Cour d'appel de Paris, 13 juillet 1977, n° 9999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 13 juill. 1977, n° 9999
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 9999

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS (1re Chambre)

13 juillet 1977

OEUVRE MUSICALE. — OEUVRE ÉTRANGÈRE. — PROTECTION EN FRANCE. –

DURÉE. — CONVENTION DE BERNE. — LOI DU PAYS D’ORIGINE.

OEUVRE : Suite España du compositeur espagnol Albeniz, publiée pour la première fois en Angleterre. – Héritier du compositeur, demandant l’application des prorogations de guerre instituées par le droit français au bénéfice des oeuvres littéraires et artistiques.

CONVENTION DE BERNE, Art. 7 : Durée de protection. – Pays de l’Union protégeant les oeuvres au-delà d’un délai de cinquante ans post mortem auctoris. – Disposition prévoyant que la durée de la protection ne peut excéder celle fixée par la loi du pays d’origine de l’oeuvre.

PROTECTION EN FRANCE : Traité franco-espagnol du 16 juin 1880. — Echange de notes diplomatiques du 21 juin 1957 accordant aux auteurs espagnols le bénéfice des prorogations instituées en 1919 et 1951. — Application (non).

Auteur ayant divulgué son oeuvre pour la première fois dans un pays étranger où celle-ci est dans le domaine public après l’expiration du délai de cinquante ans post mortem auctoris. — Impossibilité de se prévaloir en France de droits éteints dans le pays d’origine.

Rejet de la demande.

[…].

LA COUR,

Statuant sur l’appel relevé par dame Ciganer d’un jugement rendu le 17 mars 1976 par le Tribunal de Grande Instance de Paris (3• Chambre) (1) qui l’a déboutée de sa demande tendant au paiement, par la SACEM, des droits d’auteur sur l’oeuvre España du compositeur espagnol Albeniz dont elle est l’ayant droit, et ce pour la période s’étendant du 1er janvier 1964, date à laquelle les redevances ont cessé d’être payées, jusqu’au 1er octobre 1974, date d’expiration du délai de protection institué par la loi française ;

Considérant qu’au soutien de sa décision, le Tribunal a constaté que l’oeuvre avait été publiée pour la première fois en Angleterre où elle était tombée dans le domaine public en 1959, soit cinquante ans après le décès de l’auteur, la loi anglaise n’ayant pas, à la différence de la loi française, prorogé le délai pour cause de guerre ; qu’il en a déduit qu’en application des dispositions impératives de l’article 7 de la Convention d’Union pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 entre divers Etats dont la France et


l’Espagne, l’æuvre ne pouvait continuer à être protégée en France alors qu’elle ne l’était plus dans son pays d’origine ;

Considérant que dame Ciganer conclut à l’infirmation du jugement et à l’adjudication de ses demandes de première instance ; qu’elle soutient que la Convention de Berne fixerait seulement, en son article 7, le minimum de protection accordée aux auteurs et à leurs ayants-droit, en maintenant dans ses articles 19 et 20 l’application des lois internes et des accords internationaux plus favorables ; qu’elle fait observer que l’accord franco-espagnol du 16 juin 1880 sur la propriété littéraire et artistique accorde aux auteurs espagnols en France les mêmes droits qu’aux français et qu’un échange diplomatique de notes, du 21 juin 1957, a admis les auteurs espagnols au bénéfice des prorogations du délai de protection instituées par la loi française à la suite des guerres de 1914 et de 1939 ; qu’elle en déduit que la SACEM aurait dû lui payer des redevances sur l’oeuvre d’Albeniz jusqu’au 1er octobre 1974 (terme des 64 ans et 274 jours à compter du début de 1910, année qui a suivi la mort du compositeur) ; qu’elle précise que ces redevances seraient dues depuis le 1er janvier 1964, date à laquelle la SACEM a, en fait, cessé de payer ;

Considérant que la SACEM, sans reprendre deux moyens d’irrecevabilité qu’elle avait soulevés en première instance et que le tribunal avait rejetés, conclut à la confirmation « en toutes ses dispositions » du jugement déféré ; qu’invitée par la Cour à préciser le sens du dispositif de ses conclusions tendant à faire déclarer les demandes de dame Ciganer « irrecevables et en tout cas mal fondées », elle a précisé, par note de son avoué, qu’elle entendait effectivement abandonner en appel ses exceptions d’irrecevabilité et se borner à soutenir le mal fondé des prétentions de l’appelante, pour les motifs retenus par le tribunal ;

Considérant qu’aux termes de l’article 7 de la Convention d’Union (modifiée le 26 juin 1948) :

« La durée de la protection accordée par la présente convention comprend la vie de l’auteur et cinquante ans après sa mort.

« Toutefois, dans le cas où un ou plusieurs pays de l’Union accordera une durée supérieure à celle prévue à l’alinéa lor, la durée sera réglée par loi du pays où la protection sera réclamée, mais elle ne pourra excéder la fixée dans le pays d’origine de l’oeuvre » ;

Considérant que l’article 19 de la même convention précise : « Les dispositions de la présente convention n’empêchent pas de revendiquer l’application de dispositions plus larges qui seraient édictées par la législation d’un pays de l’Union en faveur des étrangers en général » ; que dans le même esprit, l’article 20 dispose : « Les gouvernements des pays de l’Union se réservent de prendre entre eux des arrangements particuliers en tant que ces arrangements confèreraient aux auteurs des droits plus étendus que ceux accordés par la convention. ou qu’ils renfermeraient d’autres stipulations, non contraires à la présente convention. Les dispositions des arrangements existants qui répondent aux conditions précitées restent applicables » ;

Considérant qu’il résulte de ces trois textes d’égale portée que les principes posés à l’article 7 peuvent être mis en échec par les lois internes ou les conventions particulières, dans la mesure où


celles-ci accordent aux auteurs des droits plus étendus dans leur objet ou leur durée ; qu’il convient à cet égard de noter que la condition posée à l’article 20, d’après laquelle les stipulations des accords particuliers doivent être « non contraires à la présente convention » ne s’applique pas à la première branche de l’alternative visant le cas où ces accords confèrent aux auteurs des droits « plus étendus » ;

Mais considérant que le traité franco-espagnol du 16 juin 1880, ainsi que l’échange de notes du 21 juin 1957 qui accorde aux personnes visées par le traité le bénéfice des prorogations de délai instituées en 1919 et 1951, ne dérogent pas à l’article 7 de la Convention de Berne ; que ces accords de réciprocité ont en effet pour seul but d’accorder en France aux auteurs espagnols et en Espagne aux auteurs français les mêmes droits que ceux accordés à leurs nationaux par chacun des deux pays;

Or considérant qu’un auteur qui a divulgué pour la première fois son cuvre dans un pays étranger où elle est tombée dans le domaine public par suite de l’expiration du délai de cinquante ans non prorogé dans ce pays, ne peut se prévaloir en France de droits qui sont éteints dans le pays d’origine, les prorogations de la loi française n’étant pas en ce cas applicables ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que la suite España a été publiée pour la première fois à Londres en 1890 et qu’elle est tombée dans le domaine public en Angleterre cinquante ans après le décès de l’auteur, c’est-à-dire en 1959 ; que dame Ciganer n’est donc pas fondée en sa demande tendant à obtenir le bénéfice des prorogations de la loi française ; que le jugement dont appel doit, dès lors, être confirmé.

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges, Confirme le jugement déféré ;

Condamne dame Ciganer aux dépens d’appel.

M. VASSOGNE, Premier Président. MM. Fusil et Sornay, Présidents de Chambre. Me LAMAZIÈRE, BUFFAT, FANET et CASTELAIN, Avocats.

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