Cour d'appel de Paris, 20 juin 1969, n° 9999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 20 juin 1969, n° 9999
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 9999

Texte intégral

Cour d’appel de Paris, 5ème chambre, 20 juin 1969 Navire : Karuéka Cie de navigation fruitière c. Sté Hanig et Cie c. Cie de navigation fruitière

LA COUR,

Considérant que la Sté Hanig et Cie, société de courtage mari. time dont le siège est à Rome, est appelante du jugement du Tribunal de commerce de la Seine (7e chambre) du 2 mars 1967, qui l’a condamnée solidairement avec la Sté DI GE AL, à payer, avec intérêts de droit, à la Cie de navigation fruitière, la somme de 15 000 dollars, ou sa contre valeur en francs français au jour du paiement et en outre celle de 50 000 francs ;

Considérant que la Sté Hanig expose que, le 31 août 1964 la Sté DI GE AL, dont le siège est à Cagliari (Sardaigne), qui avait obtenu l’accord de l’organisme d’Etat italien Monopolio Banane pour l’importation de bananes d’Equateur en Italie, lui demanda de trouver un navire pouvant effectuer le transport d’une première cargaison de 2 000 tonnes à charger le 15 septembre à Guayaquil et Esmeraldas (Equateur) pour un port d’Italie ; qu’après s’être assurée de l’accord du Monopolio Banane, elle s’adressa alors entre autres à Auvray et Cie, courtier maritime à Paris, qui lui proposa le navire Karukéra, de la Cie de navigation fruitière, navire alors désarmé à Nantes ; que, le 2 septembre 1964, elle transmit à Auvray et Cie l’accord de DI GE AL pour l’affrètement au voyage du Karukéra, dans les conditions entre temps mises au point entre parties, d’une charte partie du type Gencon à signer par les armateurs et les affréteurs ; qu’ayant agi en qualité de courtier simple intermédiaire mettant en rapport les parties au contrat à conclure, et non comme mandataire de DI GE AL, elle n’a commis aucune imprudence, aucune négligence en cette qualité et ne peut être tenue pour responsable de la défaillance de DI GE AL, qui s’est ensuite refusé à exécuter le contrat d’affrètement, trompant ainsi aussi bien elle-même que le Monopolio Banane et les armateurs ; que ceux-ci ont toujours su que la Sté Hagin agissait comme courtier et non comme partie au contrat ; qu’il appartiendrait aux armateurs, pour obtenir sa condamnation, de prouver sa faute dans son devoir d’exacte information et de transmission diligente des offres reçues et sa mauvaise foi, ce qu’ils n’ont pas, ni offert de faire, la Sté Hanig proposant au contraire à la Cour une mesure d’instruction, à diligenter à Rouen, pour établir que l’obstacle à la conclusion et à l’exécution du contrat n’est pas né de son fait ni de celui du Monopolio Banane mais du seul fait personnel de la Sté DI GE AL, qui en doit seule répondre ; que la Sté Hanig sollicite donc sa mise hors de cause, ou subsidiairement, la désignation d’un mandataire de justice pour vérifier l’exactitude de ses dires auprès du Monopolio Banane ; que, plus subsidiairement, Sté Hanig fait valoir que le préjudice de la Cie de navigation fruitière a été considérablement surestimé par les premiers juges ; qu’en effet, les armateurs ne peuvent prétendre à des surestaries, qui ne sont dues qu’après expiration des jours de planche, alors que le navire n’a jamais chargé ni déchargé aucune marchandise ; que, de même, les armateurs n’ont droit à aucune somme pour le réarmement du navire, ces frais étrangers à tout contrat d’affrètement incombant à l’armateur seul ; que l’intimée ne pourrait donc tout au plus que se voir allouer les frais d’entretien du navire à Nantes du 2 au 4 septembre 1964 ;

Considérant que la Cie de navigation fruitière conclut à la confirmation du jugement avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an le 17 janvier 1969, date des conclusions à cette fin ; qu’en réplique aux conclusions de Sté Hanig, elle fait observer que celle-ci a confirmé à plusieurs reprises que l’affrètement était fermé et que les affréteurs avaient toutes les autorisations requises alors qu’il n’en était rien, faute du dépôt par DI GE AL de la caution exigée ; que cette


circonstance suffit à caractériser la faute professionnelle commise par la Société Hanig en qualité de courtier maritime, en l’espèce en outre mandataire des affréteurs ; que la Cie de navigation fruitière précise qu’elle ne soutient pas que la société Hanig serait tenue à l’exécution du contrat ni ducroire des affréteurs ; que sur le montant du préjudice, les surestaries prévues au contrat n’ont pas été demandées et été partiellement accordées en tant que telles, mais comme procédé forfaitaire d’évaluation du coût d’entretien du navire ; que leur montant comme celui du réarmement doit être confirmé ;

Sur quoi :

Considérant que les faits de la cause sont retracés par une trentaine de télex échangés du 31 août 1964 au 16 septembre suivant entre les parties et dont le résumé ci-dessus reproduit qu’en fait la Sté Hanig n’est pas l’objet de contestation ; qu’il ressort en outre, cependant, de l’examen de ces documents qu’au cours des discussions qui précédèrent l’accord ferme annoncé par la Sté Hanig le 2 septembre, à 19 h 31, celle-ci confirma à deux reprises que tout était en règle du côté du Monopolio Banane (télex du 1er septembre à 15 h 25 et du 2 septembre à 15 h 04) et qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir quant au sérieux des affréteurs (télex du 31 août à 18 h 01) dont elle était « sûre

» (télex du 2 septembre, 15 h 04) ; que de même Sté Hanig eut son attention attirée sur le fait que le Karukéra était désarmé à Nantes, l’accord ferme devait être obtenu le 2 septembre au plus tard pour permettre de réunir l’équipage et d’assurer l’arrivée du navire à Guayaquil entre le 15 et le 19 septembre, ces délais étant impératifs aux termes de la charte-partie envisagée (télex du 1er septembre à 16 h 55) ; qu’ainsi, munie par la Sté Hanig de toutes les assurances nécessaires sur la conclusion certaine du contrat d’affrètement dont toutes les modalités se trouvaient arrêtées, la Cie de navigation fruitière, à qui était annoncé par la Sté Hanig par télex du 2 septembre à 19 h 31 au courtier Auvray l’accord définitif et l’envoi de la charte-partie pour signature des armateurs, était fondée et même tenue de réarmer le Karukéra pour lui permettre de prendre la mer dans les 48 heures ; que, dans la matinée du 3 septembre, der télex furent échangés dans le cadre de l’accord réalisé, Auvray et Cie se chargeant d’établir et d’envoyer immédiatement la charte. partie à la signature des affréteurs ;

Considérant que, finalement, la Sté DI GE AL déclara les 3 et 4 septembre, à la Sté Haning, ne pouvoir signer la charte-partie par suite de retards dans l’accord du Monopolio Banane, puis dénia avoir donné à son représentant Petricca ayant traité avec Hanig pouvoir pour arrêter le navire ; que, selon les renseignements fournis par la Sté Hanig, en réalité DI GE AL aurait été dans l’incapacité de verser la caution demandée par le Monopolio Banane ; qu’il est en tout cas acquis aux débats que le Monopolio Banane n’accorda pas l’autorisation d’importation indispensable et que Sté DI GE AL refusa l’affrètement ;

Considérant qu’après avoir espéré une reprise de l’affaire par les exportateurs d’Equateur par l’entremise de la Sté Hanig, qui n’y réussit pas, les armateurs introduisirent contre la Sté DI GE AL et la Sté Hanig, pour obtenir le remboursement des frais qu’ils avaient exposés, la présente instance dans laquelle intervint le jugement déféré dont la Sté Hanig est seule appelante ;

Considérant que, de ce qui précède, il résulte en premier lieu que le contrat d’affrètement n’a jamais été conclu, la charte-partie, préparée par Auvray et Cie, signée par eux en qualité, spécialement conférée, de mandataire des armateurs, ne l’ayant jamais été par les affréteurs, ni d’ailleurs par quiconque pour eux ; que, s’agissant d’un contrat qui doit être constaté par écrit, il n’existe dans les pièces produites aucun document émanant de la Sté DI GE AL elle-même, pouvant constituer un


commencement de preuve par écrit, ni au surplus d’indices ou présomption qui pourraient le compléter, la Sté DI GE AL ayant, au contraire, révoqué toutes les offres transmises par la Sté Hanig et refusé d’y souscrire ;

Considérant que rien non plus ne permet d’attribuer à la Sté Hanig la qualité de mandataire de la Sté DI GE AL pour conclure et signer le contrat d’affrètement au nom de celle-ci, et encore moins pour le signer en son nom propre, contrairement à ce que paraissent avoir estimé les premiers juges ; que l’examen des télex établit clairement que Auvray et Cie, courtiers maritimes à Paris, ont correspondu avec la Sté Hanig, courtiers maritimes à Rome, en leur seule qualité commune de courtier, l’une et l’autre société sachant parfaitement que son correspondant n’avait pas qualité pour engager en aucune façon leurs clients, non pas d’ailleurs respectifs mais mutuels ; qu’ainsi la Sté Hanig ne peut être recherchée, ni pour l’inexécution du contrat d’affrètement par elle-même ou par la Sté DI GE AL, NI comme ducroire de celle-ci ;

Considérant qu’en revanche la Sté Hanig, en qualité de courtier maritime professionnel, avait pour mission de mettre en relation les parties, de les rapprocher pour une transmission exacte et rapide de leurs offres, du sérieux desquelles elle avait l’obligation de s’assurer de faciliter la négociation du contrat d’affrètement, de leur faire bénéficier de sa compétence professionnelle, et de sa connaissance du marché des usages et des règlements administratifs et commerciaux ; qu’elle est donc responsable de tout préjudice que, par sa faute, elle a causé dans l’exercice de cette activité pour laquelle, dans l’espèce avec Auvray et Cie, intervenant comme intermédiaire choisi ou accepté par les parties, elle était liée aux armateurs comme aux affréteurs par un contrat de prestations de services pouvant comporter également un mandat, mais de simple entremise et négociation et rémunérée par une commission qui devait lui revenir sur le fret convenu (art. 15 du projet de charte- partie) donc à la charge des armateurs ;

Considérant que si la bonne foi de la Sté Hanig n’est pas douteuse, il apparaît cependant même en tenant pour exacts tous les frais qu’elle avance et dont elle offre la preuve, que, garante des offres qu’elle transmettait à Auvray et Cie, sachant que l’annonce d’un accord ferme sur l’affrètement du navire exigeait immédiatement de la part des armateurs des débours importants pour leur permettre de tenir les engagements demandés, elle a agi avec imprudence et légèrement en faisant état d’un tel accord sans s’assurer au préalable de l’engagement définitif des affréteurs, alors que, du fait de ceux- ci, dont elle s’était dite « sûre », l’accord du Monopolio Banane donné pour acquit ne fut pas obtenu, ce qui rendait l’importation irréalisable ; qu’il lui appartenait, avant de transmettre l’offre, de s’assurer de sa réalité, soit en obtenant la signature de la charte-partie qui eût lié les affréteurs envers les armateurs, soit du moins en exigeant des engagements non équivoques, pleinement valables et écrits de la part de DI GE AL, société avec laquelle elle reconnaissait elle-même avoir eu précédemment des difficultés ; qu’au lieu de cela elle s’est contentée d’indications verbales, émanant d’un représentant de DI GE AL, dont les pouvoirs ont été ensuite contestés par cette société, et dont elle ne peut produire aucune pièce ;

Considérant qu’à raison de ces fautes contractuelles dans l’exécution de l’obligation de moyens qu’elle avait envers la Cie de navigation fruitière, la Sté Hanig doit réparation à celui-ci du préjudice qu’elle a subi, non pas du fait de l’inexécution d’un contrat d’affrètement qui n’a pas été conclu, mais du fait que, sur la foi d’informations inexactes, les armateurs ont réarmé le navire sans profit, mais sans avoir égard à la perte d’autres offres de fret puisque la Cie de navigation fruitière n’en allègue aucune ;



Considérant que le réarmement du Karukéra du 3 au 18 septembre 1964 a coûté à la Cie de navigation fruitière une somme de 108 757,17 F dont le détail n’est pas discuté et qui inclut les frais d’entretien du navire qualifiés « surestaries » par les premiers juges ; qu’il y a lieu de retenir cette somme, sinon en son entier, du moins pour la période allant jusqu’au 16 septembre 1964 et non pas seulement pour 2 jours comme le prétend la Sté Hanig ; qu’en effet les télex échangés entre le 4 et le 16 septembre entre les parties attestent qu’à la demande de la Sté Hanig d’abord, avec son accord ensuite, pour remplacer la Sté DI GE AL défaillante, les parties s’efforcerent de faire reprendre l’opération au compte des exportateurs équatoriens de bananes, puis de trouver un fret de remplacement, que c’est seulement le 16 septembre qu’il fut décidé de désarmer le navire ; qu’il est donc dû à la Cie de navigation fruitière (108 757,17 x 13)/15 soit 94 256,11 valeur en 1964, augmentée à titre de dommages-intérêts, des intérêts légaux depuis l’assignation, et de la capitalisation d’intérêts demandée ;

Par ces motifs, partiellement substitués à ceux des premiers juges ;

Reçoit l’appel de la Sté Hanig et Cie et statuant dans les limites de celui-ci ;

Confirme le jugement entrepris, mais l’émendant ;

Réduit à la somme de 94 256,11 F avec intérêts légaux depuis l’assignation capitalisés pour ceux échus depuis plus d’un an à compter du 17 janvier 1969, le montant des condamnations prononcées à titre de dommages-intérêts contre la Sté Hanig et Cie au profit de la Cie de navigation fruitière ;

Condamne la Sté Hanig et Cie aux dépens d’appel.

Prés. : M. X du Sorbier ; plaid. : Mes Govare, pour Cie de navigation fruitière, avocat.

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