Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 15 décembre 2010, n° 08/15606

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 1, 15 déc. 2010, n° 08/15606
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/15606
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 11 décembre 2006, N° 05/11392
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2010

(n° , 06 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/15606

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 05/11392

APPELANT

Monsieur Y X

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/033687 du 11/07/2008 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

XXX

XXX

représenté par Me Bruno NUT, avoué à la Cour

assisté de Me Héloïse GOSSART, avocat au barreau de Paris, toque : E433

INTIMÉES

XXX

Prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

La société CLEAR CHANNEL FRANCE

Prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège XXX

XXX

représentée par la SCP NARRAT – PEYTAVI, avoués à la Cour

assistée de Me Richard ROUX, avocat au barreau de Paris, toque : R262

plaidant pour la SELARL CABANES ET ASSOCIÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame C D, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN

ARRÊT : – contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR,

Vu l’appel interjeté le 31 juillet 2008 par Monsieur Y X d’un jugement rendu le 12 décembre 2006 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 février 2010 dans l’intérêt de la société SCO Angers, intimée ;

Vu les dernières conclusions dans l’intérêt de l’appelante signifiées le 9 avril 2010 ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 4 mai 2010 dans l’intérêt de la société Clear Channel France, intimée ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 14 septembre 2010 ;

* *

SUR CE, LA COUR,

Considérant que Monsieur Y X, reporter photographe et disposant à ce titre d’une carte d’accréditation permanente d’accès au stade d’Angers, a réalisé plusieurs clichés photographiques lors d’un match de football s’y déroulant; que le 28 janvier 2004, il a soumis 190 clichés réalisés à cette occasion à la direction du SCO d’Angers en vue d’une éventuelle acquisition; que le 8 mars 2004, il leur a communiqué la grille tarifaire portant la mention « droit d’auteur inclus uniquement à usage interne au club; pour autres usages me contacter »; qu’en mai 2004, sans avoir pris de décision d’acquisition, le SCO d’Angers lui a restitué 160 clichés photographiques;

Que M. X, ayant constaté en juillet 2004 que l’une des photographies conservées par le SCO d’Angers représentant le tir d’un feu d’artifice avait fait l’objet d’un photomontage et était reproduite sur une affiche dans le cadre d’une campagne de promotion du SCO d’Angers réalisée par la succursale angevine de la société Clear Channel France et diffusée à Angers, Cholet et dans la périphérie de ces villes, a assigné le SCO d’Angers et la société Clear Channel France sur le fondement de la contrefaçon et d’atteinte au droit moral d’auteur ;

Considérant que le tribunal, par le jugement dont appel, a débouté M. X de toutes ses demandes faute de démonstration du caractère original de sa photographie;

1.Sur l’originalité

Considérant en vertu de l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, que l’auteur d’une 'uvre de l’esprit jouit sur cette 'uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ;

Que sont notamment considérées comme 'uvres de l’esprit, selon l’article L. 112-2, 9° du même code, « les 'uvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie »;

Que la protection de principe résultant de ces dispositions est subordonnée à la démonstration d’une création intellectuelle portant l’empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant que le SCO d’Angers dénie vainement tout caractère original à la photographie litigieuse en soutenant que, dès lors que M. X n’avait aucune maîtrise sur la composition et l’éclairage de l’objet de la photographie, tout photographe placé dans des conditions similaires aurait obtenu un résultat sensiblement identique à la photographie en cause ;

Considérant en effet, sauf à démontrer que la photographie litigieuse serait le résultat d’un procédé purement mécanique dépourvu de toute recherche et finalité esthétique, que le déclenchement de la prise de vue et le cadrage procèdent de choix esthétiques personnels en vue de capturer une image particulière et unique et reflétant la personnalité de son auteur ;

Considérant que l’appelant expose que le cliché en cause « conjugue des choix de cadrage, de composition, de ligne d’horizon par paliers, de même qu’une expertise technique liée à une recherche émotionnelle et scénographique »; qu’il décrit l’originalité de la photographie, qui n’aurait pas été prise en mode rafale, en expliquant son parti pris scénographique conjuguant une organisation de l’image et un traitement de la lumière laissant transparaître l’empreinte de sa personnalité; qu’il conclut avoir voulu « saisir la chronologie intégrale du feu dans son implosion finale, saisir la dichotomie ente la présence des silhouettes multiples, visibles au loin dans leur attroupement statique au sein des tribunes, et la présence isolée et pleinement participative de l’artificier accroupi »;

Considérant qu’il ressort ainsi des débats que la photographie résulte de choix personnels de l’auteur dans la captation d’un spectacle de la vie sportive portant l’empreinte de sa personnalité et que M. X est en conséquence fondé à revendiquer la protection par le droit d’auteur ;

2. Sur la contrefaçon :

Considérant que le SCO d’Angers ne conteste pas avoir reproduit la photographie en cause dans le cadre d’une opération de promotion du stade d’Angers; qu’il expose que la mention « droit d’auteur inclus uniquement à usage interne au club» apposé sur la grille tarifaire ne saurait restreindre l’exploitation de la photographie au seul usage dans le cadre du cercle de famille et qu’il détenait ainsi un droit d’usage sur la photographie en cause qui lui avait été remise spontanément ;

Mais considérant qu’aux termes de l’article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée »;

Or considérant qu’il ne ressort d’aucune pièce versée au débat que M. X ait consenti à l’utilisation de sa photographie dans le cadre d’une campagne publicitaire, consentement qui ne saurait résulter de la seule transmission spontanée de la photographie; que, par ailleurs, la grille tarifaire transmise à la direction du SCO d’Angers n’envisageait qu’une cession limitée des droits à un seul usage interne, y étant par ailleurs expressément stipulé de contacter l’auteur pour les autres usages; que le SCO d’Angers, qui prétend ainsi à tort détenir un droit d’usage sur la photographie litigieuse dans le cadre d’une campagne publicitaire, a, en reproduisant ladite photographie sans autorisation de son auteur, commis des actes de contrefaçon;

Considérant que la société Clear Channel France, qui ne conteste pas avoir réalisé la campagne d’affichage en cause, soutient qu’en sa qualité d’afficheur, elle s’est bornée à afficher l’affiche litigieuse conçue intégralement par le SCO d’Angers sur des supports déterminés; qu’ainsi seule la responsabilité du SCO d’Angers peut être recherchée;

Mais considérant qu’aux termes de l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle «toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite »; que la seule ignorance de la société Clear Channel France du caractère contrefaisant des affiches ne saurait l’exonérer de sa responsabilité; qu’ainsi en reproduisant sous forme d’affiche la photographie en cause sans autorisation de son auteur, la société Clear Channel France a commis des actes de contrefaçon ;

3. Sur le préjudice :

Considérant qu’en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur bénéficie d’un droit moral sur son 'uvre incluant le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son 'uvre ainsi que la maîtrise de sa divulgation ;

Que le SCO d’Angers expose que la photographie en cause n’a pas fait l’objet de modification mais a été utilisée comme arrière-plan d’une affiche ; que « l’élément moteur » de l’affiche ne résidant pas dans la photographie de M. X mais dans l’image des joueurs se congratulant apposée en premier plan, il ne peut lui être reproché une omission de signature ;

Mais considérant que le recadrage partiel et l’utilisation en arrière plan de la photographie en cause a pour conséquence d’amputer l''uvre de M. X de certains de ses éléments ; qu’ainsi, en modifiant la photographie en cause, le SCO d’Angers a porté atteinte au droit moral de M. X ; que, de même, la seule utilisation tronquée de la photographie ne saurait justifier l’atteinte au droit à la paternité de l’auteur;

Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur détermine le procédé de divulgation de son 'uvre et fixe les conditions de celle-ci; que peu importe que la photographie ait ou non été remise dans un cadre strictement privé à la direction du SCO d’Angers, l’exploitation de cette dernière était réservée, comme cela a été exposé précédemment, à un usage interne au SCO d’Angers; qu’ainsi en communiquant au public l''uvre de M. X dans le cadre d’une campagne de promotion du SCO d’Angers sans l’accord de son auteur, le SCO d’Angers ainsi que la société Clear Channel France ont porté atteinte à son droit de divulgation ;

Considérant qu’il ressort des procès-verbaux produits que la campagne de promotion en cause a été présentée sur 96 affiches de 99 cm x 83 cm sur les bus d’Angers du 20 au 27 juillet 2004, sur 48 panneaux (faces) de 4 m x 3 m à Angers du 3 au 9 août 2004 et sur 24 panneaux (faces) de 4 m x 3 m à Cholet du 8 juillet au 3 août 2004 ;

Considérant, eu égard à ce qui précède, que la cour dispose des éléments suffisants d’appréciation lui permettant de fixer le montant du préjudice patrimonial de l’auteur à 5.000 euros pour l’ensemble des affiches et le montant du préjudice résultant des atteintes à son droit moral à 15.000 euros ;

Considérant que les circonstances de la cause ne justifient pas de faire droit à la demande de M. X tendant à voir ordonner la publication de l’arrêt aux frais du SCO d’Angers ; que cette demande sera rejetée ;

4. Sur les demandes en garanties :

Considérant qu’il apparaît des pièces versées aux débats que les prestations de la société Clear Channel France se limitaient à l’affichage temporaire des affiches de la campagne publicitaire du SCO d’Angers; qu’en effet, l’article 12 des conditions générales prévoit expressément que « le client est responsable du contenu (texte et visuel) de ses messages publicitaires et de leur conformité à la réglementation en vigueur »;

Considérant qu’il résulte de ces stipulations contractuelles que le SCO d’Angers n’est pas fondé à réclamer la garantie de la société Clear Channel France; que cette dernière, en revanche, est fondée à réclamer la garantie du SCO d’Angers;

* *

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris,

STATUANT à nouveau,

DIT que la s.a.s.p SCO d’Angers et la s.a.s Clear Channel France ont commis des actes de contrefaçon de la photographie originale de Monsieur Y X,

CONDAMNE solidairement la s.a.s.p SCO d’Angers et la s.a.s Clear Channel France à payer à Monsieur Y X:

—  5 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des atteintes aux droits patrimoniaux,

—  15 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des atteintes au droit au respect de son 'uvre et de son nom,

CONDAMNE la s.a.s.p SCO d’Angers à garantir la s.a.s Clear Channel France de la condamnation prononcée à son encontre,

DEBOUTE la s.a.s.p SCO d’Angers de sa demande en garantie contre la s.a.s Clear Channel France,

Rejette toute demande contraire à la motivation,

CONDAMNE la s.a.s.p SCO d’Angers aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés, pour ces derniers, par Maître Bruno Nut, avoué à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, et à payer à Monsieur Y X 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 15 décembre 2010, n° 08/15606