Cour d'appel de Paris, 12 avril 1902, n° 9999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 12 avr. 1902, n° 9999
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 9999

Texte intégral

PARIS, 12 avr. 1902. – Société, Société ANONYME :

1° ACTION SOCIALE, EXERCICE INDIVIDUEL, CONDITIONS, STATUTS, X, ACTIONNAIRE ; […] à […], […], DROIT DU CESSIONNAIRE, ASSISTANCE AUX ASSEMBLÉES ; 6° ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, ADMINISTRATEURS, […], ABSENCE, NULLITÉ. […], TRIBUNAL DE COMMERCE, APPEL

La X des statuts d’une société qui subordonne l’exercice individuel de l’action sociale à une autorisation de l’assemblée générale n’est pas opposable à l’actionnaire qui par la voie judiciaire, provoque la nullité des délibérations d’une assemblée prises en violation de la loi ou des statuts (1).

L’art. 3 de la loi du 24 juill. 1867, modifié par l’art. 2 de la loi du 1er août 1893, n’exige pas que les actions d’apport restent nominatives comme celles déposées par les administrateurs en garantie de leur gestion; elles peuvent donc être représentées indifféremment par des titres nominatifs ou par des titres au porteur (1);

De plus, en décidant que ces actions ne sont négociables que deux ans après la constitution définitive de la société, le législateur a entendu, non pas les frapper d’inaliénabilité, d’immobilisation ou d’une indisponibilité absolue pendant ce laps de temps, mais interdire uniquement les négociations pouvant se prêter à l’agiotage, c’est-à-dire les cessions faites dans les formes rapides usitées à la Bourse et dans le commerce par voie de transfert, de tradition ou d’endossement (2); par suite, elles sont, même pendant la durée de la période biennale, transmissibles jure civili, autrement dit à l’aide d’une cession par acte notarié ou sous seing privé signifée à l’établissement débiteur ou acceptée par lui dans un acte authentique conformément à l’art. 1690 c. civ. (3);

Et la cession opérée dans ces conditions confère au, cessionnaire le droit de prendre part aux délibérations de l’assemblée générale, dont les résolutions ne peuvent être, dès lors, annulables à raison de sa participation au vote (4).

Les décisions de l’assemblée générale sont nulles si, la date indiquée dans une convocation suivie d’un ajournement à une date ultérieure, celle-ci a été tenue par un groupe d’actionnaires en l’absence des administrateurs et des commissaires de surveillance et si le vote a porté sur des questions qui ne figuraient pas à l’ordre du jour (1).

Un tribunal de commerce ne peut pas valablement, après qu’un de ses jugements a été frappé d’appel, en prescrire l’exécution provisoire sous caution dans un jugement complémentaire (c. pr. Civ. 135,136) (1).


(Compagnie française des Toitures Nouvelles C. Gillette, Fafournoux et consorts.)

ARRÊT.

LACOUR :

Statuant : 1° sur l’appel interjeté par la Compagnie française des Toitures Nouvelles, Laffay, Textor de Ravisy, et autres (parties de Lagny, avoué), du jugement rendu tribunal de commerce de la Seine, le 15 mai 1901;

[…] l’appel interjeté par les mêmes parties du jugement rendu par le même tribunal, le 4 sept. 1901 ;

sur l’appel aussi interjeté par la Compagnie des Toitures Nouvelles, du jugement par le même tribunal, le 18 sept. 1901:

4° sur l’appel interjeté par Gillette, Y, Fafournoux et Van der Smissen rties de Plichon, avoué), des jugements rendus par le tribunal de commerce de la Seine les 12 juill. et 16 oct. 1901, le premier par défaut et le second sur opposition, ensemble sur l’appel incidemment interjeté du jugement du 16 oct. 1901 par la Compagnie française des Toitures Nouvelles, Laflav, Laurendon et Textor de Ravisy; aucun moyen de nullité, ni fin de non-recevoir, en la forme, n’ayant, d’ailleurs, été précisé ni plaidé contre lesdits appels; reçoit les appels en la forme; vu la connexité; joint les causes d’entre toutes les parties; et faisant droit, au fond, sur les conclusions respectives des parties;

Considérant que la Société anonyme dénommée Compagnie française des Toitures Nouvelles a été constituée le 18 août 1898, au capital de 300,000 fr., représenté par 3,000 actions, de 100 fr. chacune, dont 1,500 ont été délivrées à Duprez, directeur statutaire, en rémunération de ses apports en nature; que Textor de Ravisy, Laurendon et Paris ont été désignés administrateurs pour une période de trois années;

Considerant que, par acte sous seing privé en date du 20 oct. 1898, enregistré le 6 janv. 1899, signifié le 9 à la Compagnie française des Toitures Nouvelles conformément à l’art. 1690 c. civ., Duprez a cédé 750 actions d’apport, au porteur, à Prudot, qui a figuré sur la feuille de présence, lors de l’assemblée générale tenue le 28 juin 1900, et a été admis à prendre part aux délibérations avec l’attribution du maximum statutaire de 20 voix ;

Considérant que de graves dissentiments ont éclaté entre les actionnaires qui se sont divisés en deux groupes nettement distincts; que Fafournoux, Gillette, Y, Van der Smissen et Duprez ont commencé les hostilités; que par exploit du 4 juill. 1900, ils ont assigné devant le tribunal de commerce de la Seine Textor de Ravisy, Lattay, Laurendon et Paris en nullité de l’assemblée générale du 20 juin 1900, à raison de la fictivité de la majorité obtenue, en violation des prescriptions impératives de l’art. 3 de la loi du 24 juill. 1867, modifié par art. 2 de la loi du 1er août 1899;

Considérant que, par jugement de défaut du 7 nov. 1900, Fafournoux et consorts ont été déboutés


de leur demande, et condamnés solidairement à 500 fr. de dommages-intérêts ; que, par assignation du 26 déc.1900, Fafournoux, Gillette et Duprex ont formé opposition; qu’un jugement contradictoire, du 18 mai 1901, a prononcé la nullité de l’assemblée générale du 28 juin 1900, en déclarant les résolutions irrégulièrement adoptées avec la participation de 20 voix attribuées à Prudot, simple cessionnaire d’actions, ne pouvant, en cette qualité, être admis aux assemblées générales;

Considérant que les premiers juges ont, à bon droit, repoussé la fin de non-recevoir tirée de l’art. 44 des statuts qui subordonne l’exercice individuel de l’action sociale à l’autorisation de l’assemblée générale; qu’une pareille stipulation n’est pas opposable à l’actionnaire qui provoque, par la voie judiciaire, la nullité des délibérations d’une assemblée générale prise en violation de la loi ou des statuts;

En ce qui touche le bien fondé de la demande :

Considérant qu’aux termes de l’art. 3 de la loi du 24 juill. 1867, modifié par l’art. 2 de la loi du 1er août 1893, les actions d’apport, libérées intégralement au moment de la formation de la société, ne peuvent être détachées de la souche, et ne sont négociables que deux ans après la constitution définitive de la société; que, pendant cette période de temps, elles doivent, à la diligence des administrateurs dans les sociétés anonymes, et des gérants, dans les sociétés en commandite par actions, être frappées d’un timbre indiquant leur nature, et la date de la constitution de ladite société; – Considérant que la loi de 1893 n’exige pas, comme pour les actions déposées par les administrateurs en garantie de leur gestion, que les actions d’apport soient nominatives; qu’elles peuvent donc être indifféremment représentées par des titres nominatifs, ou, comme dans l’es. pèce, par des titres au porteur;

Considérant qu’en vue d’assurer la plus large somme de garantie à l’épargne, de déjouer les fraudes lors de la formation des sociétés nouvelles, d’empêcher les majorations d’apports suivies immédiatement de négociation, le législateur a entendu frapper ces titres non d’inaliénabilité, d’immobilisation, ou d’une indisponibilité absolue pendant deux années, mais uniquement interdire les négociations pouvant se prêter à l’agiotage, c’est-à-dire les cessions faites dans les formes rapides usitées à la Bourse et dans le commerce, par voie de transfert, de tradition, ou d’endossement; qu’il convient de la circonscrire dans les limites tracées par la loi;

Considérant que l’étude des travaux préparatoires, le vote par le Sénat de l’amendement Poirrier ne saurait laisser aucun doute sur la volonté du législateur de permettre la transmission jure civili de la propriété des actions d’apport avec toutes les conséquences juridiques du droit commun ;

Considérant que la cession, par acte notarié ou sous seing privé, signifiée à l’établissement débiteur, ou acceptée par lui dans un acte authentique conformément à l’art. 1690 c. civ., a été autorisée, que l’accomplissement des lentes et rassurantes formalités du code civil a été admis comme constituant un frein suffisant aux opérations d’agiotage; qu’il en résulte que le transfert pour les actions nominatives, et la tradition, pour les titres au porteur, modes commerciaux


interdits pendant les deux premières années de la constitution définitive de la société, sont remplacés, au profit du cessionnaire civil, par la signification opposable à la société;

Considérant que la doctrine consacrée par le jugement du 15 mai 1901, en contradiction avec l’esprit général de la loi de 1893, dont la prohibition formelle vise exclusivement, pendant les deux premières années d’existence de la société, le détachement de la souche et la négociation des actions d’apport, produirait des résultats illusoires en refusant au seul véritable intéressé l’accès de l’assemblée gé. nérale au sein de laquelle peuvent se débattre les questions vitales de la société pour n’en ouvrir les portes qu’à l’apporteur originaire, le plus souvent indifférent à la bonne marche des affaires, et transformé, parfois, en adversaire résolu;

Considérant, en outre, que, si le système accueilli par le tribunal de commerce de la Seine était maintenu, Prudot, qui ne possédait que les actions d’apport qui lui avaient été cédées par Duprez, n’aurait pas même eu le droit de prendre part aux délibérations de l’assemblée générale comme mandataire muni d’un pouvoir de l’apporteur, l’art. 28 des statuts et l’art. 4 de la loi de 1893, incorporé au paragraphe 1er de l’art. 27 de la loi du 24 juill. 1867, n’autorisant qu’un actionnaire à représenter un autre actionnaire à l’assemblée générale;

Considérant que les actions d’apport, régulièrement cédées par Duprez à Prudot sous la condition suspensive imposée par la loi, conféraient à Prudot le droit de prendre part aux délibérations de l’assemblée générale du 28 juin 1900, dont la majorité de deux voix est licite, Fafournoux et Van der Smissen ayant obtenu le nombre de voix auquel les statuts leur donnaient droit ; qu’il échet de repousser la demande tendant à l’annulation des résolutions de cette assemblée générale, et d’infirmer la sentence du 15 mai 1901;

Considérant que le conseil d’administration composé de Textor de Ravisy, Laurendon, Laffay et Paris, en se conformant aux prescriptions de la loi et des statuts, a convoqué régulièrement une assemblée générale pour le 27 juin 1901; que, dès le 21 juin, Fafournoux et son groupe ont soulevé des difficultés dont l’examen et la solution ont déterminé le conseil à ajourner la date de la réunion;

Considérant que, néanmoins, Fafournoux et consorts, en l’absence des administrateurs, et du conseil de surveillance, se sont installés au bureau le 27 juin, ont imaginé une assemblée au cours de laquelle l’ancien conseil a été révoqué et remplacé par Fafournoux, Van der Smissen, Y et Gillette; que des résolutions ont été votées sur des questions qui ne figuraient pas à l’ordre du jour; – Considérant que, par jugement de défaut, du 12 juill. 1901, cette assemblée générale a été annulée, et le groupe Fafournoux condamné à des dommages-intérêts;

Considérant que, par décision contradictoire du 16 oct. 1901, le tribunal de commerce de la Seine a prononcé à tort au regard de Van der Smissen la nullité de l’assemblée générale du 28 juin 1900, comme il l’avait déjà fait le 15 mai 1901 au regard de Fafournoux et autres; qu’il échet de réformer ladite sentence de ce chef, et de la maintenir, pour le surplus, les premiers juges ayant exactement apprécié les faits de la cause et les droits des parties en annulant, sur le deuxième


chef, l’assemblée générale du 27 juin 1901, et en refusant toute allocation de dommages intérêts à raison de la non-justification d’un préjudice souffert, et eu égard, aussi, aux fautes respectivement imputables à toutes les parties;

Considérant que l’ancien conseil d’administration a convoqué le 9 août 1901 une assemblée générale dont la régularité et la validité n’ont été contestées, ni en première instance, ni en appel;

Considérant qu’en présence de deux conseils hostiles, le tribunal de commerce de la Seine a, le 6 sept. 1901, nommé Navarre séquestre; que la solution qui va intervenir rend, désormais, cette mesure sans objet;

Considérant que, nonobstant l’appel de cette décision, interjeté le lendemain 5 septembre, le tribunal de commerce de la Seine a néanmoins, par un jugement du 18 sept. 1901, complété sa décision antérieure en prescrivant l’exécution provisoire, sous caution, et ce, contrairement à l’effet dévolutif de l’appel qui soumettait le litige tout entier à l’appréciation de la cour, et en violation des prescriptions impératives de l’art. 136 c. pr. civ.;

Considérant que les droits, doubles droits et amendes perçus ou à percevoir sur les actes produits, dont les énonciations d’une décision de justice révèlent l’existence à la Régie ne peuvent être mis à la charge d’une partie autre que celle qui est débitrice aux termes de la loi fiscale qu’à titre de dommages intérêts, à la charge d’établir la faute commise et le préjudice souffert;

Considérant que ces deux conditions ne se rencontrent pas dans la cause actuelle;

Par ces motifs :

En ce qui touche le jugement du 13 mai 1901; met l’appellation et ce dont est appel à néant; déclare la demande de Fafournoux et consorts recevable en la forme, malfondée au fond; émendant, décharge les appelante des dispositions leur faisant grief, et, faisant droit par décision nouvelle dit que les cessionnaires, par les modes civils d’actions d’apport, ont le droit de vote dans les assemblées générales, dit en conséquence, que c’est à bon droit que Prudot, cessionnaire d’apport, aux termes d’un acte sous seing privé du 20 oct. 1898, enregistré le 6 janv. 1899, signifié le 9 janvier même mois, à la Compagnie française des Toitures Nouvelles, a voté pour 200 actions à l’assemblée générale du 28 juin 1900, déclare, en conséquence, ladite assemblée régulièrement tenue ; déclare valables les résolutions qui y ont été prises; dit avoir lieu à allocation de dommages-intérêts à raison de la la justification d’un préjudice souffert; ordonne la restitution de l’amende consignée par le groupe Laffay et Laurendon; confirme les jugements rendus par le tribunal de commerce de la Seine, les 12 juill. et 16 oct. 1901, le premier par défaut, et le second sur opposition, en ce qu’ils ont à bon droit annulé l’assemblée générale du 27 juin 1901, et maintenu l’ancien conseil d’administration; réforme le jugement du 16 oct. 1901, en ce qu’il a, à tort, au regard de Van der Smissen, prononcé la nullité de l’assemblée générale du 28 juin 1900; dit n’y avoir lieu à allocation de dommages-intérêts eu égard aux fautes respectivement imputables à chacune des parties; condamne Fafournoux et consorts à l’amende de leur appel principal; ordonne la restitution de l’amende de l’appel incident consignée par le


groupe Ravisy et Laffay; infirme le jugement du 4 sept. la nomination de Navarre comme séquestre étant devenue sans objet; ordonne la restitution de l’amende consignée par Ravisi, Laffay et consorts; infirme le jugement du 18 sept. en ce qu’il a, contrairement aux prescriptions impératives de l’article 136 c. pr. civ., ordonné l’exécution provisoire, sous caution du jugement précédent, du 4 sept. 1901, frappé d’appel le lendemain 5 septembre; ordonne la restitution de l’amende consignée par le groupe Laffay, Laurendon : déclare les parties respectivement mal fondées dans le surplus de leur conclusions, les en déboute: condamne Fafournoux et consorts solidairement aux dépens faits sur les causes de première instance et d’appel aux chefs des décisions susénoncées.

Du 12 avr. 1902.-C. de Paris. 3e ch.-MM. Bert, pr.- Fournier subst.-Nouel et Dufraisse, av.

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