Cour d'appel de Nîmes, n° 15/02337

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, n° 15/02337
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 15/02337

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G. : 15/02337

YRD/DO

CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’AIX EN PROVENCE

20 janvier 2009

Section: Encadrement

RG:07/1188

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE 21 juin 2012

COUR DE CASSATION

8 avril 2015

Z

C/

SAS HAPIE

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 FEVRIER 2016

APPELANTE :

Madame I Z

Née le XXX à XXX

Chez M. X

XXX

XXX

comparante en personne, assistée de Maître Fabrice CARAVA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

SAS HAPIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice

XXX

XXX

XXX

représentée par Maître Gilles SALFATI, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller, exerçant les fonctions de Président spécialement désigné à cet effet,

Madame Mireille VALLEIX, Conseiller,

Monsieur Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Martine HAON, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 16 Décembre 2015, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Février 2016

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, publiquement, le 16 Février 2016, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Madame Z, engagée le 3 juillet 2003, par la société Hapie en qualité de VRP exclusif s’est vue notifier le 27 juin 2006 un avertissement pour :

— violation de son engagement contractuel du fait d’être gérante de la société Ital Look,

— baisse de chiffre d’affaires jusqu’au mois de mai 2006.

Elle a été licenciée le 29 septembre 2006 pour faute grave aux motifs d’une activité au profit d’une autre société, de l’insuffisance de résultats et du non-respect de ses obligations contractuelles.

La lettre de licenciement était rédigée en ces termes :

« Vous n’avez pas répondu à la convocation que nous vous avons adressée le 31 août 2006 pour un entretien le 11 septembre 2006 avec Monsieur C D.

Nous vous avons donc convoqué à nouveau le 13 septembre 2006 pour un entretien au 25 septembre 2006

Vous ne vous êtes pas présentée à cette seconde convocation.

Après examen de votre dossier personnel, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :

Vous avez reconnu être gérante de la Société ITAL LOOK immatriculée au registre da commerce et des sociétés d’Aix en Provence.

Par courrier du 27 juin 2006, nous vous demandions de quitter ces fonctions au sein d’une autre entreprise afin de respecter vos engagements contractuels (Article 4 de votre contrat de travail)

L’interrogation au RCS en date du 11 septembre 2006 laisse apparaître que vous avez conservé vos fonctions.

En suite de notre entretien du mois de juin 2006, vous vous étiez engagée à respecter vos obligations contractuelles en nous adressant un rapport journalier d’activité.

De 26 juin 2006 au 11 juillet 2006, vous n’avez adressé aucun rapport, du 12 juillet 2006 au 26 juillet 2006, vous étiez en arrêt de travail. Pour les journées du 27 et 28 juillet 2006, vous n’avez adressé aucun rapport d’activité

Il en est de même depuis la réouverture de la Société le 21 août 2006 à aujourd’hui.

L 'envoi d’un rapport d’activité journalier justifiant de la réalité de votre activité au profit de l’employeur est une de vos obligations contractuelles prévues à l’article 5 de votre contrat de travail.

Ce même contrat stipulait un objectif de chiffre d’affaires minimum de 7 000,00 € par mois avenant de mai 2005 accepté par les parties.

Nous avons eu à déplorer une baisse substantielle de votre chiffre d’affaires depuis le début de l’année 2006 :

Janvier 2006 : 3 535,00 € (5 commandes) Janvier 2005 : 9 13 7,60 € (16 commandes)

Février 2006 : 1 954,00 € (2 commandes) février 2005 : 22 968,65 € (11 commandes)

Mars 2006 : 5 554,00 € (5 commandes) mars 2005 : 14 480,90 € (13 commandes)

Avril 2006 : 1 248,00 € (1 commande) avril 2005 : 10 810,20 € (12 commandes)

Mai 2006 : 13 860,56 € (9 commandes) mai 2005 : 10 244,16 € (16 commandes)

Juin 2006 : 13 663,34 € (9 commandes) juin 2005 : 1 7234,88 € (16 commandes)

Juillet 2006 : Néant Juillet 2005 : 11 598,86 € (10 commandes)

Août 2006 : Néant Août 2005 : 3 063,60 € (2 commandes)

Sept 2006 : 2 506,08 € (3 commandes) Sept 2005 :14 339,35 € (15 commandes)

Force est de constater que celui-ci a été atteint uniquement deux fois depuis 2006 après notre rappel à l’ordre (lettre AR du 25 avril 2006) et que les commandes enregistrées ne sont dues qu’à un réapprovisionnement de vos clients habituels et non à de nouveaux clients.

Nous constatons que les 28 et 29 septembre 2006, vous ne vous êtes pas présentée au séminaire de formation obligatoire.

L’insuffisance de résultats, l’insubordination par le non accomplissement de vos obligations contractuelles laissant le terrain à nos concurrents alors que vous êtes la seule représentante de notre société sur le secteur, le désintérêt pour vos fonctions au sein de notre société nous amènent à vous licencier pour faute grave eu égard à l’accumulation des griefs relevés à votre encontre et qui rend impossible votre maintien dans l’entreprise ''.

La salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence qui, par jugement du 20 janvier 2009, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Par arrêt confirmatif du 21 juin 2012, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a dit que le licenciement de la salariée était justifié par une faute grave et l’a déboutée de ses demandes.

Sur pourvoi de Madame Z, la Cour de cassation, par arrêt du 8 avril 2015, rectifié le 16 juin 2015, a cassé et annulé sauf en ce qu’il rejette les demandes de Mme Z tendant au remboursement du budget publicitaire et en paiement d’un solde de commissions, l’arrêt rendu le 21 juin 2012 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans les termes suivants :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Z, engagée le 3 juillet 2003 par la société Hapie en qualité de VRP exclusif a été licenciée pour faute grave au motif d’une activité au profit d’une autre société, de l’insuffisance de résultats et du non-respect des obligations contractuelles ; qu’elle a saisi la juridiction prud’homale ;

Sur le premier moyen :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu’ayant relevé que le contrat de travail de la salariée stipulait que : « pendant toute la durée du présent contrat, le représentant s’engage à exercer son activité exclusivement pour le compte de la société et s’interdit d’exercer directement ou indirectement toute autre activité tant pour son compte personnel que pour le compte de tout autre employeur ou producteur concurrent ou non de la société. La non-exécution de cette obligation constituerait une faute grave justifiant le licenciement du représentant sans préavis ni indemnité », l’arrêt retient que, malgré une mise en demeure de l’employeur, la salariée ne s’est pas conformée à ses obligations contractuelles ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée contestant la validité de la clause d’exclusivité prévue par son contrat de travail, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que l’arrêt retient qu’il résultait des chiffres rapportés par la lettre de licenciement et non contestés par la salariée que ses résultats avaient baissé à compter du début de l’année 2006, concomitamment à sa nomination en qualité de gérante d’une autre société, sans autre explication avancée par la salariée ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée soutenant qu’à l’inverse d’une baisse fautive en 2006, son activité avait connu une évolution exceptionnelle en 2004 et 2005 grâce à l’obtention de plusieurs marchés importants, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

A présent, par conclusions développées à l’audience, Madame Z demande à la cour de :

— à titre principal,

— dire et juger que le licenciement de Madame Z est sans cause réelle et sérieuse,

— En conséquence,

— infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence,

— condamner la société Hapie à verser à Madame Z les montants suivants :

—  4 955.53 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  495.55 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  24 000 euros à titre d’indemnité de clientèle,

—  50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

— Ou, à titre subsidiaire,

— dire et juger que le licenciement de Madame Z n’est pas fondé sur une faute grave,

— En conséquence,

— infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence,

— condamner la société Hapie à verser à Madame Z les montants suivants :

—  4 955.53 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  495.55 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  24 000 euros à titre d’indemnité de clientèle,

En tout hypothèse,

— ordonner la délivrance par la société Hapie à Madame Z des documents de rupture rédigés en conséquence de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision,

— condamner la société Hapie à 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient que :

— Elle n’exerçait aucune activité au sein de la société Ital Look dont elle était gérante de droit, son compagnon, Monsieur B, en étant le gérant de fait, la clause d’exclusivité ne pouvait être rédigée en des termes généraux pour exclure la représentation de toute entreprise et de tout produit, enfin les juridictions ne sont pas liées par les sanctions prévues par le contrat de représentation,

— Elle rappelle qu’une clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, être justifiée par la nature de la tâche à accomplir, être proportionnée au but recherché, et que l’activité exercée par le salarié entraîne une implication effective de celui-ci susceptible de contrevenir à ses obligations à l’égard de son employeur, ces conditions ne sont pas réunies l’espèce,

— Elle a déjà été sanctionnée pour des faits similaires le 27 juin 2006 à savoir pour la prétendue violation de la clause d’exclusivité et la baisse du chiffre d’affaires, étant observé que la société Ital Look a été mise en sommeil à compter du 31 décembre 2006, par ailleurs elle se trouvait en arrêt maladie en juillet 2006 et l’entreprise était fermée en août 2006 en sorte qu’aucune baisse de chiffre d’affaires ne peut lui être reprochée durant cette période,

— La baisse du chiffre d’affaires réalisé en 2006 n’était que temporaire et exclusive de toute faute de sa part, elle rappelle qu’elle ne recevait plus les documents nécessaires à l’accomplissement de sa prestation de travail, après des résultats exceptionnels en 2004 et 2005 elle a réalisé en 2006 le chiffre d’affaires habituel qu’elle réalisait auparavant alors qu’elle était classée cinquième au rang des commerciaux, elle fournit la liste de ses nouveaux clients,

— Quant aux rapports journaliers cette pratique n’était plus en cours la concernant s’agissant d’une exigence applicable qu’à l’égard des représentants débutants, au demeurant l’employeur ne peut justifier d’aucun rapport antérieur,

— Elle n’a obtenu aucune avance pour se rendre au séminaire des 28 et 29 septembre 2006 alors qu’elle était en proie à des difficultés financières.

La société Hapie, reprenant ses conclusions déposées à l’audience, a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de l’appelante au paiement de la somme de 4.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

— la clause d’exclusivité insérée au contrat de travail est parfaitement licite, Madame Z était la seule représentante dans la région et elle exerçait son activité en toute autonomie, or elle était gérante d’une société Ital Look et il lui avait été demandé de cesser toute activité au sein de celle-ci, peu importe que cette activité soit rémunérée ou non, la salariée a donc violé la clause d’exclusivité qui la liait à son employeur,

— Pour bénéficier du statut de VRP, le représentant ne doit faire aucune opération commerciale pour son compte personnel pour le compte d’un tiers, ainsi les fonctions exercées par Madame Z étaient de nature à lui faire perdre son statut de VRP,

— Madame Z n’a jamais adressé les comptes rendus d’activité qui lui étaient régulièrement réclamés notamment en 2003 et avril 2006 étant précisé qu’aucun formulaire spécifique n’était exigé alors qu’elle n’a jamais utilisé les imprimés qui lui ont été remis, elle devait justifier d’un rapport journalier comportant au moins six visites et huit démonstrations ou 2 commandes fermes,

— Madame Z ne s’est pas rendue au séminaire sans justifier d’une demande de prise en charge financière préalable alors que les frais étaient remboursés sur justificatifs,

— La baisse du chiffre d’affaires ne peut s’expliquer par les prix des produits qui n’ont pas varié, cette baisse de résultats correspond à l’activité de Madame Z au sein de la société Ital Look, sur les 11 nouveaux clients prétendument acquis en 2006, 5 ont été démarchés au niveau national et ne sont pas du fait de Madame Z, ainsi après avoir régulièrement atteint ses objectifs elle n’a développé aucune clientèle nouvelle ni aucune activité notamment en juillet 2006 pas plus qu’en août et septembre 2006.

MOTIFS

Sur la validité de la clause d’exclusivité

La clause d’exclusivité prévue par le contrat de représentation de Madame Z stipulait :

Art.4 : « Pendant toute la durée du présent contrat, le représentant s’engage à exercer son activité exclusivement pour le compte de la société et s’interdit d’exercer directement ou indirectement toute autre activité tant pour son compte personnel que pour le compte de tout autre employeur ou producteur concurrent ou non de la société. La non-exécution de cette obligation constituerait une faute grave justifiant le licenciement du représentant sans préavis ni indemnité »

Art.5 : « le représentant s’engage formellement à consacrer toute son activité d’une manière exclusive et constante pour le compte de la société, à visiter la clientèle de façon constante et régulière…»

Art.12 « tout manquement à l’une quelconque des obligations découlant du présent contrat par l’une des parties constituera une faute grave »

L’article L.7313-6 du Code du travail dispose :

'Le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l’interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés.

Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas cette interdiction, il comporte, à moins que les parties n’y renoncent par une stipulation expresse, la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, représentant ou placier représente déjà et l’engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l’employeur.'

Cette clause ne concernait donc pas uniquement l’activité de représentation de la salariée, puisqu’elle visait toutes les activités, concurrentes ou non de celle de l’employeur, et ne distinguait pas selon les entreprises ou les produits visés. Il ne s’agissait donc pas d’une clause spécifique au contrat de VRP. Néanmoins, les dispositions de l’article 7313-6 du code du travail ne prohibent pas pour autant la stipulation de clauses plus contraignantes, ces dispositions ayant pour objet de définir l’objet et les limites de l’activité de représentation du VRP, exclusive ou non. Au demeurant, la Cour de cassation devant laquelle la salariée avait évoqué l’illicéité de cette clause au regard des dispositions de l’article L.7313-6 n’a pas considéré que cette clause contrevenait aux dispositions de ce texte.

Ainsi, l’employeur pouvait prévoir une clause d’exclusivité laquelle n’est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

L’employeur explique que Madame Z était la seule représentante dans la région où elle exerçait son activité en toute autonomie, qu’il pouvait légitimement exiger d’elle qu’elle exerce son activité exclusivement pour le compte de la société et qu’elle s’interdise d’exercer directement ou indirectement toute autre activité tant pour son compte personnel que pour le compte de tout autre employeur ou producteur concurrent ou non de la société, qu’elle était la seule salariée dans le secteur géographique attribué pour développer son activité, que du fait de son éloignement géographique, l’employeur ne pouvait exercer de contrôle sur l’activité réellement exercée par elle, qu’ainsi la société était en droit de s’assurer contractuellement l’exclusivité de l’accomplissement du travail de sa salariée.

Ces éléments étaient de nature à justifier l’existence d’une clause d’exclusivité étant précisé que Madame Z travaillait à temps complet pour le compte de son employeur, sans aucun contrôle portant sur son activité autre que les comptes rendus d’activité qu’elle devait adresser, qu’ainsi cette clause ne portait pas atteinte à sa liberté de travailler, que de l’activité de la salariée dépendait le chiffre d’affaires de la société et donc sa performance économique, qu’ainsi cette clause était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, la poursuite par la salariée d’une activité autre étant de nature à compromettre sa productivité, elle était en outre justifiée par la nature de la tâche à accomplir (représentation exclusive) et proportionnée au but recherché à savoir la performance dans l’activité de représentation.

Il n’est pas discuté que Madame Z était par ailleurs gérante statutaire d’une société commerciale, peu importe à cet égard que cette activité n’ait pas été rémunérée, peu importe également qu’elle ne porte pas sur une activité concurrente de celle de son employeur, enfin peu important que la société Ital Look ait par la suite été mise en sommeil.

La violation par Madame Z de cette clause était de nature à justifier le licenciement de celle-ci mais elle ne faisait pour autant pas obstacle à son maintien dans l’entreprise pendant la durée de préavis, nonobstant les stipulations contractuelles qualifiant toute contravention à la clause d’exclusivité de faute grave, l’employeur ayant préalablement été informé de cette situation et ayant délivré un avertissement pour ce motif.

Sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire

Madame Z rappelle que les faits qui lui sont reprochés ont été invoqués à l’appui de l’avertissement notifié le 27 juin 2006.

Or, cette situation a perduré après la délivrance de cet avertissement en sorte que l’employeur pouvait s’en prévaloir au soutien d’une nouvelle sanction. La lettre de licenciement énonce précisément que 'Par courrier du 27juin 2006, nous vous demandions de quitter ces fonctions au sein d’une autre entreprise afin de respecter vos engagements contractuels (Article 4 de votre contrat de travail) L’interrogation au RCS en date du 11 septembre 2006 laisse apparaître que vous avez conservé vos fonctions. En suite de notre entretien du mois de juin 2006, vous vous étiez engagée à respecter vos obligations contractuelles en nous adressant un rapport journalier d’activité. '

Etait ainsi sanctionné le non-respect des engagements pris antérieurement de cesser cette activité.

Il en est de même pour la baisse constante du chiffre d’affaires, la lettre de licenciement visant expressément les résultats des mois de juillet à septembre 2006.

Sur l’envoi des rapports d’activité

La lettre de licenciement mentionnait « De 26 juin 2006 au 11 juillet 2006, vous n’avez adressé aucun rapport, du 12 juillet 2006 au 26 juillet 2006, vous étiez en arrêt de travail. Pour les journées du 27 et 28 juillet 2006, vous n’avez adressé aucun rapport d’activité

Il en est de même depuis la réouverture de la Société le 21 août 2006 à aujourd’hui.

L 'envoi d’un rapport d’activité journalier justifiant de la réalité de votre activité au profit de l’employeur est une de vos obligations contractuelles prévues à l’article 5 de votre contrat de travail.»

L’article 5 du contrat de travail prévoyait que «Le représentant adressera tous les jours à la société les bons de commande établis sur les imprimés qui lui seront remis il fera parvenir impérativement chaque jour à la société un rapport détaillé sur son activité de la journée précédente. Le rapport journalier servira de justificatif de l’activité réelle du représentant pour l’application des lois et de la convention collective régissant la profession …»

Madame Z prétend que cette exigence ne s’appliquait qu’aux représentants débutants ce qui n’était pas son cas.

Or, Madame Z avait reçu un avertissement le 14 avril 2003 lui reprochant de ne pas faire ses rapports journaliers comportant 6 visites 8 démonstrations ou 2 commandes fermes conformément à ses obligations contractuelles.

Ce courrier indiquait : «A ce jour, vous ne remplissez pas les conditions de votre contrat et nous ne recevons aucun rapport journalier justifiant de votre travail. A compter de la réception de cette lettre, nous vous demandons de nous faire parvenir par courrier, tous les jours le cachet de la poste faisant foi, un rapport journalier détaillé comme prévu sur votre contrat, avec vos commandes ''.

Le 25 avril 2006, l’employeur écrivait de nouveau à la salariée : « Nous vous demandons par la présente de nous faire parvenir vos rapports journaliers afin de pouvoir vous aider dans le développement de votre nouvelle clientèle et de respecter ainsi l 'annexe de votre contrat soit 'l’envoi d 'un rapport journalier comportant au moins 6 visites et 8 démonstrations ou 2 commandes fermes ' Nous vous rappelons que chaque rapport manquant sera considéré comme une journée chômée, non travaillée et donc non payée. De plus, nous vous convions à une réunion téléphonique avec Monsieur C A chaque lundi à 18 h 00 précises pourfaire le point sur vos rapports ».

Enfin, la lettre d’avertissement du 27 juin 2006 rappelait l’obligation contractuelle d’adresser des rapports journaliers, ce qu’elle ne faisait pas.

Madame Z ne peut donc sérieusement soutenir que l’exigence des envois des rapports journaliers ne la concernait pas.

Elle n’a envoyé aucun compte rendu entre le 26 juin 2006 et le 11 juillet 2006, (pour la période du 12 juillet 2006 au 26 juillet 2006 elle était en arrêt maladie), les 27 et 28 juillet et du 21 août 2006 (date de réouverture de la société fermée en août) jusqu’au 29 septembre 2006 date de la lettre de licenciement étant précisé que ces rapports ne devaient pas être rédigés sur un formulaire particulier.

Madame Z indique, après avoir soutenu qu’elle n’y était pas tenue, avoir satisfait à ses obligations en téléphonant régulièrement à sa hiérarchie.

Or ces entretiens téléphoniques étaient ceux visés dans la lettre d’avertissement du 27 juin 2006 rappelant qu’en outre «Monsieur A vous demandait de respecter un rendez vous téléphonique chaque lundi à 18h00 pour faire de point sur votre activité. Là encore vous ne vous êtes pas soumise à cette consigne sous prétexte que les lundis étaient fériés…» donc indépendants de l’obligation d’adresser des comptes rendus écrits.

Il en résulte que la persistance de Madame Z à satisfaire à cette obligation était également de nature à justifier son licenciement.

Sur la baisse du chiffre d’affaires

La lettre de licenciement mentionnait que : « … Ce même contrat stipulait un objectif de chiffre d’affaires minimum de 7 000,00 € par mois avenant de mai 2005 accepté par les parties.

Nous avons eu à déplorer une baisse substantielle de votre chiffre d’affaires depuis le début de l’année 2006 :

Janvier 2006 : 3 535,00 € (5 commandes) Janvier 2005 : 9 13 7,60 € (16 commandes)

Février 2006 : 1 954,00 € (2 commandes) février 2005 : 22 968,65 € (11 commandes)

Mars 2006 : 5 554,00 € (5 commandes) mars 2005 : 14 480,90 € (13 commandes)

Avril 2006 : 1 248,00 € (1 commande) avril 2005 : 10 810,20 € (12 commandes)

Mai 2006 : 13 860,56 € (9 commandes) mai 2005 : 10 244,16 € (16 commandes)

Juin 2006 : 13 663,34 € (9 commandes) juin 2005 : 1 7234,88 € (16 commandes)

Juillet 2006 : Néant Juillet 2005 : 11 598,86 € (10 commandes)

Août 2006 : Néant Août 2005 : 3 063,60 € (2 commandes)

Sept 2006 : 2 506,08 € (3 commandes) Sept 2005 :14 339,35 € (15 commandes)

Force est de constater que celui-ci a été atteint uniquement deux fois depuis 2006 après notre rappel à l’ordre (lettre AR du 25 avril 2006) et que les commandes enregistrées ne sont dues qu’à un réapprovisionnement de vos clients habituels et non à de nouveaux clients''.

Il est de jurisprudence constante que sauf mauvaise volonté, l’insuffisance professionnelle ne caractérise pas une faute et ne peut justifier un licenciement disciplinaire.

Or en l’espèce il a été retenu que Madame Z ne respectait pas ses engagements contractuels destinés précisément à la recentrer sur son activité. En effet, en ne justifiant pas de son activité d’une part et en se livrant à une activité extérieure, sa production s’en trouvait nécessairement affectée.

Les chiffres avancés dans la lettre de licenciement ne sont pas contestés, le résultat de 7.000 euros mensuels n’ayant été atteint qu’à deux reprises.

La seule réalisation d’un résultat important au cours des années 2004 et 2005 ne peut expliquer la chute constatée comparée à l’exercice 2005 d’autant que les seules années de référence complètes vont de 2002 à 2006, que si la salariée a effectivement connu une forte augmentation de son chiffre d’affaires en 2004 (+81 %) cette augmentation est sans commune mesure avec celle enregistrée en 2005 (+25 %) (cf. Les dossiers statistiques versés par Madame Z).

En outre, Madame Z indique avoir réalisé un chiffre d’affaires exceptionnel en 2004-2005 grâce à la conclusion d’un contrat important avec l’armée de terre, qui n’aurait donc pas, selon ses explications, connu de retombées en 2006 alors qu’au soutien de sa demande de paiement d’une indemnité de clientèle elle expose que son intervention a permis à la société Hapie de conclure, en 2004, un contrat de sanitation avec l’armée de Terre qui a par la suite prospéré en générant de nombreuses commandes.

De même, les réserves émises par de nombreux clients en raison du coût élevé du produit VOLCAR BIO comme l’abandon par le groupe E

du produit Volcar Bio, au demeurant non établi, ne peuvent davantage expliquer la chute du chiffre d’affaires réalisé par la salariée.

Madame Z fait valoir que ses résultats pour mai et juin se redressaient alors que, pour l’ensemble de l’année et surtout pour les mois d’août et septembre son résultat état insignifiant.

Elle indique avoir acquis onze nouveaux clients en 2006 à savoir : E Alpes-Maritimes, E F, E Grands travaux, Groupe COLAS, Comptoir phocéen de la machine à coudre, Ecole National des Ingénieurs de St-Etienne, Matagots collège, Société de rénovation PEREZ, Société Y et commune de Six Fours les Plages.

Or la société Hapie démontre que cinq de ces clients ont été démarchés au niveau national et préalablement, à savoir COLAS, E (Alpes-Maritimes, F et Grands travaux) et Y et ce depuis 2004, Madame Z bénéficiant par contrecoup des commandes passées par ces clients.

Enfin, c’est par pure affirmation que Madame Z soutient que la société HAPIE décidait délibérément de ne plus [lui] transmettre les documents nécessaires à l’accomplissement de sa prestation de travail. Il est au demeurant difficilement envisageable que la société Hapie ait cherché à entraver l’activité commerciale de Madame Z alors que cela allait manifestement à l’encontre de son propre intérêt.

Sur l’absence au séminaire des 28 et 29 septembre 2006

La lettre de licenciement comprenait comme ultime grief «Nous constatons que les 28 et 29 septembre 2006, vous ne vous êtes pas présentée au séminaire de formation obligatoire».

Cela n’est pas contesté par la salariée qui prétexte le refus de l’employeur de lui consentir une avance sur les frais engendrés par cette manifestation.

L’employeur rappelle les dispositions de l’article 5 du contrat de travail qui énonce « le représentant s’engage à se rendre aux convocations adressées parla Société aux frais de celle-ci et notamment la formation '' et fait justement observer que Madame Z ne rapporte pas la preuve de la demande de prise en charge préalable alors qu’il est usage dans l’entreprise de rembourser au salarié les frais de transports sur justificatifs.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la période de préavis.

Si chacun des griefs pris isolément ne pouvait justifier un licenciement pour faute grave, la réunion de ceux-ci (insuffisance de résultats, insubordination par le non accomplissement de vos obligations contractuelles laissant le terrain à nos concurrents alors que vous êtes la seule représentante de notre société sur le secteur, le désintérêt pour vos fonctions au sein de notre société) est de nature à caractériser l’existence d’une faute grave.

Sur l’indemnité de clientèle

L’article 7373-13 du code du travail prévoit qu’en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

L’existence d’une faute grave étant retenue, Madame Z ne peut prétendre au paiement d’une indemnité de clientèle.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

L’équité n’impose pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

— Vu l’arrêt de cassation du 8 avril 2015,

— Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence du 20 janvier 2009,

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne l’appelante aux dépens de l’instance.

Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame HAON, Greffier.

Le Greffier Le Président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Nîmes, n° 15/02337