Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 29 janvier 2020, n° 16/02300

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2e ch. soc., 29 janv. 2020, n° 16/02300
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/02300
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Perpignan, 16 février 2016, N° F15/00518
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

MB/MD

Grosse + copie

délivrées le

à

2e chambre sociale

(anciennement dénommée 4e B chambre sociale)

ARRÊT DU 29 Janvier 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/02300 – N° Portalis DBVK-V-B7A-MRUS

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2016 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN -

N° RG F15/00518 -

APPELANTE :

SARL CABINET MICHEL QUES

[…]

Représentant : Me François PECH DE LACLAUSE de la SCP VIAL-PECH DE L A C L A U S E – E S C A L E – K N O E P F F L E R , a v o c a t a u b a r r e a u d e PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

Madame N L

[…]

R e p r é s e n t a n t : M e M o u r a d B R I H I d e l a S C P DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

En application de l’article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l’audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 NOVEMBRE 2019, en audience publique, le Président ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du même code, devant la Cour composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Martine DARIES, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRÊT :

— contradictoire ;

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame N J était embauchée par la SARL Cabinet Michel Quez, cabinet d’expertise comptable le 11 octobre 2012 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable du département social moyennant un salaire brut s’élevant en dernier lieu à la somme de 2 420 €.

Il était mentionné dans le contrat de travail que la salariée bénéficierait de deux périodes de congés payés du 31 octobre au 7 novembre 2012 et du 18 décembre au 25 décembre 2012.

Elle était placée en arrêt de travail le 17 décembre 2012, arrêt prolongé jusqu’au 1er janvier 2013.

Par lettre du 22 février 2013 signifiée par voie d’huissier, elle était convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement lequel lui était notifié par lettre du 7 mars 2013 en ces termes:'(…/…) Nous vous confirmons que nous procédons à votre licenciement à compter de ce jour et nous vous dispensons d’effectuer le préavis légal. Vous avez droit à 7,74 heures de DIF.

Nous sommes contraints de prendre cette mesure compte tenu prinicipalement de votre incompétence pour le poste de responsable du département social. Nous avons pris conscience au fil de ces 5 derniers mois de cette incompétence et surtout elle nous est confirmée régulièrement par les plaintes de nos clients insatisfaits du service rendu. De façon plus accessoire, votre comportement est à bien des égards intolérable: il est sans doute le résultat du stress lié au fait que vous avez accepté un poste au dessus de vos compétences.

Tout ceci est de nature à perturber le bon fonctionnement du cabinet et surtout sa perennité puisque déjà certains clients ont menacé de nous quitter pour l’ensemble de nos prestations.(…/..)

1-Description et appréciation de vos conditions de travail:

Nous vous avons recrutée à compter du 11 octobre 2012 en qualité de 'responsable du département social’ de notre cabinet dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée et pour faire suite à la démission le 5 octobre 2012 de Mme X qui occupait ce poste (3 ans d’ancienneté).

Au préalable, nous vous avons reçue à deux reprises, M O G, associé et principal collaborateur et moi même en septembre 2012. A cette occasion, nous vous avons présenté longuement le cabinet et le service dont nous envisagions de vous confier la responsabilité. Compte tenu de l’expérience que vous revendiquiez, vous avez pu prendre connaissance du détail des dossiers et de la charge de travail que cela représentait. Simultanément, nous avons pris la décision de recruter dans ce service une nouvelle collaboratrice le 26 septembre 2012, Melle W AA R d’abord à mi-temps puis à temps complet depuis le 12 octobre 2012.

Depuis votre entrée en fonction, notre département social est donc pourvu de trois personnes représentant 2,5 personnes en équivalent temps plein: vous même en qualité de responsable du département, employée à temps plein, Mme P Y, employée à mi-temps, précision faite que Mme Y a une ancienneté au cabinet supérieure à 24 ans et qu’avant 2009 son horaire était à temps plein mais qu’il a du être réduit à 20 heures par semaine pour motif thérapeutique, Mlle W Q R, employée à temps plein, titulaire d’une licence professionnelle gestion de la paye et du social, université de Montepllier ( bac +2) Avant votre recrutement, l’effectif était inférieur d’un temps plein soit 1,5 personne en équivalent temps plein.

La norme reconnue dans la profession pour la tenue d’un tel poste est de 350 bulletins par personne et par mois. Notre cabinet établit 519 bulletins par mois et 449 bulletins par mois à compter de mars 2013 car un de nos principaux clients (70 bulletins) devient autonome à compter du 1er mars 2013.

Nous vous rappelons qu’en mars 2012, le nombre mensuel de bulletins était de 534.

La moyenne actuelle est donc de 519 bulletins/2,5 temps plein soit 208 bulletins par mois et par personne au lieu de 350. Elle sera en mars 2013 de 449/2,5 temps plein soit 180 bulletins par mois.

Depuis janvier 2013, nous avons par mesure de simplification réparti les dossiers par collaboratrice et nous vous avons demandé de prendre la responsabilité directe de 296 bulletins par mois jusqu’en mars 2013 et de 226 bulletins par mois à compter du 1er mars 2013.

Sur la première ligne de votre curriculum vitae vous écrivez 'élaboration des bulletins de salaires jusqu’à 400 par mois multi-conventions'.

Force est donc de constater que vos conditions de travail sont bien meilleures que celles de la personne qui vous précédait, bien meilleure que celles que vous avez connues (CV) et bien au dessous des normes de la profession Nous ajoutons enfin que notre documentation est abondante que, à votre demande, nous nous sommes engagés dans notre contrat de travail à vous fairebénéficier de formations que votre salaire brut annuel est de 29 040 €, conformément à votre demande lors de votre embauche et qu’il s’inscrit parmi les meilleurs salaires du cabinet.

2 ' les preuves de votre incompétence :

2-1 Application de l’augmentation du SMIG en Janvier 2013 :

Dans le dossier « SAS PERYSIS », 14 salariés sont payées au SMIG. Celui-ci est passé de 9.40 €/ heure à 9.43 €/ heure à compter du 1° janvier 2013. Vous n’avez pas appliqué cette augmentation, ce qui constitue une faute à votre niveau.

Par mail adressé à notre client vous vous défaussez sur le logiciel. Vous n’avez pas de chance car l’entreprise PERYSIS a acquis le même logiciel pour devenir autonome à partir du mois de mars. Elle a donc bien constaté que le logiciel n’y était pour rien puisqu’il déclenche une alerte en rouge sur le bulletin à l’écran pour signaler que le salaire est inférieur au SMIG.

Quoi qu’il en soit il est de votre responsabilité de vérifier que le SMIG est bien effectif sur tous les bulletins.

En outre dénigrer, à tort, le logiciel dont est équipé le cabinet, témoigne d’une volonté de nuire à celui-ci pour ne pas vouloir prendre ses responsabilités.

Ces bulletins ont été refaits par vos collègues du fait de votre absence.

Nous ajoutons que celles-ci n’ont jamais fait cette grossière erreur.

2-2 Rédaction erronée de deux ruptures conventionnelles

Vous avez établi une rupture conventionnelle pour notre client « LA MUTUELLE CATALANE» concernant une de ses salariées. Le dirigeant de la mutuelle a refusé que ce service lui soit facturé par notre cabinet au motif que la convention a été refoulée dans un premier temps par la DIRECCTE (ex Inspection du Travail) car la signature des intéressés avait été apposée sur votre conseil dans le cadre réservé à l’administration.

Vous avez répondu brutalement à l’Inspectrice du travail qui vous prévenait de cette erreur au téléphone et vous « lui avez raccroché au nez ».

De sorte qu’il a fallu que ce soit votre collègue, Melle Q R, qui reprenne le dossier avec l’administration pour procéder à la signature d’une nouvelle convention.

De même pour la rupture conventionnelle que vous avez établie pour « ALTITUDE SUD » vous avez fait déplacer deux fois ce client et la salariée pour signer des conventions rectifiées suite à des erreurs que vous aviez commises, et surtout ces erreurs ont entraîné un décalage du calendrier de la procédure.

2-3 Erreurs report paramètres paye dossier « LES LAURIERS ROSES»

Le dossier « LES LAURIERS ROSES » concerne une maison de retraite pour laquelle nous établissons de 70 à 75 bulletins tous les mois et dont vous avez la charge.

Le mail de son directeur, Mr Z, en date du 14 février est assez explicite.

En particulier il nous signale que la paye de décembre 2012 que vous avez établie – avant votre absence qui a suivi – comporte de nombreuses erreurs de report des paramètres communiqués par le client.

Ce genre de manquement est inadmissible : exemple les primes changent de nom ou se cumulent, le nombre d’heures sur le bulletin est différent de celui qui vous a été communiqué, etc . Une personne compétente, professionnelle, dans notre milieu du chiffre, se doit de vérifier de façon systématique les documents qu’elle produit avant de les diffuser. Nous avons la preuve que cela n’a pas été fait. C’est Mme Y qui a du tout reprendre en votre absence. Notons également que Mr B se plaint également de questions restées sans réponses.

2-4 Calcul des indemnités de congés payés. même dossier « LES LAURIERS ROSES »

Pour répondre à la remarque de Mr Z sur votre calcul des congés payés, vous indiquez que vous connaissiez la méthode mais que vous ne l’avez pas appliquée car elle ne l’était pas avant, ce dont je doute. En tout état de cause, en admettant que ce soit vrai, j’attends de vous une alerte lorsque vous constatez que les textes légaux ne sont pas appliqués au lieu de poursuivre dans l’erreur sans rien dire à personne.

2-5 Erreurs salaires de janvier 2013 « LES LAURIERS ROSES »

A l’occasion de notre dernier entretien, vous nous avez assuré que pour le dossier « LES LAURIERS ROSES »,les salaires du mois de janvier que vous aviez établis ne comportaient pas d’erreurs.

Lors de la préparation des salaires du mois de février ( en votre absence), nous nous sommes aperçus que 24 bulletins de janvier étaient erronés (soit un tiers des bulletins). En effet, le barème des points de la grille conventionnelle n’a pas été appliqué dans le calcul du taux utilisé non seulement pour la rémunération des heures complémentaires ou supplémentaires mais également pour le retrait des heures d’absences. Ces erreurs devront faire l’objet d’une régularisation que nous devrons expliquer à notre client.

Concernant le bulletin de Mme C, vous avez calculé l’indemnité de précarité avec un écart de base d’un montant de 665.90 €. Nous avons été dans l’obligation de régulariser sur le bulletin de février.

Par ailleurs, M. Z Directeur de la maison de retraite nous a fait passer un mail qu’il vous a adressé le 29 janvier concernant des erreurs sur les bulletins des salariés suivants: GRACIA, C, D, E, et F. Nous ne retrouvons pas trace de ce mail dans la boite de réception de votre messagerie professionnelle et la boite contenant les éléments supprimés est vide de tout fichier. Nous sommes très surpris par ce que nous constatons.

Toujours par mail du 19 février 2013, adressé celui-là à Mme Y, M. Z se félicite de savoir que nous lui avons confié à votre place l’établissement des bulletins de salaires du mois de février.

2.6 Régularisation d’heures, procédure erronée

A la demande de notre client, la société SELARL MEDIVET vous avez procédé à la régularisation d’un trop payé d’heures sur le bulletin du mois de décembre de Mme S T salariée dans la société. Au lieu de soustraire ces heures dans la zone du bulletin réservée au calcul du brut, vous avez procédé à cette régularisation dans la zone du bulletin réservée au calcul du net à payer, de telle sorte que la méthode que vous avez employée est totalement inadaptée puisqu’elle lèse les deux parties liées par le bulletin. En effet, pour l’employeur il n’y a aucune régularisation des charges sociales calculées sur le montant brut, et pour le salarié, le net imposable qu’il doit déclarer lors de l’établissement de sa déclaration de revenus est supérieur à celui qui devrait être déclaré. Cette erreur grossière est totalement incompatible avec le niveau que vous prétendez avoir. Vous avez procédé à la correction du bulletin sous les consignes de M. G, après que le client lui ait renvoyé les bulletins pour qu’il procède lui-même à leur contrôle.

2-7 Enquête Pôle Emploi sur le statut social d’un ancien dirigeant de société

Au mois de novembre, vous avez été en charge d’une demande auprès de Pôle Emploi

concernant le statut social de l’ancien dirigeant de la « S.A. BTB ». Vous n’avez pas maîtrisé cette procédure qui est pourtant monnaie courante dans un cabinet comptable. Pour votre part, vous avez agi sans réfléchir à la problématique de la nouvelle position du salarié dans la société. Vous avez donc établi le dossier en vous basant sur la situation de cette personne avant qu’elle ne change de statut social dans la société et non sur sa situation actuelle. Lorsque M. G vous a demandé de corriger le dossier vous avez prétendu que vous aviez agi sous les consignes d’un chargé d’affaires de Pôle Emploi auquel vous aviez téléphoné !! Concernant le dossier «TRALYS », vous avez également été chargée d’instruire un même dossier auprès de Pôle Emploi depuis le 23 novembre 2012. Ce dossier n’est toujours pas terminé à ce jour…

2-8 Application d’une retenue à la source sans objet

Lors de l’établissement des payes du mois de décembre, vous avez adressé à la société «PERYSIS » le bulletin de salaire de son Directeur Général, M. H, en procédant à une retenue à la source. Cette procédure est réservée aux travailleurs frontaliers, alors que cette personne est domiciliée et travaille en France. En fait lors de la création de la fiche du salarié, vous avez recopié le profil inadapté d’une autre salariée. Vous avez ensuite établi un bulletin erroné et n’avez procédé à aucun contrôle avant de l’adresser au Directeur Général de la société en maintenant cette grossière erreur.

2-9 Bulletin de salaires non repris dans les récapitulatifs annuels

Pour le dossier « DALI FRUITS », nous avons constaté un écart entre les bulletins de salaires et les déclarations annuelles de charges et de DADS. En effet le salaire du mois d’octobre de M. I que vous aviez modifié pour un problème de calcul erroné de congés payés n’a pas été inclus dans tous les états annuels. Il en subsiste un écart dans les bases soumises à cotisations d’un montant de 1 839.60 €. Nous devrons procéder à des déclarations rectificatives avec le risque d’un contrôle URSSAF pour notre client. Oe même, le net imposable du salarié communiqué par la DADS à l’Administration Fiscale est également faux ce qui risque également d’entraîner des problèmes pour ce dernier.

2-10 Questions restées sans réponses

Le 24 janvier 2013 nous recevons une relance du client « SELARL MEDIVET » pour des questions restées sans réponse depuis novembre 2012.

Par mail du 25 janvier 2013 vous nous répondez que vous ne pouvez pas tout faire et vous justifiez votre manque de disponibilité par le logiciel (toujours lui) mal paramétré.

La relance est datée du 24 janvier et porte également sur des demandes formulées le 9 et le 11 janvier2013 : j’aurais du être alerté avant de cette carence.

Le 20 février 2013, notre client nous adresse un nouveau mail. C’est Madame Y qui répondra finalement à ses demandes.

2-11 Votre rôle de coordinatrice en qualité de responsable du service

Vous avez été embauchée en qualité de responsable de département. Comme déjà mentionné dans la description de vos conditions de travail, vous étiez en charge de dossiers sensibles dans des proportions très raisonnables, car dans le but de ne pas vous surcharger, nous avions confié certains dossiers sensibles à Mme Y et Mme Q R Vous deviez également assurer le contrôle, la coordination et l’animation du service social. Force est de de constater vous n’avez pas assuré ce rôle de responsable, vous contentant de reporter vos taches sur les autres membres du service.

Le 5 ou le 15 de chaque mois, certaines entreprises doivent déclarer leurs salaires mensuels auprès de certaines caisses sociales, vous l’ignoriez. Ce sont vos collègues, inquiètes de voir que vous ne vous en souciez pas, qui vous ont alertée. Elles sont prêtes à en témoigner.

Vous n’avez pas vérifié ou donné de consignes pour contrôler la qualité de la télétransmission des déclarations annuelles, en particulier les DADS auprès de l’URSSAF. Ce sont vos collègues qui en ont pris l’initiative et découvert que certains dossiers dont vous aviez la responsabilité devaient faire l’objet d’ajustements pour finaliser cette télétransmission qui n’avait pas été réalisée.

Parmi les dossiers posant problème figurent ceux dont vous avez la responsabilité : « LES LAURIERS ROSES »,« MEDIPOLE SUD SANTE » Ces dossiers dont vous connaissez le caractère sensible pour le cabinet et dont vous aviez la responsabilité, n’ont pas été transmis par vos soins dans les délais impartis. Nous faisons toutes réserves quant aux conséquences que ce manquement pourrait entraîner.

Nous avons déjà du prendre à notre charge les pénalités adressés par les caisses et qui en ont résulté.

3 ' Votre comportement

Vous avez intégré notre cabinet depuis environ 5 mois. Notre effectif en vous comptant est de 8 personnes.4 employés sur 7 sont prêts à certifier que les relations avec vous ont été rapidement très difficiles.

Je reprends ici les remarques déjà exposés dans le paragraphe 2.2 concernant votre entretien téléphonique avec l’inspectrice du travail.

En ce qui me concerne enfin, il est évident que je déplore cette situation ; mon intérêt est bien évidemment une collaboration sereine et efficace. Au lieu de cela lorsque je fais remonter auprès de vous les mécontentements des clients, ce qui me parait normal, vous m’adressez de très longs mails expliquant que ce n’est jamais de votre faute et vous réfugiant derrière le logiciel mal paramétré et un surcroît de travail allant jusqu’au « surmenage » .

J’interprète cette attitude proche de l’agressivité, cette sensation de débordement qui ressort de tous les mails que vous m’avez adressés comme le résultat du stress lié à votre incompétence technique, vous avez accepté un poste au dessus de vos compétences.

Nous sommes aujourd’hui au bord de la rupture avec certains de nos clients et non des moindres, il n’est donc pas possible de poursuivre le contrat de travail qui nous a lié.

('/…).»

Contestant son licenciement, la salariée saisissait le conseil de prud’hommes de Perpignan lequel par jugement du 17 février 2016 disait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait l’employeur à lui payer les sommes de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 900 € au titre de ses frais de procédure.

L’employeur relevait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 22 février 2016.

Moyens et prétentions des parties

La SARL Cabinet Michel Quez demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, de débouter la salariée de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

Elle fait valoir, en substance, que l’intimée a commis de nombreuses erreurs reprises dans la lettre de licenciement et démontrant son insuffisance professionnelle alors qu’elle était assistée de madame Q R et de madame Y, employée à mi temps ayant plus de 24 années d’ancienneté, qu’elle avait en charge le traitement de 296 bulletins de paie jusqu’en mars 2013 et de 226 bulletins de paie à compter du 1er mars 2013 et que la norme dans un cabinet comptable est de 350 bulletins de paie par personne et par mois, qu’elle a bénéficié d’une formation les 27 novembre, 4 décembre et 10 décembre 2012 et que le logiciel utilisé était celui en place dans la plupart des cabinets d’expert- comptables.

Elle ajoute, à titre subsidiaire, que l’ancienneté de la salariée étant inférieure à six mois, il lui appartient de démontrer son préjudice.

Par conclusions régulièrement notifiées le 27 novembre 2019, madame N L sollicite la confirmation du jugement sauf à voir porter le montant des dommages et intérêts à la somme de 14 000 € et à lui octroyer la somme de 2 500 € au titre de ses frais de procédure.

Elle fait valoir essentiellement que, dès son arrivée, elle a eu à déplorer la tenue catastrophique du service, que le logiciel de paie, pour lequel elle n’a bénéficié que d’un jour de formation, était inadapté, que le recrutement de madame Q R, débutante alourdissait sa charge de travail dans la mesure où elle devait la former. Elle explique qu’elle a été contrainte de travailler durant son arrêt maladie pour traiter les bulletins de paie du client 'Les Lauriers Roses'. Elle ajoute qu’elle a alerté son employeur par plusieurs courriels sur les difficultés qu’elle rencontrait.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions régulièrement notifiées par les parties auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail est tenu d’énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement.

Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif.

L’insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments concrets et non sur une appréciation purement subjective de l’employeur et qu’elle perturbe la bonne marche de l’entreprise.

En l’espèce, l’employeur reproche notamment à la salariée des erreurs dans l’établissement des fiches de paie ( non application de la hausse du SMIC, attribution de primes indues, calcul des heures travaillées erroné, heures supplémentaires mal renseignées, salaires en discordance avec les charges annuelles…), la mauvaise rédaction de deux ruptures conventionnelles (signature des parties apposée dans la cadre réservé à l’administration), l’absence de réponse à des questions de clients, une enquête diligentée à la demande de Pôle Emploi mal renseignée, une retenue à la source sur un salaire non justifiée, l’absence de transmission dans les délais impartis des déclarations annuelles auprès des caisses et un comportement général inadapté à ses fonctions.

La matérialité des faits est établie par les attestations (pièces n° 9, 10, 11, 12) et courriels (pièces n° 14, 15 16, 17) versés aux débats par l’employeur. Au demeurant, l’intimée ne conteste pas ces faits mais explique qu’ils sont dûs à un logiciel informatique inadéquat, à un manque de formation et à une surcharge de travail.

Or, force est de constater que la salariée, alors qu’elle avait été recrutée comme responsable du département social au vu d’un curriculum vitae faisant état d’une expérience comptable de plus de dix années, a bénéficié de deux journées de formation sur le logiciel paye (pièces n° 7 et 8) et n’a pas souhaité assister à la formation facultative dispensée sur le même thème (pièce n° 6). Elle ne peut donc valablement se retrancher derrière son absence de formation pour expliquer ses manquements.

Par ailleurs, l’employeur démontre que la charge de travail de madame J correspond aux normes habituellement pratiquées dans les cabinets comptables (350 bulletins de paie mensuels), l’intéressée étant en charge de l’établissement en moyenne de 210 bulletins de paie par mois alors qu’elle avait affirmé en traiter 400 par mois sur son précédent poste. En outre, il est avéré que le logiciel ISAPAYE utilisé dans l’entreprise est celui utilisé par plus de 1 000 cabinets comptables (pièces n°19 et 20) et tant madame Y (pièce n°22) que madame K, remplaçante de madame L (pièce n°21), attestent que ce logiciel est parfaitement adapté à la tenue de la paie en cabinet comptable.

De même, le recrutement d’un nouvel élément n’a pu avoir pour effet d’alourdir la charge de travail de l’intéressée. En effet, outre le fait que le cabinet comptable a vu

ainsi ses effectifs augmenter, madame Q R est titulaire d’un diplôme de gestion de la paye et du social (bac + 2) et l’intimée ne produit strictement aucune pièce permettant de démontrer qu’elle a dû reprendre le travail de cette dernière ou la former.

En outre, il est établi que madame L a eu, à plusieurs reprises, un comportement en inadéquation avec ses responsabilités de chef de service, refusant de répondre aux demandes des clients (pièces n° 10, 11 et 12) et allant jusqu’à interrompre brutalement une communication téléphonique avec une inspectrice du travail (pièce n°9).

Quant aux absences de la salariée en novembre et décembre 2012, elles résultent d’un accord conclu entre les parties au moment de la signature du contrat de travail et non d’un arrêt de travail. S’il est en revanche incontestable que l’état de santé de la salariée a nécessité un arrêt de travail pour dépression à compter du 17 décembre 2012 et que celle ci est actuellement prise en charge pour une affection de longue durée, cette dernière ne produit aucun élément tel que des attestations de nature à démontrer que son affection est en lien avec ses conditions de travail.

Enfin, contrairement à ses affirmations, il apparaît qu’elle n’a jamais alerté son employeur sur une surcharge de travail ou une absence de formation mais a systématiquement imputé son retard au logiciel utilisé dont il est établi qu’il est performant.

En conséquence, le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé et le jugement doit être infirmé.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe en application de l’article 451al 2 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Perpignan en date du 17 février 2016 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute madame N L de toutes ses demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne madame N L aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

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