Cour d'appel de Paris, 4e chambre section b, 12 décembre 2003

  • Situation de concurrence sur des territoires identiques·
  • Volonté de profiter des investissements d'autrui·
  • Responsabilité de la personne physique·
  • Action en revendication de propriété·
  • Changement de dénomination sociale·
  • Personnalité juridique identique·
  • Qualité d'agent ou représentant·
  • Imitation des conditionnements·
  • Économie de frais de création·
  • Revendication de propriété

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. b, 12 déc. 2003
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 17 novembre 2000
  • 1999/12259
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : LUNA ; ANGELA
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 95586481 ; 95586480 ; 651215
Classification internationale des marques : CL29; CL30; CL31; CL32
Référence INPI : M20030698
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Texte intégral

La cour est saisie d’un appel interjeté par les sociétés COMPAGNIE FRANÇAISE DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE (CFAO), SOCIETE FRANÇAISE DE COMMERCE EUROPÉEN (SFCE) et SCOA INTERNATIONAL ET COMPAGNIE (ci-après SCOA international) d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 17 novembre 2000, dans un litige les opposant à Madame P et à la société AFA TRADING. CFAO, société française, se prévaut des marques LUNA et ANGELA déposées à l’OAPI la première le 6 mars 1984 (renouvelée le 28 février 1994), la seconde le 2 février 1981 pour une durée de 20 ans (suivant l’accord de Libreville en vigueur jusqu’au 8 février 1982) par la Société Commerciale de l’Ouest Africain (dite SCOA), pour désigner des produits des classes 29 et 30 pour la première marque et 29 pour la seconde (renouvelée le 1er février 2001). Ces signes sont exploités de longue date par la société SCOA INTERNATIONAL puis, par la société SFCE, bénéficiaire d’un contrat de licence exclusive du 4 mai 1998 inscrit à l’OAPI le 4 mai 1999. Les produits exploités concernent du concentré de tomate, des petits pois et de la mayonnaise sous la marque LUNA et des sardines sous la marque ANGELA. Les sociétés SCOA INTERNATIONAL et SFCE sont des filiales de CFAO. Madame P qui a été salariée de SCOA, puis de SCOA INTERNATIONAL, travail qu’elle a quitté à la suite d’un licenciement économique le 9 avril 1990, est titulaire des marques suivantes déposées pour protéger des produits et services des classes 29, 30, 31 et 32 :

- « LUNA » déposée à l’INPI le 1(er) septembre 1995 sous le n° 95 586 481, et à l’OMPI le 19 février 1996 sous le n° 65 12 15 en visant l’Italie, le Maroc et le Portugal,
- « ANGELA » déposée à l’INPI le 1(er) septembre 1995 sous le n° 95 586 480,
- le 19 février 1996 sous le n° 65 12 15 à l’OMPI en visant notamment l’Italie, le Maroc et le Portugal,
- « LUNA » déposée à l’OAPI sous le n° 85 521 le 29 février 1996, enregistrée le 17 janvier 1997 sous le n° 36 050 et « ANGELA » déposée à l’OAPI sous le n° 85 520 le 29 février 1996, enregistrée le 17 janvier 1997 sous le n° 36 049. Elle a créé la société AFA TRADING en 1995 dont elle est président directeur général. Cette société a une activité identique à celle des sociétés adverses et commercialise en Afrique (République démocratique du Congo) des produits alimentaires sous les dénominations susvisées. Ayant appris « par des clients africains » que la SFCE faisait fabriquer en Italie des concentrés de tomate de marque LUNA qui, selon elle, portait atteinte à ses droits, AFA TRADING sous la signature de Mme P, PDG, a envoyé une lettre le 17 février 1999 à « SFCE-Groupe CFAO » afin d’avoir des explications sur les droits de cette société, exposant qu’elle-même avait des marques déposées à l’OMPI et à l’OAPI. C’est dans ces circonstances qu’après un échange de courriers, CFAO, SCOA INTERNATIONAL et SFCE, estimant qu’en réalité les dépôts n’avaient été effectués par Mme P que pour les empêcher d’exploiter leur signe, ont fait citer devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte du 3 juillet 1999, cette dernière, et AFA TRADING, en revendication de propriété des deux marques françaises et de la marque internationale LUNA en sa partie italienne, subsidiairement en annulation des deux marques françaises, et en concurrence déloyale et actes parasitaires pour obtenir outre des mesures d’interdiction, paiement de dommages et intérêts. Mme P et AFA TRADING avaient conclu à l’irrecevabilité des demandes et à leur mal fondé puisque les sociétés adverses ne pouvaient invoquer de droits sur les signes en

cause, en France et, reconventionnellement, avaient demandé sur le fondement d’actes de concurrence déloyale, paiement par les sociétés demanderesses de dommages et intérêts ainsi que des mesures d’interdiction. Par le jugement déféré, le tribunal a déclaré les sociétés CFAO, SFCE et SCOA International recevables en leur action mais mal fondées en leurs demandes, rejeté l’ensemble de leurs prétentions ainsi que celles de Mme P et de la société AFA TRADING, condamné in solidum les demanderesses à verser à ces dernières la somme de 18 000 francs du chef de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Appelantes de ce jugement, les sociétés CFAO, SFCE et SCOA International, dans leurs dernières écritures du 16 septembre 2003, prient la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu’il les a déclarées recevables en leur action et en ce qu’il a rejeté l’ensemble des prétentions de Mme P et AFA TRADING,
- débouter Mme P et AFA TRADING de leur appel incident,
- réformer le jugement entrepris en ce qu’il les a déclarées mal fondées en leurs demandes et a rejeté l’ensemble de leurs prétentions,
- statuant à nouveau, dire que le dépôt en date du 1er septembre 1995 des marques françaises « LUNA » n° 95 586 481 et « ANGELA n° 95 586 480 ainsi que la demande d’enregistrement le 19 février 1996 de la partie italienne de la marque internationale »LUNA" n° 651215, en classes 29 et 30, sont le résultat d’un concert frauduleux entre Mme P et AFA TRADING dont celle-ci est le dirigeant, en conséquence,
- à titre principal, recevoir la CFAO en son action en revendication de propriété et
- ordonner le transfert de propriété au profit de CFAO de la marque française « LUNA » enregistrée sous le n° 95 586 481 ainsi que de la marque française « ANGELA » enregistrée sous le n° 95 586 480 avec tous effets de droits,
- ordonner l’inscription de l’arrêt à intervenir au Registre National des Marques,
- prononcer le transfert de propriété au profit de CFAO, de la partie italienne de la marque internationale « LUNA » enregistrée le 19 février 1996 sous le n° 651215 avec tous effets de droits,
- ordonner à Mme P, sous astreinte définitive de 1525 euros par jour de retard à compter du cinquième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir, de procéder à la régularisation du transfert de propriété auprès de l’OMPI,
- condamner in solidum Mme P et AFA TRADING à verser à titre de dommages et intérêts la somme de 7625 euros à CFAO,
- désigner tel expert qu’il plaira à la cour, avec mission de se faire présenter tous documents utiles et notamment la comptabilité d’AFA TRADING, de faire toutes investigations qui lui paraîtront nécessaires et d’entendre tous sachants à l’effet de déterminer le montant des revenus de l’exploitation des marques « LUNA » et « ANGELA » perçus par Mme P et par la société AFA TRADING depuis leurs dépôt, dont CFAO se réserve de demander le remboursement,
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité de l’enregistrement des marques françaises « LUNA » et « ANGELA » n° 95 586 481 et 95 586 480, ordonner l’inscription de l’arrêt à intervenir sur le Registre National des Marques, – à titre principal également,
- dire et juger que Mme P et AFA TRADING ont commis, de concert, des fautes constitutives de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice des sociétés SCOA International et SFCE et dire que, ce faisant, elles ont engagé leur responsabilité in

solidum sur le fondement de l’article 1382 du Code civil,
- interdire à Mme P et AFA TRADING de faire usage des dénominations « LUNA » et « ANGELA » ainsi que du décor de la boîte de concentré de tomate « LUNA », à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, sous astreinte de 1525 euros par infraction constatée et par exemplaire ou document commercial contrevenant, passé un délai de cinq jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir,
- condamner in solidum Mme P et AFA TRADING à verser à titre de dommages et intérêts : 152 450 euros à SCOA International, 304 900 euros à SFCE,
- à titre de réparation complémentaire du préjudice subi par les trois sociétés appelantes, ordonner la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir, par extraits ou in extenso au choix des demanderesses, dans cinq journaux ou magazines à déterminer par ces dernières, aux frais de Mme P et AFA TRADING in solidum, à concurrence d’une somme totale de 15 245 euros hors taxes,
- condamner in solidum Mme P et AFA TRADING à payer à chacune d’elles la somme de 6100 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civiles. Par des ultimes écritures du 6 octobre 2003, Mme P et AFA TRADING prient la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable les sociétés CFAO, SFCE et SCOA International en leur action à l’encontre de Mme P et AFA TRADING,
- statuant à nouveau, vu les extraits Kbis versés aux débats, vu l’absence de démonstration de ce que la société CFAO viendrait aux droits de la société SCOA,
- dire et juger les sociétés CFAO, SFCE et SCOA International irrecevables à agir pour défaut de qualité et d’intérêt,
- très subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour déclarerait applicable en l’espèce les dispositions des articles 6 septiès de la Convention de l’Union de Paris du 20 mars 1883 et L 712-6 du CPI, déclarer les actions engagées sur ce fondement par les sociétés CFAO, SFCE et SCOA International irrecevables comme prescrites,
- plus subsidiairement encore, dire les sociétés appelantes mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- en tout état de cause, accueillant AFA TRADING et Mme P en leur appel incident, les y déclarant recevables et bien fondés,
- infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leur demande reconventionnelle et y faisant droit :

- faire interdiction aux sociétés CFAO, SFCE et SCOA International d’exploiter les produits concernés sous les marques « LUNA » et « ANGELA » sur les territoires de la France, de l’Italie, du Maroc, de l’Espagne, ainsi que la République Démocratique du Congo sur lesquels Mme P dispose exclusivement du droit de protection sous astreinte de 1000 francs (soit 152,45 euros) par infraction, ladite astreinte s’entendant par boîte de conserve de marque utilisée et non par container,
- en outre, au vu des actes de concurrence déloyale commis par lesdites sociétés au préjudice de Mme PORCU et de la société AFA TRADING, les condamner solidairement au paiement de la somme de 200000 francs (soit 30 489,80 euros) à titre de dommages et intérêts,
- condamner les sociétés CFAO, SFCE et SCOA International solidairement à payer à

Mme P et AFA TRADING la somme de 30 000 francs (soit 4573,47 euros) sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

I – Sur la fin de non-recevoir pour défaut de qualité et d’intérêt pour agir Considérant que selon les intimées, les appelantes ne justifient pas de leurs qualité et intérêt à agir, CFAO ne prouvant pas venir aux droits de la société dépositaire des marques à l’OAPI ; Considérant que les documents mis aux débats (extraits Kbis, traité de fusion absorption, procès-verbaux des assemblées générales extraordinaires des 22 septembre 1997, publication aux journal d’annonces légales des « Petites Affiches » du 6 octobre 1997) montrent que :

- avant 1997 existaient trois sociétés, les sociétés SOFI, COMPAGNIE FRANÇAISE DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE CFAO et la société SCOA,
- SCOA a absorbé CFAO et SOFI (résolutions 1 et 5 de l’assemblée générale du 22 septembre 1997 et a aussitôt adopté la dénomination sociale CFAO (résolution 8 du PV d’AG de SCOA) ; Qu’il est donc établi que la société CFAO actuelle est la même personne juridique que celle qui a déposé à l’OAPI, le 6 mars 1984, la marque LUNA et le 2 février 1981, la marque ANGELA, soit la Société Commerciale de l’Ouest Africain, étant précisé que l’inscription du changement du nom de cette société en SCOA (initiales de la dénomination) a été inscrite le 30 août 1985 à l’OAPI, puis de SCOA en CFAO le 22 septembre 1998 selon les documents émanant de l’OAPI et une attestation notariée, produits ; Considérant que CFAO justifie ainsi, comme l’ont dit exactement les premiers juges, de sa qualité et de son intérêt à agir ; que les sociétés SCOA International et SFCE qui tiennent leur droit d’exploiter les signes en cause de CFAO sont également recevables ; II – Sur la demande de transfert des marques déposées en France et de la partie italienne de la marque internationale : Considérant que CFAO fait observer que le tribunal a, à tort, jugé que les dispositions de l’article L 712-6 du CPI et de l’article 6 septiès de la Convention d’Union de Paris n’étaient pas applicables alors que les intimés n’avaient élevé aucune contestation de cet ordre, n’en discutant que le bien fondé ; qu’elle estime que ce faisant, relevant un moyen d’office et en statuant sur une question qui n’avait pas été débattue, le tribunal a violé le principe du contradictoire ; Considérant qu’elle conclut à la réformation du jugement de ce chef ; Mais considérant que les intimées reprenant en appel les motifs des premiers juges qui ont conclu à l’inapplicabilité des textes susvisés, la cour doit se prononcer non seulement sur le bien fondé de la demande de transfert mais encore sur l’applicabilité de ces dispositions ; Considérant que les premiers juges ont estimé que les dispositions de l’article 6 septiès de la Convention d’Union ne pouvaient être invoquées utilement dans la mesure où ce texte

précise que le titulaire d’une marque dans un pays de l’Union peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque ou réclamer la radiation, ou, si la loi du pays le permet, demander le transfert d’une marque à son profit, si « l’agent ou le représentant de celui qui est titulaire d’une marque dans un des pays de l’Union demande, sans l’autorisation de ce titulaire, l’enregistrement de cette marque en son propre nom, dans un ou plusieurs de ces pays » et que Mme P n’a à aucun moment eu la qualité d’agent ou de représentant de CFAO ; Mais considérant que, comme le font observer à juste titre les appelantes, « agent ou représentant » ne doit pas être compris dans un sens strict, ce qui serait contraire à l’esprit du texte, mais dans un sens plus général de toute personne préposée de l’entreprise qui dépose en son nom une marque déjà déposée au nom de l’entreprise dans un pays de l’Union, sans l’autorisation de cette dernière ; qu’il est, en l’espèce, établi que Mme P a travaillé chez SCOA SA de 1969 à 1980 puis de 1982 à 1983 et chez SCOA International de 1983 à 1990 ; qu’il est dès lors constant qu’elle avait la qualité de préposée de la société CFAO (anciennement dénommée SCOA), puis de SCOA International et avait une pleine connaissance de l’existence des dépôts de marques à l’OAPI ; que d’ailleurs, lors de ses demandes de dépôts des marques auprès de l’OAPI, elle a cherché à savoir si les marques de son adversaire étaient toujours en cours, et s’est contentée de réponses nécessairement erronées puisque au moins pour la marque ANGELA, la validité du dépôt courait sur une période de 20 ans et était donc valable jusqu’au 2 février 2001 ; que les appelantes sont donc en droit d’invoquer les dispositions de ce texte à l’encontre de Mme P ; que le jugement sera réformé de ce chef ; Considérant que la loi française prévoit la possibilité d’une action en revendication d’une marque déposée en fraude des droits d’un tiers ; que Mme P soutient toutefois que cette action en revendication est prescrite dès lors que, selon l’alinéa 3 de l’article 6 septiès de la convention d’Union, « les législations nationales ont la faculté de prévoir un délai équitable dans lequel le titulaire d’une marque devra faire valoir les droits prévus au présent article » et que l’article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose « qu’à moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement » ; qu’elle expose qu’elle n’a pas agi de mauvaise foi, ayant procédé aux dépôts pour lesquels le transfert est sollicité, après s’être assuré que SCOA International ne commercialisait plus de produits sous les signes litigieux ; que selon elle, cette dernière aurait arrêté ses activités à compter de 1993 ; Mais considérant que Mme P ne peut être suivie dans cette argumentation alors que les appelantes démontrent en versant aux débats des bons de commandes et factures relatives aux années 1993 et 1994, que SCOA International continuait la commercialisation de produits alimentaires en Afrique sous les marques LUNA et ANGELA et qu’elle savait, comme il a été dit ci-dessus, que les dépôts effectués à l’OAPI étaient toujours valables ; qu’ayant agi de mauvaise foi, elle ne peut se prévaloir de la prescription de l’action en revendication ; qu’il sera, en conséquence, fait droit à la demande de transfert des marques déposées en France par Madame P au bénéfice de la société CFAO ; que le jugement sera réformé de ce chef ; que les demandes portant sur le transfert de la partie italienne de la marque internationale seront rejetées, la cour ne pouvant statuer sur le transfert d’une marque étrangère qui ne ressortit pas à sa compétence territoriale ;

Considérant qu’il convient d’ordonner la transmission du présent arrêt aux fins d’inscription au Registre National des Marques ; III – Sur la demande en concurrence déloyale formée par les sociétés SFCE et SCOA INTERNATIONAL Considérant que le tribunal a rejeté cette demande en retenant que :

- est « incriminée l’exportation depuis la France de boîtes de concentré de tomates, fabriquées en Italie, et commercialisées dans les mêmes pays africains, sous conditionnement sinon identique, du moins très approchant »,
- « ce moyen ne peut être accueilli dès lors que pour apprécier l’existence d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme commercial commis dans divers pays africains, il eut été nécessaire d’une part d’énoncer précisément les pays dans lesquels la commission de ces actes est allégué, et d’autre part, de produire pour chacun des pays considérés le droit applicable à de tels actes » ; Considérant que les appelantes critiquent cette décision en faisant valoir que :

- les actes de concurrence sont bien établis, comme cela résulte notamment de la lettre de mise en demeure de Mme P du 17 février 1999 par laquelle elle-même indiquait avoir été interpellée par un de « nos clients africains », et du dépôt des marques en litige à l’OAPI, destinées à être exploitées sur des territoires où elles mêmes exploitaient de longue date ces signes,
- les actes de concurrence déloyale ne doivent pas être appréciés selon le droit applicable dans chacun des pays concernés mais selon le droit français, la France étant le pays où s’est produit le dommage et où l’équilibre des intérêts de chacun s’est trouvé rompu, la situation donnant lieu à l’action quasi-délictuelle présentant ainsi avec ce pays un rattachement déterminant ; Considérant, cela exposé, qu’il ne saurait être déduit des lettres de Mme P, et plus particulièrement de la lettre de mise en demeure du 17 février 1999, la reconnaissance par elle de ce que les sociétés se trouvent en situation de concurrence sur des territoires communs ; qu’en effet, par cette lettre, Mme P, ou plus exactement AFA TRADING, se plaignait du comportement de la SFCE au regard des droits qu’elle invoquait au titre des marques LUNA et ANGELA ; Considérant qu’en réalité, les appelantes ne rapportent pas la preuve de ce que les produits en cause auraient été commercialisés sur les mêmes territoires ; que le jugement sera donc confirmé sans qu’il soit nécessaire d’examiner le bien fondé de l’argumentation portant sur la loi applicable, puisque l’existence d’agissements déloyaux n’est pas démontrée ; Considérant qu’il est encore reproché aux premiers juges par les appelantes de ne pas avoir examiné la demande formée au titre des agissements parasitaires ; qu’elles soutiennent qn’AFA TRADING, constituée en 1995, a fait, en connaissance de cause, « l’économie des investissements que toute nouvelle société engage pour la création, le marketing et la publicité, en adoptant une même présentation pour les concentrés de tomate ainsi que des marques identiques », soulignant, en outre, que Mme P qui a créé la société AFA TRADING connaissait parfaitement les conditionnements et signes en cause, ayant été salariée durant de nombreuses années par SCOA (actuellement CFAO) puis par SCOA INTERNATIONAL ; Considérant que, sur ce point, les pièces versées aux débats démontrent qu’AFA

TRADING a transmis à son fournisseur la bande de conditionnement des concentrés de tomates correspondant à celle qui avait été en premier lieu utilisée par SCOA International ; qu’en adoptant le même décor, qui reprend au surplus la même dénomination « luna », inscrite sur un fond de lune, et en utilisant également le signe ANGELA pour des produits identiques (sardines), AFA TRADING qui n’a fait aucune recherche particulière et n’a procédé à aucun investissement pour parvenir à un conditionnement particulier, a tiré profit de manière indue du travail et des investissements fournis par les sociétés SCOA International et SFCE qui commercialisent des produits identiques, ce qui caractérise les agissements parasitaires ; que Madame P ne saurait être tenue à titre personnel pour responsable de ces agissements parasitaires, dès lors qu’elle n’a agi qu’en qualité de dirigeante de la société AFA TRADING ; III – Sur les mesures réparatrices Considérant que les appelantes sollicitent, pour déterminer le préjudice résultant des dépôts effectués en France par Mme P, la nomination d’un expert afin de rechercher « les revenus de l’exploitation des marques »LUNA« et »ANGELA« perçus par Mme P et AFA TRADING » ; Mais considérant que le préjudice subi par CFAO en raison des dépôts effectués en France ne s’analyse qu’en une atteinte aux droits de CFAO du fait des dépôts et non pas en une perte liée à une exploitation de ces deux marques dont il n’est pas démontré qu’elles auraient été apposées sur des produits commercialisés sur des territoires où les marques de CFAO étaient protégés ; que le préjudice résultant de l’avilissement des marques de CFAO sera exactement réparé par l’allocation de la somme de 3000 euros à la charge de Mme P seule, AFA TRADING n’étant pas titulaire des dépôts incriminés ; Considérant qu’au titre des agissements parasitaires imputables à AFA TRADING, la cour relève que les appelantes ne produisent aucune pièce de nature à justifier le montant des dommages et intérêts réclamés ; que le préjudice subi est seulement lié à l’appropriation d’un travail réalisé depuis de nombreuses années et sera exactement réparé par l’allocation de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, à chacune des sociétés exploitantes, SCOA International et SFCE, (l’ancienne et l’actuelle), qui ont fait les frais d’investissement ; Considérant qu’il convient de faire droit aux mesures d’interdiction dans les termes du dispositif ci-dessous énoncé ; qu’en revanche les mesures de publication sollicitées n’apparaissent pas appropriées ; V – Sur les demandes de Mme P et d’AFA TRADING Considérant que les intimées demandent l’infirmation du jugement sans toutefois exposer leurs moyens ; qu’elles indiquent seulement que c’est par une inexacte appréciation des éléments de la cause que les premiers juges les ont déboutées de leur demande d’interdiction et de dommages et intérêts ; Mais considérant que, d’une part, la cour ayant ordonné le transfert des marques au bénéfice de CFAO, les mesures d’interdiction sollicitées n’ont plus d’objet, d’autre part, les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour fait siens, retenu que les demandes de dommages et intérêts n’étaient pas fondées, le tribunal n’étant pas saisi d’actes de contrefaçon et aucun acte de concurrence déloyale n’étant démontré ; que le jugement sera confirmé de ces chefs ;

Considérant que l’équité commande d’allouer aux appelantes la somme globale de 4000 euros qui sera supportée in solidum par les intimées ; que la demande formée à ce titre par ces dernières sera rejetée ; Considérant que les dépens d’appel seront supportés par les intimées qui succombent pour la plus grande part ; PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE (CFAO) de sa demande en revendication des marques françaises n°95 586 481 et 95 586 480, et en ce qu’il a rejeté la demande sur les agissements parasitaires ; Réformant de ces chefs, statuant à nouveau et ajoutant ; Ordonne le transfert des marques « LUNA » n° 95 586 481 et « ANGELA » n° 95 586 480 au profit de la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE ; Dit que le présent arrêt sera transmis par les soins du greffe à l’Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d’inscription au Registre National des Marques ; Dit qu’en reprenant le conditionnement de concentré de tomates, la société AFA TRADING a commis des agissements parasitaires ; Fait interdiction à cette société de faire usage de ce conditionnement sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et par exemplaire ou document commercial contrevenant, passé un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt ; Interdit à Mme P et à la société AFA TRADING de faire usage des dénominations « LUNA » et « ANGELA » sur le territoire français, pour les produits et services visés par les dépôts, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, passé un délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt ; Condamne Madame P à payer à la société CFAO la somme de 3000 euros pour l’atteinte portée aux marques dont est titulaire cette société ; Condamne la société AFA TRADING à payer à chacune des sociétés suivantes, SCOA International et Compagnie, et SOCIETE FRANÇAISE DU COMMERCE EUROPÉEN (SFCE), la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour les agissements parasitaires ; Condamne in solidum la société AFA TRADING et Madame P à payer aux appelantes la somme globale de 4000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne in solidum les intimées aux dépens d’appel ; Autorise la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avoué, à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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