Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 3 décembre 1997

  • Poursuite des actes de contrefaçon après la mise en demeure·
  • Article 146 alinéa 2 nouveau code de procédure civile·
  • Article l 511-3 code de la propriété intellectuelle·
  • Article l 512-2 code de la propriété intellectuelle·
  • Vente en France posterieurement au terme du contrat·
  • Application du principe de l'epuisement des droits·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Photographies de format et de qualité suffisants·
  • Photographies annexees au certificat d'identite·
  • Professionnels avertis dans le secteur concerne

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Ressemblance ayant pour origine les relations commerciales entre le titulaire et le fabricant, ancien licencie

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Commentaire1

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www.cabinet-greffe.com · 3 juillet 2011

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 3 déc. 1997
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 1998 651 III 207
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 800965
Classification internationale des dessins et modèles : CL15-09
Référence INPI : D19970362
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société REPEX qui déclare fabriquer et commercialiser des ponceuses électriques justifie avoir déposé le 25 mars 1980 à l’Institut National de la Propriété Industrielle sous le numéro 800.965 le modèle de ponceuse à parquet portative avec allonge numéro 185.510 illustré par six photographies sous la référence « LEGER » ; Par lettre datée du 28 avril 1980 acceptée le 2 juillet 1980, elle a accordé à la société de droit allemand EUGEN LAGLER Gmbh MASCHINENBAU la fabrication et la commercialisation exclusive du modèle sus-visé en ALLEMAGNE et à l’étranger, mais à l’exclusion de la FRANCE moyennant une redevance de 15 DM (« correspondant à 3%) » par machine vendue ; Par lettre datée du 7 décembre 1987, la société REPEX a reproché à la société EUGEN LAGLER de ne pas respecter les clauses du contrat conclu puisque selon elle, elle commercialiserait en FRANCE le modèle de ponceuse qui lui a été donné en licence ; Le 1er mars 1988, la société REPEX a accepté la proposition de réduction du droit de licence à la somme de 10 DM par machine formée le 25 janvier 1988 par la société EUGEN LAGLER ; Par lettre datée du 14 décembre 1989, la société EUGEN LAGLER en faisant référence aux correspondances échangées le 25 janvier 1988 et le 1er mars 1989 (en réalité 1988) a indiqué vouloir résilier pour le 31 décembre 1989 le contrat de licence la liant à la société REPEX ; Le 19 février et le 23 mars 1990, la société REPEX a contesté la proposition de résiliation anticipée de la licence formée par la société EUGEN LAGLER ; Ayant constaté que les sociétés JANSER, SCHEER-FRANCE et BONA distribuées en FRANCE le modèle fabriqué en ALLEMAGNE par la société EUGEN LAGLER, la société REPEX les a par lettres datées des 5 septembre et 28 novembre 1991 mis en demeure de cesser toute fabrication, importation, mise en vente directe ou indirecte de la ponceuse, de lui indiquer le nombre de ponceuses vendues et détenues en stock, de supprimer de leur catalogue toute publicité portant sur le modèle sus-visé et de faire une proposition raisonnable destiné à mettre fin au litige ; Après y avoir été autorisée, la société REPEX a fait procéder le 6 octobre 1993 dans les établissements de la société AU MAITRE FROTTEUR à PARIS à la saisie-contrefaçon d’un modèle de ponceuse dénommé « ELAN » acheté le 29 juin 1993 auprès de la société JANSER et fabriqué par la société EUGEN LAGLER ; N’ayant pas obtenu de ses correspondants à la suite de l’envoi des lettres datées des 5 septembre et 28 novembre 1991 les réponses qu’elle espérait, la société REPEX par actes des 20 octobre 1993 a assigné devant le tribunal de commerce de PARIS les sociétés

EUGEN L Gmbh MASCHINENBAU, MAITRE F, JANSER, BONA, et SCHEER- FRANCE afin que :

- la société EUGEN LAGLER soit déclarée responsable pour ne pas avoir respecté ses engagements contractuels,
- la résolution du contrat de licence soit prononcée,
- les sociétés assignées soient déclarées responsables des actes de contrefaçon du modèle n 800 965 déposé à l’Institut National de la Propriété Industrielle le 25 mars 1980 et de concurrence déloyale,
- l’interdiction de tous actes de fabrication, de commercialisation soit prononcée sous astreinte définitive de 5.000 francs par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- la remise de toutes les ponceuses incriminées se trouvant directement ou indirectement, par toute personne physique ou morale, entre les mains des sociétés assignées ou de leurs préposés soit ordonnée, et ce sous astreinte définitive de 5.000 francs par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- la société EUGEN LAGLER soit condamnée à lui payer la somme de 250.000 francs à valoir sur les redevances dues,
- les sociétés assignées soient condamnées in solidum à lui payer la somme de 500.000 francs à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, et celle de 50.000 francs en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
- des mesures de publication du jugement dans cinq journaux ou revues de son choix soient ordonnées, le coût de chaque insertion étant fixé à la somme de 30.000 francs HT, Par jugement assorti de l’exécution provisoire du 29 mars 1995, la tribunal saisi a :

- validé le procès-verbal de saisie contrefaçon du 6 octobre 1993,
- dit que la demande de la société REPEX recevable et partiellement fondée et, constatant que « le contrat de cession de licence » (sic) a pris fin le 31 décembre 1989, a condamné la société EUGEN LAGLER Gmbh MASCHINENBAU à payer à la société REPEX le montant des redevances restant éventuellement dues à cette date, ainsi que la remise par la société REPEX (sic) sous astreinte de 2.000 francs par jour de retard à compter de la signification du jugement des documents techniques ou autres relatifs à la fabrication de la ponceuse à parquet « LEGER »,
- dit chacune des parties mal fondée en ses autres demandes plus amples ou contraires au dispositif du jugement,

— fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre la société REPEX et la société EUGEN LAGLER Gmbh MASCHINENBAU ; La société REPEX appelante demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et de faire droit à l’ensemble des demandes contenues dans ses assignations introductives d’instance, à l’exception de celles se rapportant au contrat de licence qui a existé entre elle et la société EUGEN LAGLER qu’elle considère comme effectivement rompu depuis le 31 décembre 1989 ; Elle sollicite également le rejet de l’intégralité des demandes formées par les sociétés EUGEN LAGLER, JANSER, et SCHEER FRANCE ; La société EUGEN LAGLER Gmbh MASCHINENBAU prie la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l’exception de celles se rapportant à la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 6 octobre 1993, de lui donner acte de ce que les redevances qu’elle devait à la date du 31 décembre 1989 ont été intégralement payées, de ce que les documents techniques ayant été égarés, elle renonce à s’en prévaloir pour le cas où elle les retrouverait, et de dire que la demande de remise de l’intégralité des ponceuses incriminées formée par la société REPEX tant à son encontre qu’à celui des personnes physiques ou morales qui seraient en possession de l’objet est totalement contraire au principe de la libre circulation des marchandises fixé par l’article 30 du Traité de Rome, de rejeter l’intégralité des demandes formées par la société appelante qui devra être condamnée à lui payer la somme de 80.000 francs en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

DECISION
- Sur la procédure – CONSIDERANT qu’à la suite de la révocation intervenue le 28 octobre 1997 de l’ordonnance de clôture du 16 juin 1997, tant la société REPEX que la société EUGEN LAGLER ont pu valablement conclure avant que la clôture définitive de la procédure n’intervienne le 28 octobre 1997, de telle sorte que les deux sociétés ont considéré avoir disposé du temps nécessaire pour conclure régulièrement et avoir ainsi l’une et l’autre respecté le principe de la contradiction des débats ; CONSIDERANT que les sociétés AU MAITRE FROTTEUR et BONA bien que régulièrement assignées à personne les 5 et 7 mars 1996 n’ont pas constitué avoué ; QUE le présent arrêt sera par conséquent réputé contradictoire à l’égard de tous conformément aux dispositions combinées des articles 474 et 749 du nouveau code de procédure civile ;

CONSIDERANT qu’il convient enfin de donner acte à la SCP d’avoués LECHARNY CHEVILLER qu’elle se constitue au lieu et place de Maître LECHARNY pour la société REPEX ;

- Au fond – CONSIDERANT qu’il convient liminairement de constater que si la société REPEX sollicite dans ses conclusions l’infirmation du jugement et si la société EUGEN LAGLER demande au contraire sa confirmation à l’exception du problème lié à la validité de la saisie contrefaçon, ces dernières ne contestent cependant pas le dispositif du jugement qui a constaté que le contrat de cession de licence a pris fin le 31 décembre 1989, et qui a condamné la société de droit allemand à payer à la société française le montant des redevances éventuellement dues à cette date, et à remettre à cette dernière société, sous astreinte de 2.000 francs par jour de retard à compter de la signification du jugement, des documents techniques ou autres relatifs à la fabrication de la ponceuse à parquet « LEGER » ; QU’il convient d’ailleurs de noter que la société REPEX mentionne expressément à la page 5 de ces conclusions signifiées 16 juin 1997 « Que ce faisant le tribunal s’est contredit car s’il admet que le contrat de licence a pris fin en 1989 (ce qui n’est ni contesté ni contestable), il ne pouvait….. » reconnaissant désormais ainsi de façon incontestable la résiliation du contrat de licence à la date du 31 décembre 1989 ;

- Sur le modèle déposé à l’Institut National de la Propriété Industrielle le 25 mars 1980 sous le numéro 800.965 – CONSIDERANT que la loi accorde protection au titre du droit sur les modèles à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle ; CONSIDERANT que le déposant doit également pour répondre aux exigences visées par l’article L. 512-2 du code de la propriété intellectuelle fournir au moment du dépôt une reproduction du modèle concerné ; CONSIDERANT que celle-ci est essentiellement destinée à permettre l’information des tiers de l’existence de caractéristiques particulières conférée audit modèle dont le déposant sollicite la protection de la loi ; CONSIDERANT que les sociétés EUGEN LAGLER, JANSER, et SCHEER FRANCE concluent que la société REPEX est infondée à prétendre qu’elles ont reproduit les caractéristiques de son modèle, dès lors que les photographies intégrées au certificat d’identité ne font pas apparaître lesdites caractéristiques ; QU’elles font également observer que la légende accompagnant le modèle qui peut compléter une reproduction déficiente n’a cependant qu’une valeur purement explicative

dépourvue de conséquence quant à la portée et à l’étendue de la protection accordée par la loi audit modèle ; CONSIDERANT en l’espèce que la société REPEX qui n’a pas procédé au dépôt de l’objet en nature a joint à sa déclaration de dépôt une unique photographie de format 123mm x 88mm reproduisant 6 clichés commentés de format réduit de l’objet protégeable ; CONSIDERANT qu’à la date du 25 mars 1980, les dispositions de l’article 5 du décret du 26 juin 1911 étaient applicables à la procédure de dépôt du modèle litigieux ; OR CONSIDERANT que les dimensions de la photographie annexée à la demande de dépôt sont supérieures aux 8 centimètres exigées par le texte sus-visé ; QUE les six clichés qui représentent le modèle vu latéralement de droite, latéralement de gauche, de l’arrière, de face, de dessus et de dessous ne sont pas contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées si peu lisibles qu’elles ne permettaient pas aux sociétés JANSER, SCHEER FRANCE, MAITRE F, et BONA de connaître avec précision et exactitude les caractéristiques du modèle déposé par la société REPEX ; QUE la société appelante est donc bien fondée à invoquer à l’encontre de toutes les sociétés intimées la validité du dépôt du modèle de ponceuse dont les clichés photographiques de format et de qualité suffisants leur permettaient d’en prendre valablement connaissance et donc de se les voir déclarer opposables ; CONSIDERANT au surplus s’agissant de la société EUGEN LAGLER, que celle-ci qui a obtenu de la société REPEX depuis le 2 juillet 1980 une licence de fabrication et de commercialisation ne peut pas de bonne foi soutenir qu’elle ne connaissait pas l’existence et les caractéristiques exactes du modèle litigieux ;

-Sur la validité du modèle déposé par la société REPEX- CONSIDERANT que les sociétés présentes dans la procédure soutiennent que le modèle litigieux n’est pas protégeable du fait qu’il ne présente aucune caractéristique nouvelle et qu’il serait essentiellement fonctionnelle ; CONSIDERANT que la validité du modèle déposé par la société REPEX est soumise aux dispositions de l’article L.511-3 du code de la propriété intellectuelle ; CONSIDERANT que le modèle de ponceuse « LEGER » se présente sous la forme d’un cylindre ajouré à sa base surmonté par un couvercle comprenant deux anses opposées et surmontant un plateau de forme conique aplatie situé à l’avant destiné à recevoir un disque rotatif abrasif derrière lequel se trouvent deux roues articulées et une sortie destinée à évacuer la poussière ;

CONSIDERANT qu’il convient de faire remarquer que la société appelante ne fonde pas ses demandes sur les trois caractéristiques fonctionnelles évoquées dans le procès-verbal de contrefaçon du 6 octobre 1993 : disque rotatif excentré par rapport à un bloc moteur vertical, ponceuse munie de roulettes à l’opposé du disque et ponceuse munie d’un sac de toile disposé du côté opposé au disque rotatif, mais uniquement sur « une certaine physionomie propre, caractérisée en autres, par sa rondeur, un minimum de pièces apparentes et un aspect général lisse » ; CONSIDERANT que les sociétés EUGEN LAGLER, JANSER, et SCHEER FRANCE ne démontrent pas à l’aide de documents versés aux débats (LAGLER Rand- Schleifmaschine, KÜNZLE & TASIN modelle LV 175, DERENDINGER + SCHMIDLI, LEO L) et contrairement à leurs affirmations que les modèles qu’ils opposent à la société appelante sont antérieurs à celui dont la société REPEX revendique la protection ; QU’en effet, les deux premiers modèles ci-dessus évoqués qui possèdent pour le premier un corps strié oblong, arrondi et trapu et pour le second un aspect cylindrique comportant des aspérités tant à l’avant qu’à l’arrière de la machine, outre qu’ils ne sont pas datés avec certitude ne constituent pas à la date du dépôt du modèle litigieux des antériorités recevables dans la mesure où celui-ci présente des caractéristiques spécifiques résultant de son apparence lisse et arrondie dépourvue de toutes aspérités ; QUE les deux autres modèles évoqués, de par la forme très allongée de la partie destinée à recevoir le rotor abrasif, possèdent un aspect extérieur totalement différent du modèle « LEGER » ; CONSIDERANT que la société EUGEN LAGLER ne démontre par ailleurs pas que les formes du modèle déposé possède des caractéristiques fonctionnelles ; QU’il s’ensuit que ce dernier, objet industriel qui se différencie de ses similaires du fait de sa configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté doit bénéficier des dispositions de l’article L.515-5 du code de la propriété intellectuelle ;

- Sur l’existence des actes de contrefaçon – CONSIDERANT que le premier déposant d’un modèle protégeable étant présumé, jusqu’à preuve contraire, en être le créateur, la société REPEX qui a déposé le modèle « LEGER » le 25 mars 1980 est donc bien fondée de se présenter comme étant le seul titulaire de droit sur ledit modèle ; CONSIDERANT que la société REPEX fonde son action en contrefaçon contre les sociétés EUGEN LAGLER, JANSER, SCHEER FRANCE, BONA et AU MAITRE F sur le procès-verbal de saisie contrefaçon qu’elle a fait pratiquer le 6 octobre 1993 dans les locaux de cette dernière société duquel il résulte que celle-ci proposait à la vente moyennant le prix de 5.950 francs HT un modèle de bordeuse légère type « ELAN » de fabrication LAGLER composée d’un disque rotatif excentré par rapport au bloc moteur

vertical, de roulettes à l’opposé du disque et d’un sac de toile, modèle acheté à la société JANSER FRANCE le 29 juin 1993 ; CONSIDERANT que la société REPEX peut valablement reprocher à la société EUGEN LAGLER des actes de contrefaçon commis en FRANCE, aussi bien pour la période antérieure au 31 décembre 1989, date d’effet de la résiliation réciproque non contestée du contrat de licence daté des 28 avril et 2 juillet 1980 si elle démontre que le licencié a dépassé les droits qui lui ont été concédés, que pour celle postérieure à cette date si elle prouve que la société bénéficiaire de la licence a fabriqué et a vendu en FRANCE le modèle sur lequel elles possède des droits ; CONSIDERANT que les sociétés EUGEN L, SCHEER FRANCE et JANSER soutiennent que pour apprécier les actes de contrefaçon que leur reproche la société REPEX, il convient d’examiner les caractéristiques visées dans le procès-verbal de contrefaçon du 6 octobre 1993 ; MAIS CONSIDERANT qu’en raison de ce que le caractère protégeable du modèle « LEGER » ne résulte pas des éléments techniques et fonctionnels de l’objet lui-même, mais de sa seule configuration, les objections soulevées par les sociétés intimées portant sur les caractéristiques techniques du modèle final qui ne correspondraient plus au modèle originel concédé devront être rejetées ; CONSIDERANT que s’agissant d’un fait, la preuve des actes de contrefaçon peut se faire par tous moyens ; CONSIDERANT qu’il résulte des quatre photographies annexées au procès-verbal de constat dressé par l’huissier constatant que le modèle « ELAN » fabriqué par la société EUGEN LAGLER, importé et commercialisé en FRANCE par la société JANSER et mis en vente par la société AU MAITRE FROTTEUR est constitué par :

- une forme cylindrique présentant des ouvertures verticales à sa base surmontée d’un couvercle ajouré comprenant une anse et un boîtier vertical, avec à sa partie inférieure un plateau circulaire de forme conique placé à l’avant de la machine destiné à recevoir un disque abrasif,
- deux roues situées à l’arrière de l’appareil ; CONSIDERANT que si le boîtier et les aérations verticales et si l’inscription graphique du modèle « ELAN » de la société EUGEN LAGLER constituent des différences avec le modèle « LEGER » de la société REPEX, celles-ci ne sont toutefois pas de nature à modifier l’aspect d’ensemble des modèles en présence, et à atténuer l’indéniable ressemblance qui existe entre eux laquelle est de nature à créer une confusion pour le consommateur d’attention moyenne qui ne les a pas simultanément sous les yeux ; QUE cette ressemblance a pour origine évidente les relations commerciales que les sociétés REPEX et EUGEN L ont entretenu jusqu’au 31 décembre 1989, puisque la

première a conclu les 28 avril et 2 juillet 1980 avec la seconde un contrat de licence exclusif à l’exception de la FRANCE portant précisément sur le modèle « LEGER » ; QU’il s’ensuit que le modèle « ELAN » constitue une contrefaçon du modèle « LEGER » ; QUE le jugement déféré sera donc infirmé ;

- Sur les responsabilités des sociétés mises en cause – * à l’égard de la société EUGEN LAGLER CONSIDERANT que si la société REPEX sur qui repose la charge de la preuve de la contrefaçon ne conteste pas que le modèle contrefaisant est fabriqué en ALLEMAGNE par la société EUGEN LAGLER, elle ne prouve en revanche pas que celle-ci l’a effectivement exporté et commercialisé en FRANCE, soit en méconnaissance des obligations contenues dans le contrat de licence, soit postérieurement à la date d’expiration dudit contrat ; QUE le grief de contrefaçon ne pouvant s’appliquer qu’aux sociétés qui en FRANCE reproduisent, fabriquent, importent, distribuent ou commercialisent des modèles contrefaisants, la société EUGEN LAGLER devra comme elle le sollicite être mise hors de cause ; * à l’égard de la société BONA CONSIDERANT que le procès-verbal de constat du 6 octobre 1993 contient l’indication selon laquelle la société AU MAITRE FROTTEUR aurait également acquis le modèle « ELAN » auprès de la société BONA ; CONSIDERANT que la page 1 du tarif du mois de septembre 1991 révèle qu’effectivement la société BONA propose à la vente en FRANCE une ponceuse de bord « LEGER » fabrication LAGLER référence 114061 devenue sous la même référence au mois de janvier 1992 à la page 4 du catalogue ponceuse de bord « ELAN » fabrication LAGLER ; * l’égard des sociétés JANSER et AU MAITRE F CONSIDERANT qu’il résulte des catalogues édités par la société JANSER en 1984 (page 22) et en 1991 (page 34) qu’elle commercialise en FRANCE un modèle de ponceuse type « LEGER » référence 444 100 000 qui correspond précisément au modèle « ELAN » vendu le 29 juin 1993 à la société AU MAITRE FROTTEUR et fabriqué par la société EUGEN LAGLER ; * à l’égard de la société SCHEER FRANCE

CONSIDERANT que la société SCHEER FRANCE a proposé à la vente en FRANCE au mois d’avril 1991 le modèle de ponceuse à bords et escaliers « LEGER » rebaptisé « ELAN » fabriqué par la société EUGEN LAGLER ; CONSIDERANT que les sociétés intimées soutiennent pour s’exonérer de toute responsabilité que le titulaire d’un droit d’un modèle acquis en vertu de la législation d’un Etat membre peut s’opposer à l’importation de produits provenant d’un autre Etat membre ayant un aspect identique au modèle déposé à condition que :

- les produits litigieux aient été mis en première circulation dans cet autre Etat membre sans l’intervention ou le consentement du titulaire du droit ou d’une personne unie à ce titulaire par une lien de dépendance juridique,
- qu’il n’existe entre les personnes physiques ou morales en cause aucune sorte d’entente restrictive ; QUE la société REPEX pour combattre les principes sus-visés répond d’une part qu’en application de l’article 36 du traité de Rome les dispositions des articles 30 à 34 inclus ne font pas obstacle aux interdictions ou aux restrictions d’importation, d’exportation ou de transit justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle ou commerciale, et d’autre part que le lien juridique sus-évoqué par les sociétés intimées a cessé le 31 décembre 1989 ; CONSIDERANT que le procès-verbal de constat du 6 octobre 1993 fixe le point de départ à partir duquel le grief de contrefaçon peut être formé à l’encontre des sociétés sus- visées ; CONSIDERANT qu’à cette date, le contrat de licence était d’un commun accord entre les parties résilié, de telle sorte que la société EUGEN LAGLER et a fortiori les autres sociétés intimées tiers à la convention ne peuvent plus valablement se prévaloir des dispositions qu’elles invoquent puisqu’elles ne pouvaient pas régulièrement soit exporter pour la première, soit vendre et commercialiser un modèle devenu contrefaisant pour les secondes ; QU’admettre le raisonnement des sociétés EUGEN L, SCHEER FRANCE et JANSER reviendrait à leur permettre de méconnaître en FRANCE la protection que la loi française accorde à la société REPEX pour le modèle qu’elle a régulièrement déposé ; CONSIDERANT que les sociétés JANSER, SCHEER FRANCE, BONA et AU MAITRE F qui ont importé, distribué et commercialisé en FRANCE le modèle de ponceuse contrefaisant sont responsables des actes de contrefaçon au préjudice de la société REPEX et doivent donc être condamnées à la dédommager pour le préjudice qu’elle a subi du fait desdits actes, sans qu’elles puissent exciper de leur bonne foi dans la mesure où leur qualité de professionnel particulièrement averti dans ce secteur de distribution déterminé leur enjoignait de vérifier que le modèle qu’elles importaient en FRANCE ne bénéficiait pas d’une protection au titre du droit des modèles ;

— Sur les actes de concurrence déloyale – * à l’encontre de la société EUGEN LAGLER CONSIDERANT que sont interdits tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ; CONSIDERANT que la société REPEX soutient que la société EUGEN LAGLER a commis une faute en procédant de façon intentionnelle après le 31 décembre 1989 à la modification du nom du modèle de ponceuse « LEGER » pour le désigner sous le nom de « ELAN » sans que pour autant soit apportée une quelconque modification de l’objet qui avait été fabriqué sous licence ; CONSIDERANT que s’il convient effectivement de remarquer que la société REPEX a par lettre datée du 23 mars 1990 écrit à la société EUGEN LAGLER « afin d’arrêter cette licence, nous sommes amenés à vous demander de changer le forme de toutes les pièces susceptibles de ressembler à notre machine », et l’a ainsi informé de son intention de ne pas permettre à la société allemande de continuer à commercialiser sous licence le modèle litigieux, en revanche elle n’établit pas à l’aide par exemple de documents tels des bordereaux d’envoi ou des factures que celle-ci a commis des actes de concurrence déloyale en l’exportant et en le commercialisant en FRANCE ; QUE la société REPEX sera donc déboutée de sa demande de réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi de ce chef ; * à l’encontre des autres sociétés intimées CONSIDERANT que s’appuyant sur les dispositions de l’article 1382 du code civil pour fonder son action en concurrence déloyale contre les sociétés sus-visées, il appartient à la société REPEX de démontrer qu’elles ont commis une faute constitutive d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme en offrant à la vente un modèle contrefaisant ; CONSIDERANT que la société REPEX ne saurait faire reproche aux sociétés intimées de ne pas avoir connu l’existence puis la rupture des relations contractuelles ayant existé entre elle et la société EUGEN LAGLER ; CONSIDERANT que s’il n’est pas contesté que les sociétés intimées ont après les mises en demeure datées des 5 septembre et 28 novembre 1991 d’avoir à cesser leurs agissements continué en FRANCE à offrir à la vente le modèle « ELAN » fabriqué par la société EUGEN LAGLER qui constitue une copie du modèle « LEGER » de la société REPEX, il n’est en revanche pas démontré qu’elles aient par un comportement distinct des actes de contrefaçon commis des faits de concurrence déloyale et parasitaire susceptibles de leur être reprochés ; QUE la société REPEX devra par conséquent être déboutée de ce chef de demande ;

— Sur la réparation du préjudice subi par la société REPEX – CONSIDERANT que l’unique acte de contrefaçon démontré commis par la société JANSER qui a vendu à la société AU MAITRE FROTTEUR un seul modèle contrefaisant a occasionné à la société REPEX un préjudice certain qui justifie que ces deux sociétés soient, compte tenu des éléments d’appréciation fournis à la Cour, condamnées in solidum à lui payer la somme de 80.000 francs en réparation de son préjudice ; QUE les sociétés SCHEER FRANCE et BONA contre lesquelles la société REPEX ne démontre pas des actes de ventes du modèle contrefaisant mais seulement des faits de publicité par l’intermédiaire de catalogues de vente doivent être solidairement condamnées à payer à la société appelante la somme de 50.000 francs ; CONSIDERANT qu’en application de l’alinéa 2 de l’article 146 du nouveau code de procédure civile, la demande de désignation d’un expert destinée à permettre de chiffrer le préjudice de la société REPEX ne trouve pas de justification en l’espèce ; CONSIDERANT que la société REPEX sollicite également la condamnation de la société EUGEN LAGLER à lui payer une somme provisionnelle de 250.000 francs à valoir sur les redevances dues, quitte à parfaire ; CONSIDERANT que si le principe de cette créance est acquis en vertu du jugement déféré dont la société REPEX sollicite paradoxalement l’infirmation, la demande en paiement de la somme provisionnelle de 250.000 francs à ce titre qui n’est étayée par aucun élément commercial et comptable ne permet pas d’y faire droit ; QU’il convient toutefois de donner acte à la société EUGEN LAGLER de ce que les redevances dues au 31 décembre 1989 ont été intégralement payées, ce que la société REPEX ne conteste pas ;

- Sur les mesures accessoires – CONSIDERANT que le modèle contrefaisant détenu directement en FRANCE par les sociétés JANSER, SCHEER FRANCE, BONA, et AU MAITRE F ou sous leur contrôle devront être, non pas remis à la société REPEX, mais détruits sous astreinte de 5.000 francs par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ; QU’il convient également d’interdire aux sociétés sus-visées de fabriquer, d’importer, de commercialiser et de vendre le modèle de ponceuse contrefaisant « ELAN » sous astreinte de 5.000 francs par infraction constatée à compter également de la signification du présent arrêt qui devra être publié dans les conditions fixées au dispositif ci-après ; CONSIDERANT que le jugement déféré a ordonné à la société EUGEN LAGLER la remise à la société REPEX des documents techniques ou autres relatifs à la fabrication de la ponceuse à parquet « LEGER » ;

CONSIDERANT que la société intimée indique avoir égaré ces documents et demande qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle s’engage à ne pas les utiliser pour le cas où elle les retrouverait ; CONSIDERANT qu’il convient de maintenir l’obligation de restitution visée dans le jugement entrepris, mais du fait des explications fournies par la société EUGEN LAGLER de ne pas l’assortir de la mesure d’astreinte prévue par le jugement entrepris ; CONSIDERANT que la mesure de publication sollicitée par la société REPEX doit être ordonnée dans les conditions définies dans le dispositif du présent arrêt ;

-Sur les dépens et les frais qui n’y sont pas compris- CONSIDERANT qu’il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société REPEX la totalité des frais qu’elle a dû engager en cause d’appel qui ne sont pas compris dans les dépens et qu’il convient de compenser à hauteur de la somme de 30.000 francs ; QUE la demande formée par les sociétés intimées sur le même fondement juridique devra être rejetée ; CONSIDERANT que la solution apportée au présent litige commande de mettre les dépens tant de première instance que d’appel à la charge des sociétés intimées dans lesquelles il conviendra d’inclure la société EUGEN LAGLER pour le rôle essentiel et déterminant qui lui a été assigné dans la procédure ; PAR CES MOTIFS PAR arrêt réputé contradictoire, DONNE acte à la SCP d’avoués LECHARNY CHEVILLER de ce qu’elle se constitue au lieu et place de Maître Jean-Loup LECHARNY, DECLARE l’ensemble des conclusions signifiées par les sociétés REPEX, EUGEN L Gmbh MASCHINENBAU, JANSER et SCHEER FRANCE recevables, INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a déclaré mal fondées les demandes formées par la société REPEX et en ce qu’il a ordonné la restitution des documents techniques sous astreinte, ET STATUANT à nouveau, DIT que le modèle « ELAN » fabriqué par la société EUGEN LAGLER Gmbh MASCHINENBAU constitue une contrefaçon du modèle « LEGER » numéro 800.965 déposé le 25 mars 1980 à l’Institut National de la Propriété Industrielle par la société REPEX,

DEBOUTE la société REPEX de ses actions en contrefaçon à l’encontre de la société EUGEN LAGLER Gmbh MASCHINENBAU et en concurrence déloyale à l’égard de cette dernière société et des sociétés JANSER, SCHEER FRANCE, AU MAITRE F et BONA, DIT que les sociétés JANSER, SCHEER FRANCE, AU MAITRE F et BONA se sont livrées en FRANCE à des actes de contrefaçon du modèle « LEGER » sus-visé, INTERDIT aux sociétés JANSER, SCHEER FRANCE, AU MAITRE F, et BONA de fabriquer, de commercialiser ou de vendre en FRANCE le modèle de ponceuse contrefait sous astreinte de 5.000 francs par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt, ORDONNE la confiscation aux fins de destruction du modèle de ponceuse « ELAN » contrefaisant se trouvant en FRANCE en possession des sociétés JANSER, SCHEER FRANCE, AU MAITRE F et BONA ou sous leur contrôle sous astreinte de 5.000 francs par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt, ORDONNE la restitution par la société EUGEN LAGLER Gmbh MASCHINENBAU à la société REPEX de tous les documents techniques en sa possession ou en celle des personnes ou des sociétés travaillant pour elle ou sous ses ordres se rapportant au modèle « LEGER » contrefait, DONNE acte à la société EUGEN LAGLER Gmbh MASCHINENBAU de ce qu’elle s’engage à ne pas utiliser les documents techniques sus-visés pour le cas où elle retrouverait les documents qu’elle indique avoir perdus et de ce qu’elle s’est acquittée des redevances dues à la société REPEX jusqu’au 31 décembre 1989, CONDAMNE in solidum pour les faits de contrefaçon :

- les sociétés JANSER et AU MAITRE F à payer à la société REPEX la somme de 80.000 francs,
- les sociétés SCHEER FRANCE et BONA à payer à la société REPEX la somme de 50.000 francs, AUTORISE la société REPEX à faire publier le dispositif du présent arrêt par extraits ou en entier dans trois journaux ou périodiques de son choix aux frais des sociétés JANSER, SCHEER FRANCE, AU MAITRE F et BONA dans la limite d’un coût total de 45.000 francs HT, REJETTE toute demande autre, contraire ou plus ample des parties, CONDAMNE in solidum les sociétés EUGEN LAGLER, JANSER, SCHEER FRANCE, AU MAITRE F et BONA à payer à la société REPEX la somme de 30.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,

CONDAMNE les mêmes sociétés sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces dernier au profit de la SCP d’avoués LECHARNY CHEVILLER dans les conditions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 3 décembre 1997