Cour d'appel d'Orléans, 24 juin 2021, 20/018961

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, c1, 24 juin 2021, n° 20/01896
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 20/018961
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Orléans, 23 septembre 2020
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043759874
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Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 24/06/2021

la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL

la SCP LAVAL CROZE CARPE

ARRÊT du : 24 JUIN 2021

No : 136 – 21

No RG 20/01896

No Portalis DBVN-V-B7E-GGWX

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce d’ORLEANS en date du 24 Septembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [Compte bancaire 1]

S.A.R.L. KERBEA FRANCE

Prise en la personne de son Gérant, Monsieur [G] [K], domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Ayant pour avocat Me Eric GRASSIN, membre de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé No: 1265252325763793

S.A.R.L. MARELO COMMERCIALISATION

Prise en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Ayant pour avocat postulant Me Christophe CARPE, membre de la SCP LAVAL CROZE CARPE, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Charlotte BELLET, membre de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 30 Septembre 2020

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 1er Avril 2021

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du jeudi 08 AVRIL 2021, à 14 heures, devant Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 24 JUIN 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société Kerbea France est spécialisée dans la construction, la vente et la livraison de maisons individuelles et a conclu, en qualité de franchiseur, des contrats de franchise avec des sociétés d’exploitation qu’elle autorise à prospecter, vendre et construire ou faire construire des maisons, à partir de secteurs géographiques exclusifs.

Elle a conclu le 27 mars 2015 un contrat de franchise avec la société Marelo Commercialisation (société Marelo) spécialisée dans la construction de maisons individuelles, en qualité de franchisée, par lequel elle lui concède le droit de vendre au tarif conseillé par le franchiseur et de construire ou de faire construire sous sa seule responsabilité, sous la marque « Maisons Kerbea », des maisons édifiées selon les plans non modifiables associés à la notice descriptive et les dispositions du contrat. Ce contrat a été conclu pour une durée déterminée de neuf années à compter de sa signature et tacitement renouvelé sans modification du contrat et de ses avenants, et sans aucune formalité, par période de cinq ans chacune, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties au moins six moins à l’avance par lettre recommandée avec accusé de réception.

Les parties ont régularisé le 4 novembre 2016 un avenant portant sur le montant des redevances dues et leur mode de paiement.

Par courrier recommandé du 3 décembre 2019, neuf des sociétés franchisées du réseau Maisons Kerbea, parmi lesquelles la société Marelo ont dénoncé de « nombreux et graves manquements de la tête du réseau à ses obligations contractuelles ».

La société Kerbea a répondu par courrier du 16 décembre 2019 en contestant les griefs et en mettant la société Marelo en demeure de lui verser les redevances dues en application du contrat de franchise, s’élevant à la somme de 7825,75 euros H.T, soit 9390,90 euros T.T.C.

Par courrier du 20 décembre 2019, le franchisé a dénoncé à nouveau des manquements répétés de la part du franchiseur et l’impossibilité de poursuivre le partenariat et invoqué une exception d’inexécution de nature à faire obstacle au paiement des redevances susvisées.

La société Kerbea a adressé une nouvelle mise en demeure pour un montant de 12.741,06? par lettre recommandée du 20 janvier 2020 demeurée vaine.

Par courrier officiel du 20 février 2020, l’ensemble des franchisés a notifié par l’intermédiaire de leur conseil, au conseil de la société Kerbea la résiliation des contrats de franchise à effet du 30 mars 2020 en invoquant des manquements graves et répétés du franchiseur à ses obligations contractuelles, un lien de confiance définitivement rompu du fait de ce dernier, un refus réitéré de rencontrer les franchisés autour d’une table ronde et de tenter de régler amiablement le litige.

Après une ultime mise en demeure du 8 juin 2020, la société Kerbea a fait assigner en référé la société Marelo par acte d’huissier du 26 juin 2020 en paiement d’une provision de 24.200 euros H.T soit 29.040? TTC au titre des redevances dues au 30 avril 2020, outre une demande de condamnation de la société Marelo sous astreinte à lui communiquer l’ensemble des contrats et avenants relatifs aux 7 chantiers à ouvrir.

Par ordonnance de référé du 24 septembre 2020, le président du tribunal de commerce d’Orléans a :

Au principal, renvoyons les parties à mieux se pourvoir, mais dès à présent, par provision,

— Condamnons la Société Marelo commercialisation à payer à la Société Kerbea France la somme de 29.040,00 euros T.T.C suivant les modalités suivantes :

o Chèques déjà versés en Juin et Juillet pour 3.000,00 euros T.T.C.,

o Chèque de 6.510,00 euros T.T.C à fin septembre 2020,

o Chèque de 6.510,00 euros T.T.C. à fin octobre 2020,

o Chèque de 6.510,00 euros T.T.C. à fin novembre 2020,

o Chèque de 6.510,00 euros T.T.C. à fin décembre 2020.

— Ordonnons la consignation de ces sommes dans les mains de M. le Bâtonnier d’Orléans qui les versera sur son compte Carpa dans l’attente de la décision du Tribunal de Commerce de Rennes,

— Disons n’y avoir lieu à paiement de l’article 700 du code de procédure civile dans l’attente des décisions du juge du fond,

— Déboutons les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

— Mettons les dépens à la charge de la Société Marelo commercialisation , y compris les frais de greffe liquidés à la somme de 42,80 euros.

Pour justifier la consignation de la somme de 29.040 euros T.T.C, et après avoir relevé que la société Marelo ne contestait pas devoir cette somme sur laquelle elle avait effectué deux versements de 1500? chacun, le premier juge a retenu que la situation économique actuelle de Kerbea France rendrait possible l’incapacité à répondre à d’éventuelles condamnations.

La SARL Kerbea a formé appel de la décision par déclaration du 30 septembre 2020 en intimant la société Marelo commercialisation et en critiquant l’ordonnance en ce qu’elle a :

— ordonné la consignation de ces sommes [29040 euros T.T.C] dans les mains de M. le Bâtonnier d’Orléans qui les versera sur son compte Carpa dans l’attente de la décision du Tribunal de Commerce de Rennes,

— dit n’y avoir lieu à paiement de l’indemnité article 700 du code de procédure civile dans l’attente des décisions du juge du fond,

— débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions du 25 mars 2021, la société Kerbea demande à la cour de:

Vu l’ordonnance de référé du 24 septembre 2020,

Vu les dispositions de l’article 853 du Code de procédure civile,

Vu les dispositions de l’article 873 du Code de procédure civile,

Vu les dispositions de l’article 1961 et suivant du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Recevant la société Kerbea en son appel, demandes et prétentions, et l’en déclarant bien fondée,

Y faisant droit :

— Infirmer l’ordonnance rendue par M. le Président du Tribunal de Commerce d’Orléans en date du 24 septembre 2020 en ce qu’il a :

o Ordonné la consignation de ces sommes [29.040,00 euros T.T.C] dans les mains de M. le Bâtonnier d’Orléans qui les versera sur son compte Carpa dans l’attente de la décision du Tribunal de Commerce de Rennes,

o Dit n’y avoir lieu à paiement de l’article 700 du code de procédure civile dans l’attente des décisions du juge du fond,

o Débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Et, statuant à nouveau :

— Ordonner la mainlevée de la consignation des sommes de 29.040,00 euros T.T.C dans les mains de M. le Bâtonnier d'[Localité 1],

— Condamner la société Marelo commercialisation à payer à la société Kerbea France la somme de 29.040,00 euros à titre de provision,

— Condamner la Société Marelo commercialisation à communiquer à la Société Kerbea France l’ensemble des contrats et avenants relatifs aux 7 chantiers à ouvrir et ce sous astreinte de 1.000,00 euros par jour du retard à compter du 8ème jour suivant le prononcé de la décision à intervenir ;

— Condamner la Société Marelo commercialisation à payer à la Société Kerbea France la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure de première instance (référé),

Et en tout état de cause :

— Condamner la Société Marelo commercialisation à payer à la Société Kerbea France la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile en cause d’appel, outre les entiers dépens.

Sur les faits, elle fait valoir que par courriel officiel du 4 mai 2020, le conseil de la société Marelo lui a adressé le tableau déclaratif précisant, pour chaque franchisé, le solde des redevances dues au 30 avril et le nombre de chantiers à ouvrir au 30 mars, ce qui constitue un aveu extra-judiciaire.

Sur la consignation, elle rappelle que le juge ne peut ordonner un séquestre ou un dépôt judiciaire qu’en cas de litige existant, imminent ou menaçant, qui porterait atteinte au recouvrement de la créance et que tel n’est pas le cas en l’espèce alors que la société Marelo ne conteste pas devoir la somme réclamée qui n’est pas sérieusement contestable et qu’elle a elle-même engagé la présente procédure de référé, et trois autres contre trois autres franchisés en vue de l’obtention de sommes représentant un total de près de 114.000,00 euros.

Elle ajoute à titre surabondant que l’argumentaire de la société Marelo qui indique que la Société Kerbea France ne dispose plus d’aucun siège physique ni même d’une boîte aux lettres, n’a plus d’effectif dédié sur le réseau et ne dispose plus d’agence sur le territoire national, est totalement erroné puisqu’elle dispose d’un siège social sis [Adresse 3], depuis le 1er juillet 2018, ainsi qu’il ressort d’un extrait KBis au 7 janvier 2020, outre un établissement secondaire à [Localité 2] dans le Loiret, qu’elle a un effectif dédié au réseau, qu’elle n’est pas une coquille vide, et qu’elle dispose d’un maillage d’agences sur le territoire national. Elle précise qu’elle a seulement changé de stratégie commerciale à la suite de la résiliation brutale des contrats de franchise et a signé le 15 septembre 2020 un contrat de concession avec le Groupe OXIM-CPR chargé de commercialiser la marque « Maisons Kerbea », de sorte qu’elle existe toujours mais poursuit son activité dans une forme différente.

S’agissant de l’argument tiré de dommages et intérêts sollicités au fond, comprenant une partie de redevances versées à la Société Kerbea France, elle soutient qu’il existe une contestation sérieuse car rien ne permet de préjuger du succès de l’action au fond engagée par la société Marelo et rien ne justifie la consignation sur la base d’une créance exigible et pour justifier d’une mesure conservatoire pour une créance totalement aléatoire à titre de dommages et intérêts, d’autant plus au regard de la durée prévisible de cette procédure au fond, le non versement de sommes pourtant non contestées risquant de crééer pour la société Kerbea un problème de trésorerie.

Elle s’oppose à la demande de délais de paiement, alors que la société Marelo a pu s’acquitter d’une partie importante des sommes dont s’agit entre les mains de Madame le Bâtonnier d'[Localité 1], sauf un solde de 9510?, et qu’elle a admis devoir ces sommes depuis mai 2020, ayant de fait bénéficié de larges délais de paiement. Elle ajoute que le premier juge a omis de statuer sur sa demande de communication de pièces et que malgré son engagement lors de l’audience du 27 août 2020, la société Marelo n’a jamais communiqué les contrats et les avenants.

La société Marelo Commercialisation demande à la cour, par dernières conclusions du 31 mars 2021 de:

Vu les articles 872 et 873 du Code de procédure civile,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu l 'article 1343-5 du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a autorisé la société Marelo commercialisation à payer à la société Kerbea France la somme de 29040 euros TTC sur la base d’un échéancier, en ce qu’elle a ordonné la consignation de la somme due entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats d'[Localité 1] et en ce qu’elle a rejeté la demande de paiement de frais irrépétibles formée par la société Kerbea France au titre de la première instance,

Infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a limité la durée de l’échéancier accordé pour le paiement à 4 échéances mensuelles et, statuant à nouveau :

Ordonner que le solde des redevances réclamées par la société Kerbea France soit payé par la société Marelo commercialisation en 12 échéances égales, par provision, à compter du prononcé de l’ordonnance entreprise, en tenant compte du paiement déjà effectué à hauteur de la somme de 3000?,

Dire et juger que, sur les 7 chantiers référencés, le montant des redevances correspondant à des ventes annulées par des clients avant le terme de l’échéancier sera déduit des dernières échéances,

Donner acte à la société Marelo commercialisation de ce qu’elle a acquitté les causes de l’ordonnance entreprise à concurrence chauqe mois, de la somme de 6510? TTC sur le compte Carpa de M. Le Bâtonnier du barreau d’Orléans et de ce qu’elle a en conséquence réglée en totalité sa dette d’exécution de l’ordonnance,

Donner acte à la Concluante de ce qu’elle ne s’oppose pas à la communication des contrats de vente et avenants correspondant aux 7 chantiers restant à ouvrir après la date de résiliation du contrat de franchise,

Dire et juger que la Concluante pourra anonymiser les contrats de vente et avenants communiqués,

Ordonner le maintien de la consignation des sommes mises à la charge de la société Marelo commercialisation, ordonnée par le Juge des référés dans son ordonnance du 24 septembre 2020, entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats d’Or1éans, ce dans l’attente de la décision que le Tribunal de commerce de Rennes doit rendre dans le litige qui oppose les parties au fond,

Débouter la société Kerbea France de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

Condamner la société Kerbea France à payer la somme de 5.000 euros à la société Marelo commercialisation au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile en cause

d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Elle explique qu’elle a constaté le total manque de transparence du franchiseur, car elle a appris par hasard que la société Fousse constructions qui détenait les actions de la société Kerbea France a été placé en redressement judiciaire le 21 avril 2016 puis en liquidation judiciaire le 19 mai suivant, que la société Kerbea s’est en outre désengagée de la gestion de son réseau et a commis divers manquements contractuels, que ses dirigeants ont été poursuivis devant le tribunal de commerce d’Orléans pour escroquerie et abus de confiance ce qui a conduit les franchisés à perdre des prospects, que la société Kerbea n’a pas non plus actualisé son site internet et ses outils de communication numériques ; que face aux carences du franchiseur, les franchisés ont dû notamment prendre à leur charge les factures non réglées par lui de certains prestataires. Elle en déduit qu’ils sont fondés à demander la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Kerbea et l’indemnisation de leurs préjudices et que tous les franchisés ont saisi le tribunal de commerce de Rennes par assignation du 3 août 2020. Elle souligne qu’il y a un lien d’indivisibilité évident entre les redevances réclamées par Kerbea et les dommages et intérêts réclamés au fond par les franchisés, qui comprennent des redevances versées sans contrepartie.

Elle souligne l’importance de lui octroyer des délais de paiement sur douze mois et non seulement sur 4 mois, ce qui correspond d’ailleurs à l’article 17 du contrat de franchise.

Elle fait valoir que la consignation est sa seule garantie de pouvoir récupérer les sommes payées une fois rendue la décision du tribunal de commerce de Rennes car la société Kerbea n’est plus qu’une coquille vide depuis la résiliation des contrats de franchisés à effet du 30 mars 2020, puisqu’elle ne dispose plus d’effectifs dédiés à un réseau qui a cessé d’exister, ni d’aucune agence sur le territoire national, ne peut plus être touchée à son domicile parisien et a cédé sa marque qui était son seul actif à la société Mi Ingenerie en juillet 2020, celle-ci ayant concédé l’usage de la marque à la société CPR et percevant seule les redevances à ce titre. Elle soutient que l’établissement secondaire de Kerbea dans le Loiret n’a aucune réalité, que la production par cette dernière de ses comptes 2020 n’est pas probante en l’absence de documents financiers et d’une attestation d’expert comptable. Elle indique enfin que les parts de la société Kerbea sont valorisées à la somme de 1? et que la société Mi Ingenierie dispose d’une créance de compte courant d’un montant de plus de 91.000? à l’encontre de Kerbea.

L’affaire a été fixée à l’audience du 8 avril 2021 en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er avril 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Selon l’article 872 du Code de commerce :

« Le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

Aux termes de l’article 873 du code de procédure civile :

« Le président du tribunal de commerce peut, dans les mêmes limites (que celles posées par l’article 872) et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire".

La cour observe à titre liminaire d’une part que dans sa déclaration d’appel, la société Kerbea a uniquement critiqué les dispositions de l’ordonnance ayant ordonné la consignation des sommes que la société Marelo a été condamnée à lui payer, soit 29.040? TTC, dans l’attente de la décision du Tribunal de Commerce de Rennes, dit n’y avoir lieu à paiement de l’article 700 du code de procédure civile dans l’attente des décisions du juge du fond, et débouté la société Kerbea France de toutes autres demandes ; d’autre part que dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société Marelo forme appel incident uniquement concernant les modalités de l’échéancier octroyé par les premiers juges et sollicite essentiellement outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des demandes de donner acte, la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a autorisé la société Marelo à payer à la société Kerbea France la somme de 29.040 euros TTC sur la base d’un échéancier, en ce qu’elle a ordonné la consignation de la somme due entre les mains de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats d'[Localité 1] et en ce qu’elle a rejeté la demande de paiement de frais irrépétibles formée par la société Kerbea France au titre de la première instance.

La cour n’est donc saisie d’aucune demande de réformation concernant le principe de condamnation de la société Marelo au paiement à la société Kerbea France de la somme de 29.040 ? euros T.T.C à titre provisionnel, au titre des redevances afférentes au contrat de franchise et ce chef de la décision du 24 septembre 2020 a autorité de la chose jugée.

Il n’y a pas lieu de « dire et juger » spécifiquement, que sur les 7 chantiers référencés, le montant des redevances correspondant à des ventes annulées par des clients avant le terme de l’échéancier sera déduit des dernières échéances, s’agissant d’une conséquence liée à une annulation éventuelle ultérieure, que le juge des référés, juge de l’évidence, n’a pas à anticiper.

Il n’y a pas non plus lieu de « donner acte à la société Marelo de ce qu’elle a acquitté les causes de l’ordonnance entreprise, s’agissant de l’exécution de la décision et un »donné acte" n’ayant pas en soi de portée juridique.

S’agissant de l’échéancier octroyé par le premier juge, les modalités des délais de paiement retenues par le premier juge seront maintenues dès lors que la société Marelo indique elle même avoir d’ores et déjà réglé la somme demandée.

Concernant la demande de consignation des sommes allouées à titre de provision, il est établi que la société Marelo n’a pas contesté la provision sollicitée par la société Kerbea pour laquelle elle n’a soulevé aucune contestation sérieuse à ce titre, et n’en soulève toujours aucune devant la cour puisqu’elle ne demande pas l’infirmation de l’ordonnance l’ayant condamnée de ce chef.

Elle fait valoir sur le double fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile que que la consignation des sommes allouées est indispensable au regard de la situation de la société Kerbea France qui ne serait plus qu’une coquille vide, afin de se prémunir contre le risque de ne pouvoir faire utilement exécuter la décision qui sera rendue au fond par le tribunal de commerce de Rennes. Elle souligne le lien d’indivisibilité existant entre les sommes réclamées par la société Kerbea dans la présente procédure et les dommages et intérêts qu’elle réclame elle-même au fond et qui incluent des redevances verséese sans contrepartie.

Néanmoins, ainsi qu’il a été dit, elle n’a soulevé aucune contestation sérieuse pour s’opposer au paiement des redevances, notamment tirée d’une exception d’inexécution et de l’absence de contrepartie à l’exécution de ses obligations.

Or, l’allocation d’une provision en référé implique que le créancier puisse la percevoir (Cf pour exemple C. Cass Civ 2, 22 février 2017, pourvoi no 06-14737), ce qui n’apparaît pas compatible avec une demande de consignation de la somme allouée à titre de provision, au cours de la même instance de référé.

Au surplus, la cour constate que l’issue irrévocable de l’instance au fond est à ce stade aléatoire, ainsi que le souligne l’appelante qui soulève à juste titre l’existence d’une contestation sérieuse (page 11 de ses conclusions) au sens de l’article 872 du code de procédure civile précité.

En outre, s’il est établi que la société Kerbea France n’est plus propriétaire de la marque « maison Kerbea » depuis le 29 juillet 2020, cette marque appartenant désormais à une société du groupe, la société Mi Ingenierie, qui en a concédé la commercialisation à la société CPR selon contrat du 15 septembre 2020, la cour observe que ces modifications sont intervenues peu après la résiliation à effet au 30 mars 2021 de plusieurs contrats de franchise décidée unilatéralement par les franchisés concernés, sur laquelle il appartiendra au juge du fond de se prononcer. Par ailleurs, la société Kerbea justifie encore à ce jour de son existence légale.

L’existence d’un « dommage imminent » ou d’un « trouble manifestement illicite » au sens de l’article 873 du code de procédure civile n’apparaît donc au surplus pas suffisamment caractérisée.

Pour l’ensemble de ces raisons, la demande de consignation des sommes allouées à titre de provision par le juge des référés, formée par la société Marelo devant ce même juge sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile doit être rejetée et l’ordonnance infirmée de ce chef.

La mainlevée de la consignation est la conséquence directe de l’exécution du présent arrêt qui rejette la demande de consignation et infirme l’ordonnance de ce chef et il n’y a donc pas lieu de l’ordonner expressément dans le dispositif de l’arrêt.

Il n’y a pas non plus lieu de condamner la société Jofred à payer à la société Kerbea la somme de 29.040 ? TTC à titre de provision puisque cette condamnation a déjà été prononcée par l’ordonnance dont appel et que la cour n’est pas saisie d’une demande de réformation à ce titre.

La société Marelo a reconnu dans son courriel du 4 mai 2020 l’existence de 7 chantiers à ouvrir au 30 mars 2020, date de la résiliation du contrat de franchise.

Elle indique expressément dans ses écritures ne pas s’opposer à la communication des contrats de vente et avenants correspondant aux 7 chantiers restant à ouvrir après cette date, à condition qu’ils soient anonymisés. Néanmoins, alors que la société Kerbea avait déjà formé cette demande déjà devant le premier juge, la société Marelo ne conteste pas que ces contrats et avenants n’ont pas été communiqués alors même qu’elle indique ne pas s’y opposer.

S’agissant de chantiers à ouvrir au 30 mars 2020 soit il y a plus d’un an, il y a urgence à ce que la société Kerbea puisse en disposer afin de pouvoir les prendre en compte. Ces contrats concernent par hypothèse des chantiers à ouvrir avant la date d’effet de la résiliation du contrat de franchise et la société Marelo n’explique pas pourquoi les contrats et avenants communiqués devraient être anonymisés.

En l’absence de contestation sérieuse justifiée par l’intimée, il convient donc de faire droit à la demande ce communication formée par l’appelante, en application de l’article 872 du code de procédure civile et selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt, la demande tendant à dire que la société Marelo pourra anonymiser les contrats et avenants communiqués étant rejetée.

La société Kerbea obtenant gain de cause en ses demandes, l’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande d’indemnité formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et il lui sera allouée la somme de 1000? à ce titre.

La société Marelo doit en outre être condamnée à payer à la société Kerbea la somme de 1200? au titre des frais irrépétibles exposés en appel et aux dépens exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

— Infirme l’ordonnance déférée uniquement en ce qu’elle a :

* ordonné la consignation de ces sommes [29.040 euros T.T.C] dans les mains de M. le Bâtonnier d’Orléans qui les versera sur son compte Carpa dans l’attente de la décision du tribunal de commerce de Rennes,

* débouté la société Kerbea France de sa demande de condamnation de la société Marelo commercialisation à lui communiquer sous astreinte l’ensemble des contrats et avenants relatifs aux 7 chantiers à ouvrir ;

* dit n’y avoir lieu à paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans l’attente des décisions du juge du fond,

Statuant à nouveau,

— Rejette la demande de consignation des sommes allouées à titre de provision à la société Kerbea France (29.040 ? TTC), formée par la société Marelo commercialisation;

— Condamne la société Marelo commercialisation à communiquer à la société Kerbea France l’ensemble des contrats et avenants relatifs aux 7 chantiers à ouvrir au 30 mars 2020, ce dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt puis, passé ce délai, sous astreinte de 200 ? par jour du retard, ce pendant un délai maximum de trois mois après quoi il sera à nouveau statué ;

— Condamne la société Marelo commercialisation à verser à la société Kerbea France une indemnité de 1000 ? au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

— Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses autres dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

— Condamne la société Marelo commercialisation à verser à la société Kerbea France une indemnité de 1200 ? au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

— Déboute la société Marelo commercialisation de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Rejette le surplus des demandes ;

— Condamne la société Marelo commercialisation aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel d'Orléans, 24 juin 2021, 20/018961