Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 10 décembre 2008, n° 07/00643

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nouméa, ch. soc., 10 déc. 2008, n° 07/00643
Juridiction : Cour d'appel de Nouméa
Numéro(s) : 07/00643
Décision précédente : Tribunal du travail de Nouméa, 3 mai 2005

Texte intégral

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 10 Décembre 2008

Chambre Sociale

Numéro R.G. :

07/643

Décision déférée à la Cour :

rendue le : 02 Avril 2004

par le : Tribunal du travail de NOUMEA

Saisine de la Cour : 13 Novembre 2007

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANT

XXX

XXX

représentée par la SELARL DESCOMBES & SALANS, avocats

INTIMÉ

M. X Y

né le XXX à XXX

XXX

Profession : Transporteur

représenté par la SELARL DUMONS & ASSOCIES, avocats

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Octobre 2008, en audience publique, devant la cour composée de :

Michelle FONTAINE, Président de Chambre, Président,

Christian MESIERE, Conseiller,

Anne AMAUDRIC DU CHAFFAUT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Michelle FONTAINE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats: Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

— contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

— signé par Christian MESIERE en remplacement de la présidente empêchée et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par jugement du 2 avril 2004 auquel il est référé pour l’exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, le tribunal du travail de Nouméa a:

— dit que X Y bénéficie d’un contrat conclu pour une durée indéterminée à compter du 21 février 1974 avec la société RABOT SA pour l’exercice de la profession de chauffeur-livreur au salaire brut mensuel de 151 848 FCFP à ce jour,

— dit que ce contrat est soumis à la convention collective applicable et à un éventuel accord d’entreprise,

— condamné la société RABOT à payer à X Y la somme de 2 000 000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non reconnaissance de son statut de salarié,

— dit que la société RABOT devra régulariser la situation du demandeur auprès de la CAFAT et de la CRE, sous astreinte de 5000 FCFP par jour de retard à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la signification du jugement,

— dit qu’elle devra remettre au demandeur ses bulletins de salaire à compter du 2 avril 1999, sous astreinte de 5000 FCFP par jour de retard à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la signification du jugement ,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— condamné la société RABOT à payer à X Y une somme de 100 000 FCFP au titre des frais irrépétibles,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné la défenderesse aux dépens.

Par arrêt du 4 mai 2005, sur appel de la société RABOT et appel incident de X Y, la cour d’appel a :

— dit qu’à compter du 21 février 1974 et jusqu’au 4 janvier 1996, date de la création du GIE, X Y avait la qualité de chauffeur-livreur, salarié dans l’exécution du contrat souscrit le 21 février 1974,

— dit qu’à compter de la création du GIE le 4 janvier 1996 suivie du contrat du 26 novembre 2002, X Y a la qualité de travailleur indépendant et ne peut se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail à l’encontre des Etablissements RABOT,

— rejeté la demande de X Y tendant à la régularisation de sa situation auprès de la CAFAT et de la CRE, la prescription étant acquise,

— confirmant le jugement,

— rejeté les demandes de X Y tendant à la remise de bulletins de salaire, à l’octroi d’une indemnité au titre des congés payés, au remboursement des frais de constitution et de gestion du GIE,

— confirmé le jugement sur le principe de l’allocation de dommages et intérêts à X Y mais réformé sur le montant et condamné la société RABOT à lui payer la somme de 5 000 000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et moral subi pour la période du 21 février 1974 au 4 janvier 1996 du fait de la non reconnaissance de son statut de salarié pendant cette période,

— dit que chaque partie supportera ses dépens,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie au profit de l’une ou l’autre partie.

Par arrêt du 6 juin 2007, sur pourvoi principal formé par X Y et pourvoi incident de la société RABOT, la chambre sociale de la cour de cassation a, notamment, cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a débouté X Y de ses demandes fondées sur l’existence d’un contrat de travail à compter du 26 novembre 2002 et en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à la régularisation de sa situation auprès de la CAFAT, l’arrêt rendu le 4 mai 2005, remis, en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyés devant la cour d’appel de Nouméa autrement composée.

La cour de cassation a rappelé que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, et elle fait grief à l’arrêt d’avoir statué par des motifs qui n’étaient pas de nature à exclure le lien de subordination et de n’avoir pas recherché si X Y n’était pas placé sous l’autorité de la société RABOT dans le cadre d’un service organisé.

Sur la demande de régularisation auprès de la CAFAT, la cour de cassation, au visa de l’article 4 de la délibération n° 27 du 12 décembre 1962 (arrêté n° 1555 du 27 décembre 1962) modifié par la délibération n° 247 du 15 janvier 1998, a fait grief à la cour d’avoir retenu que la prescription de deux ans était acquise en vertu de l’article 3 du décret n° 57-830 du 23 juillet 1957 pour les cotisations CAFAT qui ne peuvent être réclamées antérieurement au 14 février 2001, alors que l’article 4 de la délibération n° 27 du 12 décembre 1962 dispose que le délai de prescription prévue par l’article 1er bis, alinéa 2 du décret n° 57-246 du 24 février 1957 issu de l’article 3 du décret du 23 juillet 1957 ne s’applique pas aux cotisations dues au titre du régime de prévoyance et de retraite.

Cet arrêt a été signifié à la société RABOT le 18 juillet 2007 et à X Y le 3 octobre 2007.

PROCEDURE APRES CESSATION

Par déclaration au greffe déposée le 13 novembre 2007, la société RABOT a saisi la cour d’appel sur la requalification du contrat d’ X Y en contrat de travail à compter du 26 novembre 2002 et ordonné à la société RABOT de régulariser la situation de ce dernier auprès de la CAFAT.

Dans son mémoire ampliatif en date du 26 novembre 2007 et conclusions déposées le 4 avril 2008, la société RABOT demande à la cour de :

— déclarer recevable sa saisine de la Cour sur renvoi de cassation,

— réformer le jugement du 2 avril 2004, et, statuant à nouveau,

— à titre principal,

— débouter X Y de ses demandes de requalification du contrat de transport du 26 novembre 2002 en contrat de travail et de régularisation auprès de la CAFAT et de la CRE,

— à titre subsidiaire,

— limiter la régularisation des cotisations auprès de la CAFAT et de la CRE à la période postérieure au 26 novembre 2002,

— condamner X Y à lui payer la somme de 300 000 FCFP en application de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

— le condamner aux entiers dépens.

Après un rappel des relations entre les parties et de la procédure, la société RABOT soutient, sur la période postérieure au 26 novembre 2002, que X Y ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’un lien de subordination et elle fait état des éléments suivants, qu’elle estime propres à établir l’existence d’un contrat de transport, exclusif d’un contrat de travail :

— inscription de l’intéressé au Ridet, qui constitue une présomption d’exercice d’une activité non salariée, X Y confirmant par ailleurs avoir cotisé aux caisses de sécurité sociale des travailleurs indépendants et bénéficié de prestations de ces caisses, sans démontrer que ces dernières auraient contesté son affiliation à ce régime de sécurité sociale,

— le contrat n’a pas été conclu intuitu personae avec X Y, et mentionne le prestataire ou le chauffeur-livreur ; X Y, qui doit se porter garant de son personnel, peut donc employer et choisir librement un ou plusieurs préposés ou sous-traitants, alors qu’il est interdit à un salarié de se substituer un tiers pour accomplir le travail,

— aucune exclusivité n’était imposée à X Y qui pouvait transporter d’autres marchandises que celle de la société RABOT et travailler pour d’autres clients ; elle avance que l’intéressé n’a pas diversifié sa clientèle en raison des revenus substantiels et réguliers procurés par la société RABOT,

— aucune horaire n’était imposé à X Y qui devait respecter l’organisation de l’entreprise, dont les horaires de fonctionnement étaient de 6h à 11h et de 13h à 17h, X Y étant libre à l’intérieur de ces plages horaires de venir charger et de livrer les marchandises dans la demi-journée suivant le chargement,

— aucune limite du temps de travail n’était imposée à X Y qui peut librement travailler ou faire travailler ses préposés sans qu’il soit prévu de congés payés, étant précisé que les prestations de X Y ne correspondaient pas à 169 heures par mois en vigueur, l’intéressé étant occupé à plein temps du lundi au mercredi les deux premières semaines du mois, les commandes diminuant ensuite, ce qui lui laissait le loisir de se livrer à d’autres activités,

— la rémunération, établie et réévaluée périodiquement entre les parties, était le paiement d’un prix fixé en fonction du cubage transporté, et tenait compte des frais directs exposés par X Y et du coût indirect lié à son affiliation aux régimes des travailleurs indépendants,

— le matériel utilisé par X Y, qui ne portait aucune marque distinctive de la société RABOT, et était à usage exclusivement professionnel, appartenait à ce dernier qui en assumait la gestion technique,

— aucun uniforme n’était imposé aux chauffeurs-livreurs dont une tenue vestimentaire correcte était exigée afin de fournir une prestation de qualité et de participer à l’image de la société RABOT,

— le contrat prévoit le transfert de la responsabilité sur les marchandises à X Y dès leur chargement, ce qui est la caractéristique des obligations découlant d’un contrat de transport, et la maîtrise du déplacement durant son exécution justifie la lourde responsabilité concernant les avaries survenues aux marchandises pesant sur X Y,

— X Y a l’obligation contractuelle de s’assurer pour les risques liés à son activité de transporteur,

— la société RABOT n’a aucun pouvoir disciplinaire à l’encontre de X Y, la seule sanction prévue en cas d’inexécution du contrat étant la résiliation du contrat en respectant un préavis,

— X Y, en qualité d’entrepreneur individuel, a exercé ses fonctions dans le cadre d’un GIE pendant sept ans, ainsi que l’a constaté la cour dans son arrêt qui est définitif sur ce point ; or, l’intéressé a poursuivi sa prestation en dehors du GIE dans les mêmes conditions matérielles que celles existant dans le cadre du GIE.

Sur la notion de service organisé, la société RABOT rappelle que, pour qu’un lien de subordination soit caractérisé, l’intégration à un service organisé ajouté à d’autres indices, doit être réalisée dans des conditions que l’intéressé n’a pas à négocier ou à aménager.

Elle soutient que l’ensemble des obligations imposées à X Y (tournées de livraison, tranches horaires pour le chargement des livraisons, délais, signature des factures, encaissement d’autres, propreté exigée du véhicule et signalement de tout incident), constitue un cadre, inhérent à la prestation elle même, à l’intérieur duquel X Y peut librement organiser son entreprise, mais non des contraintes imposées au transporteur, et elles sont présentes dans tous les contrats type de transport de marchandises.

La société RABOT ajoute que X Y n’a jamais contesté durant 29 ans les conditions d’exercice de son activité de travailleur indépendant.

Sur la régularisation des cotisations CAFAT la société RABOT fait valoir les arguments suivants :

— la CAFAT assure la gestion des régimes de sécurité sociale suivants :

* prestations familiales,

* accident du travail,

* maladie,

* chômage,

* prévoyance et retraite,

— la cour d’appel a infirmé le jugement du tribunal du travail sur la demande de régularisation des cotisations en raison de la prescription de deux ans, et la cour de cassation a jugé que ce texte ne s’appliquait pas aux cotisations dues au titre des régimes de prévoyance et retraite, exclues par l’article 4 de la délibération du 27 décembre 1962,

— la demande de X Y en régularisation des cotisations CAFAT s’analyse en une demande en paiement pour son compte des compléments de salaires que constituent les cotisations, payables par ailleurs par termes périodiques, qu’elle est en conséquence soumise à la prescription quinquennale de l’article 2277 du code civil, qui s’applique à toutes les actions du salarié ou de l’employeur ayant leur cause dans le contrat de travail, ce que démontre la notion employée par la cour de cassation de 'créance afférente au salaire',

— admettre la demande de X Y aboutirait à une situation paradoxale, l’intéresse ne pourrait obtenir que des salaires correspondant aux cinq années précédant sa demande et les cotisations assises sur les salaires pourraient être payées sur une plus longue période, voire sur trente ans, comme le demande X Y,

— la délibération n° 364 du 11 décembre 1981, invoquée à titre subsidiaire, abrogée par la LP n° 2001-016 du 11 janvier 2002, n’a aucune incidence sur la prescription à laquelle l’action de X Y est soumise,

— si X Y est débouté de sa demande de requalification du contrat de transport du 26 novembre 2002 en contrat de travail, ses relations requalifiées en contrat de travail ne concernent que la période du 21 février 1974 au 4 janvier 1996, ainsi, toutes les cotisations prévoyance et retraite correspondant à la période requalifiée sont prescrites,

— s’il est fait droit à la requalification en contrat de travail à partir du 26 novembre 2002, la régularisation ne pourra intervenir que pour la période à compter du 26 novembre 2002, et le jugement infirmé de ce chef.

La société RABOT ajoute que la cour de cassation a confirmé implicitement la prescription de deux ans des autres cotisations en vertu de l’article 1er bis du décret du 24 février 1957 issu de l’article 3 du décret du 23 juillet 1957 ; à défaut, il conviendrait de faire application de la prescription de l’article 2277 du code civil, et elle reprend les arguments immédiatement précédents.

Sur la régularisation des cotisations CRE, depuis le 26 novembre 2002, la société RABOT estime que l’arrêt du 4 mai 2005 a débouté X Y de sa demande de ce chef, que, si le pourvoi de l’intéressé portait sur ce point, son moyen ne visait que les cotisations CAFAT et non les cotisations CRE, qu’ainsi, la cour de cassation n’a statué que sur la prescription applicable aux cotisations CAFAT et que X Y devra être débouté de sa demande concernant les cotisations CRE, définitivement rejetées.

À titre subsidiaire, la société RABOT reprend ses moyens relatifs aux cotisations CAFAT et sollicite l’acquisition de la prescription de cinq ans.

Par écritures déposées le 4 avril 2008 X Y demande à la cour de :

— à titre principal,

— dire qu’il est salarié de la société RABOT depuis le 26 novembre 2002,

— dire que l’employeur devra régulariser sa situation auprès de la CAFAT et à ses frais exclusifs pour que X Y puisse, le moment venu, jouir d’une retraite calculée sur le salaire de référence depuis le 21 février 1974 au 4 juin 1996, puis depuis le 26 novembre 2002,

— dire qu’il en est de même pour les cotisations CRE depuis le 26 novembre 2002,

— à titre subsidiaire,

— dire, s’il n’est pas fait droit à sa demande de se voir reconnaître la qualité de salarié, de faire application de l’article de l’arrêté n° 3786 du 21 décembre 1981,

— en tout tat de cause,

— dire que les sommes produiront intérêts au taux légal avec anatocisme depuis le 14 février 2003,

— débouter la société RABOT de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 250 000 FCFP et aux entiers dépens, dont distraction au profit de la selarl DUMONS ET ASSOCIES.

X Y soutient qu’il a exercé son contrat dans les conditions caractérisant un contrat de travail dont le lien de subordination avec la société RABOT, dans le cadre d’un service organisé, à savoir fixation des horaires, itinéraires impératif, et clients instructions concernant les livraisons, signature et encaissements des factures.

Il ajoute qu’il n’a pas d’autre employeur, que la société RABOT disposait d’un pouvoir de sanction par la résiliation du contrat ou le refus de son renouvellement.

S’agissant de la régularisation des cotisations, X Y avance que l’arrêt de la cour de cassation est relatif au fait, qu’à titre dérogatoire, cette régularisation peut s’effectuer dans le cadre d’une prescription de trente ans.

Il invoque un arrêt de la 1re chambre civile de la cour de cassation du 3 mai 1983, aux termes duquel les dispositions de l’article 2277 du code civil s’appliquent aux actions en paiement des arrérages des rentes viagères, alors que la prescription du droit à la rente viagère est régie par l’article 2263 du code civil, qui prévoit que toutes les actions, tant réelles que personnelles, se prescrivent par trente ans, sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre, ou qu’on puisse lui opposer l’exception de mauvaise foi.

X Y soutient qu’en l’espèce la prescription court à compter du 21 février 1974, date de la reconnaissance de son statut de salarié, non reconnu de manière fautive par l’employeur, et qu’il est en conséquence fondé à obtenir réparation de son entier préjudice, s’agissant d’une responsabilité contractuelle, qui ne se confond pas avec la demande en paiement de la retraite qui n’a pas encore été formulée.

X Y ajoute que la prescription quinquennale n’a pas vocation à s’appliquer vu la spécificité des textes régissant la CAFAT, notamment l’arrêté du 27 décembre 1957, et que par ailleurs, il est toujours salarié chez la société RABOT et ne sollicite pas le paiement de sa retraite, mais la régularisation de ses droits.

La reconnaissance de son statut de salarié depuis le 26 novembre 2002 et l’effet interruptif des procédures, font qu’il n’y a pas matière à prescription à compter de cette date.

Dans ses conclusions déposées le 3 juin 2008, X Y maintient ses arguments concernant le contrat de travail, exécuté dans des conditions identiques à celles de la période de 1974 à 1996.

Il invoque un arrêt du 28 juin 2000 dans lequel la cour de cassation a jugé que l’obligation de l’employeur d’affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription trentenaire, et il affirme que ceci renforce l’article 4 de la délibération du 12 décembre 1962 qui dispose que les demandes de paiement des sommes dues en vertu de la présente délibération seront recouvrés selon les procédures de recouvrement fixées par le décret n° 57-246 de février 1957,… à l’exception du délai de prescription fixé par l’alinéa 2 de l’article 1er bis du décret n° 57-246 précité, qui ne s’applique pas pour l’exécution des dispositions de la présente délibération, s’agissant de cotisations du régime de prévoyance et retraite.

Il affirme qu’il existe une totale analogie entre la réglementation métropolitaine et calédonienne.

Dans ses conclusions déposées le 21 juillet 2008, la société RABOT, outre les moyens déjà exposés, ajoute le principe de non-rétroactivité d’une décision d’affiliation à un organisme de sécurité sociale, y compris en cas de précédente affiliation erronée.

Elle précise que X Y a été affilié à un régime de travailleur indépendant et a cotisé à divers organismes privés et que, depuis le 1er juillet 2002, il est affilié au RUAMM de la CAFAT et a perçu des prestations en contrepartie de ses cotisations, qu’ainsi elle ne peut être tenue de verser, de manière rétroactive, des cotisations pour la même période et la même activité, X Y se retrouvant ainsi avec un double statut, de salarié et de travailleur indépendant.

Elle observe que la jurisprudence versée par X Y concerne la régularisation de cotisations en l’absence de toute contestation du statut travailleur, que dès lors, son affiliation à la CAFAT en qualité de salarié ne peut prendre effet que pour l’avenir à compter d’une éventuelle confirmation du jugement du tribunal du travail.

La société RABOT ajoute dans le dispositif de ses conclusions de voir déclarer irrecevable en raison de l’autorité de chose jugée la demande de X Y de régularisation des cotisations de la CRE.

L’ordonnance de fixation est intervenue le 28 septembre 2008.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que, par suite de l’arrêt de cassation, l’appel du jugement du 2 avril 2004 ne porte que d’une part, sur la requalification du contrat passé entre la société RABOT et X Y à compter du 26 novembre 2002, d’autre part, sur la régularisation de sa situation auprès de la CAFAT ;

Sur la demande en requalification du contrat à compter du 26 novembre 2002:

Attendu que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Attendu que la signature de contrats de transport d’un an renouvelable par tacite reconduction n’est pas exclusive d’une relation de travail, que la juridiction doit apprécier selon les éléments de fait l’activité de X Y ;

Attendu qu’en l’espèce,

— X Y devait effectuer le transport et la livraison de marchandises pour le compte de la société RABOT selon une zone géographique imposée par cette dernière, soit Nouméa, le grand Nouméa, à savoir le MONT DORE et Plum, qui constitue la limite sud, et en limite nord, Tontouta,

— il devait assurer l’obtention immédiate des paiements des clients désignés par la société RABOT,

— le véhicule appartenant à X Y devait être maintenu en parfait état de propreté et d’entretien,

— l’organisation des tournées relevait de la responsabilité de la société RABOT, et selon un planning fixé du lundi au vendredi de 6h à 11 heures et de 13h à 17h, avec un point effectué quotidiennement à 13h et à 17 heures, entre le responsable livraison et X Y, sans livraison les jours fériés décrétés chômés par la société RABOT,

— des instructions précises étaient données à X Y quant aux marchandises à livrer ( nécessité de factures ou bons de livraison, nombre de colis, et nom du client, quantité de produits livrés, visa des factures à rapporter le jour même au service de facturation de la société RABOT, de même que les chèques et espèces encaissés,

— les livraisons de commande devaient être effectuées dans la demi- journée à compter de la date de facturation par la société RABOT,

— X Y devait se présenter dans une tenue correcte,

— il devait signaler sans délai à la société RABOT tout incident et en faire un rapport, le cas échéant,

— il s’engageait à garder confidentiel le contenu des documents ou d’informations entrant ou non dans le cadre de sa mission, cette obligation survivant à l’expiration ou la résiliation du contrat,

— toute inexécution par X Y de son obligation contractuelle de livraison des commandes dans la demi-journée de leur chargement sera susceptible d’entraîner la résiliation immédiate du contrat ;

Attendu qu’il ressort des énonciations de ce contrat que X Y exécutait en réalité un travail sous l’autorité de la société RABOT qui lui donnait des ordres et des directives, en contrôlait l’exécution et sanctionnait les manquements de l’intéressé ;

Attendu que ces éléments caractérisent l’existence d’un lien de subordination d’X Y à l’égard de la société RABOT, que l’intéressé exerçait ainsi son activité sous le contrôle et l’autorité de la société RABOT dans le cadre d’un service organisé;

Attendu que l’absence de clause d’exclusivité n’est pas de nature à remettre en cause ce lien de subordination, alors surtout qu’il n’est pas contesté que X Y n’exerçait son activité que pour le compte de la société RABOT, non plus que les obligations d’assurance et la responsabilité qui pèsent sur ce dernier, qui ne peuvent lui être opposées, afin de démontrer une activité indépendante de l’intéressé ;

Attendu qu’il y a lieu en conséquence, de dire que X Y bénéficiait d’un contrat de travail pour la période à compter du 26 novembre 2002;

Sur la régularisation de la situation d’X Y auprès des organismes sociaux :

Sur l’affiliation à la CRE :

Attendu que l’arrêt du 4 mai 2005 avait débouté X Y de sa demande de régularisation auprès de la CRE (caisse de retraite) en raison de la prescription quinquennale acquise depuis le 14 février 1998, soit à compter du 14 février 1998 ;

Attendu que le pourvoi principal de X Y ne portait que le rejet de sa demande en reconnaissance d’un contrat de travail à compter de 1996, et sur le rejet de sa demande de régularisation auprès de la CAFAT en raison de la prescription retenue de la délibération du 23 juillet 1957, qu’aucune critique n’était ainsi formée à l’encontre de la disposition qui a rejeté la demande de X Y au titre de la régularisation auprès de la CRE, que cette disposition est définitive, que cette demande est irrecevable en vertu de l’autorité de la chose jugée;

Sur l’affiliation à la CAFAT :

Attendu que la prescription de deux ans prévue à la délibération n° 57-246 du 23 juillet 1957 n’est pas applicable aux cotisations dues au titre du régime de prévoyance et de retraite, en application de l’article 4 de la délibération 4 n° 27 du 12 décembre 1962, modifiée par la délibération n° 247 du 15 janvier 1998, rappelée par la cour de cassation dans son arrêt ;

Attendu que, s’agissant de la prohibition de la double affiliation du salarié au régime général de protection sociale et au régime des travailleurs indépendants, il convient de rappeler que, si l’article Lp de la loi du 11 janvier 2002 relative à la sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie reprend exactement des mêmes termes que l’article L 311-2 du code de la sécurité sociale métropolitain, fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la non rétroactivité des décisions d’affiliation des organismes de sécurité sociale, il doit être observé que la loi métropolitaine du 1er août 2003 a supprimé les dispositions qui permettaient de déroger, antérieurement, à ce principe ;

Mais attendu que cette loi n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, où le principe autorisant cette dérogation résulte de l’article 16 dernier alinéa de la loi Lp du 11 janvier 2002, aux termes duquel celui qui a eu recours aux services d’une personne physique immatriculée au répertoire d’identification des entreprises pour l’exercice d’une activité indépendante dans les conditions qui permettent d’établir l’existence d’un contrat de travail est tenu au paiement des cotisations et contributions dues à la caisse au titre de la période d’activité correspondant à l’exécution de ce contrat dans la limite des prescriptions applicables à ces cotisations et contributions ;

Attendu que si cette loi n’a prévu aucune prescription, l’article 27 deuxième alinéa dispose que l’affiliation des personnes prévus notamment aux articles 9 , 17, 26 de ladite loi, à savoir les travailleurs indépendants, actifs et retraités, et les bénéficiaires de l’assurance volontaire, prend effet au 1er juillet 2002 ;

Attendu qu’en conséquence, la société RABOT sera tenue d’affilier X Y à la CAFAT à compter de la seule période à compter du 26 novembre 2002, date d’effet de son contrat de travail énoncé dans le présent arrêt ; que le jugement sera réformé sur ce point ;

Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il apparaît équitable de décharger X Y des frais irrépétibles exposés en appel pour la somme de 200 000 FCFP ;

Attendu que la demande au même titre par la société RABOT sera rejetée ;

Sur les dépens :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens en matière sociale, la procédure étant gratuite, en application de l’article 880-1 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, que le jugement sera infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, sur renvoi de cassation,

Vu l’arrêt de la cour de cassation du 6 juin 2007,

Confirme le jugement déféré sur l’existence d’une contrat de travail à durée indéterminée liant X Y à la société RABOT à compter du 26 novembre 2002,

Infirme partiellement le jugement sur la condamnation de la société RABOT à régulariser la situation d’X Y auprès de la CAFAT,

Condamne la société RABOT à régulariser la situation d’X Y auprès de la CAFAT à compter du 26 novembre 2002,

Déclare irrecevable en raison de la chose jugée la demande d’X Y en régularisation de sa situation auprès de la CRE,

Condamne la société RABOT à payer à X Y la somme de deux cent mille (200 000) FCFP pour frais irrépétibles d’appel,

Déboute la société RABOT de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

Dit n’y avoir lieu de statuer sur les dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 10 décembre 2008, n° 07/00643