Cour d'appel de Paris, 18 janvier 1996, n° 9999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 18 janv. 1996, n° 9999
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 9999

Sur les parties

Texte intégral

Cour d’appel de Paris, 18ème chambre civile, 18 janvier 1996, H Z c/ SARL Sibel

La Cour

Statuant sur l’appel interjeté par H Z d’une ordonnance rendue le 28 juillet 1995 par la formation de référé du Conseil de prud’hommes de Paris qui a dit qu’il n’y avait pas lieu à référé sur sa demande contre la S.A.R.L. Sibel « Sports et Jeux ».

Vu les art. R. 516-31 et L. 122-46 C. trav.,

Considérant que l’art. R. 516-31 C. trav. permet au juge des référés prud’homaux, en présence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite, de prendre des mesures conservatoires ou de remise en état, même s’il existe en la cause une contestation sérieuse, et permet en outre d’accorder une provision sur les droits non sérieusement contestables qui découlent des mesures prises ; que le juge des référés doit faire les recherches nécessaires au travers des éléments débattus, et des pièces contradictoirement produites, et ne pas se contenter de poser les termes du litige et renvoyer l’affaire au procureur de la République pour enquête et saisine éventuelle du juge pénal, au motif qu’elle repose sur des faits de nature pénale ; qu’au-delà du refus de juger, cette manière de procéder risque de priver la victime du choix qu’elle peut faire entre le juge civil compétent, et une constitution de partie civile devant le juge pénal d’instruction ou de jugement; qu’en l’état aucune procédure pénale de jugement ou d’instruction sur les faits de harcèlement sexuel dont se serait rendu coupable M Y, n’est ouverte à la connaissance des parties ou de la Cour; qu’en outre, le juge des référés peut toujours prendre en faveur de la victime les mesures nécessaires qui s’imposent au vu des éléments ou des faits non sérieusement contestés, et ce conformément à l’art. 5-1 C. pr. pén.; que la constitution de partie civile faite contre X devant le doyen des juges d’instruction par la S.A.R.L. Sibel ne s’est pas en l’état concrétisée, au vu des pièces produites, par le paiement que la loi prévoit pour rendre recevable un tel acte; qu’en outre les faits allégués par le gérant de la S.A.R.L. Sibel ne visent, par effet indirect, qu’à contester les faits de harcèlement sexuel dénoncés par la salariée ; qu’ils n’empêchent aucunement, quant bien même ils seraient établis, d’examiner la réalité, ou du moins la vraisemblance probante, des faits de harcèlement sexuel dénoncés;

Considérant, en outre, qu’aucune décision de rejet explicite et motivée des prétentions qu’aurait souhaité faire valoir H Z devant le bureau de conciliation, n’a été prise ; qu’aucun débat n’a eu lieu devant le bureau de conciliation sur les demandes d’H Z; que l’appel de la décision de référé est antérieure ; que ce recours, prévu par la loi, ne saurait être analysé dans de telles conditions comme contrevenant indirectement à l’impossibilité de former un appel aux fins d’infirmation, qu’édicte l’art. R. 516-19 C. trav. ; que la procédure prud’homale ne comporte aucun juge ayant un réel pouvoir de mise en état ; qu’aucun conseiller-rapporteur n’a été nommé par le bureau de conciliation, alors que les faits dénoncés comme étant à l’origine de la rupture auraient pu mériter que des investigations soient entreprises par cette voie ; que l’appel de la décision disant n’y avoir lieu à référé, est recevable en la forme ; que les demandes formulées dans ce cadre, sont également recevables devant la Cour, nonobstant la procédure au fond engagée ;

Considérant que l’art. L. 122-46 C. trav. a été institué par la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992, en suite de la recommandation communautaire C.E.E. no 92/131 du 27 novembre 1991 qui a été publiée au J.O.C.E. en date du 4 février 1992 ; que la France est signataire du traité ayant créé l’entité multi étatique devenue depuis l’Union européenne; que la disposition de droit interne en


cause doit être interprétée par le juge national français comme devant répondre aux principes juridiques fondamentaux que l’Union européenne a recommandé d’introduire dans les législations internes des états membres ; qu’aux termes de cet art. L. 122-46, aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement d’un employeur, de son représentant ou de toute personne qui, abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce salarié dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers ; qu’au-delà du coït, il convient d’entendre par « faveurs de nature sexuelle », tout acte de nature sexuelle, et notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d’ordre sexuel, voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel ; que l’expression « agissements de harcèlement » peut englober dans ce contexte, outre les contacts physiques imposés, les propos dont l’objet est de provoquer sexuellement le salarié pour qu’il soit enclin à accorder des faveurs de nature sexuelle ; que peuvent également recevoir cette qualification, les dénigrements professionnels, voire sexuels, ainsi que menaces, invectives, et injures de toutes sortes proférées en cas de refus d’accorder des faveurs de nature sexuelle, notamment lorsque ces menaces, invectives, et injures ont elles-mêmes dans ce contexte une connotation sexuelle directe ou indirecte;

Considérant que par lettre recommandée avec avis de réception du 13 juin 1995 postée le jour- même à 19 h au bureau Paris Sambre et Meuse (10%), H Z a écrit au gérant de la S.A.R.L. Sibel en ces termes : « Ce jour le 13 juin 1995 vous m’avez traitée de voleuse, prostituée et de pouffiasse. Je ne supporte plus, ni vos injures, ni vos gestes déplacés. C’est la raison pour laquelle, j’ai quitté mon travail à 16 h. J’ai averti l’inspection du travail et ai déposé une mainlevée (courante) au commissariat de Police. J’estime que le fait d’avoir quitté mon travail dans ces conditions ne constitue pas une faute. Je reprendrai donc mon travail le mercredi 14 juin à l’heure habituelle et vous rappelle que le harcèlement sexuel, insultes, injures sont des délits punis par la loi, que je ne manquerai pas de faire appliquer si vous continuez dans cette voie » ; que par lettre également datée du 13 juin 1995, postée le 14 juin 1995 à 17 h au bureau de Paris Jaurès (19), H Z, d’une écriture plus posée, écrit à nouveau au gérant de la S.A.R.L. Sibel en ces termes : « Par la présente, je vous confirme que j’ai été embauchée chez vous en tant que vendeuse comme le spécifie ma feuille de paie et mon contrat. Il en résulte qu’en aucun cas, je ne devrai faire en plus le travail d’étalagiste, de secrétaire ou de comptable. D’autre part, à maintes reprises, je vous ai demandé d’arrêter d’avoir des gestes familiers, déplacés envers moi, et de plus de ne pas amener votre chien gigantesque, qui dès que je repousse vos avances grogne et me fait peur; en conséquence, si vos agissements inconvenants, vos insultes, Vos injures continuent, je serai contrainte de quitter mon emploi sur le champ, sans préavis et d’en avertir l’inspecteur du travail pour qu’il vous condamne pour harcèlement sexuel, insulte envers son employé, et préjudice moral

» ; que par lettre recommandée avec avis de réception, en date du 14 juin 1995, et postée le même jour à 18 h au bureau de Paris Buttes Chaumont (199), lettre non retirée par H Z qui en était la destinataire, M Y a avisé cette dernière d’avoir à être présente de 14 h à 19 h du mardi au samedi, et lui a reproché d’avoir quitté son poste le mardi 13 juin 1995 à 15 h sans autorisation ; qu’il qualifie ce fait de faute grave qu’il convient de ne pas renouveler sous peine de sanction ; qu’aucune mention relative à un vol n’est faite dans cette lettre;

Considérant qu’H Z verse une attestation d’un contrôleur du travail d’où il résulte qu’elle était dans le bureau de ce fonctionnaire de 15 h à 17 h le 15 juin 1995; que par lettre du même jour, H Z explique à ce fonctionnaire qu’elle doit reprendre son travail, car elle n’a pas assez d’ancienneté pour pouvoir toucher les allocations versées par I’ASSEDIC, et que son mari qui est également au chômage ne perçoit plus rien de l’organisme compétent ; qu’elle indique


vouloir poursuivre son employeur devant la juridiction prud’homale, et signale que le gérant commet des attouchements, non seulement sur elle, mais également sur une stagiaire scolaire mineure;

Considérant que le même jour le médecin traitant d’H Z l’a placée en arrêt maladie jusqu’au 20 juin 1995 ; que cet arrêt a été prolongé au 28 juin 1995;

Considérant que par lettre recommandée avec avis de réception du 16 juin 1995 postée à 18 h (Buttes Chaumont), et qui est parvenue à la salariée (cf. lettre de la salariée du 28.06.95), M Y, és qualités de gérant, rappelle à l’intéressée qu’elle a quitté son poste sans autorisation le 13 juin 1995, que ce fait lui a été reproché dans un courrier du 14 juin 1995; qu’elle n’était pas présente davantage le 15 juin 1995; qu’en son absence, un groupe de jeunes en a profité pour dérober de la marchandise; que sa présence aurait évité ce fait délictueux ; que la lettre se termine en mettant l’accent sur un besoin de surveillance beaucoup plus soutenu ; qu’aucun fait de vol n’est reproché à la salariée dans cette lettre comme étant son fait;

Considérant que par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juin 1995, répondant à la lettre précédente, H Z rappelle qu’elle avait une « bonne raison » de quitter son travail le 13 juin à 16 h, et qu’elle était en arrêt maladie à compter du 15 juin 1995; qu’elle poursuit ainsi : « J’ai l’honneur de vous informer qu’à compter du 29 juin 1995, j’estime que mon contrat de travail est rompu, de votre fait et que je ne suis en aucun cas démissionnaire, mais qu’il est impossible de poursuivre un travail dans les conditions qui me sont faites à savoir : 1) position de vos mains sur les parties de mon corps : fesses, jambes, cuisses, poitrine, bras, taille, etc.; 2) insister pour vouloir m’embrasser sur la joue et plus… ; 3) me coincer en réserve, afin de me toucher en abusant des réactions de votre chien, sachant que j’ai très peur de votre chien (dogue allemand); 4) de m’avoir traitée de : avoir couché avec votre comptable « M. X » dont i’ai fait la connaissance professionnelle de 2 h; avoir couché avec les vendeurs de la brocante; traitée de prostituée, pouffiasse, menteuse, voleuse, etc.; 5) d’avoir dissimulé un jogging complet au (illisible) afin d’accuser les vendeuses ou la stagiaire ; 6) d’avoir insulté mes collègues, « peloté » mes collègues, et j’en passe… En conséquence et vue la gravité des faits, je n’effectuerai pas de préavis et j’attends mon solde de tout compte à savoir : lettre de licenciement, solde des congés payés, préavis de un mois (code L. 122-6 C. trav.), attestation pour la caisse ASSEDIC, journée de la brocante du dimanche 11 juin de 11h à 18 h sans interruption, journée payable à 100 % + 1 journée récupération art. L. 221-19 C. tray len clus que dû à tous ces faits, cela a perturbé mon état me et physique qui m’a conduit à prendre 15 jours d’arrêt, et toujours pas remise à ce jour »;

Considérant que par lettre du 30 juin 1995 postée au bureau de la rue des Pyrénées (20%) le jour même, l’employeur accusant réception de la lettre précédente de la salariée, indica à celle-ci qu’il considère sa décision comme une démission mais la convoque cependant à un entretien préalable pour la 11 juillet 1995 à 14 h lui précisant qu’elle peut se faire accompagner d’un salarié de la société, mais omettant qu’elle peut aussi être assistée d’un conseiller du salarié pris sur la liste préfectorale;

Considérant que l’autre salariée, I D, a adressé le 30 juin 1995, une lettre de démission indiquant qu’elle avait trouvé un emploi plus intéressant; qu’elle a précisé laisser un préavis de 15 jours à son employeur; que par lettre du 7 juillet 1995, la même salariée, sur du papier à entête du magasin « Sports et Jeux », ce qui donne à penser que le document a été établi dans le magasin pendant les heures de travail, écrit: « Je soussigné D I, (déclare) avoir entendu Mme



Z H appelé M. Y pour lui montrer qu’elle n’avait pas transpiré, après avoir mis un « sudisette », elle a écarté la ceinture de sa jupe qui était en élastique, elle a demandé avec insistance à M. Y de toucher son ventre, pour lui prouver qu’elle n’avait pas transpiré. M. Y s’est approché d’elle, il a touché son ventre, en effet elle n’avait pas transpiré, fait ce jour le 31 (un espace) 1995 » ; que la même a écrit sur un papier à en-tête qu’elle a signé : « Je soussigné D I, entre la période du 1er avril 1995, pour de la constitution de nos cahiers de stock et le 14 juin 1995 et selon le journal de vente nous avons effectué que la vente d’un teeshirt Lacoste à 560 F blanc et les 3 autres ont disparu » ; que la même écrit le même jour sur un troisième papier à en-tête non signé : « Je découvre de jour en jour des trous dans mon stock et notamment dans les polos Lacoste 8 ans, alors que toutes les autres tailles nous en avons des quantités » ;

Considérant que le compte rendu d’entretien préalable rédigé par J K, habilité par arrêté préfectoral en qualité de conseiller du salarié, rapporte ceci : « Lorsque nous sommes arrivés à 14 h, M. Y a été surpris de voir que Mme Z était accompagné d’un conseiller… Je me suis donc présenté et il m’a aussitôt dit que je ne l’impressionnais pas ??… M. Y a commencé à fournir ses explications en disant qu’il voulait faire un licenciement économique. Puis il a ensuite tenu des propos incohérents en parlant de vol de teeshirts qui se sont transformés en jogging. Il a invoqué Dieu à plusieurs reprises et m’a accusé 2 fois de lui faire rater des ventes. Lorsque je lui ai demandé ce qu’il avait à dire concernant le harcèlement sexuel dont l’accuse Mme Z (…), il m’a répondu que « toucher les cuisses d’une personne, çà voulait dire que l’on était bien avec elle ». Mme Z a nie les accusations de vol pour lesquelles il n’a d’ailleurs pu fournir la moindre preuve. Il a seulement montré un classeur qui reprend des chiffres qu’il a été incapable d’expliquer clairement. Elle a maintenu ses accusations de harcèlement sexuel contre lesquelles il est resté muet. Elle lui a enfin demandé de lui remplir un imprimé dont elle a besoin pour la Sécurité sociale. Il a dit qu’il ne pouvait le remplir, n’ayant plus ses bulletins de paie et que tout se réglerait avec son avocat le jour du référé auquel il est convoqué » ;

Considérant que dans une attestation manuscrite, en date du 13 juillet 1995, I D indique ceci : « Je me porte témoin des attouchements envers ma personne, ainsi que les injures, les insultes, les propos « racial » ainsi que les attouchements sur Mlle A qui était stagiaire non rémunérée. Je me porte témoin sur les insultes, injures graves envers Mme Z, ainsi que les attouchements fréquents et les tentatives de coincer Mme Z, afin de l’embrasser ou de la toucher en présence de son chien qui plusieurs fois a essayé de la mordre. Afin de défendre son maître, lorsque Mme Z le repoussait. Je tiens aussi à préciser que M. B m’a obligé d’écrire une lettre, mais en aucun cas Mme Z n’avait montré sa culotte et son ventre. Pour le vol, il cache la marchandise, afin d’accuser Mme Z ou moi-même, il ne note pas la marchandise vendue depuis le départ de Mme Z »;

Considérant que L A, âgée de moins de 16 ans lors des faits, atteste avoir fait un stage scolaire au sein de la S.A.R.L. Sibel « Sports et Jeux » du 29 mai au 18 juin 1995: qu’elle indique ceci : « J’ai commencé à travailler le lundi 29 mai à 9 h 30 et jusqu’à 19 h, ma première semaine avec M. Y a été plus ou moins correcte. Le lundi de la deuxième, il a plusieurs fois mis ses mains sur mes fesses et à ma taille, je l’ai remis à sa place, mais il était en colère que je ne me laisse pas faire, sur ce il m’a insulté (pouffiasse, ta gueule, retourne dans ton pays, sale noire). Le mardi matin, il m’explique comment ranger les patins à roulettes, j’ai pas très bien compris, et les ai mal rangés. Sur ce, par colère, il m’envoie une paire de patins sur moi; le jour de la brocante, vendredi, samedi, dimanche 11 juin, il m’a fait venir à 8 h 30 ce qui est interdit dans la fiche horaire du stage. Le samedi à 8 h jusqu’à 20 h et le dimanche à 9 h, j’ai attendu jusqu’à 10 h; les boutiques d’à côté


sont témoins de ma présence, donc je suis repartie chez moi; le mardi 16 juin, il m’a insulté (traité d’incapable, retourne dans ton pays, connasse) (il m’a renvoyée parce que je n’était pas venue dimanche). Pendant la durée de mon stage, j’ai été témoin le jour où il lui a dit qu’elle avait couché avec M. C (le comptable). Ce même jour, il l’a traitée de voleuse et de menteuse. Il a dissimulé un jogging afin de l’accuser de voleuse, mais moi-même et Mme Z avons retrouvé ce fameux jogging Fila. Je tiens à préciser que je faisais plus qu’une femme de ménage et qu’il m’obligeait à ramasser le vomi et les excréments du chien, qui à plusieurs reprises a sauté et montré les crocs sur moi-même et sur Mme Z lorsque M. Y levait la voix contre nous : plusieurs fois par jour Mme Z lui disait d’enlever ses mains baladeuses et de les mettre dans ses poches. J’ai déposé une main courante au commissariat avec Mlle D. Je ne referai plus de stage où l’employeur est un homme, car j’ai eu trop peur et à la fois un choc, car je pensais que travailler dans une entreprise, il y avait plus de respect et de correction envers les employés»;

Considérant que toute personne a le droit absolu que l’on respecte son corps, et que l’on ne tente pas de lui imposer par la force ou par la contrainte hiérarchique ou psychologique, des contacts physiques pouvant lui apparaître comme étant de nature sexuelle, et surtout qu’elle ne désire pas;

Considérant que tout salarié, quel que soit son sexe, a le droit absolu, dans le cadre des relations contractuelles de travail, que nul, a fortiori son supérieur hiérarchique, ne lui tienne pas des propos pouvant lui apparaître comme étant destinés à l’inciter à se laisser faire, et a en outre le droit absolu que les mêmes ne l’injurient pas en la traitant de « putain », de « pouffiasse », ou autres qualificatifs grossiers, sous-entendant qu’elle est susceptible d’accorder, éventuellement contre rémunération, des faveurs de nature sexuelle à n’importe qui;

Considérant qu’il s’évince des productions que les faits de vols, d’abus de confiance et de malversation dans des écritures privées, n’ont pas été dénoncés dans les courriers adressés par l’employeur à sa salariée, en date des 14 juin et 16 juin 1995; que les faits délictueux relatés dans les correspondances ultérieures de l’employeur ne sont pas objectivement les mêmes que ceux aujourd’hui dénoncés en justice, qu’inversement, il s’évince des mêmes productions qu’H Z a constamment dénoncé depuis sa première lettre en date du 13 juin 1995. le comportement de son employeur ; que la dénonciation d’agissements de harcèlement sexuel est donc à l’évidence antérieure aux accusations actuelles de l’employeur ; que dès lors, il n’apparaît pas que la dénonciation de faits de harcèlement sexuel ait pu être motivée par le souci de se défendre contre des accusations de vols, d’abus de confiance, et de malversation dans les écritures privées ; que l’état d’esprit du gérant concernant ses « droits » en tout genre sur ses collaboratrices féminines est précisé par la relation que le conseiller de la salariée fait de l’entretien préalable, et notamment pour ce qui concerne le litige par la phrase rapportée comme une réponse de l’employeur aux accusations de la salariée, à savoir : « Toucher les cuisses d’une personne, cela voulait dire que l’on était bien avec elle » : qu’il est évident qu’un tel propos, tenu lors d’un entretien préalable en présence d’un tiers à l’entreprise, dénote chez son auteur un état d’esprit qui, à tout le moins, n’est pas de mise dans le cadre des relations de travail; que l’on peut encore constater, au vu de l’attestation du conseiller de la salariée, que l’entretien préalable n’avait pas été préparé comme aurait do l’être un entretien de cette portée ; que l’on peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé M Y à faire établir une attestation d’où il ressortirait qu’H Z lui aurait demandé de toucher son bas ventre après avoir écarté la ceinture élastique de sa jupe, ce qu’il aurait fait, semble-t-il selon cet écrit, sans hésiter le moins du monde malgré la quasi-cécité alléguée ; que la production d’un document ayant cette teneur n’est en aucun cas de nature à contredire sérieusement que M Y, malgré son âge et ses difficultés prétendues pour voir, ait pu être obsédé par l’idée qu’il pouvait obtenir, en sa


qualité d’employeur, de gré ou de force, de chacune des personnes composant son entourage professionnel féminin des faveurs de nature sexuelle ; qu’il importe peu en de telles circonstances que les contacts physiques imposés puissent être qualifiés d’agissements de harcèlement, ou de faveurs de nature sexuelle que l’on tente d’obtenir; qu’au-delà, il apparaît clairement au vu des productions que M Y utilisait des insultes, injures et menaces dès que les salariées ou la stagiaire mineure le repoussaient; qu’en ce cas, il se permettait aussi de les dénigrer professionnellement, de les accuser de vols, et d’avoir eu des relations de nature sexuelle avec autrui ; qu’il leur faisait même faire des tâches qui ne correspondaient guère à ce que prévoyaient contrats et conventions ; que la concordance, sans qu’il y ait similitude dans les formulations, entre les explications d’H Z sur les faits reprochés, et les attestations de l’autre salariée et de la stagiaire scolaire, montrent que M Y a manifestement tenté plusieurs fois d’obtenir de ses vendeuses et de la stagiaire mineure les faveurs déjà décrites que celles-ci se refusaient à lui accorder; que les détails rapportés par L A qui n’avait pas 16 ans au moment des faits, montrent que M Y abusait manifestement de sa qualité de gérant ; que la lettre du 16 juin 1995, montre que le vol était un argument fréquemment employé pour faire fléchir les salariés ; que l’on peut en effet s’étonner en lisant cette lettre que le reproche concernant ces vois soit fait à H Z, alors que I D et L A se trouvaient encore dans le commerce en situation, pour l’une d’emploi, pour l’autre de stage, et qu’elles pouvaient aussi surveiller; qu’il n’est pas sérieusement contestable que M Y insultait ses salariés par l’emploi de mots grossiers ou d’injures mettant en cause leur honneur de femme ou de jeune fille ; qu’il utilisait de surcroît la présence de son chien, lequel, d’une taille non négligeable, pouvait se montrer agressif envers les salariées ou la stagiaire et vouloir mordre dès que son maître élevait la voix, que tous ces faits n’ont pas été contestés sérieusement au moment de l’entretien préalable, que les dénégations ou explications postérieures à cet entretien ne viennent pas contredire que M Y pensait avoir des « droits » sur la personne même de ses salariés; que les éléments et pièces versés par l’employeur paraissent davantage nier la qualification des faits que leur réalité : que les attestations de I D, peuvent certes paraître contradictoires, que toutefois, il doit être observé que cette dernière avait le souci financier de terminer sans trop d’encombre le préavis qu’elle s’était engagée à effectuer lors de sa démission; que les deux salariées et la stagiaire scolaire ont déposé plainte auprès du commissariat local : que les faits dénoncés ont été notés sur la main courante par les fonctionnaires de Police ; que le Parquet a diligenté une enquête à partir des faits signalés par les premiers juges, ainsi qu’il ressort du soit-transmis annexé au dossier; que la vraisemblance des agissements sexuels est donc telle en l’espèce, surtout au vu des écrits contemporains, que ces faits peuvent être considérés dans un référé prud’homal comme non sérieusement contestables; que le juge des référés, dans de telles circonstances, a le pouvoir, sur le fondement de l’art. R. 516-31 C. trav., de dire que la rupture intervenue à l’initiative d’H Z repose manifestement sur des faits que l’art. L. 122-46 C. trav. prohibe totalement dans les relations professionnelles de travail, et qui sont imputables au gérant de la SARL Sibel ; qu’hors la mise à la retraite, une rupture du fait de l’employeur est toujours un licenciement; qu’H Z a toujours indiqué qu’elle n’était pas démissionnaire, mais que les conditions de travail qui lui étaient imposées, ne lui permettaient plus de poursuivre l’exécution de son contrat de travail ; que la rupture dont la salariée a pris l’initiative, mais qui apparaît à l’évidence être un licenciement fondé sur un refus, de surcroît réitéré dans un climat de harcèlement, d’accorder des faveurs de nature sexuelle, doit être considérée en référé, comme de nul effet par simple application de l’art. L. 122-46 précité;

Considérant qu’H Z ne demande pas sa réintégration ; que peut se poser la question de savoir ce qu’il convient de décider quant aux dommages-intérêts pour un contrat qui, nonobstant les prescriptions de l’art. L. 122-46 précité, ne pouvait pas être rompu par l’employeur avant six mois


d’effet ; que l’art. 15 de la convention collective nationale applicable permet d’allouer un préavis de 15 jours aux salariés n’ayant pas six mois d’ancienneté, qu’il sera donc accordé à H Z une provision, tous les chefs de demande réunis, à hauteur de 40 000 F en net à valoir sur les sommes qui seront allouées par les juges du fond ; que cette somme nette tient compte de celles versées lors de l’audience devant les premiers juges ; que cette somme portera intérêts provisoires du jour de l’arrêt ;

Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la salariée la totalité des frais irrépétibles qu’elle a exposés ; qu’il convient de condamner l’employeur à lui verser 6 000 F sur le fondement de l’art. 700 nouv. C. pr. civ. ; que la demande de l’employeur est irrecevable, en ce qu’il succombe; Par ces motifs, – Infirme l’ordonnance déférée ; et statuant à nouveau, constate que la rupture du contrat de travail qui liait H Z à la SARL Sibel « Sports et Jeux », apparaît à l’évidence être un licenciement de nul effet ; constate qu’H Z ne demande pas à être réintégrée au sein de la SARL Sibel « Sports et Jeux » ; ordonne à la S.A.R.L. Sibel « Sports et Jeux

» de verser à H Z, à titre de provision, la somme nette de 40 000 F, tous les chefs de demande réunis, à valoir sur les sommes qui seront allouées par les juges du fond, cette somme devant porter intérêts à compter du présent arrêt; ordonne à l’employeur de délivrer: une attestation provisoire pour l’ASSEDIC compétente faisant état d’une rupture du fait de l’employeur au 29 juin 1995, mentionnant une rémunération versée jusqu’à cette date, et indiquant un préavis payé d’un mois à compter de cette date, un certificat de travail provisoire conforme au présent arrêt, et mentionnant une fin de contrat au 29 juillet 1995 pour tenir compte du préavis non effectué du fait de l’employeur; dit que ces documents devront être délivrés à la salariée, sans que celle-ci soit obligée de venir les chercher sur les lieux du travail ou au siège de la S.A.R.L. Sibel, sous astreinte de 500 F par jour à compter du 15 jour de la notification à l’employeur ; dit qu’en attendant, le dispositif du présent arrêt, en ce que cette décision se fonde sur une rupture de nul effet, intervenue du fait de l’employeur le 29 juin 1995, d’un contrat à durée indéterminée de retour à l’emploi conclu à effet du 1er avril 1995 pour une durée minimum de six mois, et en ce qu’il constate que le salaire brut mensuel était, pour un temps partiel, de 6 300 F correspondant à l’indice 140 de la CCN applicable, vaudra attestation provisoire pour l’ASSEDIC compétente, et certificat de travail provisoire ; condamne la S.A.R.L. Sibel « Sports Jeux » à verser à H Z dans la limite de sa demande de 6 000 F sur le fondement de l’art. 700 nouv. C.pr. civ.; renvoie les parties à agir au fond pour le surplus; met les dépens de première instance et d’appel, ainsi que les frais éventuels de signification, à la charge exclusive de la S.A.R.L Sibel « Sports et Jeux » ; dit que la demande de la S.A.R.L Sibel sur le fondement de l’art. 700 nouv. C. pr. civ., est par conséquent irrecevable.

MM. E et F, cons. […] et G, av.

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  1. Loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992
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Cour d'appel de Paris, 18 janvier 1996, n° 9999