Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 9 février 2022, n° 20/02792

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 4e ch. com., 9 févr. 2022, n° 20/02792
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 20/02792
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nîmes, 15 octobre 2020, N° 2019J308
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

ARRÊT N°


N° RG 20/02792 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H2ZY


CS


TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

16 octobre 2020


RG:2019J308


S.A.S. GAUJACOISE DE VOIES FERREES-TRAVAUX PUBLICS (G.V.F .-TP)


C/


Y


Grosse délivrée le 09 février 2022 à :


- Me VAJOU


- Me JONQUET

COUR D’APPEL DE NÎMES

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2022

APPELANTE :

S . A . S . G A U J A C O I S E D E V O I E S F E R R E E S – T R A V A U X P U B L I C S ( G . V . F . – T P ) Immatriculée au RCS de NIMES sous le numéro 438 815 029, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social.

[…]

[…]


Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES


Représentée par Me Denis PERIANO de la SCP BOLLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ :

Monsieur B Y

né le […] à […]

[…] […]


Représenté par Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Corinne STRUNK, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

Mme Claire OUGIER, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 13 Janvier 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Février 2022.


Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :


Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente, le 09 Février 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ


Vu l’appel interjeté le 3 novembre 2020 par la Sas Gaujacoise de Voies Ferrées-Travaux Publics à l’encontre du jugement prononcé le 16 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes ;


Vu l’ordonnance rendue le 13 octobre 2021 par le conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevables les demandes de Monsieur B Y , condamné Monsieur B Y à payer à la Sas Gaujacoise de voies ferrées- Travaux Publics la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens de l’incident;


Vu les conclusions remises par la voie électronique le 26 juillet 2021 par la Sas Gaujacoise de Voies Ferrées-Travaux Publics , appelant et les pièces annexées;


Vu l’ordonnance du 18 octobre 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 30 décembre 2021 avec fixation de la date de plaidoiries au 13 janvier 2022.

* * *
La Sas Gaujacoise de Voies Ferrées-Travaux Publics (G.V.F-TP) exerce une activité de travaux de réalisation et d’entretien d’installations ferroviaires. Elle a été immatriculée le 26 juillet 2001 et a pour associés:


- M. X: 2579 actions


- La société UNIFER : 1241 actions.

M. B Y, président de la société G.V.F-TP depuis 2006, a été révoqué par décision de l’assemblée générale du 2 avril 2019 pour faute lourde.

ll a assigné la société GVF-TP en indemnisation devant le tribunal de commerce de Nîmes sollicitant d’une part l’allocation de la somme de 113.294,64 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de cessation de fonctions prévue à l’article 14 des statuts de la société ainsi que la somme de 50.000 euros au titre de la révocation abusive outre une somme de 13.064 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Par jugement du 16 octobre 2020, le tribunal de commerce de Nîmes a condamné la société G.V.F-TP à payer à Monsieur Y les sommes suivantes:


- 113.294,64 € au titre de l’indemnité conventionnelle de cessation de fonctions telle que prévue à l’article 14 des statuts de la société G.V.F-TP;


- 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;


- aux dépens de l’instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la présente décision ainsi que tous autres frais et accessoires.


Le tribunal de commerce a rejeté la demande de dommages-intérêts et n’a pas prononcé l’exécution provisoire.


Pour faire droit aux prétentions de Monsieur Y , le tribunal a considéré, en substance, que:


- la révocation de Monsieur Y des fonctions de président, qui a servi pendant 18 années la société G.V.F-TP dont 13 années en qualité de président, n’est justifiée par aucune faute lourde;


- la méthode de gestion qui lui est reprochée était en place et appliquée depuis de nombreuses années et connues des actionnaires qui l’ont soutenu dans ses fonctions;


- les commissaires aux comptes ont approuvé l’ensemble de ses exercices;


- le fait que Monsieur Y ait un emploi au sein de groupe Unifer ne l’empêche par de percevoir l’indemnité conventionnelle de cessation de fonctions.


La société G.V.F-TP a fait appel de cette décision le 3 novembre 2020.

* * *


La société G.V.F-TP explique en premier lieu que l’article 14 des statuts de la société G.V.F. – T.P. prévoit une révocation ad nutum qui correspond à une révocation sans préavis, ni précision de motif. Ce même article prévoit également la fixation d’une indemnité de cessation des fonctions, sauf faute lourde.
Cette disposition statutaire doit être neutralisée dès lors que son application est de nature à faire obstacle à la révocabilité ad nutum.


Ainsi, elle rappelle que selon une jurisprudence constante en droit des sociétés, est nulle toute clause statutaire ou conventionnelle qui prévoit une indemnité de révocation dont le montant est de nature à dissuader les associés de révoquer le dirigeant (Cass. Com. 2 juin 1987, n° 85-16467).


L’appréciation du caractère exorbitant peut notamment se faire au regard des résultats de la société.


Au cas d’espèce, l’appelante souligne que M. Y réclame le paiement d’une indemnité de 113.294 euros, alors que la société affiche une perte de – 381 465 euros au 31 mars 2019, et affichait un bénéfice de seulement 29.115 euros au 31 mars 2018 de sorte que l’indemnité réclamée représente 4 fois le résultat au 31 mars 2018.


L’indemnité prévue étant exorbitante au regard de la situation financière de la société au moment de la révocation, la société G.V.F-TP est donc recevable à soulever l’exception de nullité de l’indemnité prévue par l’article 14 des statuts, qui fait obstacle au principe de la révocation ad nutum du président, prévue par ce même article.


S’agissant de la faute lourde, elle invoque des faits dont elle a eu connaissance postérieurement à la révocation rappelant qu’elle n’est pas limitée par les griefs invoqués le jour de l’assemblée générale.


Ainsi, elle considère que la faute lourde est caractérisée dans la mesure où M. Y n’a pas respecté ses obligations légales et statutaires, et qu’il a commis d’incontestables fautes de gestion et tentatives de dissimulation de la situation financière réelle de la société, notamment par l’émission de fausses factures , la présentation d’un faux bilan et la cession d’actifs au profit de la société Unifer dont il est associé.


Elle lui reproche ainsi :


- une résistance injustifiée à inscrire des résolutions à l’ordre du jour en dépit des demandes présentées par Monsieur X de communiquer des informations comptables et juridiques;


- l’émission d’une fausse facture en vue d’en faire une cession Dailly;


- la présentation d’un faux bilan le 31 mars 2018 amélioré par des 'factures à établir’ pour des montants injustifiés (511.138 euros au lieu de 397.000 euros) ce qu’il ne pouvait ignorer;


- la cession d’actif à Unifer dans des conditions contraires à l’intérêt social car inférieur à sa valeur s’agissant d’engins de chantier bradés qui ont été par la suite loués à la société G.V.F-TP;


- le débauchage de la comptable vers une société du groupe Unifer (Mme Z);


- la disparition de tous les documents produits par M. Y dans l’exercice de ses fonctions de président de la société G.V.F-TP, propriété de ladite société;


- un ordinateur racheté à titre personnel comprenant tout l’historique de la société, téléphone mobile conservé sans rachat;


- un fonctionnement général et quotidien de l’entreprise mis à mal;


- des factures d’achat 'jeux de boules 'pour 17.000 euros ht, 'sponsoring’ de 25.000 euros au profit de Tryona sans retour de la société.
A titre subsidiaire, sur le montant de l’indemnité conventionnelle, elle soutient que l’intimé ne justifie pas d’une décision d’assemblée générale qui aurait fixé sa rémunération de président pour la période prise en compte, soit d’avril 2018 à mars 2019 étant précisé que cette rémunération suppose l’existence d’une décision collective annuelle des associés. Sur ce , elle se prévaut d’une décision rendue le 12 décembre 2018 par la cour de cassation selon laquelle aucune rémunération n’est due au dirigeant à défaut de décision collective des associés.


En réponse à l’appel incident, elle se prévaut d’une part de l’irrecevabilité des conclusions et fait observer en outre que la révocation survient après de nombreuses interventions de Monsieur X auxquelles l’intéressé n’a pas donné suite.


Sur la demande reconventionnelle, elle réclame le remboursement des rémunérations versées à Monsieur Y qui n’ont pas été autorisées par l’assemblée générale.


Dans ses dernières conclusions, la société G.V.F-TP demande à la cour:


- lnfirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :


Condamné la société G.V.F-TP à payer à Monsieur Y les sommes suivantes:


- 113.294,64 € au titre de l’indemnité conventionnelle de cessation de fonctions telle que prévue à l’article 14 des statuts de la société G.V.F-TP;


- 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;


- aux dépens de l’instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la présente décision ainsi que tous autres frais et accessoires.


Statuant à nouveau,


- Recevoir l’exception de nullité de la clause statutaire en ce que l’indemnité de révocation qu’elle prévoit fait obstacle au principe de la libre révocabilité du Président,


- Débouter Monsieur B Y , de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident;


- Condamner Monsieur Y à lui rembourser les rémunérations perçues sans autorisation de l’assemblée générale au titre des exercices 2013 à 2019;


- Le condamner à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance et d’appel.


Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur l’irrecevabilité des conclusions de M Y:


Suivant ordonnance rendue le 13 octobre 2021 , le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de Monsieur B Y de sorte que l’intéressé est réputé ne pas avoir conclu et que ses moyens et pièces ne peuvent davantage être étudiés au fond par la cour.
L’appelant ne discute pas que, par l’effet dévolutif de l’appel et en l’absence d’annulation de la citation introductive, il doit être statué au fond.


En application de l’article 472 du code de procédure civile, il ne peut être fait droit aux demandes de l’appelant que si elles sont régulières, recevables et bien fondées, ce qui suppose d’examiner la pertinence des moyens par lesquels les premiers juges se sont déterminés.

- Sur la nullité de la clause relative à l’indemnité conventionnelle de cessation:


L’article L 225-47 du code de commerce énonce que le conseil d’administration peut révoquer le président à tout moment. Toute disposition contraire est réputé non écrite.


En l’état, la libre révocabilité de l’administrateur étant considérée comme un principe d’ordre public, est nulle la clause prévoyant l’allocation d’une indemnité de révocation dont l’effet est de restreindre ou d’entraver la révocation ad nutum compte-tenu des conséquences financières importantes que la révocation pouvait entraîner pour le cessionnaire. Ainsi, la nullité est encourue si l’engagement fait peser sur la société une charge financière telle qu’elle est de nature à dissuader les associés ou l’organe compétent d’exercer la faculté de révocation (cass com. 4 juin 1996, com 6 novembre 2012 n°11-19.582).


Il est donc jugé que toute clause conventionnelle qui entrave ou crée une entrave à la révocabilité du gérant est nulle.


En l’espèce, l’article 14 des statuts de la société G.V.F. – T.P. prévoit que 'les fonctions de président prennent fin soit par le décès, la démission, la révocation… le président est révocable à tout moment par l’assemblée générale ordinaire. La décision de révocation du président peut ne pas être motivée…

La révocation du président, personne physique, dont le mandat social est rémunéré, ouvre droit à son profit , au versement par la société, à titre d’indemnité de cessation de fonctions, d’une somme correspondant à deux années de rémunération calculée sur la moyenne des rémunérations brutes mensuelles perçues par le président révoqué au cours des douze derniers mois, primes comprises. Toutefois, au cas où la révocation du président, personne physique, serait motivée par une faute lourde, aucune indemnité ne sera due au président révoqué. La révocation du président, personne physique, dont le mandat social n’est pas rémunéré, ne peut en aucun cas ouvrir droit à versement par la société d’indemnité de cessation de fonctions'.


La société GVF-TP s’oppose au paiement de l’indemnité conventionnelle s’élevant à 113.294 euros se prévalant de l’exception de nullité de la clause justifiée par le montant exorbitant de l’indemnité au regard des résultats de la société qui fait état d’une perte de – 381 465 euros au 31 mars 2019, ainsi que d’un bénéfice de 29.115 euros au 31 mars 2018 de sorte que l’indemnité réclamée représente 4 fois le résultat au 31 mars 2018 et ne revêt aucun caractère dérisoire.


Cependant, si les éléments susvisés sont confirmés par la pièce 24 relative au rapport général du commissaire aux comptes comprenant les comptes annuels (exercice clos au 31 mars 2019 avec mention n-1) , l’appréciation de l’indemnité doit tenir compte d’autres éléments financiers portant sur le chiffre d’affaires de la société, les capitaux propres ainsi que la trésorerie.


Or, la société GVF-TP a réalisé un chiffre d’affaires de 4.807.861 euros en 2018 avec un bénéfice de 29.115 euros, que ses capitaux propres s’élèvent à la somme de 275.896 euros en 2018. L’exercice clôturé au 31 mars 2019 présente un montant total du bilan de 2.292.314 euros ainsi qu’un actif circulant de 1.930.741 euros brut.


Aucun élément comptable actualisé ne démontre que la société GVF-TP n’est pas en mesure de supporter la charge de cette indemnité dont il ne peut être considéré que le montant est de nature à dissuader les associés de prononcer la révocation.


L’exception de nullité de la clause de conventionnelle de cessation de fonctions sera rejetée.

- Sur la faute lourde:


Le tribunal de commerce a rejeté l’existence d’une faute lourde retenant que :


- la révocation de Monsieur Y des fonctions de président, qui a servi pendant 18 années la société G.V.F-TP dont 13 années en qualité de président, n’est justifiée par aucune faute lourde;


- la méthode de gestion qui lui est reprochée était en place et appliquée depuis de nombreuses années et connues des actionnaires qui l’ont soutenu dans ses fonctions;


- les commissaires aux comptes ont approuvé l’ensemble de ses exercices;


- le fait que Monsieur Y ait un emploi au sein de groupe Unifer ne l’empêche par de percevoir l’indemnité conventionnelle de cessation de fonctions.


La société G.V.F. – T.P. s’oppose à cette analyse considérant pour sa part que Monsieur Y a fait preuve de graves carences dans la gestion de son mandat; elle lui reproche en effet diverses fautes:


- une résistance injustifiée à inscrire des résolutions à l’ordre du jour en dépit des demandes présentées par Monsieur X de communiquer des informations comptables et juridiques;


- l’émission d’une fausse facture en vue d’en faire une cession à Dailly;


- la présentation d’un faux bilan le 31 mars 2018 amélioré par des 'factures à établir’ pour des montants injustifiés (511.138 euros au lieu de 397.000 euros) ce qu’il ne pouvait ignorer;


- la cession d’actif à Unifer dans des conditions contraires à l’intérêt social car inférieur à sa valeur s’agissant d’engins de chantier bradés qui ont été par la suite loués à la société G.V.F-TP;


- le débauchage de la comptable vers une société du groupe Unifer (Mme Z);


- la disparition de tous les documents produits par M. Y dans l’exercice de ses fonctions de président de la société G.V.F-TP, propriété de ladite société;


- un ordinateur racheté à titre personnel comprenant tout l’historique de la société, téléphone mobile conservé sans rachat;


- un fonctionnement général et quotidien de l’entreprise mis à mal;


- des factures d’achat 'jeux de boules 'pour 17.000 euros ht, 'sponsoring’ de 25.000 euros au profit de Tryona sans retour de la société.


La faute lourde est celle qui est caractérisée par une intention malveillante de nuire qui implique la volonté incontestable de son auteur de nuire à l’entreprise.


Il appartient à la société GVF-TP d’apporter la preuve de cette faute lourde.


Sur le premier point, il résulte du procès-verbal de constat établi le 2 avril 2019 par Me Galdeano que Monsieur X a adressé à Monsieur Y un courriel daté du 26 mars 2019 aux termes duquel il sollicitait l’inscription de deux résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée gérénale du 2 avril 2019, la première portant sur la destitution du président actuel Monsieur Y B et la nomination en qualité de président de Monsieur X D-E et la deuxième portant sur l’attribution d’une rémunération pour son mandat à Monsieur X D-E en tant que président de 4000 euros sur 13 mois à compter du 1er janvier 2019.


Dans le rapport de gestion établi et présenté à l’assemblée générale ordinaire du 2 avril 2019 par Monsieur Y (pièce 6) , ce dernier évoque par ailleurs plusieurs mails adressés par Monsieur X (19 septembre 2018, 3 octobre 2018) aux termes desquels il a fait connaître sa volonté de soumettre aux votes des actionnaires deux résolutions supplémentaires à l’occassion de l’assemblée générale annuelle, dont celle portant sur la destitution du président actuel et son remplacement, résolutions qu’il refuse d’inscrire à l’ordre du jour de de l’assemblée générale de la société GVF-TP du 2 avril 2019 puisqu’il les estime préjudiciables à l’intérêt social dès lors que l’article 14 des statuts prévoit le paiement d’une somme correspondant à deux ans de salaires brut précisant que 'si une telle résolution était adoptée, elle mettrait en danger la santé financière de la SAS GVFTP (par le versement de cette prime) qui pourrait se trouver en état de cessation de paiement…'.


Si le refus d’inscrire à l’ordre du jour les résolutions présentées par Monsieur X est confirmé, pour autant cette réticence peut au mieux constituer un motif légitime de révocation qui n’emporte pas pour autant la qualification de faute lourde en l’absence de preuve que ce refus nuit à la société et au vu de la motivation donnée par Monsieur Y.


S’agissant de l’émission d’une facture d’environ 300.000 euros en vue d’en faire une cession Dailly , s’il est établi que cette facture a été présentée deux fois à la banque en financement, aucun élément n’exclut la simple erreur de facturation ni ne démontre le caractère intentionnel de cette faute de nature à nuire aux intérêts de la société ou de dissimuler de la situation financière de la société. Aussi, tout au plus cette faute justifierait un motif légitime de révocation sans toutefois constituer une faute lourde.


S’agissant de la présentation d’un faux bilan le 31 mars 2018 amélioré par des 'factures à établir’ dite FAE pour des montants injustifiés (511.138 euros au lieu de 397.000 euros) , la société GVF-TP fait état d’un montant de FAE non justifié de 260.108 euros ce qui entraîne l’établissement d’un bilan nécessairement faussé.


L’analyse du tribunal de commerce sera sur ce point confirmée en ce qu’il a retenu en effet que la méthode de gestion qui lui est reprochée était en place et appliquée depuis de nombreuses années et connues des actionnaires qui l’ont soutenu dans ses fonctions pendant plus de 13 années et que les commissaires aux comptes ont approuvé l’ensemble de ses exercices, de sorte que ce grief ne peut être retenu comme une faute lourde.


Sur la vente de matériel à l’entreprise Unifer, qui devait présenter une convention réglementée, la société appelante considère que Monsieur Y a bradé le matériel pour un montant de 260.000 euros après avoir fait supporter le coût des réparations à la société GVF-TP pour ensuite le donner en location à la même entreprise.


En l’état, la sous-évaluation du matériel cédé n’est pas démontrée et la vente ne paraît pas en elle-même contestable alors même que la société GVF-TP rencontrait des difficultés financières dénoncées par Monsieur X lors de l’assemblée gérénale du 2 avril 2019.


Ce fait non établi ne pourrait en toute hypothèse constituer une faute lourde.


Sur les dépenses injustifiées (achat de jeuxde boules de pétanque et financement d’un sponsoring de 25000 euros), celles-ci sont intégrées dans les dépenses clientèles dont rien ne démontre qu’elles revêtent un caractère fautif.


Enfin, les griefs tenant au débauchage de la comptable vers une société du groupe Unifer (Mme Z), la disparition de tous les documents produits par M. Y dans l’exercice de ses fonctions de président de la société G.V.F-TP, propriété de ladite société, l’ordinateur racheté à titre personnel comprenant tout l’historique de la société, téléphone mobile conservé sans rachat et le fonctionnement général et quotidien de l’entreprise mis à mal ne sont soit pas établis soit pas suffisants pour constituer une faute lourde.


Plus précisement, la société GVF-TP produit plusieurs pièces illustrant les difficultés à reprendre la suite de Monsieur Y et évoquant notamment des problèmes d’accès au serveur (pièces 18 et suivantes); ces faits sont postérieurs à la révocation du président, et ne sont d’ailleurs pas fondés puisque le mail daté du 13 mai 2019 expose clairement que la société Unifer et son dirigeant Monsieur A détiennent légalement les droits d’administrateur du serveur (pièce 18 bis) de sorte que Monsieur Y ne peut être tenu responsable de ces difficultés de fonctionnement.


En l’état, la société GVF-TP ne démontre l’existence d’aucune faute lourde de nature à exclure le droit de Monsieur Y à prétendre au bénéfice de l’indemnité conventionnelle prévue à l’article 14 des statuts.


Le jugement déféré sera confirmé.

- Sur le montant de l’indemnité conventionnelle de cessation des fonctions:


L’article 14 des statuts prévoit l’allocation d’une indemnité conventionnelle de cessation des fonctions 'correspondant à deux années de rémunération calculée sur la moyenne des rémunérations brutes mensuelles perçues par le président révoqué au cours des douze derniers mois, primes comprises'.


Ce même article prévoit dans la partie 'Rémunération’ que le 'président peut recevoir une rémunération en compensation de la charge attachée à ses fonctions dont les modalités de fixation et de règlement sont déterminées par l’assemblée générae ordinaire, le président prenant part au vote'.


L’article 29 ' Nomination du président’ énonce que ' les soussignés nomment, pour une durée illimitée, en qualité de président Monsieur B Y… En compensation de la responsabilité et de la charge attachée à ses fonctions, le président pourra percevoir une rémunération dont les modalités de fixation et de règlement seront déterminées par une décision de la collectivité des associés'.


En appel, la société GVF-TP conteste l’indemnité conventionnelle considérant que l’intimé ne justifie pas d’une décision d’assemblée générale qui aurait fixé la rémunération de président pour la période prise en compte, soit d’avril 2018 à mars 2019 étant précisé que cette rémunération suppose l’existence d’une décision collective annuelle des associés.


En l’état, et en application de l’article 14 des statuts, le tribunal de commerce a alloué à Monsieur Y une somme de 113.294,64 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de cessation des fonctions sans que l’évaluation de cette somme ne pose question et ne soit d’ailleurs remise en cause par la société GVF-TP en première instance.


Il apparaît en outre que l’article 29 n’impose pas que cette rémunération fasse l’objet d’une décision collective annuelle des associés contrairement en ce qui est indiqué par la société GVF-TP. .


Enfin, dans le rapport de gestion établi et présenté à l’assemblée générale ordinaire du 2 avril 2019 (pièce 6) ,Monsieur Y évoque la question de sa rémunération exposant que 'le salaire perçu par le président lui est bien octroyé pour son mandat de président, conformément aux délibérations des assemblées générales ordinaires des 30/09/2013, 13/09/2012 et 30/09/2011 que Monsieur D-E X a approuvé ès qualités d’actionnaire majoritaire ainsi qu’en font foi les procès-verbal signés suite à cette approbation ainsi que les bulletins de paies qui ne comprennent pas les cotisations réservées aux salariés (caisse de congés payés, assedic…)'.


La société GVF-TP ne produit aucune pièce de nature à venir contester ces éléments d’information contradictoires données par Monsieur Y dans le cadre de son rapport de gestion qui ont en conséquence valeur probante.


Le moyen soulevé par l’appelante est donc inopérant et conduit à la confirmation du jugement déféré.


Pour le surplus, et s’agissant de la demande reconventionnelle présentée en appel par la société GVF-TP consistant à obtenir la condamnation de Monsieur Y à lui rembourser les rémunérations perçues sans autorisation de l’assemblée générale au titre des exercices 2013 à 2019, cette demande sera rejetée pour les mêmes raisons, la rémunération de Monsieur Y étant justifiée par 'les délibérations des assemblées générales ordinaires des 30/09/2013, 13/09/2012 et 30/09/2011 que Monsieur D-E X a approuvé ès qualités d’actionnaire majoritaire'.

- Sur la révocation abusive:


Le tribunal de commerce a débouté Monsieur Y de la demande tendant à obtenir la somme de 50.000 euros au titre de la révocation abusive lequel estimait que cette destitution est intervenue dans des conditions brutales et vexatoires et constitue de ce fait un abus de droit.


La société GVF-TP sollicite en appel la confirmation de cette décision.


Les conclusions de Monsieur Y étant irrecevables, ne sont développés en appel aucun moyen susceptible d’être examiné de sorte que la décision déférée sera confirmée.

* Sur les frais de l’instance :


La société GVF-TP , qui succombe, devra supporter les dépens d’appel et sera condamnée à payer à Monsieur Y la somme 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS


La cour,


Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,


Y ajoutant,


Rejette la demande de la société GVF-TP aux fins d’exception de nullité de la clause d’indemnité de cessation des fonctions,


Déboute la société GVF-TP de la demande reconventionnelle aux fins d’obtenir la condamnation de Monsieur Y à lui rembourser les rémunérations perçues sans autorisation de l’assemblée générale au titre des exercices 2013 à 2019,


Déboute la société GVF-TP de toute autre demande,


Condamne la société GVF-TP à payer à Monsieur B Y la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


Condamne la société GVF-TP aux dépens d’appel .


La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 9 février 2022, n° 20/02792