Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 28 novembre 2018, n° 15/02212

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 4e a ch. soc., 28 nov. 2018, n° 15/02212
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 15/02212
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 1er février 2015
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

IC/JF

4e A chambre sociale

ARRÊT DU 28 Novembre 2018

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 15/02212

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 FEVRIER 2015 CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RGF13/02027

APPELANTE :

SAS ELORA venant aux droits de la SAS VD Group St Macaire

[…]

Représentée par Maître Cécile AZOULAY de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

Madame D Z née X

[…]

Représentée par Maître Luc KIRKYACHARIAN de la SELAS ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 OCTOBRE 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. H LEROUX, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame F G

ARRÊT :

— Contradictoire.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième

alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par M. H LEROUX, Président de chambre, et par Madame F G, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * EXPOSE DU LITIGE

Madame D Z a été engagée le 15 février 1988 par la société H I ultérieurement dénommée VD GROUP devenue SAS ELORA, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de VRP.

À compter du 1er janvier 2000 elle a été nommée directrice régionale pour la région Languedoc-Roussillon.

Selon avenant du 1er octobre 2003 elle s’est vue confier en sus de ses fonctions de responsable de région, une compétence de formation et d’animation de son équipe de conseillères pour les régions Languedoc-Roussillon, Midi Pyrénées, Y et Rhône-Alpes moyennant un salaire annuel brut de 38 412 €, soit 3201 € bruts par mois.

La holding Groupe ALVEGA, de laquelle dépendait la société VD GROUP, a été placée sous sauvegarde le 5 octobre 2011 par le tribunal de commerce de Saint-Etienne et elle a présenté un plan d’apurement de ses dettes homologué par le tribunal de commerce le 26 septembre 2012.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 29 octobre 2012 la société VD GROUP a convoqué Madame D Z à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour motif économique.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 novembre 2012 la société VD GROUP notifiait à la salariée un licenciement pour motif économique sous réserve de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

Madame Z ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a été rompu d’un commun accord le 3 décembre 2012.

Les documents sociaux de fin de contrat étaient remis à la salariée le 6 décembre 2012.

Contestant le bien-fondé de son licenciement Madame A a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier par requête du 14 novembre 2013 aux fins de condamnation de l’employeur à lui payer les sommes de 100 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de 2500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon jugement du 2 février 2015 le conseil de prud’hommes de Montpellier a dit le licenciement de Madame Z sans cause réelle et sérieuse et il a condamné la SAS Elora venant aux droits de la SAS VD Group à payer à la salariée les sommes suivantes :

'100 000 € nets à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes du même jugement il a condamné la SAS ELORA au remboursement des indemnités versées par pôle-emploi dans la limite de six mois d’indemnités.

La SAS ELORA a relevé appel du jugement du conseil de prud’hommes le 19 mars 2015.

Elle conclut à titre principal au débouté de la salariée de l’intégralité de ses demandes au regard du bien fondé du motif économique. Subsidiairement, et faisant valoir qu’elle a satisfait à son obligation de reclassement elle conclut au débouté des demandes de la salariée sur ce fondement. À titre infiniment subsidiaire elle demande que soit constatée la stricte application des critères d’ordre définis avec les représentants du personnel et que la salariée soit déboutée des demandes de ce chef. Elle sollicite enfin à titre reconventionnel la condamnation de la salariée à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame D Z conclut pour sa part à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 2 février 2015 en ce qu’il a prononcé la requalification du licenciement pour motif économique de Madame Z en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et elle demande à ce que la cour dise le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et dise également que la SAS VD GROUP n’a pas respecté les critères d’ordre des licenciements. Elle demande en définitive la condamnation de l’employeur à lui payer une somme de 100 000 € de dommages et intérêts nets de CSG et de CRDS, outre une somme de 2500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions respectives des parties la cour se réfère aux écritures des parties auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats du 10 octobre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

> Sur le motif économique du licenciement

L’appelante soutient que postérieurement au 7 décembre 2011 le périmètre du groupe ALVEGA a été réduit de moitié, que la holding elle-même placée sous sauvegarde le 5 octobre 2011 a dû procéder au licenciement de quatre salariés, soit la moitié de son effectif. Elle fait valoir que les éléments de communication destinés à valoriser le groupe ne sont pas de nature à remettre en cause les difficultés économiques rencontrées. Elle ajoute que la société a été fortement affectée par les difficultés économiques du secteur de l’habillement ce qui s’est traduit par une baisse considérable du chiffre d’affaires entre 2007 et 2012. Elle soutient ensuite que la société VD GROUP souffre d’un lourd handicap en termes de compétitivité par rapport à ses principaux concurrents.

Madame Z conteste le bien-fondé du motif économique en raison de l’absence de communication de chiffres internes comparatifs sur plusieurs exercices. Elle fait valoir que la communication que faisait la société en 2013 et en 2014 sur sa réussite contredit ce qu’elle soutient à l’appui de ses prétentions.

><

La lettre de licenciement qui vise le motif économique fait état d’une baisse régulière d’activité et de rentabilité mise en évidence par les indicateurs comptables. Elle se réfère ensuite à une perte de compétitivité par rapport aux deux principales sociétés concurrentes. Elle met en exergue dans ce contexte la nécessité d’une réorganisation s’accompagnant de la suppression du poste de chef de région occupé par la salariée.

En l’espèce les tableaux comparatifs de l’activité de la société VD GROUP par rapport à ces deux sociétés concurrentes notamment en termes de ratio chiffre d’affaires/effectif sont confirmés par les pièces produites sur l’exercice 2010-2011 pour ces sociétés et sont confortés par les conclusions que la salariée tirait elle-même des résultats propres au secteur qu’elle qualifiait de catastrophiques car se traduisant par une perte de chiffre d’affaires de 48 % sur le seul mois de novembre 2011 par rapport au mois de novembre de l’année précédente. L’employeur produit ensuite aux débats outre les pièces relatives à la mise sous sauvegarde et à l’approbation du plan d’apurement du groupe, les justificatifs des liquidations judicaires et de cession de la moitié des sociétés du groupe démontrant ainsi que la compétitivité du secteur était menacée par la concurrence de sociétés dont la rentabilité était supérieure, si bien que les difficultés économiques prévisibles à venir dans ce secteur d’activité rendaient nécessaire sa réorganisation pour en sauvegarder la compétitivité. Les bilans de la société pour l’exercice 2012 démontrent ensuite une baisse significative de chiffre d’affaires de 12 % sur plus de quatre trimestres mais surtout une diminution substantielle du résultat de l’exercice passant de 484 935 € au 13 septembre 2011 à 188 377 € au 13 septembre 2012. Les registres d’entrée et de sortie du personnel démontrent enfin l’absence de remplacement de la salariée dont le poste a été supprimé, ce qui n’est pas discuté. C’est pourquoi dès lors qu’une baisse significative du chiffre d’affaires est démontrée sur plus d’une année, que le poste de la salariée a été supprimé afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise faisant partie d’un groupe dont les difficultés économiques sont établies, les éléments de communication avancés sur les résultats au titre des exercices postérieurs au licenciement et au demeurant non corroborés par des éléments objectifs ne sont pas de nature à remettre en cause la validité du motif économique.

> Sur l’obligation de reclassement

La salariée soutient que l’employeur a manqué à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement, d’une part en raison de l’absence de précision sur le poste de reclassement proposé en Chine, d’autre part au motif que les deux postes proposés dans la lettre de licenciement étaient de catégorie inférieure ce qui rendait nécessaire une recherche élargie.

La société expose que son obligation de reclassement n’est pas sans limite dès lors qu’il n’existe aucun poste disponible. Elle fait ensuite valoir que s’agissant de l’offre de reclassement à l’étranger elle a interrogé la salariée afin de savoir si elle accepterait de recevoir des offres de reclassement dans cet établissement en application de la loi n° 2010'499 du 18 mai 2010. Elle soutient ensuite que les deux propositions faites sur le territoire national étaient précises et que le registre d’entrée et de sortie du personnel de la société VD GROUP confirme qu’aucun poste équivalent compatible avec les compétences de Madame Z n’était disponible. Elle fait enfin valoir que Madame Z a suivi de nombreuses formations, que la société a procédé à des recherches de reclassement au sein de la holding Groupe ALVEGA et de l’autre société fille et qu’aucune de ces sociétés ne disposait de poste disponible.

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En l’espèce deux postes de reclassement interne ont été proposés à la salariée le 29 octobre 2012, l’un en qualité de VRP à temps partiel, l’autre en qualité de mandataire VDI non salarié. L’absence d’autre poste vacant disponible de niveau équivalent ou même inférieur au poste tenu par la salariée au sein de la société justifié par la production du registre des entrées et des sorties du personnel n’est pas discutée. Dans la mesure où ces propositions refusées par la salariée constituaient un déclassement la recherche d’autres possibilités de reclassement s’imposait.

En l’espèce il ressort des pièces produites qu’à la date du licenciement le Groupe ALVEGA était constitué sur le territoire national des sociétés VD GROUP et R-STAT.

L’employeur justifie d’une recherche de reclassement au sein, de la société R-STAT d’une part, de Groupe ALVEGA d’autre part et de la réponse négative apportée par ces deux entités le 29 octobre 2012.

Il justifie ensuite avoir interrogé la salariée le 25 octobre 2012, sur les possibilités de reclassement au sein du périmètre de permutabilité non discuté, relativement à l’établissement dépendant de l’entreprise et situé en Chine, à Hangzou. C’est pourquoi, dans la mesure où la salariée n’a pas fait connaître sa position, il ne peut être fait grief à la société d’une absence de précision sur le ou les postes éventuels susceptibles d’être proposés, dès lors que la salariée qui avait été interrogée sur cette possibilité de reclassement n’avait pas manifesté son accord, assorti le cas échéant d’éventuelles restrictions, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur, l’absence de réponse valant refus selon les dispositions de l’article L 1233-4-1 du code du travail alors applicable. Ce texte conditionnant la communication des offres écrites et précises de reclassement hors du territoire national aux seuls salariés ayant accepté d’en recevoir et compte tenu des restrictions éventuellement exprimées. Tenant l’absence de réponse de madame Z à ce courrier le moyen soulevé s’avère inopérant.

Aussi convient-il de dire que la société a satisfait à son obligation de recherche de reclassement et d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement de Madame Z sans cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Elora venant aux droits de la SAS VD Group à payer à la salariée une somme de 100 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

> Sur la violation des critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements

Madame Z sollicite une demande de dommages-intérêts de 100 000 € au motif qu’elle s’est vu attribuer une note de 17/34 quant aux qualités professionnelles alors qu’à l’intérieur de ce critère les sous-critères lui sont demeurés inconnus et que l’employeur ne démontre pas de façon objective qu’elle ait été moins compétente que ses collègues si bien que l’ordre des licenciements s’en est trouvé changé et qu’elle a été licenciée.

La SAS ELORA soutient pour sa part que si madame Z a interrogé la société le 10 décembre 2012 sur les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements elle lui a répondu dès le 17 décembre 2012, que tant la détermination des sous-catégories que la répartition des points au sein des sous-catégories ont été approuvées par les représentants du personnel à l’unanimité, qu’enfin elle justifie du nombre de points attribués à madame Z par rapport à ses collègues.

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En l’espèce tant la mesure de réduction des effectifs par catégorie prévoyant la suppression d’un des trois postes de chef de région, que les critères d’ordre des licenciements ainsi que la détermination du nombre de points attachés à chaque sous-catégorie ont été approuvés par les représentants du personnel. La salariée a également eu communication des critères et sous-catégories ainsi que du nombre de points attribués et de son rang.

L’employeur verse aux débats un tableau répertoriant la répartition des points pour les trois chefs de région et la note brute par sous-catégorie. S’agissant des critères professionnels, si l’employeur produit des échanges de courriel avec madame Z, il ne procède pas pour autant par affirmations ou appréciations générales dès lors qu’il justifie pour chacun des critères et sous-catégories par des données objectives, précises et vérifiables des éléments l’ayant conduit à l’attribution des points, en particulier par la production de données chiffrées portant sur le recrutement de conseillères ayant une incidence directe sur le chiffre d’affaires, doublées par des courriels se rapportant précisément aux éléments chiffrés correspondant aux sous-catégories et concernant aussi bien la salariée licenciée que les deux autres chefs de région. Il verse ainsi aux débats les appréciations portées par les responsables marketing et recrutement sur les compétences de madame B, également chef de région outre les félicitations adressées aussi bien à madame B qu’à madame C en 2010 et 2011 sur le management et le curriculum vitae de madame C justifiant d’une expérience particulièrement étendue, si bien que dans ces conditions la production par la salariée de la synthèse d’appréciation portée au recrutement en 1999 qui ne recoupe pas les mêmes critères et ne permet pas de porter une appréciation sur les qualités professionnelles dans le poste, pas davantage que les attestations de conseillères ou VRP qu’elle produit, ne permettent au regard des éléments rappelés ci-avant de considérer que l’appréciation portée par l’employeur sur les aptitudes professionnelles des salariées concernées ait pu procéder d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir.

Aussi convient-il d’infirmer le jugement entrepris et de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

> Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige il convient de dire n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles.

La disparité de situation économique entre les parties justifie que les dépens soient laissés à charge de la SAS ELORA.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 2 février 2015;

Et statuant à nouveau,

Déboute madame D Z de l’intégralité de ses demandes;

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles;

Laisse les dépens à charge de la SAS ELORA.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

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