Cour d'appel de Montpellier, Retentions, 30 décembre 2022, n° 22/00554

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, retentions, 30 déc. 2022, n° 22/00554
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 22/00554
Importance : Inédit
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 6 janvier 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 22/00554 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PVJB

O R D O N N A N C E

N° 2022 – 562

du 30 Décembre 2022

SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION ET SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L’ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RÉTENTION ADMINISTRATIVE

dans l’affaire entre,

D’UNE PART :

Monsieur [U] [R]

né le 15 Juin 1991 à [Localité 3] (TURQUIE)

de nationalité Turque

retenu au centre de rétention de [Localité 7] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire,

Comparant, assisté par Maître Amel BELLOULOU, avocat commis d’office

Appelant,

et en présence de Mme [V] [S], interprète assermenté en langue turque,

D’AUTRE PART :

1°) Monsieur LE PRÉFET DES BOUCHES DU RHÔNE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Non représenté

2°) MINISTÈRE PUBLIC :

Non représenté

Nous, Patrice GELPI conseiller à la cour d’appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Floriane HAUDRY, greffier placé,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Vu les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté du 28 octobre 2022 notifié par voie postale le 22 novembre 2022, de Monsieur LE PRÉFET DES BOUCHES DU RHÔNE portant obligation de quitter le territoire national sans délai et ordonnant la rétention de Monsieur [U] [R], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu la décision de placement en rétention administrative du 26 décembre 2022 notifiée à 16h35 de Monsieur [U] [R], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu la requête de Monsieur [U] [R] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 27 décembre 2022 ;

Vu la requête de Monsieur LE PRÉFET DES BOUCHES DU RHÔNE en date du 28 décembre 2022 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [U] [R] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;

Vu l’ordonnance du 29 Décembre 2022 à 13h16 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a :

— rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [U] [R],

— ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [U] [R] , pour une durée de vingt-huit jours à compter du 28 décembre 2022,

Vu la déclaration d’appel faite le 30 décembre 2022 par Monsieur [U] [R] , du centre de rétention administrative de [Localité 7], transmise au greffe de la cour d’appel de Montpellier le même jour à 10h11,

Vu les télécopies adressées le 30 décembre 2022 à Monsieur LE PRÉFET DES BOUCHES DU RHÔNE, à l’intéressé et à son conseil, et au Ministère Public les informant que l’audience sera tenue le 30 Décembre 2022 à 14 H 45,

Vu notre ordonnance autorisant l’utilisation de la visio conférence, selon les articles L743-8 et R743-5 du CESEDA, en date du x pour la tenue de l’audience de ce jour

L’avocat et l’appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans la salle d’audience de la cour d’appel de Montpellier dédiée aux audiences du contentieux des étrangers, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l’entretien, en la seule présence de l’interprète , et ce, sur le temps de l’audience fixée, avec l’accord du délégué du premier président de la cour d’appel de Montpellier

L’audience publique initialement fixée à 14h45 a commencé à 16h21.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Assisté de Mme [V] [S], interprète, Monsieur [U] [R] confirme son identité telle que mentionnée dans l’ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l’audience : ' Je m’appelle [U] [R], je suis né le 15 Juin 1991 à [Localité 3] en TURQUIE. Je suis de nationalité Turque. Oui, j’ai 3 frères en France. Mes parents habitent en Turquie. J’ai des soeurs en Turquie aussi. Je suis en France depuis 8 ans. Non en 2018 je suis rentré en Turquie, et par la suite je suis revenu en 2019. Ah non pardon, je suis parti en Turquie en 2019 et je suis revenu en 2020. Je suis maçon. Je vis seul. J’ai des contacts avec mes frères. Ils sont tous les 3 à [Localité 5]. Un est réfugié politique, le 2ème a formulé sa demande qui est en cours, et le 3ème travaille avec contrats et des fiches de paye pour obtenir son titre de séjour. '

L’avocat, Me Amel BELLOULOU, développe les moyens de l’appel formé contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l’étranger.

Assisté de Mme [V] [S], interprète, Monsieur [U] [R] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l’audience : ' Non c’est bon.'

Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l’appel :

Le 30 décembre 2022, à 10h11, Monsieur [U] [R] a formalisé appel motivé de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 29 décembre 2022 notifiée à 13h16, soit dans les 24 heures de la notification de l’ordonnance querellée, qu’ainsi l’appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.

Sur l’appel :

À l’appui de sa demande en infirmation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné la prolongation pour 28 jours de sa mesure de rétention administrative, [U] [R] soutient en substance, par conclusions reprises oralement à l’audience auxquelles il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, que :

— son contrôle d’identité était irrégulier, eu égard notamment à son comportement et à l’absence de commission d’infraction ;

— en l’absence de perspectives d’éloignement à bref délai, la prolongation critiquée était injustifiée.

I/ Concernant la contestation de la décision de placement en rétention administrative

L’article L.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énonce : « Un étranger ne peut être placé et maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

En l’espèce, [U] [R] fait valoir que le préfet des Bouches-du-Rhône a indiqué dans sa requête qu’en l’absence de moyen de transport immédiat son retour vers son pays d’origine ne pouvait être envisagé avant le 25 janvier 2023 au plus tard.

Il résulte par conséquent de cette information que la reconduite de [U] [R] vers son pays d’origine ne pouvait pas, en tout état de cause, être réalisée dans le temps de la première mesure de rétention. Par ailleurs, le premier juge a rappelé que celui-ci avait confirmé n’avoir fait aucune démarche aux fins de régulariser sa situation sur le territoire français suite au rejet de ses précédentes demandes d’asile en décembre 2014, puis en décembre 2020 ; qu’il ne justifiait d’aucun logement stable ; qu’il ne disposait d’aucun titre de séjour ni de passeport en cours de validité ; enfin, il résulte de la procédure que la préfecture des Bouches-du-Rhône a sollicité, dès le 27 décembre 2022 auprès des autorités consulaires turques, un laissez-passer.

Compte tenu de ces circonstances, et dès lors qu’il ne peut être fait grief aux autorités préfectorales de ne pas avoir trouvé de transport public plus rapidement, la perspective d’un éloignement au plus tard le 25 janvier 2023 répond aux exigences de l’article L.741-3 précité, de sorte que [U] [R] doit également être débouté de ce moyen.

Par conséquent, l’ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point.

II/ Concernant la contestation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné la prolongation pour 28 jours de sa rétention administrative

Aux termes de l’article 78-2 du code de procédure pénale : « Les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints […] peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, donc elle se prépare à commettre un crime ou un délit […] ».

En l’espèce, le premier juge a relevé qu’il ressortait de la procédure, en particulier du rapport de mise à disposition rédigé le 25 décembre 2022 par le brigadier-chef principal de police municipale, Monsieur [G], agent de police judiciaire adjoint à [Localité 5], les éléments factuels suivants : « De mission de sécurisation de la basilique [6], sommes requis par des fidèles, pour un individu à bord d’une Peugeot 407, immatriculé [Immatriculation 4], au comportement suspect qui observe les passants avec insistance ; il s’agit d’un individu masculin, barbu, 30 ans environ, porteur d’une veste à capuche noire. Précisons que la messe religieuse de Noël est en cours et que le site enregistre une forte fréquentation ; vu les faits et la sensibilité du site, dans le cadre du plan Vigipirate, effectuons des recherches aux abords de la basilique ; à hauteur de l’escalier, sur la montée de l’Oratoire, notre attention est attirée par la présence d’un individu correspondant en tous points au signalement à bord d’un véhicule Peugeot 407, immatriculé [Immatriculation 4], stationné de façon anarchique sur la voie de circulation. Constatons une épaisse fumée blanche qui se dégage du véhicule ainsi qu’une forte odeur d’herbe de cannabis ; à notre vue, l’individu se débarrasse rapidement d’une cigarette artisanale (non récupérée et non grammable) ; prenons attache avec l’individu, celui-ci nous informe spontanément avoir consommé une cigarette artisanale mais qu’il n’a plus rien de dangereux ni d’illicite en sa possession. Demandons les documents afférents à la conduite et à la circulation du véhicule, celui-ci n’est pas en mesure de les présenter […]. L’invitons à sortir du véhicule ; palpé par mesure de sécurité, celui-ci est trouvé porteur d’un couteau d’environ 20 cm de marque laguiole dans sa poche avant droite ».

Afin de contester les constatations ainsi opérées par l’agent de police judiciaire, [U] [R] prétend que son véhicule n’était pas stationné de manière 'anarchique’ mais normalement, qu’il avait fumé sa cigarette artisanale environ une demi-heure avant l’intervention des policiers de sorte que ces derniers n’avaient rien pu constater, qu’il n’avait pas fumé de cannabis ce que d’ailleurs aucun test salivaire ou sanguin ne contredit et il en conclut qu’il a fait l’objet : « d’un contrôle au faciès complètement discriminatoire en raison de ses origines étrangères et de son physique 'd’homme barbu’ ».

Cependant, ces allégations, dénuées de tout élément de preuve susceptible de les corroborer, ne suffisent pas à combattre de manière efficace les constatations réalisées par des agents de police assermentés.

De surcroît, [U] [R] ne conteste pas qu’il était porteur d’un couteau, dont il n’a pas spontanément déclaré la présence aux policiers, et s’en justifie ainsi : « Je travaille au noir en tant qu’ouvrier et le couteau que je détenais me sert d’outil. Je n’ai pas pensé à l’évoquer spontanément à la police car pour moi il s’agit d’un simple instrument de travail ».

Cet argument paraît particulièrement audacieux dès lors que la détention d’une arme blanche à l’extérieur de son domicile, caractérise une raison plausible permettant aux policiers de penser que l’individu détenteur se préparait à commettre un crime ou un délit.

Pour ces motifs, c’est à bon droit que le premier juge a considéré que le contrôle de police judiciaire effectué sur la personne de [U] [R] était régulier.

Ce dernier sera par conséquent débouté de ce premier moyen d’appel.

III/ Concernant la demande d’assignation à résidence

Dans le dispositif de ses conclusions, et malgré l’absence de motivation sur ce point dans le corps de ses écritures, [U] [R] sollicite à titre subsidiaire son assignation à résidence. Il produit sur l’audience certains justificatifs, notamment un relevé bancaire et un bail à son nom consenti par Madame [T] [C].

Il apparaît toutefois que ce chef de demande n’a pas été soumis à l’appréciation du premier juge.

Dès lors, en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile et dans la mesure où cette prétention ne constitue pas un moyen nouveau mais bel et bien une demande nouvelle, celle-ci sera jugée irrecevable.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

Déclarons l’appel recevable,

Mais sur le fond :

Jugeons [U] [R] irrecevable en sa demande subsidiaire d’assignation à résidence ;

Déboutons [U] [R] de ses entiers moyens et demandes ;

Confirmons par conséquent la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l’article R 743-19 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile,

Fait à Montpellier, au palais de justice, le 30 Décembre 2022 à 17h08.

Le greffier, Le magistrat délégué,

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