Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 11 décembre 1996

  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Commercialisation de l'article litigieux·
  • Reproduction des caracteristiques·
  • Numero d'enregistrement 913 890·
  • Multiplicite des formes·
  • Concurrence déloyale·
  • Différences mineures·
  • Preuve non rapportée·
  • Élément inopérant·
  • Modèle de bruleur

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 11 déc. 1996
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 1997 628 III-159
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE COMMERCE D'AUXERRE du 7 NOVEMBRE 1994
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Classification internationale des dessins et modèles : CL23-03
Référence INPI : D19960254
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La SA Bureau d’Application Pratique BAP, sise à EPERNAY, qui est spécialisée depuis 1972 dans les techniques de protection des vignobles contre la gelée, a déposé à l’Institut National de la PropriétéIndustrielle le 21 juin 1991 sous le n 302268 un modèle de brûleur, lequel, enregistré sous le n 913890 et publié le 30 septembre 1991, est diffusésous la marque HALTOGEL. Fin 1991, cette société a appris que la SA ALABEURTHE et Fils, sise à CHABLIS, qui, dans le cadre de son activité de distribution de matériel agricole, avait commercialisé régulièrement ses produits dont la chaufferette susvisée, offrait à la vente des articles susceptibles de porter atteinte à ses droits sur ce modèle. Autorisée par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de Grande Instance d’AUXERRE en date du 2 décembre 1991, la société BAP a, le 17 décembre suivant fait pratiquer une saisie-contrefaçon au siège de la société ALABEURTHE et Fils puis a assigné celle-ci en contrefaçon de modèle et concurrence déloyale devant le Tribunal de Commerce d’AUXERRE. Par jugement contradictoire du 7novembre 1994, celui-ci aux motifs qu’il y avait lieu de déclarer nul le modèle déposé par la société BAP et qu’aucun préjudice distinct n’était invoqué au titre de la concurrence déloyale a débouté la société BAP de sa demande. Cette société a interjeté appel de cette décision le 16 janvier 1995. Aux termes de son recours, elle poursuit l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions aux fins de voir :

- juger que les brûleurs offerts à la vente par la société ALABEURTHE et fils constituent la contrefaçon du modèle par elle déposé,
- juger que la société ALABEURTHE et Fils s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale en fabriquant et en offrant à la vente des copies serviles du brûleur BAP,
- ordonner les habituelles mesures d’interdiction, de confiscation et de publication,
- condamner la société ALABEURTHE et Fils à lui verser une indemnitéà fixer après expertise et, par provision, une somme de 150.000 frs. La société ALABEURTHE et Fils conclut à la confirmation du jugement et sollicite en outre l’attribution d’une somme de 30.000 frs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

DECISION I – SUR LA VALIDITE DU MODELE Considérant que la société BAP invoque la protection qui aux termes des articles L.511.1 et suivantsdu Code de la Propriété Intellectuelle s’attacherait à un modèle de brûleur destiné à protéger les cultures contre les gelées qui, composé « dans son ensemble par une cheminée tronconique montée sur une embase en forme de gouttière retournée », le différencierait des appareils de même usage antérieurement connus. Que la société ALABEURTHE et Fils lui objecte que « les éléments constitutifs de la nouveauté de ce modèle sont inséparables de ceuxde l’invention, c’est-à-dire d’un moyen technique concourant à un résultatindustriel ». II – SUR L’EMBASE Considérant que l’intimée expose que celle-ci se compose d’une surface horizontale sur laquelle est fixée lacollerette permettant l’ajustement de la cheminée et de deux pieds légèrement inclinés de manière tronconique terminés par deux retours. Qu’ellesoutient que cette forme présente une extrême simplicité à la construction, une bonne adhérence sur le sol et permet par l’effet de la légère ouverture des pieds, l’empilage des embases pour le stockage. Qu’elle ajoute que de telles formes tronconiques sont divulguées depuis 1960 par les antériorités BRENNTAG ou GIVAC. Qu’elle en déduit que la société BAP ne peut revendiquer la forme de l’embase, « exclusivement imposée par des nécessités techniques et procurant nécessairement le résultat industriel recherché ». Considérant que la société BAP réplique que ladite forme résulte d’un choix arbitraire, l’assise sur le sol étant assurée non par celle-ci maispar les pieds et l’empilage de la pièce pouvant être obtenu « tout aussi bien avec une embase en croix, en tronc de cône ou toute autre forme pouvant procurer en outre une économie de matière et de coût de production ». Qu’il convient en effet d’observer que l’assise du brûleur BRENNTAG est assurée par un rebord circulaire placé au bas de la cheminée et que l’antériorité dite GIVAC n’est mentionnée que par une facture se référant au système P.90 ALGEL lequel comporte une cuve montée sur pieds prenant leur assise surla base de la cuve et s’incurvant vers le sol pour en élargir l’assise. Que le fait que la caractéristique tenant à la forme de l’embase de l’appelante soit différente des précédentes suffit à écarter l’argument selon lequel ladite forme serait imposée par des nécessités techniques.

III -SUR LA FORME DE CHEMINEE Considérant que la société BAP fait observerque le corps tronconique de celle-ci est entouré de cinq anneaux situés respectivement l’un à la base, un autre à l’ouverture supérieure, un troisième à une hauteur de l’ordre de trois douzièmes de la hauteur du tube, un anneau double étant en outre situé à une hauteur de l’axe du douzième de la hauteur totale. Qu’elle soutient que ces cinq anneaux « n’ont été mis quedans le but de donner à (la cheminé) un aspect d’objet ouvragé ». Considérant que l’appelante expose en outre que la forme de cheminée est également entourée par des alignements horizontaux de trous soit : une ligne de trous à la base de la cheminée, deux lignes de trous disposés en quinconce au-dessus du deuxième anneau et cinq lignes de trous disposés semblablement à partir d’une hauteur située environ au deuxième tiers de la hauteur totale du tube. Qu’elle fait valoir que « le nombre, la section, le contour et les emplacements des trous faits dans le conduit de la cheminée ont été choisis librement et seulement dans le souci de rendre plaisante la forme de l’objet ». Considérant que la société ALABEURTHE et Fils lui oppose que la forme tronconique de la cheminée facilite l’empilement, que les anneaux ont pour but d’assurer le cerclage de la cheminée et d’éviter toute déformation sous l’effet de la chaleur, sont usuellement utilisés sur des conduits de cheminée même domestiques et sont ainsi également imposés par des nécessités techniques. Qu’elle objecte que les trous prévus à la base dela cheminée ou de collerette permettent l’aspiration de l’air et favorisent la combustion et que ceux qui sont disposés sur le corps de la cheminée ont pour fonction de diffuser l’air chaud. Qu’elle invoque les antériorités MUNK, BRENNTAG, ALGEL 90 distribuée par la société GIVAC et THERMOGEL. Que cette dernière sera écartée comme dépourvue de date certaine, uneattestation de Joël D, gérant de la société DUCHESNE en date du 31 juillet 1996 révélant au demeurant qu’il avait reçu de la société ALABEURTHE et Fils une commande de fabrication de 5000 de ces cheminées qui avait donné lieu à l’émission de trois factures en dates des « 01/92 », 02/92« et »03/92" soit postérieurement au dépôt du modèle en cause. Mais considérant que la chaufferette décrite par le brevet MUNK n 72.1346 est caractérisée en ce qu’elle comprend un bac en forme de lessiveuse, muni de deux poignées surmonté d’un couvercle pourvu d’un orifice central auquel est raccordéeune cheminée engagée sur un embout solidaire du couvercle et coiffée d’un chapeau, constituée par un tuyau dans la partie supérieure duquel sont ménagées deux rangées de

crevés au dessus desquels sont disposés un certain nombre de trous régulièrement répartis (p. 2 1. 39 et 40 et p. 3 1. 1 à 7). Qu’il apparaît ainsi que la cheminée est de forme cylindrique et non pastronconique, que la répartition des trous est différente de celle du modèle BAP lequel, au surplus, n’est pas surmonté d’un chapeau. Considérantque le brûleur BRENNTAG présente au-dessus du rebord circulaire qui en constitue la base une rangée de huit larges trous puis, au-dessus de celle-ci,une succession de six rangées de trous de diamètre moindre disposés en quinconce, enfin en dessous du couronnement de la cheminée, une rangée de petits trous. Que ces formes et cet agencement lui confèrent un aspect d’ensemble différent du modèle invoqué. Considérant, de même, que le brûleur ALGEL type P.90 commercialisé par la société GIVAC se différencie duditmodèle en ce qu’il comporte une cuve surmontée d’une double collerette surlaquelle s’insère une cheminée coiffée d’une mitre, laquelle cheminée présente à sa partie inférieure une succession de quatre rangées de trous de ventilation exactement superposés et, en sa partie supérieure, une double rangées des mêmes trous. Que ces modèles qui ne présentent pas d’anneaux révèlent ainsi que la présence de ceux- ci n’est nullement nécessaire. Que, de même, à supposer que les orifices percés sur le conduit aient pour fonction de diffuser plus efficacement la chaleur, ladite fonction pourraitêtre accomplie par des ouvertures de forme et de disposition différentes. Qu’il résulte des différences existant entre ces modèles et le modèle BAP qu’il n’est pas établi que les caractéristiques de ce dernier soient inséparables du résultat industriel recherché. Que le jugement qui a annulé ledit modèle sera, en conséquence, réformé. IV – SUR LA CONTREFACON DU MODELE Considérant que la société ALABEURTHE et Fils fait valoir qu’en toute hypothèse, la société BAP ne rapporte pas la preuve des actes de contrefaçon qu’elle invoque. Qu’elle soutient que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 17 décembre 1991 n’établit aucun acte d’offre en vente ou de vente de brûleurs du type incriminé. Considérant que le procès-verbal et les photographies annexées révèlent la présence au jourdit dans le hall de la société ALABEURTHE et Fils de "brûleurs démontés, chaque brûleur comportant une embase avec un plateau horizontal et deux ailes latérales

constituant avec le plateau une embase trapézoïdale, des fûts tronconiques de révolution dont la petite base se trouve à la partie supérieure« . Que l’huissier précise : »le brûleur en deux parties constitué d’une part de l’embase précitée et d’un fût tronconique comprend une série d’orifices à la partie la plus basse et au niveau de l’embase, une rangée d’orifices disposés dans un même plan horizontal tandis que chaque fût tronconique de révolution présente en allant vers le haut un premier ensemble de deux rangées horizontales d’orifices en quinconce les uns par rapport aux autres et un autre ensemble de cinq rangées d’orifices horizontales en quinconce« . Que l’huissier ajoute qu’ayant constaté »la matérialité de cinqfûts et de deux embases« , il s’est vu déclarer par François ALABEURTHE Président Directeur Général de la société visée, que »deux brûleurs avec embase et fût (étaient) la propriété de ces établissements, le reste étant à desclients« . Que l’intimée précise devant la Cour que »les quelques chaufferettes présentant des trous circulaires dont la présence a été constatéepar l’huissier saisissant étaient, ainsi qu’il a été indiqué, en réparation« et soutient que »la détention de ces brûleurs usagés ne saurait en aucune manière constituer un acte de contrefaçon« . Qu’il convient en effet d’observer, au vu des dix photographies annexées au procès- verbal, que les trois brûleurs identique au modèle revendiqué ont manifestement déjà servi et qu’il n’est pas anormal de les retrouver au siège de la société ALABEURTHE et Fils qui, selon la société BAP elle-même a distribué les produits de celle-ci dont les chaufferettes litigieuses du 21 mai 1985 au 13 mai 1991. Considérant, en revanche, que François ALABEURTHE n’a pas contesté queles deux autres brûleurs étaient la propriété de sa société. Que celle-ci dans ses conclusions du 9 octobre 1985 ajoute que ces appareils »avaient été réalisés à titre expérimental et qu’ils comportaient d’ailleurs des fûts à orifices carrés« . Qu’elle allègue que »la fabrication en atelier de ces deux brûleurs… en vue des essais qu’elle pratiquait, ne saurait en aucun cas constituer un acte de contrefaçon« . Mais considérant qu’il y a lieu de lui opposer qu’il y a contrefaçon à reproduire sans autorisation un modèle protégé par la loi et qu’en l’espèce, les deux appareils décrits par le procès-verbal de saisie-contrefaçon reprennent exactement les caractéristiques des brûleurs BAP, à savoir »une embase avec un plateau horizontal et deux ailes latérales constituant avec le plateau une embase trapézoïdale", un fût tronconique dont la petite base se trouve à la partie supérieure et une disposition particulière des trous d’aération et des anneaux. Que le fait que ces orifices soient de forme carrée et non ronde n’estpas de nature à écarter le grief invoqué, la contrefaçon d’un modèle qui concerne la reproduction d’une

forme esthétique n’exigeant pas la prise en compte des différences de finition mais, au contraire, des ressemblances d’ensemble lesquelles sont, dans le présent cas, évidentes. V – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Considérant que la société BAP fait valoir que la société ALABEURTHE et Fils « s’est tout d’abord constituée une clientèle pourles brûleurs BAP dont elle était le revendeur (et) a, ensuite commis une faute civile en faisant réaliser une copie imitant sans nécessité les caractéristiques de forme et de construction du produit BAP qu’elle revendait, dans le but de faire passer cette copie à la place du produit d’origine à cette clientèle et de profiter de la notoriété des produits BAP ». Qu’ellesoutient ainsi que « la vente de copies quasi-serviles, par un ancien revendeur de chaufferette BAP constitue une faute indépendante du grief de contrefaçon lui-même ». Mais considérant qu’en tout état de cause elle ne rapporte aucun élément d’information tendant à contredire la déclaration de l’intimée à l’huissier selon laquelle aucune vente des brûleurs litigieux n’aurait été effectuée à la date de la saisie-contrefaçon, les bons de commande visés par l’huissier ne permettant pas en effet d’établir qu’ils aient effectivement concerné le brûleur contrefaisant dans la mesure où le procès-verbal se borne à indiquer : « ce sont là les seuls documents qui existent aux Etablissements ALABEURTHE relatifs à des brûleurs » lesdits documents n’étant au demeurant pas produits aux débats. VI – SUR LES DEMANDES DE LASOCIETE BAP Considérant que la Cour dispose d’éléments d’appréciationsuffisants pour évaluer la réparation du préjudice subi par l’appelante dufait de la contrefaçon de modèle à la somme de 50.000 frs. Qu’il serafait droit aux demandes complémentaires dans les conditions qui seront précisées au dispositif. VII – SUR LES FRAIS NON TAXABLES Considérant que la société ALABEURTHE et fils qui succombe, sera déboutée de la demande par elle fondée sur les dispositions de l’article 700 du nouveau Code deProcédure Civile. PAR CES MOTIFS Confirme le jugement entrepris en ce qu’il débouté la société BAP de sa demande en concurrence déloyale, La réforme pour le surplus et, statuant à nouveau,

Dit la demande en contrefaçon du modèle de la société BAP recevable et bien fondée, Condamne la Société ALABEURTHE et Fils à payer à la Société BAP une somme deCINQUANTE MILLE FRANCS (50.000 frs) à titre de dommages et intérêts, Fait défense à la Société ALABEURTHE et Fils de fabriquer, faire fabriquer,offrir à la vente, vendre ou louer les brûleurs contrefaisants, Ordonne la confiscation desdits brûleurs et leur remise à la société BAP aux fins de destruction, Autorise la publication du dispositif du présent arrêt dans trois périodiques, au choix de la société BAP et aux frais de la société ALABEURTHE et Fils dans la limite d’un coût de 25.000 frs HT par insertion, Rejette toute autre demandes, Condamne la société ALABEURTHE et fils aux dépens de première instance et d’appel, Admet Me Bruno N, avoué, au bénéfice de l’article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.

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