exécuté jusqu’au 1er septembre 2008,

— elle a adressé plusieurs courriers à la société LKW Walter pour se plaindre du non-respect de son obligation contractuelle et contrairement à ce qu’affirme celle-ci, l’échange de mails du 6 février 2009 traduit un accord, de sa part, pour la réduction des tractions à deux par jour, mais seulement pour le mois de février,

— l’article L. 442-6 I (5°) du code de commerce est parfaitement applicable dans le cadre de relations commerciales internationales, dès lors qu’étant domiciliée en France, elle y a subi le fait dommageable,

— la loi française est, en toute hypothèse, applicable en vertu de l’article 4.1 de la Convention de Rome,

— la société LKW Walter a rompu le contrat le 30 juillet 2009, alors que celui-ci venait d’être tacitement reconduit pour une nouvelle période d’un an, jusqu’au 19 octobre 2010, et avec effet immédiat, ce qui lui a occasionné un grave préjudice financier.

MOTIFS de la DECISION :

1- l’application du droit français et la compétence judiciaire :

Le litige opposant les parties a trait à l’exécution et à la résiliation d’un contrat cadre, que constitue l’accord du 19 octobre 2007 définissant les conditions de la mise à disposition par la société Medjebeur à la société LKW Walter de véhicules porte conteneurs, les tarifs applicables en fonction du lieu de déchargement en Espagne au départ de Perpignan, la durée de l’accord et les conditions de son renouvellement.

L’accord du 19 octobre 2007 prévoit que « les conditions CMR sont en application sur chaque transport » ; or, force est de constater que le litige ne concerne pas les opérations de transport proprement dites, mais l’exécution et la résiliation du contrat cadre fixant les modalités générales d’exécution de la relation commerciale, que les parties ont souhaité entretenir au travers de contrats de transport à conclure ; la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite « CMR », qui régit notamment la conclusion du contrat de transport, son exécution et la responsabilité du transporteur pour pertes, retards ou avaries, n’a donc pas vocation à s’appliquer.

Pour autant, le droit français est applicable au litige et les juridictions françaises, compétentes pour en connaître.

L’action, dont le tribunal de commerce de Perpignan a été saisi, a, tout à la fois, un fondement contractuel, puisqu’elle vise à l’application des pénalités contractuelles prévues en cas de non-utilisation des camions mis à disposition, et un fondement délictuel, puisqu’elle tend à la mise en 'uvre de la responsabilité encourue en raison de la rupture brutale d’une relation commerciale établie.

A cet égard, il résulte de l’article 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, que dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits et qu’il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, son administration centrale ou son principal établissement.

S’agissant, comme en l’espèce, d’un contrat cadre portant sur la conclusion future de contrats de transport, il convient de considérer que le droit français est applicable, dès lors que les prestations de transport devaient être effectuées par la société Medjebeur, ayant son siège à Thuir (66), et qu’au demeurant, le lieu de chargement des conteneurs était fixé au terminal Novatrans de Perpignan.

Il est, par ailleurs, de principe qu’en matière délictuelle, la loi applicable est celle de l’Etat où le fait dommageable s’est produit, ce lieu s’entendant aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier ; en l’espèce, la lettre de résiliation de la société LKW Walter du 30 juillet 2009 a été adressée à Thuir, au siège social de la société Medjebeur, qui doit être regardé comme le lieu où le fait dommageable s’est produit ; le droit français et particulièrement l’article L. 442-6 I (5°) du code de commerce, selon lequel le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur, est donc applicable au litige.

Au surplus, l’article 4 du Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (entré en vigueur le 11 janvier 2009 et applicable aux faits générateurs de dommages survenus après cette date), dispose que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; en l’occurrence, le dommage consécutif à la rupture de la relation commerciale, s’est bien produit à Tuir, au lieu du siège social de la société Medjebeur.

Quant à la juridiction compétente, celle-ci est, de toute évidence, le tribunal de commerce de Perpignan dans le ressort duquel la société Medjebeur a son siège, et qui, conformément aux dispositions de l’article 5 du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale), est celui où l’obligation contractuelle servant de base à la demande devait être exécutée et où le fait dommageable, lié à la rupture de la relation commerciale, s’est produit.

La loi française est dès lors applicable au litige et c’est à juste titre que le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société LKW Walter au profit du tribunal de commerce de Kulstein, en Autriche.

2- le fond du litige :

Le contrat cadre du 19 octobre 2007 fixe le tarif des prestations de transport, départ Perpignan, en fonction de la destination en Espagne (Barcelone, Tarragone, Lérida ou Gérone) ; il dispose ensuite que « les véhicules sont mis à disposition régulière par Medjebeur » et que « si LKW Walter ne fournit pas de travail pour ces véhicules, sauf en cas de force majeure, (il) s’engage alors à payer 60% de la somme de 475,00 euros en compensation des frais encourus par le transporteur » ; il est en outre stipulé que « le nombre contractuel de véhicules est de 4 à partir de la semaine 45/2007 » (c’est-à-dire à compter du 5 novembre 2007).

Ce contrat a été précédé d’un échange d’emails, le 12 octobre 2007, qui ont été traduits de l’espagnol par un expert agréé ; le gérant de la société Medjebeur indique notamment : En ce qui concerne le contrat, d’accord pour te mettre 4 fixes à partir du 1er novembre ; prépare s’il te plait la lettre de ton entreprise en mettant les conditions que je t’ai fait passer, c’est-à-dire 4 camions par jour, conditions CMR ' ; quant au représentant de la société LKW Walter, il répond simplement : 'J’essayerai de faire tout aujourd’hui'.

Il résulte de ce qui précède que la société Medjebeur s’est engagée à mettre quatre véhicules (des tracteurs avec leurs remorques porte conteneurs) par jour, à compter du 5 novembre 2007, à la disposition de la société LKW Walter, en contrepartie d’un prix de transport, déterminé à l’avance, en fonction de la destination du conteneur, la société LKW Walter s’obligeant, de son côté, à utiliser régulièrement les quatre véhicules ainsi mis à sa disposition journellement et, à défaut, à indemniser le transporteur en lui versant une certaine somme destinée à le défrayer ; l’indemnité d’immobilisation, en ce qu’elle a été fixée par référence au prix du transport pour un véhicule, sur le trajet Perpignan ' Barcelone et retour, soit à 60% de 475,00 euros, est nécessairement due pour chaque véhicule inutilisé.

L’obligation pesant sur la société LKW Walter est bien, par sa nature, une obligation de résultat, consistant en l’engagement de confier à la société Medjebeur quatre tractions par jour, au départ de Perpignan, hors certains événements qualifiés de force majeure, précisément définis (grève ou fermeture du terminal de Perpignan, grèves Sncf, intempéries, retard du train TRW-Novatrans, non arrivée du train).

Contrairement à ce qu’affirme la société Medjebeur, l’examen des ordres de transport et des factures, couvrant la période du 1er octobre 2007 au 31 août 2008, fait apparaître qu’au cours de cette période, celle-ci n’a pas toujours réalisé quatre tractions par jour, mais souvent deux ou trois ; il est vrai, en revanche, qu’à compter du 1er septembre 2008, le nombre journalier de tractions a sensiblement diminué, se trouvant réduit, la plupart du temps, à une ou deux tractions.

Une modification importante a, par ailleurs, été apportée aux conditions tarifaires à compter du 1er février 2009, puisqu’il ressort d’un échange d’emails en date du 6 février 2009 que le nombre de tractions journalières a été officiellement réduit à une moyenne de deux (« una media de 2 diarias ») ; les termes de cet accord sont dépourvus d’ambiguïté, qui ne permettent pas d’affirmer que la réduction du nombre de tractions était limitée au seul mois de février 2009, ainsi que le soutient la société Medjebeur ; le prix des transports a également été révisé, le montant de la prestation de base, sur le trajet Perpignan ' Barcelone et retour, étant ramené à 455,00 euros pour un véhicule.

Pendant la période du 1er septembre 2008 au 31 janvier 2009, la société LKW Walter n’a pas respecté son obligation d’utiliser les quatre véhicules mis journellement à sa disposition, ne confiant en moyenne que deux tractions par jour à son partenaire contractuel ; l’inexécution de l’obligation de quota mise à la charge de la société LKW Walter se trouve donc établie, même si les courriers, que la société Medjebeur prétend avoir adressés à celle-ci, notamment les 30 septembre 2008 et 15 janvier 2009, pour se plaindre du non-respect son engagement contractuel, ne lui sont pas effectivement parvenus.

Les factures des 23 et 31 juillet 2009, dont la société Medjebeur réclame le paiement, ne sont pas détaillées et les tableaux, fournis en pièce n° 6, concernent les seuls mois de novembre 2008 et février 2009.

Comme il a été indiqué plus haut, l’indemnité d’immobilisation due par la société LKW Walter, en cas de non-respect de son obligation de quota, est égale à 285,00 euros par jour et par véhicule inutilisé.

En fonction de ces éléments, le montant des indemnités d’immobilisation dû à la société Medjebeur pour la période de septembre 2008 à janvier 2009 au cours de laquelle n’ont été utilisés, en moyenne, que deux véhicules au lieu de quatre, en fonction du nombre de jours ouvrés du lundi au vendredi, doit être chiffré à la somme de : [109 x (475,00 x 60%) x 2] = 62 130,00 euros ; cette somme doit être assortie des seuls intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2009, date de réception de la lettre recommandée de mise en demeure, lesquels seront capitalisés conformément à l’article 1154 du code civil.

Le contrat cadre liant les parties a été conclu pour une durée d’un an à compter du 19 octobre 2007, renouvelable par tacite reconduction par périodes annuelles, sauf dénonciation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, moyennant un préavis de trois mois.

En l’occurrence, la société LKW Walter a résilié le contrat, par lettre du 30 juillet 2009, moins de trois mois avant son échéance annuelle du 19 octobre 2009 ; la société Medjebeur est donc bien fondée à soutenir qu’en l’état du préavis contractuel de trois mois, stipulé au contrat, la résiliation n’a pu produire effet que pour la date du 19 octobre 2010 ; il n’est pas soutenu, en effet, que la société Medjebeur a adopté à l’égard de son cocontractant, dans l’exécution des prestations de transport, un comportement d’une gravité telle qu’il justifiait une rupture unilatérale de sa part, avec effet immédiat ; il s’ensuit que pour la période du 1er août 2009 au 19 octobre 2010, le contrat s’est poursuivi et que la société LKW Walter, défaillante dans son obligation d’assurer à la société Medjebeur une moyenne de deux tractions par jour, doit être condamnée à verser à celle-ci les indemnités d’immobilisation contractuelles, calculées en fonction du nombre de jours ouvrés au cours de la période considérée, mais à l’exclusion des mois d’août (2009 et 2010) traditionnellement peu travaillés, soit la somme de : [267 x (455,00 x 60%) x 2] = 145 782,00 euros.

L’article L. 442-6 I (5°) du code de commerce dispose que tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers engage sa responsabilité s’il rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La société LKW Walter a, en l’espèce, rompu brutalement, par courrier du 30 juillet 2009, la relation commerciale entretenue, depuis septembre 2006, avec la société Medjebeur, sans respecter la date prévue pour l’exercice de la faculté de résiliation annuelle, ni le préavis contractuel de trois mois ; il a cependant été alloué à la société Medjebeur plus de 145 000,00 euros au titre des indemnités d’immobilisation contractuelles, eu égard au fait que la résiliation du contrat, notifiée le 30 juillet 2009, ne pouvait prendre effet qu’au 19 octobre 2010, soit 14 mois plus tard.

La demande d’indemnisation présentée par la société Medjebeur, à hauteur de la somme de 200 000,00 euros, sur le fondement de l’article L. 442-6 I (5°) susvisé, correspond au préjudice financier, qu’elle prétend avoir subi, au titre de l’investissement non amorti de véhicules et de remorques ; or, un tel préjudice, outre le fait qu’il n’est pas justifié d’un point de vue comptable, fait double emploi avec les indemnités allouées à la société Medjebeur, dont la finalité est de couvrir les charges, dont les dotations aux amortissements, exposées par le transporteur en raison de l’immobilisation des tracteurs et des remorques porte conteneurs.

Eu égard au fait que la relation a duré moins de trois ans et en l’absence d’indication de la part que cette relation représentait dans le chiffre d’affaires de la société Medjebeur, le préavis de 14 mois, finalement reconnu à celle-ci, ne peut être considéré comme insuffisant, au point de justifier l’octroi d’une indemnisation complémentaire ; la société Medjebeur doit ainsi être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 200 000,00 euros à titre d’indemnité pour le préjudice financier subi du fait de l’investissement.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société LKW Walter doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société Medjebeur la somme de 4 000,00 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 27 avril 2010 en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société LKW Walter au profit du tribunal de commerce de Kulstein, en Autriche,

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la société LKW Walter à payer à la société Medjebeur la somme de 62 130,00 euros au titre des indemnités d’immobilisation contractuelles pour la période du 1er septembre 2008 au 31 janvier 2009, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2009,

Dit que les intérêts sur cette somme, ayant plus d’un an d’ancienneté, seront eux-mêmes productifs d’intérêts conformément à l’article 1154 du code civil,

Condamne, en outre, la société LKW Walter à payer à la société Medjebeur la somme de 145 782,00 euros au titre des indemnités d’immobilisation contractuelles pour la période du 1er août 2009 au 19 octobre 2010,

Déboute la société Medjebeur de sa demande en paiement de la somme de 200 000,00 euros à titre d’indemnité pour le préjudice financier subi du fait de l’investissement,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société LKW Walter aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société Medjebeur la somme de 4 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code,

LE GREFFIER LE PR''SIDENT

JLP

.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 21 juin 2011, n° 10/03569