Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 4 février 2019, n° 17/00584

  • Arbre·
  • Grange·
  • Élagage·
  • Propriété·
  • Branche·
  • Ardoise·
  • Huissier de justice·
  • Limites·
  • Préjudice·
  • Ligne

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. civ., 4 févr. 2019, n° 17/00584
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 17/00584
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Tours, 4 janvier 2017
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/02/2019

SELARL VERDIER

SELARL BENOIT

ARRÊT du : 04 FEVRIER 2019

N° : – N° RG 17/00584 -

N° Portalis DBVN-V-B7B-FMXK

DÉCISION ENTREPRISE :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du

05 Janvier 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 196395972745

Monsieur C X

L’Isabellière

37600 Y

représenté par Me BENDJADOR de la SCP BENDJADOR B & A, avocat plaidant au barreau de TOURS, assisté de Me VERDIER de la SELARL VERDIER, avocat postulant au barreau d’ORLEANS,

Madame D E épouse X

L’Isabellière

37600 Y

représenté par Me BENDJADOR de la SCP BENDJADOR B & A, avocat plaidant au barreau de TOURS, assisté de Me VERDIER de la SELARL VERDIER, avocat postulant au barreau d’ORLEANS,

D’UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 192865367230

Madame F Z

[…]

[…]

ayant pour avocat la SELARL BENOIT, avocat inscrit au barreau de TOURS,

D’AUTRE PART

PARTIE INTERVENANTE:

SOCIÉTÉ CIVILE D’ISABELLIÈRE

L’Isabellière

37600 Y

représenté par Me BENDJADOR de la SCP BENDJADOR B & A, avocat plaidant au barreau de TOURS, assisté de Me VERDIER de la SELARL VERDIER, avocat postulant au barreau d’ORLEANS,

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 16 Février 2017.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06-11-2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 04 Décembre 2018, à 14 heures, devant Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

• Mme D GUYON-NEROT, Président de Chambre,

• Mme Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller.

• Monsieur Laurent SOUSA, Rapporteur, qui en a rendu compte à la collégialité,

Greffier :

Mme Marie-Lyne EL BOUDALI, Greffier lors des débats et du prononcé.

Prononcé le 04 FEVRIER 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

FAIT ET PROCÉDURE':

M. C X et Mme D E épouse X sont propriétaires d’une maison d’habitation avec terrain à L’Isabellière 37600 Y, voisine de celle de Mme F Z, et séparée par une haie de thuyas.

Par acte d’huissier de justice en date du 2 juin 2015, M. C X et Mme D E épouse X ont fait assigner Mme F Z, devant le tribunal de grande instance de Tours aux fins d’indemnisation du préjudice résultant de dommages causé à sa haie et à sa clôture et de troubles anormaux de voisinage résultant de l’élevage de poneys de sa voisine.

Reconventionnellement, Mme F Z a sollicité l’allocation de dommages et intérêts en raison de préjudices causés par la haie de thuyas des époux X ainsi que l’arrachage de cette haie plantée à une distance inférieure à 0,50'm de la limite séparative, sous astreinte.

Par jugement rendu le 5 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Tours a':

— débouté les époux X de l’ensemble de leurs demandes,

— condamné les époux X à faire procéder à l’arrachage de la haie des thuyas leur appartenant sur toute sa longueur sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois après la signification du jugement,

— condamné les époux X à payer à Mme F Z la somme de 715 € au titre de la réparation de la toiture,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné les époux X aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que':

— le recueil des usages locaux invoqué par Mme F Z ne mentionne pas de hauteurs limites des haies pour la commune de Y, de sorte qu’il convient d’appliquer les dispositions du code civil,

— la haie de thuyas étant implantée à une distance inférieure à 0,50'm de la limite séparative des fonds, son arrachage s’impose en application de l’article 672 du code civil,

— la clôture des époux X n’a pas été endommagée par Mme F Z mais par le développement des arbres,

— les nuisances occasionnées par les poneys ne sont pas justifiées,

— la toiture de la grange vétuste de Mme F Z a été endommagée par la pousse incontrôlée d’un thuya, justifiant l’indemnisation de la seule reprise en saillie de la toiture,

— aucun élément ne démontre que la blessure causée au poney de Mme F Z trouve son origine dans la haie de thuyas, ni les nuisances de voisinage alléguées par celle-ci.

Par déclaration en date du'16 février 2017, les époux X ont interjeté appel intégral du jugement.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 15 novembre 2017, la SCI L’Isabellière, M. C X et Mme D E épouse X demandent de':

— dire recevable l’intervention volontaire de la SCI L’ISABELLIERE,

— mettre hors de cause les époux E-X,

— donner acte à la SCI L’ISABELLIERE de sa reprise de l’ensemble des écritures déposées par les époux E X devant la Cour,

— déclarer M. C X et Mme D E X recevables et bien fondés en leur appel,

— infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— condamner Mme F Z à payer aux époux X la somme de 8.205,68 € en réparation du préjudice matériel du fait de la dégradation de la haie et de la clôture endommagées par l’intervention de Mme F Z le 22 juillet 2013,

— condamner Mme Z à réparer le préjudice moral subi par les époux X E par l’allocation d’une indemnité de 3.000 €,

— condamner Mme Z à réparer les troubles anormaux du voisinage subis par les consorts X E résultant du dépôt à proximité de leur propriété d’un fumier mal odorant, d’une somme de 5.000 €,

— rejeter l’ensemble des demandes indemnitaires formulées par Mme Z,

— condamner Mme Z à payer aux consorts X une somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme Z aux entiers dépens de première instance et d’appel dont droit de recouvrement direct au profit de la société VERDIER & Associés sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 15 janvier 2017, Mme F Z demande de':

— déclarer Mme Z recevable et bien-fondée en l’ensemble de ses demandes,

— rejeter l’ensemble des conclusions présentées par la SCI L’ISABELLIERE et les époux X,

À titre de demandes reconventionnelles,

— enjoindre l’arrachage de l’actuelle haie, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,

— condamner solidairement la SCI L’ISABELLIERE et les époux X à lui payer la somme de 5.445 euros au titre du préjudice matériel subi par la dégradation de la toiture de la grange,

— condamner solidairement la SCI L’ISABELLIERE et les époux X à lui payer la somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral en raison des blessures causées à son poney,

— condamner solidairement la SCI L’ISABELLIERE et les époux X à lui payer la somme de 6.000 euros au titre du préjudice moral en raison de l’attitude des époux X,

— condamner solidairement la SCI L’ISABELLIERE et les époux X à lui payer la somme de 398,45 euros au titre de remboursement des frais de vétérinaire,

— condamner solidairement la SCI L’ISABELLIERE et les époux X à lui payer la somme de 6.500 euros au titre des préjudices subis du fait de troubles anormaux du voisinage,

En tout état de cause,

— condamner solidairement la SCI L’ISABELLIERE et les époux X à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de renvoyer aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens

soulevés.

La procédure a été clôturée le 6 novembre 2018.

SUR QUOI, LA COUR,

La SCI L’ISABELLIERE justifie être propriétaire du bien occupé par les époux X. Il convient donc de recevoir son intervention. M. C X et Mme D E épouse X étant à l’origine de l’action en justice alors qu’ils savaient que le bien appartenait à la SCI, il n’y a pas lieu de les mettre hors de cause.

I- Sur la distance des plantations

L’article 671 du code civil dispose qu’il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.

L’article 672 du code civil dispose que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent, à moins qu’il n’y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.

En l’espèce, il n’existe pas de règlements particuliers ou d’usages constants et reconnus applicables aux hauteurs et distances de plantations sur la commune de Y (37).

Mme F Z produit un procès-verbal de constat établi le 4 septembre 2013, à sa demande par Me A, huissier de justice, comportant les passages suivants':

«'Me situant a l’entrée de la propriété de ma requérante, je constate que la propriété voisine, située à l’Est, est ceinte par une haie de thuyas. Cette haie de thuyas s’étire notamment le long de la ligne séparative du fonds de ma requérante. (Clichés 1 & 2).

Cette haie est particulièrement épaisse et présente une hauteur de près de trois mètres cinquante. (Clichés 3 & 4).

M’en approchant, je constate qu’elle déborde largement sur la gauche d’une borne implantée à la base d’un poteau téléphonique. (Cliché 5).

Me transportant à l’intérieur de la propriété de ma requérante, je constate que cette haie a pour partie été taillée sur son épaisseur. Les thuyas composant cette haie, visiblement plantés sur ou, a une immédiate proximité de la ligne séparative des fonds, ont ici également une hauteur supérieure à trois mètres. (Clichés 6 a 9).

Au-delà, soit entre ma position initiale et ma précédente position, cette haie déborde largement sur le fonds de ma requérante. Elle présente ici encore une hauteur supérieure à trois mètres tout en s’étirant à une distance inférieure à deux mètres de la limite séparative des propriétés (Clichés 10 & 11).'»

Elle produit également un procès-verbal de constat établi le 30 juin 2017, à sa demande par Me B, huissier de justice, comportant les passages suivants':

«'Première section de 39 mètres de long

La hauteur moyenne des thuyas atteint 5 mètres (')

Au départ de la haie, je note la présence d’une borne dans le c’ur des thuyas'; ceux-ci sont plantés sur ou à une immédiate proximité de la ligne séparative'; ils sont accolés au grillage'; les branches débordent sur la propriété de Madame Z de 2 mètres 80 (')'»

«'Deuxième section de 34 mètres de long

La haie de thuyas part de la grande décrite ci-dessus pour rejoindre la départementale 96 menant à la commune de MOUZAY.

Cette haie est haute et épaisse'; elle atteint une hauteur d’environ 6 mètres.

Les pieds des thuyas sont également sur ou à une proximité immédiate de la ligne séparative des fonds'; ils se trouvent donc au pied de la clôture.

La longueur des branches débordant sur le terrain de Madame Z est de trois mètres en moyenne.

(')

A l’extrémité, donnant sur la départementale 96, je note la présence d’une borne de géomètre dans le c’ur de la haie de thuyas'»

La SCI L’ISABELLIERE soutient que la ligne séparative n’étant pas bornée, il faudra la faire borner et ensuite calculer la distance entre cette ligne séparative des deux fonds et l’axe médian des troncs, avant de décider de l’arrachage de la haie.

Cependant, aucune des parties n’a intenté une action en bornage de leurs propriétés et la présente juridiction ne peut l’ordonner d’office. En outre, les parties conviennent, dans leurs conclusions, que la clôture située à proximité de la haie de thuyas est mitoyenne de sorte qu’elle doit être considérée comme étant édifiée sur la limite séparative des fonds respectifs.

Les procès-verbaux de constat d’huissier de justice établis à la requête de Mme F Z établissent que les pieds des thuyas sont plantés à proximité immédiate de la clôture fixant la limite des propriétés comme l’atteste également les photographies jointes au constat de Me B. Si la mesure de la distance des plantations doit être effectuée à partir de l’axe médian des arbres, en l’espèce cette mesure était inutile dès lors que l’huissier de justice a constaté que les thuyas étaient plantés au pied de la clôture et les photographies démontrent que les troncs ne font que quelques centimètres de largeur. Il n’existe donc pas de doute quant à l’implantation des thuyas à une distance inférieure aux distances mentionnées à l’article 671 du code civil.

Les constatations établissent également que les thuyas ont une hauteur excédant deux mètres. En conséquence, les thuyas ne sont pas plantés à la distance exigée à l’article 671 du code civil soit deux mètres. En application de l’article 672 du code civil, l’option entre arrachage de la haie ou réduction à la hauteur de deux mètres n’appartient qu’au propriétaire des arbres, ainsi que le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs rappelé (Décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014). Toutefois, le choix de la réduction de la taille des thuyas est inefficace à assurer le respect des dispositions de l’article 671 du code civil dès lors que ces arbres sont également plantés à une distance inférieure à un demi-mètre de la limite séparative.

Il y a donc lieu de condamner la SCI L’ISABELLIERE à procéder à l’arrachage de la haie de thuyas plantée le long de la limite séparative du fonds de Mme F Z. Afin de garantir l’effectivité de cette condamnation, il convient de l’assortir d’une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois après la signi’cation du présent arrêt, et ce dans la limite de 12.000 euros.

II- Sur la responsabilité des époux X

L’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Le procès-verbal d’huissier de justice du 4 septembre 2013 mentionne les constatations suivantes':

«'Poursuivant, ma requérante me désigne la rive de la couverture en ardoises d’une grange. Je constate que des ardoises sont manquantes et que des chevrons et lattes sont endommagés.

Ma requérante de me préciser que ce désordre a été provoqué par le frottement d’un thuya sur cette rive de couverture. Je constate qu’un pied de thuya situé dans l’axe de ce désordre a été coupé (Clichés 12 a 15).

Pénétrant dans cette grange, je constate l’existence d’un trou béant à l’angle Nord de la couverture. Des ardoises sont tombées et des pièces de charpente sont endommagées (Cliché 16).

Après avoir constaté que la partie inférieure de la structure en tôles de cette grange est intérieurement doublée par des panneaux de bois (Cliché 17), je poursuis mes diligences en me présentant à l’arrière de la structure (Cliché 18). Là étant, je constate que des ardoises de rive sont manquantes et que l’angle de la couverture est détruit (Clichés 19 a 21).'»

Le procès-verbal d’huissier de justice du 30 juin 2017 mentionne les constatations suivantes':

«'Cette haie joint la grange bardée de tôles ondulées'; la rive de la toiture est endommagée'; ces dégâts ont été provoqués par le balancement des branches et thuyas qui atteignaient 6 mètres de haut me précise Madame Z'»

«'La rive de couverture en ardoises de la grange est fortement abîmée'; je constate que des ardoises sont manquantes et que des chevrons et des lattes sont endommagés'; à l’intérieur, il existe un trou'; les pièces de la charpente sont aussi endommagées'; ces désordres ont été provoqués par le frottement d’un thuya sur cette rive de couverture, me précise Madame Z'»

Ces constatations établissent l’existence d’un dommage. Cependant, la preuve d’un dommage est insuffisante pour en établir la cause certaine. Les huissiers de justice n’ont pas constaté l’origine des dommages mais ont pris note des déclarations de Mme F Z sur celle-ci, alors qu’ils ont établi leur procès-verbal après une coupe des thuyas. Mme F Z de produit pas de constat d’huissier de justice établissant que les thuyas de ses voisins endommageaient, par leur pousse, la couverture de sa grange, ni d’autres éléments permettant de prouver ses allégations.

La demande d’indemnisation au titre du préjudice matériel subi par la dégradation de la toiture de la grange sera donc rejetée.

Mme F Z verse aux débats des photographies d’un de ces poneys blessé. Cependant, l’existence de blessures ne permet pas d’en attribuer l’imputabilité à la haie de thuyas des époux X. L’attestation du Dr G H, vétérinaire, mentionne seulement que le poney «'I J'» appartenant à Mme F Z a été examiné par un des vétérinaires de la clinique de Sainte Maure de Touraine le 23 juillet 2013, pour «'un ulcère cornéen probablement d’origine traumatique'». En l’absence de tout élément de preuve sur l’origine des blessures de l’animal fût-elle traumatique, il convient de rejeter la demande d’indemnisation de Mme F Z du préjudice moral en lien avec les blessures causées à son poney et de remboursement des frais vétérinaires.

Elle sollicite également l’indemnisation d’un préjudice moral en lien avec l’attitude des époux X qui lui causent de multiples problèmes depuis 2011 qui lui génèrent un stress permanent et une fatigue intense. Il résulte des pièces échangées que la situation est effectivement conflictuelle entre les voisins essentiellement en raison de la haie de thuyas, chacun reprochant à l’autre des griefs. Mme F Z n’établit pas l’existence d’une faute dans le comportement général de ses voisins depuis 2011, qui lui aurait directement causé un préjudice particulier. En conséquence, cette demande de dommages et intérêts sera rejetée.

S’agissant des troubles anormaux de voisinage, il appartient à celui qui s’en prévaut d’en rapporter la preuve, étant précisé que la seule preuve d’un trouble de voisinage est insuffisante et qu’il convient également d’établir également son caractère anormal notamment au vu du lieu et de l’environnement.

Mme F Z se plaint des nuisances sonores des animaux des époux X. Elle fonde ses demandes sur le constat d’huissier de justice du 4 septembre 2013 à 14h30, mentionnant «'le chant d’un coq émanant de la propriété voisine de celle de ma requérante n’a, durant le cours de mes opérations, pas cessé'». Elle ne produit pas d’autres éléments susceptibles d’attester de la fréquence, de la répétition et de l’intensité de ce bruit. En outre, les parties vivent en milieu rural dans lequel il est courant que des animaux domestiques ou d’élevage soient présents.

Elle invoque également le fait que la proximité de la haie par rapport à son fond et la méconnaissance du respect de la hauteur maximale fixée à 2 mètres lui a causé un préjudice visuel caractérisé par une perte d’ensoleillement. Cependant, aucun des constats d’huissier diligentés sur sa demande ne mentionne des mesures sur la perte d’ensoleillement. Mme F Z ne produit donc aucun élément sur la perte d’ensoleillement liée à la pousse des thuyas à une hauteur supérieure à deux mètres, étant précisée que la haie jouxte, les constats d’huissier, des parcelles en nature de pré, un bâtiment d’exploitation et une grange.

Au regard de ces éléments, Mme F Z n’établit pas l’existence de troubles anormaux de voisinage de sorte que sa demande d’indemnisation formée à ce titre sera rejetée.

III- Sur la responsabilité de Mme F Z

Vu les dispositions de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

Les intimés versent aux débats un procès-verbal de constat établi le 29 juillet 2013 à la demande de la SCI L’ISABELLIERE, par Me FAVIER, huissier de justice, qui a notamment

mentionné':

«'La limite de propriété du requérant est longée au sud-ouest par une haie de sapins.

Les sapins font une hauteur de 3 mètres environ.

La haie a été taillée du côté de la parcelle de Madame Z sur une longueur d’environ 12 mètres.

Il s’agit d’une taille importante sur toute la longueur de la haie.

Les branches même importantes des arbres ont été coupées de façon nette et très proche du tronc des arbres.

Sur la parcelle de Madame Z de très nombreuses branches de sapins coupées sont stockées derrière une palissade en bois.

Le grillage est abîmé à de très nombreux endroits, il est déformé, plié et plusieurs piquets en bois ne sont plus fixés au sol.

La dépendance en bois de Madame Z semble se trouver en limite de propriété.

Je n’ai pu constater les limites des parcelles car les bornes ne sont pas visibles.

La toiture de la dépendance n’est pas équipée d’une gouttière et l’extrémité de la toiture et les chevrons semblent empiéter sur la propriété du requérant'».

Il résulte de ces constatations que Mme F Z a procédé ou fait procédé à la taille des thuyas, propriété de la SCI L’ISABELLIERE, sur la longueur de sa parcelle.

L’article 673 du code civil dispose que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper.

Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.

Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible.

Cette disposition fait une distinction entre le droit de couper ou de faire couper soi-même, relatif aux racines, ronces ou brindilles, et le droit de contraindre son voisin à couper les branches, relatif aux arbres, arbustes et arbrisseaux.

En l’espèce, les branches des thuyas avançaient sur la propriété de Mme F Z de sorte que celle-ci ne pouvait qu’agir en justice pour contraindre son voisin à couper ou faire couper les branches. Mme F Z prétend avoir eu l’accord de ses voisins. Or, la seule pièce antérieure à l’élagage des arbres est un courrier de M. X du 10 octobre 2011 comprenant les mentions suivantes': «'Nous vous avons donné l’autorisation verbale de couper les branches qui seraient gênantes et dans l’épaisseur, or nous constatons que vous nous avez coupé 2 sapins sur toute la hauteur à tel point qu’il ne nous reste que des troncs d’arbres'». Ce courrier ne donnait que l’autorisation de tailler ponctuellement les branches gênantes et M. X avait fait connaître son désaccord quant à toute taille abusive de sorte qu’il ne peut être déduit de ce courrier que Mme F Z avait été autorisée à tailler toute la haie de thuyas sur toute la longueur.

En procédant elle-même à la coupe des branches avançant sur son fonds, sans l’accord de ses voisins, Mme F Z a donc commis une faute délictuelle.

S’agissant du préjudice matériel, il y a lieu de constater que les branches des thuyas avançant sur le fonds de Mme F Z, la SCI L’ISABELLIERE aurait dû procéder ou faire procéder à l’élagage, ou à défaut y être contraint. Cet élagage aurait nécessairement conduit à une taille rapprochée des troncs dès lors que les thuyas sont implantés à proximité immédiate de la clôture située sur la limite séparative des fonds, la SCI L’ISABELLIERE ne respectant pas les dispositions de l’article 671 du code civil.

Les intimés ne rapportent pas la preuve que l’élagage des thuyas opérée par Mme F Z ait créé un préjudice matériel dès lors que cet élagage devait être réalisé. En effet, ils ne produisent aucun élément propre à démontrer que l’élagage n’a pas été accompli dans les règles de l’art aux fins de conservation des végétaux ni que cet élagage aurait conduit au dépérissement des arbres. La constatation le 24 avril 2017 par Me MACHAT, huissier de justice, que certains thuyas sont morts, est insuffisante pour établir le lien de causalité avec l’élagage des arbres réalisé en 2013.

De même, aucune pièce n’établit de manière certaine que Mme F Z soit à l’origine de la détérioration de la clôture. En conséquence, la demande d’indemnisation du préjudice matériel subi par la SCI L’ISABELLIERE doit être rejetée. En revanche, la faute de Mme F Z consistant à élaguer elle-même la haie de thuyas sur toute la longueur a causé un préjudice moral à la SCI L’ISABELLIERE, seule propriétaire de la haie, qu’il convient de réparer en la condamnant à verser à cette dernière une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts.

S’agissant des troubles du voisinage, les époux X et la SCI L’ISABELLIERE ne produisent aucune pièce propre à établir l’existence d’un trouble du voisinage, étant précisé qu’il faudrait en outre qu’il soit anormal. En effet, aucun élément ne démontre l’existence de fumier malodorant entreposé à proximité de la propriété de la SCI, ni l’existence de mouches en quantité excessive. La demande d’indemnisation formée sur ce fondement sera donc rejetée.

Le jugement ayant statué sur les demandes de Monsieur C X et Madame D E épouse X à l’encontre de Mme F Z alors que la SCI L’ISABELLIERE est propriétaire de la parcelle voisine à celle de Mme F Z, il convient d’infirmer la décision en toutes ses dispositions et de statuer à nouveau comme il est exposé dans le présent arrêt.

IV- Sur les demandes accessoires

M. C X et Mme D E épouse X sont à l’origine de l’action en justice à l’encontre de Mme F Z alors qu’ils savaient pertinemment que la SCI L’ISABELLIERE était propriétaire du bien immobilier qu’ils occupent. En conséquence, il convient de les condamner in solidum avec la SCI L’ISABELLIERE aux entiers dépens de première instance et d’appel. Il sera fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Ils seront également condamnés à payer à Mme F Z une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT À NOUVEAU':

DÉCLARE RECEVABLE l’intervention volontaire de la SCI L’ISABELLIERE,

DIT n’y avoir lieu à mettre hors de cause M. C X et Mme D E épouse X,

ORDONNE à la SCI L’ISABELLIERE de procéder à l’arrachage de la haie de thuyas plantée le long de la limite séparative du fonds de Mme F Z,

ASSORTIT cette condamnation d’une astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, au profit de Mme F Z, à compter de l’expiration d’un délai de deux mois après la signification du présent arrêt, dans la limite de 12.000 euros,

DÉBOUTE Mme F Z de toutes ses demandes de dommages et intérêts formées à l’encontre de M. C X et Mme D E épouse X et de la SCI L’ISABELLIERE,

DÉBOUTE M. C X et Mme D E épouse X et la SCI L’ISABELLIERE de leurs demandes de dommages et intérêts formées à l’encontre de Mme F Z au titre du préjudice matériel du fait de la dégradation de la haie et de la clôture et des troubles anormaux de voisinage,

DÉBOUTE M. C X et Mme D E épouse X de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

DIT que Mme F Z a commis une faute délictuelle au préjudice de la SCI L’ISABELLIERE,

CONDAMNE Mme F Z à verser à la SCI L’ISABELLIERE une somme de 300 euros au titre du préjudice moral,

CONDAMNE in solidum M. C X et Mme D E épouse X et la SCI L’ISABELLIERE à payer à Mme F Z une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

CONDAMNE in solidum M. C X et Mme D E épouse X et la SCI L’ISABELLIERE aux entiers dépens de première instance et d’appel,

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

Arrêt signé par Mme D GUYON-NEROT, Président de Chambre, et Madame Marie-Lyne EL BOUDALI , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 4 février 2019, n° 17/00584