Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 23 février 2021, n° 18/02570

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. sécurité soc., 23 févr. 2021, n° 18/02570
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 18/02570
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours, 12 juillet 2018
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

Me Z A – Mandataire de S.A.S. LSYSTEMS

la SCP ACR AVOCATS

Me BONNEVILLE

EXPÉDITIONS à :

C X E

S.A.S. FTS WELDING

S.A.S. LSYSTEMS

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉSOCIALE

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOURS

ARRÊT du : 23 FEVRIER 2021

Minute N°85/2021

N° R.G. : N° RG 18/02570 – N° Portalis DBVN-V-B7C-FYTI

Décision de première instance : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOURS en date

du 13 Juillet 2018

ENTRE

APPELANT :

Monsieur C X E

[…]

[…]

Présent et assisté de Me Sarah TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau D’ANGERS

D’UNE PART,

ET

INTIMÉES :

Me A Z es-qualité de Mandataire de S.A.S. LSYSTEMS

[…]

[…]

S.A.S. FTS WELDING

[…]

[…]

SAS LSYSTEMS société en liquidation ayant pour mandataire judiciaire Maître Z A.

[…]

[…]

Représentés par Me Anne BONNEVILLE, avocat au barreau de TOURS

PARTIE INTERVENANTE :

CPAM D’INDRE ET LOIRE

[…]

[…]

Représentée par Mme Sylvie LAJUGIE, en vertu d’un pouvoir spécial

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[…]

[…]

Non comparant, ni représenté

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Sophie GRALL, Président de chambre,

Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Greffier :

Madame Ophélie FIEF, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 29 SEPTEMBRE 2020.

ARRÊT :

PRONONCÉ le 23 FEVRIER 2021, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

M. C X E a été engagé le 20 février 2012, en qualité de technicien en automatisme, par la société FTS Welding.

Il expose que le 16 avril 2012, alors qu’il était à Nantes dans les locaux de l’entreprise Siemens pour y suivre une formation, il a été victime d’un très grave accident du travail, que pour se rendre à cette formation, il était prévu qu’il prenne le véhicule de la société stationné dans un parking fermé au sein du bâtiment situé à Ballan-Miré, que vers 5h20, il a pénétré dans le garage et est ainsi entré dans le champ du détecteur d’une alarme dont il ignorait l’existence, qu’un instant plus tard, alors qu’il allait ouvrir le portail du garage, la sirène de l’alarme a retenti à moins d’un mètre de ses oreilles, qu’il a été tétanisé pendant plusieurs minutes par le bruit d’une très forte intensité de la sirène, qu’il a réussi à sortir pour appeler un collègue et a fini par obtenir le code pour désactiver l’alarme, qu’il a ensuite pris la voiture et s’est rendu à Nantes pour sa formation, qu’arrivé sur place, aux alentours de 10 heures, il s’est mis à tituber et à tenir des propos incohérents, ce qui a alerté ses collègues ainsi que le formateur, et que ces derniers ont appelé les pompiers qui l’ont immédiatement transporté aux urgences du CHRU de Nantes.

Le 16 avril 2012, une déclaration d’accident du travail a été établie par la société FTS Welding, faisant mention d’un accident survenu le même jour à 10h00, Zac Erdre Active La Boulais, […], […], dans les circonstances suivantes:

'à 10h00 M. X a pris une pause café en revenant le personnel de Siemens (formateur) ont remarqué qu’il titubait et avait des propos incohérent ils ont présumé d’un AVC. les pompiers sont arrivés et l’ont pris en charge d’urgence'.

Après avoir procédé à une instruction, la caisse primaire d’assurance maladie d’Indre et Loire a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels le 11 juillet 2012.

Le 11 septembre 2012, la société FTS Welding a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie d’Indre et Loire d’une contestation de l’opposabilité à son égard de la décision prise de reconnaître le caractère professionnel de l’accident du 16 avril 2012.

Le 1er janvier 2013, le contrat de travail de M. C X E a été transféré à la société L Systems à la suite d’un apport partiels d’actifs de la société FTS Welding à la société L Systems, en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail.

Par décision du 29 janvier 2013, la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Indre et Loire a déclaré inopposable à l’employeur la décision reconnaissant le caractère professionnel de l’accident.

M. C X E a saisi la caisse primaire d’assurance maladie d’Indre et Loire d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Un procès-verbal de non conciliation a été dressé le 25 mars 2014.

Par jugement du tribunal de commerce de Tours du 19 mai 2015, la société L Systems a été placée en redressement judiciaire et Maître Z A a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

L’état de M. C X E a été déclaré consolidé le 20 mai 2015.

Son taux d’incapacité permanente a été fixé à 72 % avec attribution d’une rente.

M. C X E a fait l’objet d’un licenciement pour motif économique.

Par requête adressée le 22 mars 2016, M. C X E a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur suite à l’accident du travail dont il a été victime le 16 avril 2012.

Il a sollicité, outre la majoration maximale de la rente, la désignation d’un médecin-expert et l’allocation d’une provision de 8 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices.

Par jugement du tribunal de commerce de Tours du 10 mai 2016, la liquidation judiciaire de la société L Systems a été prononcée.

Maître Z A, ès-qualités de liquidateur de la société L Systems, a demandé que ladite société soit mise hors de cause dans la mesure où elle n’avait pas la qualité d’employeur de M. C X E à la date de l’accident.

Maître Z A, ès-qualités, et la société FTS Welding ont, en tout état de cause, sollicité le rejet des demandes formées par M. C X E.

Par jugement rendu le 13 juillet 2018, notifié par lettre en date du 30 juillet 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours a:

— débouté M. C X E de l’ensemble de ses demandes.

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Suivant déclaration d’appel en date du 22 août 2018, M. C X E a relevé appel de ce jugement.

M. C X E demande à la cour de:

— infirmer le jugement entrepris et, en conséquence, faire droit à toutes ses demandes, à savoir,

A titre principal,

— donner acte à la liquidation de la société L Systems et à la société FTS Welding de ce qu’elles considèrent que seule la société FTS Welding doit garantir la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Indre et Loire des conséquences de la faute inexcusable.

— dire que l’accident du travail qu’il a subi le 16 avril 2012 est dû à la faute inexcusable de la société FTS Welding aux droits de laquelle vient la société L Systems.

— statuer ce que de droit sur la demande de mise hors de cause de la société L Systems.

— fixer la majoration de la rente afférente à cet accident à son taux maximum en application des dispositions de l’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale.

— avant dire droit, sur les préjudices corporels strictement personnels induits par cet accident, instituer dans les termes de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, une mesure d’expertise médicale.

— voir désigner un expert pour y procéder, avec pour mission de convoquer les parties aux fins de,

1) Se faire remettre par les parties et par les services du contrôle médical de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, toutes pièces utiles et tous documents médicaux en leur possession;

2) Se faire communiquer tous compte-rendus et dossiers d’hospitalisation;

3) Examiner M. C X E;

4) A partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins;

5) Indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l’accident et, si possible, la date fin de ceux-ci;

6) Décrire en cas de difficultés particulières éprouvés par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et lorsque la nécessité d’une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité;

7) Recueillir les doléances de la victime en l’interrogeant sur les conditions d’apparition, l’importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences;

8) Procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime;

9) Analyser, dans une discussion précise et synthétique, l’imputabilité entre l’accident, les lésions initiales, et les séquelles invoquées, en se prononçant notamment sur:

' la réalité des lésions initiales;

' la réalité de l’état séquellaire;

' l’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant l’incidence éventuelle d’un état antérieur;

10) Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou ses activités habituelles;

11) Si l’incapacité fonctionnelle n’a été que partielle, en préciser le taux;

12) Retenir comme date de consolidation la date de consolidation fixée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie;

13) Chiffrer, par référence au 'barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit

commun', le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions, persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation;

14) Déterminer le préjudice lié à la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle en confrontant les séquelles retenues avec les doléances et en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles rendant nécessaire un changement de poste ou d’emploi;

15) Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) ou définitif. L’évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés;

16) Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif. L’évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l’éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit;

17) Donner un avis sur le préjudice d’agrément, préjudice sexuel;

18) Indiquer le cas échéant:

' Si l’assistance d’une tierce personne constante ou occasionnelle est, ou a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d’intervention quotidienne);

' Si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir.

— dire que l’expert déposera son rapport au greffe de la cour pour être statué sur ce que de droit.

— fixer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, la provision à valoir sur le préjudice corporel personnel de M. C X E à la somme de 20 000 euros, laquelle portera intérêts à compter du 'présent jugement'.

A titre subsidiaire,

— Avant dire droit, ordonner une expertise médicale judiciaire en désignant un expert cardiologue afin qu’il puisse se prononcer sur le lien de causalité susceptible d’être retenu entre le déclenchement de l’alarme et l’AVC diagnostiqué le 16 avril 2012.

En toutes hypothèses,

— condamner la société FTS Welding d’avoir à régler la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité due en application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu’il a exposés.

M. C X E fait valoir principalement ce qui suit:

' sur la demande de mise hors de cause de la société L Systems,

— il convient de prendre acte de l’accord des parties pour faire supporter à la société FTS Welding les conséquences de la faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime.

' sur le caractère incontestable de l’accident du travail:

— la décision de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du 11 juillet 2012 reconnaissant le caractère professionnel de l’accident est définitive à son égard.

' sur le lien de causalité entre le bruit lésionnel de l’alarme et la survenance de l’AVC,

— s’agissant d’une question d’ordre médical, le point de savoir si le bruit de l’alarme a pu provoquer un AVC n’a pas à être débattu à ce stade de la procédure devant la cour.

— en tout état de cause, il s’est trouvé exposé pendant plusieurs minutes, du fait du déclenchement intempestif de l’alarme, aux décibels de la sirène et cela, à seulement un mètre de celle-ci, ce qui a généré un profond état de stress et a été à l’origine d’acouphènes, les décibels de la sirène s’élevant, à un mètre de distance à 117 Dba.

— ces deux éléments réunis ont provoqué ce phénomène d’hypertension artérielle à l’origine de la compression des vaisseaux sanguins présents dans le cerveau dont certains ont fini par se rompre provoquant le phénomène d’hémorragie intracérébrale à l’origine de l’accident vasculaire cérébral dont les premiers symptômes sont apparus quatre heures après son exposition aux bruits lésionnels.

— il ne souffrait d’aucun antécédent médical susceptible d’expliquer la survenance de l’AVC.

— le lien de causalité entre l’alarme, dont le niveau de décibels était bien trop élevé, et l’AVC est évident.

' sur l’existence de la faute inexcusable,

— la société FTS Welding avait ou aurait dû avoir conscience du danger dès lors que l’alarme installée avait une puissance sonore de 117 dBA à un mètre et une durée maximale d’exposition de 31 minutes, comme le détaille la fiche de présentation qu’il verse aux débats; une alarme intérieure doit, a minima, être inférieure au palier de 105 dB prévu pour les alarmes extérieures; la société FTS Welding procède par affirmations lorsqu’elle prétend que l’alarme a un bruit maximum de 105 dB et une durée de fonctionnement maximale de 3 minutes; la société ne peut prétendre qu’elle ignorait que la puissance sonore de 117 dBA en intérieur était beaucoup trop élevée et la durée de fonctionnement de 31 minutes extrêmement dangereuse dès lors qu’il s’agissait du matériel qu’elle avait installé; la réglementation applicable aux bruits dans le milieu du travail met clairement en évidence le danger que représentent les bruits.

— la société FTS Welding n’a pas pris les mesures de prévention nécessaires; elle ne l’a jamais informé de l’existence de l’alarme dont il ignorait le code de désactivation.

' sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable,

— le certificat médical initial établi le 16 avril 2012 par le CHRU de Nantes faisait état d’aphasie, de déficit hémicorps droit complet, hypothésie droite, paralysie faciale droite, hémianopsie latérale homonyme droite, déviation oculo-céphalogyre à gauche; il n’avait pas d’antécédents médicaux susceptibles de justifier l’AVC dont il a été victime le 16 avril 2012; il a du être hospitalisé à plusieurs reprises et placé en arrêt de travail jusqu’au 20 mai 2015, date à laquelle son état a été jugé consolidé.

Maître Z A, ès-qualités de mandataire de la société L Systems, et la société FTS Welding demandent à la cour de:

— confirmer le jugement dont appel.

A titre subsidiaire, si le jugement était infirmé,

— mettre hors de cause la société L Systems.

— dire que la faute inexcusable n’est pas constituée.

En conséquence,

— débouter M. C X E de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire, si la cour reconnaît une faute inexcusable, sur la demande d’expertise,

— ajouter aux missions de l’expert présentées dans les conclusions de M. C X E les missions suivantes:

' rappeler l’état de M. C X E préexistant à l’accident du 16 avril 2012.

' ordonner à cette fin que M. C X E communique les examens médicaux antérieurs à l’accident du travail.

' ordonner à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie qu’elle produise l’état des prestations et prescriptions remboursées avant l’accident du travail.

A titre infiniment subsidiaire, si la société L Systems n’est pas mise hors de cause et si une faute inexcusable est reconnue,

— dire que L Systems et FTS Welding seront tenues in solidum de réparer le dommage éventuel.

A titre reconventionnel,

— dire que les 'défenderesses’ ont exposé des frais pour la défense de leurs intérêts.

En conséquence,

— condamner M. C X E à leur verser à chacune la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Maître Z A, ès-qualités de mandataire de la société L Systems, et la société FTS Welding font valoir principalement ce qui suit:

' sur la mise hors de cause de la société L systems,

— si une faute inexcusable est reconnue, la société L systems ne peut être tenue de réparer les conséquences d’une faute qu’elle n’a pas commise et dont elle n’est pas à l’origine, puisqu’elle aurait été commise avant le transfert du contrat de travail.

' sur l’accident du travail,

— la présomption d’imputabilité au travail n’a pas pour effet d’établir une présomption de causalité entre un événement antérieur, tel que le bruit d’une alarme, et le malaise, de sorte qu’il appartient à M. C X E d’établir un lien de causalité entre le fait d’avoir entendu l’alarme et l’AVC qui s’est produit 4 heures plus tard.

— il n’est nullement démontré qu’une exposition à un bruit de 105 dBA conduit systématiquement à un

AVC.

— M. C X E confond exposition permanente au bruit et une exposition de quelques secondes à un bruit de 105 Db.

— M. C X E ne produit aucun élément montrant qu’il n’avait pas de maladie cardio-vasculaire.

' sur la prétendue faute inexcusable,

— l’alarme de marque commerciale BOSH – type INCERT – 509-0004 – avec une centrale DS 7220 a un bruit maximum de 105 dB et sa durée de fonctionnement est de 3 minutes au plus ainsi qu’il ressort du constat de Maître Y, huissier de justice, de la notice de présentation et d’utilisation de l’alarme, ainsi que de l’attestation de conformité.

— la sirène était fixée sur la poutre à l’intérieur du bâtiment, bien au-dessus de la porte d’entrée, et dirigée vers l’intérieur de l’atelier et non vers la porte.

— M. C X E peut demander l’expertise de l’alarme s’il remet en cause les constatations de l’huissier.

— il incombe à M. C X E de prouver la non-conformité de l’alarme.

— M. C X E n’apporte aucune preuve de la durée d’exposition au bruit.

— M. C X E tente d’induire la cour en erreur en assimilant exposition aux bruits et bruits exceptionnels.

— M. C X E était bien informé de la présence de l’alarme.

' sur la demande d’expertise et de provision,

— la mission de l’expert doit être complétée afin de rappeler l’état de M. C X E préexistant à l’accident du travail du 16 avril 2012.

— la demande de provision n’est pas justifiée.

La caisse primaire d’assurance maladie d’Indre et Loire s’en rapporte à justice.

Pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures respectives.

SUR CE, LA COUR:

' Sur la faute inexcusable:

En application de l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’accident, ou la maladie professionnelle, est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

L’article L. 4121-1 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que:

'L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail;

2° Des actions d’information et de formation;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes'.

L’article L. 4121-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que:

'L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:

1° Eviter les risques;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités;

3° Combattre les risques à la source;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs'.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Civ. 2e., 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021).

Il appartient à la victime de l’accident qui invoque cette faute de la prouver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur n’ait pas été la cause déterminante de l’accident survenu mais il suffit qu’elle en ait été une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée.

En l’espèce, M. C X E expose que le 16 avril 2012, vers 5h20, alors qu’il pénétrait dans le garage de la société FTS Welding à Ballan-Miré, il est entré dans le champ du détecteur

d’une alarme intérieure dont il ignorait l’existence.

Il indique que, quelques instants plus tard, la sirène de l’alarme a retenti à moins d’un mètre de ses oreilles dans un local fermé.

Il précise qu’il est demeuré tétanisé pendant plusieurs minutes par le bruit de très forte intensité de la sirène avant de parvenir à sortir du bâtiment pour appeler un collègue et obtenir le code permettant de désactiver l’alarme.

M. C X E soutient que la société FTS Welding aurait dû avoir conscience du danger auquel elle l’exposait, ainsi que toute autre personne, dès lors que l’alarme installée avait une puissance sonore de 117 dBa et une durée maximale d’exposition de 31 minutes de sorte qu’elle ne pouvait, selon lui, ignorer le caractère lésionnel de l’alarme installée dans ses locaux et le fait qu’en cas de déclenchement, elle pourrait exposer le salarié à un bruit intolérable pendant plusieurs dizaines de minutes.

Il relève, à cet égard, que la société FTS Welding affirme faussement que l’alarme à un bruit maximum de 105 dB et une durée de 3 minutes de fonctionnement tel que prescrit pour les alarmes extérieures, qu’aucun des documents sur lesquels elle se fonde ne fait mention du bruit maximum de l’alarme ou de sa durée de fonctionnement, qu’il ressort du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 28 juillet 2017 à la demande de la société FTS Welding qu’il existe plusieurs boîtiers et notamment le boîtier du clavier de l’alarme et le boîtier de la sirène, lesquels ne sont pas placés au même endroit, que si l’huissier indique que l’identification du boîtier du clavier de l’alarme est 'BOSH – type INCERT-509-0004", il ne précise pas la référence du boîtier de la sirène, que la notice remise à l’huissier lors de ses opérations ne correspond à aucun des boîtiers identifiés, et que la société FTS Welding ne produit aucun justificatif d’installation relatif au boîtier de la sirène.

Pour preuve de ce que la sirène de l’alarme installée dans le bâtiment de la société FTS Welding avait une puissance sonore de 117 dBA à 1 mètre pour une durée de fonctionnement de 31 minutes, il se prévaut d’une fiche de présentation qu’il verse aux débats (pièce communiquée n° 19) et fait valoir qu’il résulte de la comparaison effectuée entre la photographie du boîtier de la sirène prise par l’huissier de justice, qui figure en page 6 du procès-verbal de constat, et la fiche de présentation du boîtier qu’il produit, que les deux boîtiers sont identiques.

Il dénie le fait invoqué selon lequel il se serait trouvé à une distance de plusieurs mètres du boîtier de la sirène lorsque l’alarme s’est déclenchée alors que la poutre sur laquelle il est fixé n’est pas beaucoup plus élevée que le haut de la porte.

Il ajoute que la société FTS Welding n’a pas pris les mesures de prévention nécessaires dans la mesure où il n’avait jamais été informé, d’une quelconque façon, de l’existence de l’alarme et de son code de désactivation

L’employeur maintient, pour sa part, que l’alarme en cause de marque commerciale BOSH, type INCERT-509-0004, avec une centrale DS 7220, a un bruit maximum de 105 dB et que sa durée de fonctionnement est de 3 minutes au plus.

Il indique que, par comparaison, un détecteur de fumée dans une maison individuelle doit émettre un son d’au moins 85 dB à 3 mètres et qu’une alarme de voiture produit un bruit de 118 Dba.

Il précise que la sirène était fixée sur la poutre à l’intérieur du bâtiment, bien au-dessus de la porte d’entrée et dirigée vers l’intérieur de l’atelier et non vers la porte et qu’elle était donc distante de plusieurs mètres de M. C X E lorsqu’elle s’est déclenchée.

Il ajoute que ce dernier est nécessairement ressorti pour téléphoner à son collègue de sorte que la

durée pendant laquelle il a été exposé au bruit n’est pas établie.

Il résulte du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 28 juillet 2017 par Maître B Y à la demande de la société FTS Welding que l’huissier de justice a notamment effectué les constatations suivantes:

'A proximité de la porte permettant d’accéder au plateau du rez-de-chaussée, donnant sur le parking, à l’arrière du local, je constate, à hauteur d’homme, la présence d’une petite armoire métallique, avec, juste en-dessous, un premier boîtier, plus petit, en PVC, comportant différentes touches, et un deuxième boîtier, également en PVC.

Ces armoires et boîtiers sont fixés sur le mur.

Je constate que la mention 'BOSH’ est inscrite sur les deux boîtiers.

(…)

A l’intérieur de l’armoire, je note la présence de différents fils et câbles électriques tous reliés. Aucun d’entre eux n’est coupé. Je note également la présence d’une batterie également reliée par deux câbles.

Sur le flanc droit du deuxième boîtier, je note la présence d’un petit autocollant vers sur lequel est mentionné l’inscription suivante: 'AGREE Ministère des Postes et des Télécommunications'.

Après avoir soulevé le capot de ce boîtier, je constate qu’un second autocollant précise également la mention 'AGREE Ministère des Postes et des Télécommunications'.

Un numéro de lot est précisé: 'DOMICOM.A Lot 75.05 1850A', ainsi qu’une référence: '11AAU09B'.

Sur le flanc latéral droit du boîtier à touches est mentionné l’inscription suivante:

'BOSCH INCERT B-509-0004'.

A proximité de ces trois appareils, je constate la présence d’un troisième boîtier, en PVC, blanc, fixé, lui, en hauteur, sur une poutre transversale (maintenant le plancher du premier étage).

Je constate que ces quatre appareils sont non endommagés: absence de chocs sur les parois extérieures de l’armoire et des boîtiers'.

Il n’est pas prétendu par l’appelant que les boîtiers qui ont été déposés en la présence de l’huissier pour être conservés en son étude ne sont pas ceux qui équipaient le local de la société FTS Welding le 16 avril 2012.

S’agissant des documents versés aux débats par la société FTS Welding, il convient d’observer que l’attestation de conformité établie par les Etablissements Vinerier le 2 février 2009 se borne à faire état d’une conformité 'aux normes de sécurité relatives aux portes et portails automatiques et semi-automatiques installés sur les lieux de travail et édictées dans la norme NPF 25/362 d’octobre 1992 conformément à l’arrêté du 21 décembre 1993 paru au journal officiel du 13 janvier 1994 du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle' et qu’il n’apparaît pas que les autres documents produits (notice d’installation Centrale d’alarme DS7240V2-FRA et DS7220V2-FRA, notice d’utilisation Centrale DS7220V2-FRA / DS7240V2-FRA, […], guide de l’utilisateur clavier DS7446KP, et DS7220 Centrale d’alarme) comportent la description des caractéristiques du boîtier de la sirène.

Pour autant, il ne peut se déduire du seul fait que le boîtier de la sirène qui était installé dans le local a la même apparence que le boîtier de marque BOSH, référencé IUI-SIR-ID Indoor Siren, objet de la fiche de présentation versée aux débats par M. C X E (pièce n° 19), que l’alarme anti-intrusion qui équipait le local de la société FTS Welding le 16 avril 2012 avait une puissance sonore de 117 dBa et que sa durée de fonctionnement était de 31 minutes.

Il y a lieu, à cet égard, notamment, de relever que rien ne permet de déterminer précisément la date à laquelle la notice de présentation dont se prévaut l’appelant a été établie, le document versé aux débats mentionnant que ladite notice a été éditée à partir du site internet de la société Bosch Security le 26 février 2019.

M. C X E, qui n’a pas sollicité la mise en oeuvre d’une expertise technique des équipements conservés par l’huissier de justice, ne justifie, par ailleurs, en tout état de cause, aucunement de la non conformité ou de la défectuosité de l’installation.

Il se déduit, par conséquent, de l’ensemble de ces éléments, que s’il peut être admis que M. C X E a pu être surpris par le déclenchement de l’alarme puisqu’il est avéré qu’il ignorait le code permettant de la désactiver et qu’il a été contraint de téléphoner à l’un de ses collègues pour l’obtenir, il n’est pas démontré, en l’état des pièces produites, que le déclenchement de l’alarme, de par son intensité et/ou par sa durée, était de nature à constituer un quelconque danger pour le salarié dont l’employeur aurait dû avoir conscience de sorte que M. C X E ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunies.

Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. C X E de l’ensemble de ses demandes.

' Sur les autres demandes:

La faute inexcusable n’ayant pas été reconnue, il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur la demande présentée à titre subsidiaire par la société L Systems tendant à voir prononcer sa mise hors de cause.

Compte tenu de la solution donnée au présent litige, il convient de laisser la charge des dépens d’appel à M. C X E.

Il n’y a pas lieu, par ailleurs, de faire application en l’espèce des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort;

Confirme le jugement prononcé le 13 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours;

Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande formée à titre subsidiaire par la société L Systems tendant à voir prononcer sa mise hors de cause;

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

Laisse la charge des dépens d’appel à M. C X E.

Arrêt signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre, et Madame Ophélie FIEF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 23 février 2021, n° 18/02570