Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 12 octobre 2021, n° 20/02990

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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Didier Poracchia · Bulletin Joly Sociétés · 1er février 2024

Christophe Albiges · Gazette du Palais · 14 décembre 2021
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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. com., 12 oct. 2021, n° 20/02990
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 20/02990
Sur renvoi de : Cour de cassation, 9 juin 2020, N° 311FD
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE :

Z

C/

Z

Z

Z

S.A. SOCIETE INTERNATIONALE DE TRANSIT

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 12 OCTOBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/02990 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OUIB

Décisions déférées à la Cour : Arrêt du 10 juin 2020 de la Cour de Cassation de PARIS (RG 311 FD) qui a cassé et annulé partiellement l’arrêt rendu le 8 février 2018 par la Cour d’Appel D’AIX EN PROVENCE statuant sur appel du jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE du 3 septembre 2015

Vu l’article 1037-1 du code de procédure civile;

DEMANDEUR A LA SAISINE:

Monsieur A Z

né le […] à CASABLANCA

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Paul-Victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

DEFENDEURS A LA SAISINE

Monsieur C Z

né le […] à RELIZANE

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me C INQUIMBERT de la SCP CHRISTOL I./INQUIMBERT G., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Christian LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Monsieur D Z

né le […] à CASABLANCA

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me C INQUIMBERT de la SCP CHRISTOL I./INQUIMBERT G., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Christian LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Madame E Z épouse X

née le […] à CASABLANCA

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentée par Me C INQUIMBERT de la SCP CHRISTOL I./INQUIMBERT G., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Christian LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

S.A. SOCIETE INTERNATIONALE DE TRANSIT

[…]

[…]

Représentée par Me C INQUIMBERT de la SCP CHRISTOL I./INQUIMBERT G., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Christian LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 31 AOUT 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 SEPTEMBRE 2021,en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

La SA Société Internationale de Transit (la société SIT) a été créé en 1963 par C Z avec pour objet social l’exercice d’activités de transport et de transit.

Le capital de la société SIT composé de 5000 actions est actuellement réparti entre C Z et ses trois enfants de la manière suivante :

' C Z : 2700 actions, soit 54 % du capital,

' A Z : 2168 actions, soit 43,36 % du capital,

' D Z : 126 actions, soit 2,52 % du capital,

' E Z épouse X : 6 actions, soit 0,12 % du capital.

Depuis le courant des années 2000, la société SIT n’exerce plus d’activité commerciale, mais a pour activité la gestion d’un patrimoine immobilier lui appartenant en propre ou détenu par une filiale à 80 %, la société civile immobilière les Mûriers.

Aux termes de la troisième résolution adoptée lors de l’assemblée générale mixte des actionnaires de la société SIT du 26 juin 2014, le groupe des actionnaires majoritaires constitué de C Z, D Z et E Z épouse X (les consorts Z) a décidé d’affecter le bénéfice de l’exercice clos le 31 décembre 2013 s’élevant à 687 511 euros au poste « report à nouveau » pour

la somme de 137 165 euros et aux réserves pour la somme de 550 346 euros.

S’estimant victime d’un abus de majorité, A Z a, par exploit du 13 octobre 2014, fait assigner les consorts Z et la société SIT devant le tribunal de commerce de Marseille en vue d’obtenir l’annulation pour abus de majorité des assemblées générales des 25 juin 2013 et 26 juin 2014, l’annulation de la troisième résolution de l’assemblée générale du 26 juin 2014 ayant décidé l’affectation de la somme de 550 346 euros aux réserves et le versement d’une provision de 500 000 euros à valoir sur sa participation aux bénéfices.

Le tribunal, par jugement du 3 septembre 2015 :

' s’est déclaré matériellement incompétent pour qualifier les relations successorales existant entre C Z, d’une part, et ses enfants A Z, D Z et E Z épouse X et ce au profit du tribunal de grande instance de Marseille,

' a donné acte à la société SIT de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur les questions relatives au conflit entre ses associés,

' a débouté A Z de toutes ses demandes, fins et conclusions relatives à l’affectation des bénéfices de la société SIT,

' a condamné A Z à payer aux consorts Z la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

' a condamné A Z à payer aux consorts Z la somme de 1200 euros, chacun, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’appel formé par A Z, la cour d’appel d’Aix-en-Provence-en-Provence (8e chambre C) a, par arrêt du 8 février 2018, infirmé le jugement sauf en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître du litige successoral opposant les parties et en ce qu’il a débouté A Z de sa demande d’annulation de l’assemblée générale du 23 juin 2013 et, statuant à nouveau, a annulé pour abus de majorité la troisième résolution de l’assemblée générale des actionnaires de la société SIT du 26 juin 2014 ayant décidé l’affectation de 550346 euros aux réserves et, y ajoutant, a rejeté la demande de provision à valoir sur la participation de A Z aux bénéfices et ses demandes subsidiaires aux mêmes fins ; la cour a également rejeté les autres demandes des parties, notamment celles fondées sur l’article 700 du code de procédure civile, et a dit que chacune d’elles conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

Cet arrêt a été cassé et annulé, sauf en ce que, confirmant le jugement, il déclare le tribunal de commerce incompétent pour connaître du litige successoral opposant les parties et rejette la demande d’annulation de l’assemblée générale du 23 juin 2013, par un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 10 juin 2020, aux motifs suivants :

« Vu l’article 1382, devenu 1240, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

5. Pour annuler la troisième résolution de l’assemblée générale du 26 juin 2014, l’arrêt, après avoir énoncé que la mise en réserve systématique, pendant de nombreuses années et sans projet d’investissement ou nécessité de gestion, des bénéfices d’une société est susceptible de caractériser un abus de majorité, lorsqu’elle a pour effet de priver les actionnaires minoritaires de leur droit aux dividendes, retient que la vocation d’une société ayant une activité foncière est, en principe, de procurer un revenu périodique aux associés.

6. Relevant ensuite que la société SIT, qui a pour activité la gestion d’un patrimoine immobilier, n’a pas de crédit en cours ni de projet d’investissement, l’arrêt retient que si une gestion prudente peut justifier la constitution de réserves au regard de l’éventualité d’une vacance prolongée des biens, les justifications avancées à cet égard par les consorts Z en des termes très généraux et exempts de chiffrage ne permettent pas de rendre compte de la légitimité de la mise en réserve litigieuse, cependant que les réserves de la société s’élèvent déjà à la somme de 624 284 euros.

7. L’arrêt relève encore que les biens immobiliers appartenant à la société SIT sont donnés en location à une vingtaine de locataires différents et que le plus important des deux biens appartenant à la SCI Les Mûriers, sa filiale, est loué au conseil régional, ce dont il déduit que la nécessité de se prémunir contre un risque de vacance massif et subi doit être fortement relativisée et ne peut justifier la constitution de réserves représentant plus de cinq fois le montant des charges externes de la société.

8. L’arrêt constate, enfin, que les disponibilités de la société s’élevaient, au 31 décembre 2013, à la somme de 744 249 euros, à rapprocher du montant des valeurs mobilières de placement, qui n’est que de 6 106 euros.

9. L’arrêt déduit de l’ensemble de ces énonciations, constatations et appréciations que la politique de mise en réserve suivie par la société SIT est une politique de pure thésaurisation, contraire à l’intérêt social, et qu’en privant ainsi M. A Z de son droit au bénéfice, cependant qu’aucun dividende n’avait été distribué depuis de nombreuses années, les actionnaires majoritaires ont commis un abus.

10. En se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi la résolution litigieuse avait été prise dans l’unique dessein de favoriser les consorts Z au détriment de M. A Z, la cour d’appel a privé sa décision de base légale."

Désignée comme juridiction de renvoi, cette cour a été saisie par A Z suivant déclaration en date du 21 juillet 2020.

Ce dernier demande à la cour, aux termes de ses conclusions n° 2 déposées le 24 décembre 2020 via le RPVA, de :

' infirmer la décision dont appel,

' débouter C Z, D Z, E Z épouse X et la société SIT de toutes leurs demandes,

' annuler l’assemblée générale du 26 juin 2014 pour abus de majorité,

' à défaut, annuler pour abus de majorité la troisième résolution de l’assemblée générale du 26 juin 2014 ayant décidé l’affectation de 550 346 euros aux réserves,

' constater que par une assemblée générale en date du 15 mai 2018 de la société SIT, il a été décidé de procéder à la distribution de dividendes de 550 346 euros au titre de l’exercice 2013 et que les demandes suivantes sont devenues sans objet :

«' condamner la SIT à verser à M. A Z une provision de 500 000 euros à valoir sur sa participation aux bénéfices,

' subsidiairement, condamner sous astreinte de 5000 euros par jour de retard M. C Z, M. D Z, Mme E Z épouse X à faire verser par la SIT à M. A Z (qui détiennent 43,36 % du capital) une provision de 500 000 euros à valoir sur sa participation aux

bénéfices,

' à titre infiniment subsidiaire, condamner M. C Z, M. D Z, Mme E Z épouse X à verser à M. A Z une provision de 500 000 euros au titre de sa participation aux bénéfices dont il est actuellement privé »,

' condamner solidairement les consorts Z et la société SIT à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

' condamner solidairement les consorts Z et la société SIT à lui verser la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir pour l’essentiel que :

' les assemblées générales des actionnaires de la société SIT, tenues les 25 juin 2015, 24 juin 2016, 29 juin 2017 et 28 juin 2018, ont encore décidé d’affecter aux réserves les bénéfices des exercices 2014, 2015, 2016 et 2017, mais les résolutions de ces assemblées générales ont été annulées par un jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 5 décembre 2019, dont les consorts Z ont relevé appel,

' une assemblée générale des actionnaires de la société SIT en date du 15 mai 2018 a, par ailleurs, décidé de procéder à la distribution de dividendes à hauteur de la somme de 558 346 euros en exécution de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence-en-Provence du 8 février 2018,

' l’affectation aux réserves des bénéfices est contraire à l’intérêt social et constitue un abus de majorité, dès lors que seuls les consorts Z, constituant le groupe des actionnaires majoritaires, tirent profit de leur participation au capital de la société SIT et que les choix adoptés dans le mode de gestion de la société contribuent à l’appauvrir au bénéfice des trois autres actionnaires,

' la société SIT, devenue une simple société foncière, dispose d’environ 700000 euros par an de recettes, n’a quasiment plus d’emprunts à rembourser et a pour charge principale les salaires versés à E Z, D Z et aux deux salariés chargés de la gestion,

' les charges externes comptabilisées représentent des dépenses de pure convenance exposées par les membres de la famille Z, hors lui-même,

' la gestion d’un patrimoine immobilier peut être externalisée en faisant appel à un administrateur de biens, dont le coût annuel serait de 37 117 euros hors-taxes, ce qui permettrait de réaliser une économie d’environ 140 000 euros par an, alors que les charges de la société SIT, dont certaines correspondent à des dépenses de pure convenance, sont de l’ordre de 180 000 euros par an,

' la mise en réserves des bénéfices n’a donc pas de justification eu égard à l’objet social, à l’activité ou aux perspectives de la société et ne tend qu’à favoriser les consorts Z à son détriment.

Les consorts Z et la société SIT, dont les conclusions ont été déposées le 26 octobre 2020 par voie électronique, sollicitent de voir :

In limine litis,

' confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 3 septembre 2015 en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Marseille pour qualifier les relations successorales existant entre C Z, d’une part, et ses enfants A Z, D Z et E Z épouse X,

Sur l’abus de majorité,

' confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 3 septembre 2015,

' débouter en conséquence purement et simplement A Z de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre des consorts Z,

' le débouter également de toutes ses demandes de condamnation à l’encontre de la société SIT,

' donner acte à la société SIT qu’elle se rapporte à justice sur les questions relatives au conflit entre ses associés,

Ajoutant au jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 3 septembre 2015,

' condamner A Z au paiement d’une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive au profit des consorts Z,

' condamner A Z au paiement d’une somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de chacun des défendeurs à l’instance, y compris la société SIT.

Ils soutiennent en substance :

' A Z a décidé de se marginaliser en refusant d’assister à l’assemblée générale ordinaire du 24 juin 2011 qui a désigné sa s’ur aux fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général et qui, lors de l’assemblée générale du 11 septembre 2012, n’a pas expressément demandé le renouvellement de son mandat d’administrateur,

' jusqu’au 24 juin 2011, l’intéressé a exercé les fonctions de directeur général et percevait un salaire mensuel de base de 4500 euros, identique à celui attribué à E Z épouse X, qui est en outre présidente du conseil d’administration,

' la décision des actionnaires majoritaires de la société SIT d’affecter les bénéfices à un compte de réserves en application de l’article 44 des statuts est conforme à l’intérêt social puisque, eu égard aux difficultés économiques rencontrées dans le secteur de l’immobilier, la société n’a pas la certitude de relouer un bien immobilier à vocation industrielle ou commerciale en cas de cessation de son activité par le locataire ou même de revendre des locaux devenus vacants à un prix conforme au prix d’achat ou au coût de revient de l’immeuble,

' la mise en réserves des bénéfices, en ce qu’elle conduit à l’absence de distribution de dividendes, touche tous les actionnaires et non pas seulement les minoritaires,

' d’ailleurs, jusqu’en 2011, date à laquelle A Z a cessé d’occuper ses fonctions de directeur général, celui-ci a toujours proposé et voté l’affectation des bénéfices sur un compte de réserves, estimant que cette affectation correspondait à une saine gestion,

' il n’est pas dès lors justifié en quoi la troisième résolution adoptée par l’assemblée générale du 26 juin 2014 procède d’un abus des actionnaires majoritaires, comme étant contraire à l’intérêt social et prise dans l’unique dessin de favoriser ces derniers au détriment de A Z.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 31 Août 2021.

MOTIFS de la DECISION :

La cassation n’affecte pas les dispositions de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 8 février 2018 en ce que, confirmant le jugement, l’arrêt déclare le tribunal de commerce incompétent pour connaître du litige successoral opposant les parties et rejette la demande d’annulation de l’assemblée générale du 23 juin 2013 ; il demeure donc en litige, en l’état des conclusions déposées le 24 décembre 2020 devant la cour de renvoi par A Z, l’annulation pour abus de majorité de l’assemblée générale des actionnaires de la société SIT du 26 juin 2014 ou de la troisième résolution de ladite assemblée générale ayant décidé l’affectation en réserves d’une partie du bénéfice dégagé à la clôture de l’exercice 2013, à hauteur de 550 346 euros.

Il est de principe que la décision de l’assemblée générale d’une société anonyme ne peut être annulée pour abus de droit que s’il est établi que cette décision est contraire à l’intérêt social et a été prise dans l’unique dessin de favoriser les actionnaires majoritaires au détriment des minoritaires ; ainsi, la mise en réserve systématique des bénéfices privant un actionnaire minoritaire du versement de dividendes est en soi insuffisante à caractériser un abus de majorité ; un tel abus suppose qu’il soit démontré, d’une part, qu’une telle situation porte atteinte à l’intérêt social et, d’autre part, qu’elle crée une rupture d’égalité entre les actionnaires.

Dans le cas présent, l’article 41 (et non 44) des statuts de la société SIT relatif à l’affectation des résultats dispose que l’assemblée générale ordinaire annuelle peut prélever sur le bénéfice distribuable toutes sommes qu’elle juge convenables de fixer pour les reporter à nouveau ou pour les porter à tous fonds de réserve ; l’assemblée générale du 26 juin 2014 a donc décidé d’affecter le bénéfice de l’exercice 2013 pour 135 165 euros au compte « report à nouveau » et pour 550 346 euros aux réserves, étant observé que l’exercice 2012 s’était soldé par une perte de 137 165 euros affectée au compte « report à nouveau » et que, du fait de l’affectation d’une somme équivalente provenant du bénéfice réalisé en 2013, le solde débiteur du compte a ainsi été régularisé ; le rapport de gestion présentée à l’assemblée générale du 26 juin 2014 ne contient aucune indication sur les raisons pour lesquelles la somme de 550 346 euros devrait être affectée aux réserves, alors que le compte « autres réserves » au passif du bilan s’élevait déjà à 624 284 euros à la clôture de l’exercice 2012 et qu’il était donc proposé de porter ce compte à 1 174 630 euros au bilan 2013.

Il n’est pas discuté que depuis les années 2000, la société SIT n’exerce plus l’activité principale, telle que prévue à l’article 3 de ses statuts définissant son objet social, liée à des opérations de transport, de transit, de déménagement, d’acconage, d’affrètement, d’agence de voyages, de consignation de navires et d’entreposage de marchandises, son activité étant désormais limitée à la gestion d’un important patrimoine immobilier, qu’elle possède personnellement ou que détient la SCI les Mûriers, sa filiale à 80 % ; ce patrimoine consiste en des bâtiments industriels loués situés dans des zones industrielles du 14e ou 15e arrondissement de […], ainsi qu’en un bâtiment à usage de bureaux de 4420 m² également situé dans le […]) notamment loué au conseil régional de Provence Alpes Côte d’Azur qui l’utilise pour le stockage de ses archives.

À l’examen du bilan et du compte de résultat afférents à l’exercice 2013, il apparaît que la société SIT n’a aucun endettement et que ses principales charges d’exploitation sont constituées par des charges externes (travaux, charges de copropriété, assurances, frais de déplacement et de réception …) pour 182 758 euros et des charges de personnel (salaires et charges sociales) pour 196 154 euros, sachant que les charges de personnel représentent près de 40 %, du chiffre d’affaires de la société chiffré à 502 926 euros ; à ce chiffre d’affaires s’ajoutent des produits financiers pour 732 372 euros, qui correspondent à la part de bénéfice de la société SIT retirée de l’exploitation de sa filiale, la SCI les Mûriers.

La mise en réserves de 550 346 euros décidée par l’assemblée générale du 26 juin 2014, alors que le montant des réserves précédemment constituées s’élevait déjà à 624 284 euros, ne se trouve justifiée

ni pour faire face à un endettement particulier, ni pour réaliser un investissement déterminé ; cette mise en réserve systématique des bénéfices, qui a pour effet de priver A Z, actionnaire minoritaire, des dividendes auquel il peut prétendre, participe d’une politique de thésaurisation au regard de l’activité de la société, réduite à la simple gestion d’un patrimoine immobilier ; le risque évoqué par les consorts Z d’une vacance des locaux industriels ou à usage de bureaux loués en cas de cessation d’activité des locataires ou de mévente de ces locaux à un prix conforme à leur prix d’achat ou leur prix de revient, n’est que purement hypothétique et ne saurait justifier la constitution de réserves pour plus d’un million d’euros, alors que les charges externes de la société ne représentent que 15 % du montant des réserves ainsi constituées et qu’au 31 décembre 2013, celle-ci dispose de disponibilités à hauteur de 744 249 euros au vu du bilan de l’exercice.

Aucun élément précis n’est, en effet, apporté sur le risque de cessation d’activité et donc de vacances de locaux, qui pourrait conduire la société SIT à exposer, sans ressources correspondantes, des charges d’entretien, de gestion, d’assurances ou de gardiennage, de l’un ou l’autre de ses 20 locataires, étant précisé que le loyer le plus conséquent (235 320 euros par an au 1er janvier 2010) est versé par un locataire apparemment solvable, le conseil régional de Provence Alpes Côte d’Azur occupant un local de 3500 m².

Il résulte de ce qui précède que la mise en réserves de la somme de 550 346 euros sur le bénéfice réalisé au cours de l’exercice 2013, non justifiée soit pour faire face à un endettement ou à un risque sérieux d’endettement, soit pour réaliser un investissement profitable à l’entreprise au regard de son activité, est manifestement contraire à l’intérêt social ; il importe peu que par le passé, alors qu’il était lui-même directeur général de la société SIT, A Z ait voté la mise en réserve d’une partie des bénéfices, notamment lors des assemblées générales des 28 juin 2007, 30 juin 2008, 30 juin 2009 et 30 juin 2010, ces mises en réserve étant intervenues à une époque où la société, compte tenu de ses charges d’exploitation, ne dégageait qu’un bénéfice annuel inférieur à 30 000 euros et portant sur des montants modestes (25 095 euros au titre de l’exercice 2006, 14 702 euros au titre de l’exercice 2007, 1574 euros au titre de l’exercice 2008 et 2013 euros au titre de l’exercice 2009), la position ainsi adoptée par lui lors du vote sur l’affectation des bénéfices des exercices 206 à 2009 ne valant pas renonciation de sa part à contester les mises en réserves ultérieurement décidées par l’assemblée générale en fonction de l’évolution des résultats de la société.

Certes, comme le soutiennent les consorts Z, la décision d’affecter aux réserves une partie importante du bénéfice de l’exercice 2013 impacte l’ensemble des actionnaires, majoritaires comme minoritaires ; il est cependant établi, par les pièces produites, que A Z ne retire de la société aucun avantage particulier, distinct du droit de participer, comme tout actionnaire, à la répartition du bénéfice décidée par l’assemblée générale, par la perception de dividendes, tandis que E Z épouse X, administratrice de la société et nommée aux fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général de celle-ci lors d’une réunion du conseil d’administration du 24 juin 2011, perçoit une rémunération, qui était de 58 766 euros en 2013 hors les remboursements de frais, que son frère D Z, administrateur et salarié de la société, en retire également une rémunération, chiffrée à 45 522 euros en 2013 plus les remboursements de frais, et que C Z, également administrateur de la société, occupe une villa avec piscine, propriété de la société SIT, située […] à Marseille, sans contrepartie avérée ; à cet égard, s’il est produit aux débats un procès-verbal de réunion du conseil d’administration en date du 30 octobre 1985, évaluant à 1250 francs par mois l’avantage en nature liée à l’occupation par C Z des pièces situées à l’étage de la villa, cette occupation l’était à titre de logement de fonction, à une époque où il était le président directeur général de la société SIT.

Là encore, il est indifférent que jusqu’au 24 juin 2011, A Z ait lui-même bénéficié d’une rémunération en tant que directeur général de la société et que lors de l’assemblée générale du 11 septembre 2012, son mandat d’administrateur n’ait pas été renouvelé.

Ainsi, la mise en réserves de la somme de 550 346 euros au titre de l’exercice 2013, décidée lors de

l’assemblée générale du 26 juin 2014, est non seulement contraire à l’intérêt social, mais est également constitutive, au préjudice de A Z, actionnaire minoritaire, d’une rupture d’égalité dès lors que les associés majoritaires bénéficiaient, par leurs fonctions de direction au sein de la société, de rémunérations ou d’avantages en nature, dont lui-même ne bénéficiait pas au moment du vote de la résolution litigieuse, alors que détenant 43,36 % du capital social, il se trouvait privé de toute répartition de dividendes; il y a lieu, dans ces conditions, les autres moyens développés étant surabondants, de réformer le jugement rendu le 3 septembre 2015 par le tribunal de commerce de Marseille et de prononcer en conséquence l’annulation pour abus de majorité, non des résolutions adoptées par l’assemblée générale du 26 juin 2014 dans leur intégralité, mais de la troisième résolution de ladite assemblée générale ayant décidé l’affectation de 550 346 euros aux réserves.

A Z ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui, découlant de la résolution dont l’annulation est prononcée, lié à l’abus de droit commis par les actionnaires majoritaires l’ayant empêché de percevoir des dividendes ; il ne peut dès lors qu’être débouté de sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ; de même, eu égard à la solution donnée au règlement du litige, le jugement entrepris doit être réformé en ce qu’il a condamné A Z à payer aux consorts Z la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la demande incidente des consorts Z devant la cour de renvoi en paiement de la somme de 100 000 euros de ce chef ne pouvant pareillement qu’être rejetée.

Succombant sur leurs prétentions, les consorts Z et la société SIT doivent être condamnés aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu’à payer à A Z la somme de 4000 euros en remboursement des frais non taxables que celui-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 3 septembre 2015 en ce qu’il a débouté A Z de toutes ses demandes, fins et conclusions relatives à l’affectation des bénéfices de la société SIT, condamné celui-ci à payer aux consorts Z la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts et condamné A Z aux dépens, ainsi qu’à payer à chacun des défendeurs la somme de 1200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Prononce l’annulation pour abus de majorité de la troisième résolution de l’assemblée générale des actionnaires de la SA Société Internationale de Transit (la société SIT) en date du 26 juin 2014 ayant décidé l’affectation de 550 346 euros aux réserves,

Déboute les consorts Z de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Les condamne aux dépens de première instance,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes formulées devant la cour de renvoi,

Condamne les consorts Z et la société SIT aux dépens d’appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu’à payer à A Z la somme de 4000 euros sur le fondement de

l’article 700 du code de procédure civile,

le greffier, le président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 12 octobre 2021, n° 20/02990