Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 19 décembre 1997

  • Reproduction des caracteristiques protegeables·
  • Absence de croquis relatif au dos de la robe·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Action en concurrence déloyale·
  • Anteriorite de toutes pièces·
  • Élément non protegeable·
  • Ressemblance d'ensemble·
  • Concurrence déloyale·
  • Différences mineures·
  • Encolure en v du dos

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 19 déc. 1997
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS DU 8 SEPTEMBRE 1994
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19970365
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La Cour statue sur l’appel interjeté par la société MATHILDE INDUSTRIE et Mme R d’un jugement rendu le 8 septembre 1994 par le tribunal de grande instance de PARIS dans un litige les opposants à la société NAF NAF. Référence étant faite au jugement entrepris et aux écritures échangées en cause d’appel pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il suffit de rappeler les éléments qui suivent. Mme R, styliste de mode, a créé en juin 1992 un modèle de robe ; elle a cédé les droits d’exploitation de ce modèle à la société MATHILDE INDUSTRIE qui l’exploite, depuis le salon du prêt à porter de septembre 1992, sous la référence MARTIKA. Prétendant qu’un modèle de robe commercialisé par la société NAF NAF aurait contrefait la robe MARTIKA, après avoir fait pratiquer saisie contrefaçon les 19 et 20 juillet 1993, Mme R et la société MATHILDE ont assigné cette société devant le tribunal de grande instance sur le fondement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale pour obtenir, outre des mesures d’interdiction, de confiscation et de publication, paiement de dommages intérêts. La défenderesse avait soulevé l’irrecevabilité des demandes à défaut pour ses adversaires de rapporter la preuve de la qualité d’auteur de Mme R sur le modèle invoqué et de la réalité de la cession. Elle avait sur le fond contesté l’originalité du modèle MARTIKA. Par le jugement entrepris, le tribunal a déclaré irrecevables les demandes à défaut pour Mme R et la société MATHILDE d’établir leurs droits sur le modèle MARTIKA. Mme R et la société MATHILDE poursuivent la réformation du jugement, exposant qu’elles ont qualité à agir sur le fondement de la contrefaçon, et au titre de la concurrence déloyale. Sur le fond, elles réitèrent leurs demandes initiales et sollicitent de la Cour, outre les mesures d’interdiction sous astreinte, de confiscation aux fins de remise entre leurs mains des modèles contrefaisants et de publication, paiement de 300 000 francs à Mme R en réparation de l’atteinte portée à son droit moral, de 1 million de francs à la société MATHILDE en réparation des actes de contrefaçon dont NAF NAF s’est rendue coupable et de 700 000 francs au titre des actes de concurrence déloyale. En appel, NAF NAF reconnaît, en raison des documents communiqués par ses adversaires, que Mme R, en sa qualité d’auteur et la société MATHILDE, en qualité de cessionnaire de droits d’auteur sont recevables à agir en contrefaçon. Elle soutient que le modèle MARTIKA est dénué de toute originalité, en demande la « nullité » et subsidiairement, conclut à l’absence de contrefaçon, le modèle qu’elle commercialise ne pouvant être confondu avec celui qui lui est opposé. Elle remarque qu’il n’existe aucun acte de concurrence déloyale distinct de la contrefaçon. Elle conclut donc au rejet de toutes les demandes de ses adversaires. Formant appel incident, elle sollicite paiement de

la somme de 100 000 francs à titre de dommages intérêts pour procédure et saisie contrefaçon abusives. Chacune des parties sollicite le bénéfice des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

DECISION Considérant que la création dont se prévaut Mme R consiste dans un robe longue sans manches :

- légèrement cintrée et presque intégralement fermée sur le devant par un boutonnage commençant juste en dessous d’un large décolleté en V,
- comportant, sur le décolleté, un noeud formé par les deux pattes terminales de l’encolure, reliées entre elles par un passant (faisant office de bague), pris en couture avec la parmenture ; Que l’interéssée soutient en outre que cette robe comporte au dos un décolleté en V moins important que celui se trouvant au-devant ; Considérant que, selon NAF NAF, un tel modèle n’est pas original, en ce qu’il ne constitue qu’une juxtaposition d’éléments connus en soi et d’une parfaite banalité ; qu’elle entend rapporter la preuve de cette absence d’originalité en versant aux débats plusieurs modèles de robes de ligne identique à la création qui lui est opposée, comportant des noeuds situés au bas du décolleté ; qu’elle ajoute que ses adversaires ne peuvent prétendre à une création qui inclurait le décolleté en V au dos, dès lors que le dessin de Mme R ne comporte pas ce décolleté et que les autres documents comportant cette caractéristique n’ont pas date certaine ; Considérant cela exposé que comme le relève exactement NAF NAF, la caractéristique de l’encolure en V du dos de la robe, ne pourra être retenue comme un élément de la création opposée par Mme R, le dessin qu’elle a mis aux débats ne comportant aucun croquis relatif au dos de la robe ; Considérant que parmi les documents versés aux débats par NAF NAF pour rapporter la preuve de l’absence d’originalité de la robe, et dont il convient de ne retenir que ceux qui ont une date certaine antérieure à la date de création (notamment, le catalogue QUELLE printemps été 91, modèle Sonia RYKIEL d’avril/mai 1992, photos de la collection UNGARO d’octobre 1987 et 1988), aucun ne présente la combinaison particulière des divers éléments qui caractérisent la robe ; qu’en effet, plusieurs de ces documents montrent que l’apposition d’un noeud au niveau de la poitrine était déjà un élément connu mais aucun ne comporte une forme de robe identique et un même décolleté en V ;

Considérant en conséquence que la combinaison de la forme cintrée, du décolleté en V se terminant par un noeud formé par les deux pans de l’encolure coulissant dans un passant et du boutonnage partant de la poitrine, distingue la robe de ses similaires et révèle la personnalité de son auteur ; que la robe MARTIKA est protégeable sur le fondement du livre 1 du code de la propriété intellectuelle. Considérant que pour dénier la contrefaçon, NAF NAF relève l’existence de différences entre la création et la robe qu’elle commercialisait, sur le décolleté du dos, la forme des boutons, les imprimés et les couleurs ; Considérant, toutefois, qu’il est constant que le modèle litigieux est une robe longue sans manche de forme cintrée, comportant un boutonnage partant de la poitrine, un noeud sous la poitrine formé par les deux pans de l’encolure et glissant dans un passant fixé sur la parmenture ; qu’ainsi, NAF NAF a reproduit toutes les caractéristiques protégeables de la création de Mme R ; que les différences de détail relevées par NAF NAF n’altèrent nullement la ressemblance d’ensemble ; que, par cette reproduction illicite, NAF NAF s’est rendue coupable de contrefaçon ; Considérant sur les mesures réparatrices que les appelantes soutiennent que la robe litigieuse a été fabriquée en une quantité bien supérieure à celle admise par NAF NAF ; que, toutefois, aucun élément ne permet de retenir un chiffre supérieur à celui qui résulte des documents communiqués par NAF NAF lors des saisies contrefaçon, soit plus de 1 000 exemplaires ; qu’au regard de ces éléments, la Cour estime que le préjudice moral causé à Mme R sera réparé par l’allocation de la somme de 20 000 francs et le préjudice patrimonial subi par la société MATHILDE, par celle de la somme de 150 000 francs ; Considérant qu’il sera fait droit aux mesures d’interdiction sous astreinte, de confiscation et de publication dans les termes du dispositif ci-dessous énoncé ; Considérant sur la concurrence déloyale que la société MATHILDE reproche à NAF NAF la vente de produits identiques de qualité médiocre et à des prix inférieurs ; Mais considérant que, comme le relève exactement l’intimée, la qualité médiocre des vêtements incriminés n’est pas établie et la vente à des prix inférieurs n’est pas, en soi, un acte de concurrence déloyale ; que la demande en concurrence déloyale formée par la société MATHILDE sera donc rejetée ; Considérant que NAF NAF succombant, il ne saurait être fait droit à sa demande en paiement de dommages intérêts ; Considérant que l’équité commande d’allouer aux appelantes la somme de 10 000 francs pour chacune d’elles au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS : Réforme le jugement entrepris ;

Statuant de nouveau et ajoutant ; Reçoit Madame R et la société MATHILDE INDUSTRIE en leur demande fondée sur le livre 1 du code de la propriété intellectuelle ; Condamne la société NAF NAF à payer à titre de dommages intérêts :

- à Mme R, la somme de 20 000 francs,
- à la société MATHILDE INDUSTRIE la somme de 150 000 francs ; Fait interdiction à la société NAF NAF de reproduire et de diffuser sous quelque forme que ce soit l’oeuvre de Mme R, ce, sous astreinte de 500 francs par infraction constatée, à compter de huit jours de la signification du présent arrêt ; Ordonne la confiscation et la remise entre les mains d’un huissier commis par les appelantes de tous les articles contrefaisants détenus par la société NAF NAF ; Autorise les appelantes à faire publier par extraits ou in extenso, le présent arrêt, dans deux revues ou publications de leur choix, dans la limite d’une somme totale de 30 000 francs aux frais de la société NAF NAF ; Condamne la société NAF NAF à payer à chacune des appelantes la somme de 10 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société NAF NAF aux entiers dépens qui seront recouvrés, le cas échéant, par Maître B, avoué, selon les dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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