Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 19 janvier 2010, n° 09/00334

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Chronologie de l’affaire

Commentaires9

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Conclusions du rapporteur public · 7 novembre 2019

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Conseil Constitutionnel · Conseil constitutionnel · 14 octobre 2015

Commentaire Décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015 Société Grands Moulins de Strasbourg SA et autre (Saisine d'office et sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil de la concurrence) Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 juillet 2015 par la Cour de cassation (arrêt n° 810 du 9 juillet 2015), d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les sociétés Grands Moulins de Strasbourg SA et Axiane Meunerie SAS, portant, d'une part, sur les dispositions de l'article L. 462-5 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-1161 du …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 7, 19 janv. 2010, n° 09/00334
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/00334
Décision précédente : Autorité de la concurrence, 15 décembre 2008, N° 08-D-32
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5-7

ARRÊT DU 19 JANVIER 2010

(n° 5, 45 Q)

Numéro d’inscription au répertoire général : 2009/00334

Décision déférée à la Cour : n° 08-D-32 rendue le 16 décembre 2008

par le CONSEIL DE LA CONCURRENCE

DEMANDEURS AU RECOURS :

— La société AMD SUD-OUEST, S.A.S

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY,

avoués associés près la Cour d’Appel de PARIS

assistée de :

— Maître Anne WACHSMANN,

avocat au barreau de PARIS

Cabinet LINKLATERS LLP

XXX

— Maître Hugues CALVET,

avocat au barreau de PARIS

XXX

XXX

— La société ARCELOR PROFILS, S.A.S

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY,

avoués associés près la Cour d’Appel de PARIS

assistée de :

— Maître Anne WACHSMANN,

avocat au barreau de PARIS

Cabinet LINKLATERS LLP

XXX

— Maître Hugues CALVET,

avocat au barreau de PARIS

XXX

XXX

— La société AG AH, S.A.S

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

représentée par la SCP Michel GUIZARD,

avoué près la Cour d’Appel de PARIS

assistée de Maître Annabelle STECULORUM et Maître Philippe BAZIN

avocats au barreau de ROUEN

Cabinet EMO HEBERT ASSOCIES

XXX

XXX

XXX

XXX

— La société DESCOURS & D, S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

représentée par Maître R S,

avoué près la Cour d’Appel de PARIS

assistée de Maître Loraine DONNEDIEU de VABRES-TRANIE,

avocat au barreau de PARIS

JEANTET ASSOCIES

XXX

— La société A-SAS

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

représentée par Maître R S,

avoué près la Cour d’Appel de PARIS

assistée de Maître Denis REDON et Maître P GENEST,

avocats au barreau de NANTERRE

XXX

XXX

— La société des établissements MAISONNEUVE, S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX

représentée par la SCP Patricia HARDOUIN,

avoué près la Cour d’Appel de PARIS

assistée de Maître Patrick BEUCHER,

avocat au barreau d’ ANGERS

XXX

— La société des établissements L B X, S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : XXX XXX

représentée par la SCP Michel GUIZARD,

avoué près la Cour d’Appel de PARIS

assistée de :

— Maître F G

avocat au barreau de PARIS

Cabinet H G ASSOCIES

XXX

— Maître I J

avocat au barreau de PARIS

XXX

— La société PUM SERVICE D’ACIER , S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : 1 et XXX XXX

représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAT,

avoués associés près la Cour d’Appel de PARIS

assistée de :

— Maître Anne WACHSMANN,

avocat au barreau de PARIS

Cabinet LINKLATERS LLP

XXX

— Maître Hugues CALVET,

avocat au barreau de PARIS

XXX

XXX

EN PRÉSENCE DE :

— Mme K DE L’ECONOMIE, DE L’INDUSTRIE ET DE L’EMPLOI

D.G.C.C.R.F

XXX

XXX

représentée par André MARIE, muni d’un pouvoir

— M. LE PRESIDENT DE L’AUTORITE DE LA CONCURRENCE

XXX

XXX

représenté par Mme Irène LUC, munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

— M. AL AM, Président

— M. I REMENIERAS, Conseiller

— Mme Hélène JOURDIER, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. AN AO-AK

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. R VAISSETTE, Substitut Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. AL AM, président et par M. AN AO-AK, greffier.

* * * * * *

CONTEXTE et PROCÉDURE

XXX

L’acier est un alliage de minerai de fer et de carbone, fréquemment utilisé en tant que matière première dans l’industrie (construction navale ou automobile, serrurerie, outillage et chaudronnerie) et, au même titre que le béton, dans la construction immobilière.

Cinq principales catégories de produits en acier sont concernées par les pratiques examinées ci-après :

Les poutrelles, qui sont principalement utilisées pour la construction métallique (bâtiments industriels de stockage et bâtiments agricoles) et les travaux publics (soutènement, pieux, ponts) ;

Les tubes ;

Les laminés marchands, qui sont les produits longs laminés à chaud autres que les poutrelles et tubes ;

Les ronds à béton (ou ronds), qui sont des tiges d’acier, généralement de basse qualité, servant d’armatures pour le béton armé ;

Les produits plats, composés des tôles et des plaques ; la clientèle se compose d’entreprises dans l’automobile, l’électroménager, le mobilier métallique ainsi que de tous les utilisateurs traditionnels de produits longs.

B. ' L’ACTIVITÉ DE NÉGOCE

Si l’essentiel de la production d’acier est écoulé par les sidérurgistes auprès de grands clients, le « négoce » de ces produits représente environ 15 à 20 % de l’acier vendu en France (entre 2,6 et 3,3 millions de tonnes sur la période concernée par les griefs). Le négoce traite une clientèle très hétérogène et très nombreuse (le nombre de clients des grands groupes de négoce se compte en milliers voire en dizaine de milliers), qui n’achète pas suffisamment de volume pour pouvoir être directement livrée par les producteurs, notamment la construction métallique, la serrurerie et la chaudronnerie. Le négoce se différencie donc de la fabrication et des ventes directes. Les activités des négociants couvrent presque toute la gamme des produits sidérurgiques.

D’un point de vue tarifaire, les négociants interrogés ont présenté trois types de relations avec les clients. Des petits clients, notamment locaux, peuvent commander sans véritablement demander de prix. Des clients plus importants font des consultations, notamment pour les commandes importantes, auprès de plusieurs négociants et scindent le cas échéant ligne par ligne. Quelques rares et gros clients ont des tarifs personnalisés nets. La proportion de ce type de relations dans le portefeuille de clients varie selon les négociants.

C. – LES ENTREPRISES MISES EN CAUSE

Pour la quasi-totalité des produits, les groupes PUM/AMD/Arcelor, A et Descours & D représentaient ensemble de 60 à 80 % des volumes distribués par les adhérents de FNA entre 2001 et 2006. Concernant les valeurs des ventes, les chiffres des différentes entreprises en cause disponibles au dossier sont discutés. Les valeurs précises sont pour certaines protégées par le secret des affaires.

LE GROUPE ARCELOR : L’actuel groupe ArcelorMittal est le résultat d’une série d’opérations de fusion et de rachat entre sidérurgistes, qui se sont déroulées à partir de 1999 et provisoirement achevées avec la création du groupe Arcelor-Mittal en 2006. L’activité de négoce du groupe Arcelor est, depuis 1999, organisée avec à sa tête la société Produits d’Usines Métallurgiques PUM Station Service Acier (ci-après, « PUM Service Acier » ou « PUM »). PUM est possédée à 100 % par Usinor, société détenue depuis 2002 à 100 % par Arcelor. Elle possède la totalité des parts de quasiment toutes les vingt-et-une filiales de négoce du groupe également concernées par la présente affaire, dont les AF Arcelor Profil et Arcelor Négoce Distribution (non visée à la poursuite) depuis leur création en 2003. Le chiffre d’affaires considéré par la Décision a été de 76.772 millions pour le groupe Arcelor, 305 millions pour Arcelor Profil, 122 millions pour AMD et 588 millions pour PUM.

LE GROUPE A : L’actuel groupe A (société contrôlée et présidée par la société Klöckner Distribution Industrielle SA) est issu du regroupement d’une série de négociants à partir de 1994. La société A est détenue par le groupe ArcelorMittal à hauteur de 10 %. Entre mai et juillet 1999, la société A, principale société d’exploitation du groupe dans la branche du négoce, a absorbé l’intégralité des 40 à 50 AF de négoce du groupe. L’activité de distribution ne se limite pas aux produits sidérurgiques, mais s’étend également aux autres produits pondéreux, à l’outillage et aux accessoires industriels. Le chiffre d’affaires considéré par la Décision a été de 980 millions pour A et 6.274 millions pour KLOCKNER.

LE GROUPE DESCOURS & D : Le groupe Descours & D (en abrégé, D&C) est un groupe de négoce fondé au 18e siècle et qui est encore majoritairement familial et coopératif. L’acier représentant actuellement 10 % de son chiffre d’affaires. En son sein, la SA éponyme développe une très faible activité : le chiffre d’affaires considéré par la Décision a été de 3.230 millions pour le groupe, et de 3 millions pour la société poursuivie.

LE GROUPE B AI : Les AF de l’ensemble régional de distribution B ont été rachetées en 1999 par un producteur et « trader » d’acier italo-suisse, le groupe AI. Les AF françaises de négoce du groupe distribuent des produits longs (notamment des poutrelles) et des produits plats via la société Etablissements L B et X (ci-après, « B » ) et sa filiale B AI Produits Plats, dont les locaux, les comptabilités et les dirigeants sont identiques. Le chiffre d’affaires considéré par la Décision s’est élevé en 2007 à 55,2 millions d’euros pour la société Etablissements L B et X et à 6.700 millions d’euros pour le groupe AI .

LA SOCIÉTÉ MAISONNEUVE : La société Etablissements Maisonneuve (ci-après, « Maisonneuve » ) est l’un des plus importants négociants d’acier ne couvrant pas l’ensemble du territoire national, sa clientèle va de Brest à la région parisienne, de Cherbourg à Poitiers et La Rochelle. Son équipe commerciale est d’environ 25 personnes et négocie dans l’année (chiffres 2006) à peu près 160 000 tonnes d’aciers pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 100 millions d’euros. Le chiffre d’affaires considéré par la Décision pour la société Maisonneuve s’est élevé en 2007 à 121 millions d’euros. La société aurait enregistré un résultat négatif pour 2008.

LA SOCIÉTÉ AG AH : L’entreprise AG AH exerce une activité depuis les années 20 et a pris une forme sociale en 1968. Elle s’est développée tout au long des années 90 pour arriver à un volume d’activité stable dans une fourchette de 20 à 22 000 tonnes. La société SA AG AH (ci-après, « AG AH » ) a des activités de négoce des aciers, inox et aluminiums, de découpes de tubes et profils ouverts et de fabrications d’armatures façonnées sur plan. Elle est basée à Moncoutant et exerce son activité dans des départements des Pays de la Loire, du Poitou Charentes et du Centre. Elle fait partie du groupement d’achat SOCODA. Le chiffre d’affaires considéré par la Décision pour la société AG AH s’est élevé en 2007 à 30,2 millions d’euros.

D. ' XXX

LA SOCIÉTÉ LIAMETHO : La société Liametho existe depuis 1988 et résulte de la reprise par quatre de ses anciens cadres de la société familiale Liabastre. Son activité consiste dans le négoce des aciers, inox, aluminiums et des armatures pour béton sur plan. Elle est basée à Honfleur et a une activité dans des départements de la Normandie et depuis peu vers les DOM-TOM. Elle fait partie du groupement d’achat SOCODA. La société Liametho a des AJ dans le capital d’une autre société de négoce, AG AH, et possédait avec cette société une filiale, la société COMET. Le chiffre d’affaires de la société Liametho s’est élevé en 2007 à 15,6 millions d’euros.

LA SOCIÉTÉ E : La société Comptoir de Distribution Professionnelle (ci-après, « E » ) a été créée en février 1993, sous forme de société coopérative d’anciens salariés d’une société de quincaillerie du groupe DOMO finances mise en redressement judiciaire en 1991. E est devenue une société par action simplifiée en 2004. Elle est basée à Aix-en Provence et a une activité dans certains départements du sud-est de la France. Son chiffre d’affaires pour l’exercice clos au 30 juin 2008 s’est élevé à 21,2 millions d’euros.

LA SOCIÉTÉ FERREN FERS : La société Ferren Fers a été rachetée en 2001 par la société E. Le chiffre d’affaires de la société Ferren Fers s’est élevé en 2007 à 7,8 millions d’euros.

FRANCE NÉGOCE ACIERS : France Négoce Aciers (en abrégé, FNA) est le syndicat majoritaire de la profession du négoce de produits sidérurgiques. Il est issu de la réunion en 2000 de deux syndicats principaux, le SNCPS et le SNIPS, qui regroupaient respectivement les négociants nationaux et les indépendants régionaux. Plus généralement, il est le résultat de regroupements successifs de syndicats de négociants dont le plus ancien remonterait à 1911, généralement constitués par produits (par exemple le SNCTR, pour les tubes et raccords, a fusionné avec le FNA en 2003). FNA a changé de raison sociale au début de l’année 2008, devenant la Fédération Française de la Distribution des Métaux (en abrégé, FFDM). Il a à cette occasion intégré des syndicats relatifs à l’inox (UNAS), au cuivre (SNCM) et à l’aluminium (AFDA). Les statuts du FNA prévoyaient à l’époque des faits une assemblée générale, un conseil d’administration, un bureau ainsi qu’un collège national et un collège régional. Il a, par agrément public, une mission de remontée de chiffres concernant les tonnages distribués sur le marché à des fins statistiques.

E. – LA DÉNONCIATION DE COMPORTEMENTS ANTICONCURRENTIELS ET L’ENQUÊTE ADMINISTRATIVE

A la fin de 2003, des clients de négociants en produits sidérurgiques s’étaient plaints de similitudes suspectes dans les offres reçues à l’occasion de consultations.

Le 25 mai 2004, des opérations de visites et saisies ont été diligentées par la DGCCRF dans les locaux d’un certain nombre de négociants en produits sidérurgiques français. Elles se fondaient sur une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 12 mai 2004, prise au visa de l’article L. 450-4 du code de commerce, qui a autorisé le recours à ces opérations aux fins de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles présumées dans le secteur des produits sidérurgiques.

A la suite de ces investigations et d’autres visites et saisies, effectuées notamment au siège de France Négoce Aciers le 20 juillet 2004, un rapport administratif d’enquête accompagné de 83 annexes a été établi le 10 mars 2005.

Sur la base de ce rapport, K de l’économie des finances et de l’industrie a saisi, par courrier du 7 juillet 2005 le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur du négoce de produits sidérurgiques.

F. ' LA CLÉMENCE (ARTICLE L 464-2-IV DU CODE DE COMMERCE)

Le 25 octobre 2006, la société Descours & D SA, qui est l’une des entreprises visées par l’enquête, et ses filiales ont formulé une demande de mise en oeuvre du IV de l’article L. 464-2 du code de commerce (procédure de clémence après début d’enquête, dite « de second rang »), à l’appui de laquelle elles ont offert d’apporter des déclarations et des documents. Le 14 mars 2007, le Conseil de la concurrence a rendu un avis n° 07-AC-03 accordant à la société Descours & D SA et à ses filiales le bénéfice de la clémence, avec une réduction de la sanction encourue entre 10 et 30 p.100, moyennant divers engagements ('bénéfice conditionnel'). La réfaction effective s’établira à 35 pour cent (voir 'J').

G. – LES PRATIQUES DÉNONCÉES PAR LE RAPPORTEUR DU CONSEIL

Le Rapporteur a, sur une période située entre août 1999 et mai 2004, exploité les éléments suivants, à partir des documents saisis lors des visites domiciliaires et des déclarations des représentants du demandeur à la clémence, Descours-D :

Essentiellement les traces de réunions tenues à raison de cinq sur deux jours chaque mois sous l’égide du syndicat FNA, à savoir :

Des réunions ou commissions « produits longs » (dites « le club poutrelles ») ; des réunions Tubes ; des réunions Produits plats ; il semble qu’il se soit agi de définir ou modifier des bérèmes de références de niveau national, de classifier les clients (nationaux, dont certains dites « monitorés »), régionaux ou locaux) en fonction de leurs volumes d’achat, et d’encadrer la politique de remises ; le National Poutrelles et Produits Longs semble avoir servi de base pour les autres produits ou niveaux de marché ;

Des réunions du bureau du syndicat FNA : il semble qu’elles aient servi à déterminer les prix des accessoires (transport, stockage, ) ;

Des réunions de « présidents de région », titre et découpage imaginé par la profession ;

En marge des réunions périodiques,

Des déjeuners des directeurs commerciaux des trois principaux négociants, dont témoignent diverses notes de frais et mentions sur des agendas, déjeuners auxquels se joignaient occasionnellement des représentants du syndicat ;

Des dîners des présidents de région ;

Des contacts téléphoniques, dont des cahiers et les agendas saisis portent la trace.

Le résultat de ces diverses rencontres et de ces entretiens était diffusé par des mails, fax et courriers, dont de nombreux ont été retrouvés. Le suivi des consignes aurait reposé notamment sur des visites et relevés dénommés « pilotes » (par client, par produit, par région ou département) et des rencontres entre les négociants au niveau régional, en présence des « parrains », directeurs commerciaux de niveau national. Chaque marché d’importance était soumis à l’ensemble des principaux négociants du produit dans le secteur géographique concerné, pour s’assurer du respect des barèmes et consignes. Enfin, pour ne pas alerter les acheteurs, les réponses aux appels d’offres étaient faites à des niveaux de prix artificiellement différents, le moins-disant étant désigné à tour de rôle (système dit des « tournantes »).

Des « dispositifs » régionaux consistaient à faire bloc devant la concurrence des négociants externes à l’entente ; et à sanctionner, selon une tarification dont il a été retrouvé de nombreuses traces écrites (paperboards, ) les manquements éventuels des membres de l’entente.

Selon le Rapporteur, il se serait agi d’habitudes nationales et régionales anciennes, maintenues et développées sous l’impulsion des trois principaux groupes nationaux de négoce.

XXX

Sur la base des éléments qui précèdent, a été notifié le 5 mars 2008,

— A la société PUM Service Acier, pour son comportement et celui de ses filiales Arcelor Négoce Distribution, PUM Paris Normandie, PorfilArbed Distribution France, D’Huart, Arcelor Profil, Mirouze Novacier, Chaillous, SLPM, PMSO, Berton Sicard, Lille Aciers, Lopez, Guille, Guillot, Fermatec, Prometo, SIME, Savoie AH, CML, CIMA et Baechler avec lesquelles elle formait à l’époque des faits une unité économique ;

— A la société Arcelor Profil, venant aux droits de la société ProfilArbed Distribution France qu’elle a absorbée ;

— A la société AMD Sud/Ouest, venant aux droits de la société AH Pyrénées qu’elle a absorbée ;

— A la société A ;

— A la société Descours & D SA, pour son comportement et celui de ses filiales Descours & D Sogedesca, Descours & D Ile de France, Descours & D

Normandie, Descours & D M, Descours & D Rhône Alpes Auvergne, Descours & D Savoie, Dock Généraux/ Dock Industries Services/ Y, Beauplet, N O, Lecoufle, P Q, XXX, SMG et Schmerber avec lesquelles elle formait à l’époque des faits une unité économique ;

— A la société Maisonneuve ;

— A la société Etablissements L B et X, pour son comportement et celui de sa filiale AI B Produits Plats, avec laquelle elle formait à l’époque des faits une unité économique ;

— A la société AG AH ;

— A la société Liametho ;

— A la société E, formant à l’époque des faits une unité économique avec la société Ferren Fers ;

— A la société Ferren Fers, formant à l’époque des faits une unité économique avec la société E ;

— A France Négoce Aciers,

le grief 'd’avoir participé à une entente complexe et continue sur le marché français du négoce de produits sidérurgiques consistant en une concertation sur des barèmes et autres conditions tarifaires, sur les clients, sur les parts de marché et en un échange régulier d’informations stratégiques. Ces pratiques, qui ont eu pour objet d’imposer sur le marché français du négoce des produits sidérurgiques un mode d’organisation substituant au libre jeu de la concurrence une collusion généralisée entre les négociants et pour effet de restreindre la libre fixation des prix et la liberté commerciale des opérateurs sur le marché, sont prohibées par l’article L. 420-1 du Code de commerce et par l’article 81 Traité CE. Elles ont été mises en oeuvre au moins de 1999 à 2004 et sont retenues pour cette période à l’encontre de l’ensemble des entreprises et organismes concernés, à l’exception des AF Maisonneuve, E et Ferren Fers, dont la participation n’est retenue que pour la période allant de 2001 à 2004 et des AF Liametho et AG AH, dont la participation n’est retenue que pour la période allant de 2002 à 2004 .'

L’article 81 du Traité CE est devenu ultérieurement l’article 101 du Traité FUE.

I. – LA NON CONTESTATION DE GRIEFS (ARTICLE L. 464-2-III DU CODE DE COMMERCE)

A la suite de la notification des griefs, les AF PUM Service Acier/ Arcelor Profil/ AMD Sud Ouest et A, ainsi que la FFDM, venant aux droits de FNA, ont sollicité en avril 2008 le bénéfice des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce, selon lesquelles : « lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s’engage à modifier ses comportements pour l’avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l’absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ».

La réfaction effective s’établira entre 17 et 20 p.100 (voir 'J').

XXX

Onze entreprises et un syndicat ont été sanctionnés pour un montant total d’un peu plus de 575 millions d’euros. Le Conseil a infligé :

J.-1, aux entreprises qui n’ont pas contesté les griefs :

= à la société Produits d’Usines Métallurgiques PUM ' Station Service Acier une sanction de 288 000 000 euros ; soit 0.37 p.100 du chiffre annuel Groupe et 48.9 p.100 du chiffre annuel Société ;

= à la société Arcelor Profil une sanction de 12 950 000 euros ; soit 0.016 p.100 du chiffre annuel Groupe et 4.3 p.100 du chiffre annuel Société ;

= à la société AMD Sud Ouest une sanction de 830 000 euros ; soit 0.0011 p.100 du chiffre annuel Groupe et 0.68 p.100 du chiffre annuel Société ;

= à la société A une sanction de 169 300 000 euros ; soit 2.72 p.100 du chiffre annuel Groupe et 17.24 p.100 du chiffre annuel Société ;

J.-2, à la société Descours & D SA qui a mis en oeuvre la procédure de clémence, une sanction de 82 550 000 euros ; soit 2.53 p.100 du chiffre annuel du groupe et 38 fois le chiffre annuel de la Société ;

J.-3, à la société Etablissements L B et X une sanction de 12 000 000 euros ; soit 0.018 p.100 du chiffre annuel Groupe et 21.8 p.100 du chiffre annuel Société ;

J.-4, aux entreprises poursuivies pour une période postérieure au 1° janvier 2001,

= à la société Etablissements Maisonneuve une sanction de 8 000 000 euros ; soit 6.61 p.100 du chiffre annuel Société ;

= à la société SA AG AH une sanction de 800 000 euros ; soit 2.6 p.100 du chiffre annuel Société ;

= à la société Comptoir de Distribution Professionnelle (non requérante devant la cour) une sanction de 400 000 euros ;

= à la société Liametho (non requérante devant la cour) une sanction de 400 000 euros ;

= à la société Ferren Fers (non requérante devant la cour) une sanction de 100 000 euros ;

J.-5, au syndicat dit Fédération Française de Distribution de Métaux une sanction de 124 500 euros.

Les AF et organisme sanctionnés ont dû faire publier le texte figurant au paragraphe 530 de la Décision, en respectant la mise en forme, dans une édition des journaux « La Tribune » et « Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment ».

LA COUR

Vu la Décision n 08-D-32 du Conseil de la concurrence en date du 16 décembre 2008, 'relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques’ ;

Vu le mémoire de la SA A.M. D. Sud-Ouest en date du 19 février 2009 demandant à la cour de :

— ANNULER la Décision, en ce que le Conseil n’avait aucune compétence pour prononcer une sanction pécuniaire à l’encontre des pratiques commises antérieurement au 23 juillet 2002 ;

— à titre subsidiaire, ANNULER la Décision ou la REFORMER en réduisant très substantiellement le montant de la sanction pécuniaire imposée par le Conseil à l’encontre de AMD Sud-Ouest en raison de plusieurs erreurs d’appréciation du Conseil dans l’évaluation du dommage causé à l’économie ainsi que dans la caractérisation des effets des pratiques, et en ce que les montants d’amende sont en tout état de cause disproportionnés ;

— REFORMER la Décision en réduisant très substantiellement le montant de la sanction pécuniaire imposée par le Conseil à l’encontre de AMD Sud-Ouest en raison d’erreurs d’appréciation du Conseil dans l’individualisation de la situation de AMD Sud-Ouest, et en particulier dans la valorisation des engagements proposés dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs ;

— ORDONNER en conséquence la restitution des fonds indûment payés, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ; DIRE que les intérêts échus produiront eux-mêmes des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du Code civil.

Vu le mémoire de la SA Arcelor Profil en date du 19 février 2009 demandant à la cour de :

— ANNULER la Décision, en ce que le Conseil n’avait aucune compétence pour prononcer à son encontre une sanction pécuniaire pour des pratiques commises antérieurement à l’expiration du Traité CECA ;

— à titre subsidiaire, ANNULER la Décision ou la REFORMER en réduisant très substantiellement le montant de la sanction pécuniaire imposée par le Conseil à l’encontre de Arcelor Profil, en raison d’une très grave erreur d’appréciation du Conseil dans la prise en compte de la durée de la participation aux pratiques de PADF ;

— à titre subsidiaire, ANNULER la Décision ou la REFORMER en réduisant très substantiellement le montant de la sanction pécuniaire imposée par le Conseil à l’encontre de Arcelor Profil en raison de plusieurs autres erreurs d’appréciation du Conseil dans l’évaluation du dommage causé à l’économie ainsi que dans la caractérisation des effets des pratiques, et en ce que les montants d’amende sont en tout état de cause disproportionnés ;

— REFORMER la Décision en réduisant très substantiellement le montant de la sanction pécuniaire imposée par le Conseil à l’encontre de Arcelor Profil en raison d’erreurs d’appréciation du Conseil dans l’individualisation de la situation de Arcelor Profil, et en particulier dans la valorisation des engagements proposés dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs ;

— ORDONNER en conséquence la restitution des fonds indûment payés, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ; DIRE que les intérêts échus produiront eux-mêmes des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du Code civil.

Vu le mémoire de la SA PUM Service d’Acier en date du 19 février 2009, demandant à la cour de :

— ANNULER la Décision, en ce que le Conseil n’avait aucune compétence pour prononcer une sanction pécuniaire à l’encontre des pratiques commises antérieurement au 23 juillet 2002 ;

— à titre subsidiaire, ANNULER la Décision ou la REFORMER en réduisant très substantiellement le montant de la sanction pécuniaire imposée par le Conseil à l’encontre de PUM en raison de plusieurs erreurs d’appréciation du Conseil dans l’évaluation du dommage causé à l’économie ainsi que dans la caractérisation des effets des pratiques, et en ce que les montants d’amende sont en tout état de cause disproportionnés ;

— REFORMER la Décision en réduisant très substantiellement le montant de la sanction pécuniaire imposée par le Conseil à l’encontre de PUM en raison d’erreurs d’appréciation du Conseil dans l’individualisation de la situation de PUM, et en particulier dans la valorisation des engagements proposés dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs ;

— ORDONNER en conséquence la restitution des fonds indument payés, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ; DIRE que les intérêts échus produiront eux-mêmes des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du Code civil.

Vu le mémoire en réplique des AF PUM Service d’Acier, Arcelor Profil et AMD Sud-Ouest en date du 22 octobre 2009, demandant à la Cour de leur adjuger l’entier bénéfice de leurs précédentes écritures ;

Vu le mémoire de la SAS AG AH en date du 17 février 2009, demandant à la cour d’infirmer la décision du Conseil de la Concurrence n 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques en ce qu’elle a prononcé des sanctions pécuniaires disproportionnées eu égard à la faible participation de cette requérante dans l’entente et à son rôle passif et contraint au sein de l’entente ;

Vu le mémoire en réponse de la SAS AG AH en date du 20 octobre 2009 et tendant aux mêmes fins que le précédent ;

Vu l’exposé des motifs de la SA DESCOURS ET D en date du 23 février 2009, et les conclusions en réplique en date du 22 octobre 2009, demandant à la cour de :

A titre principal, prononcer l’annulation de la décision nO 08-D 32 du Conseil de la concurrence en date du 16 décembre 2008, en ce que :

* l’ordonnance d’autorisation de visites et saisies du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY en date du 12 mai 2004 est entachée de nullité;

* et l’application de l’aggravation du plafond et l’élargissement de l’assiette de calcul de la sanction pécuniaire issus de la loi « NRE » du 15 mai 2001 aux faits antérieurs au 18 mai 2001 est contraire aux dispositions de l’article 7 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.

Ordonner le remboursement immédiat à la société DESCOURS & D SA du montant des sommes déjà versées au titre du paiement de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;

Ordonner la capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code Civil.

A titre subsidiaire, accueillir la demande de la société DESCOURS & D SA de soumettre à la Cour de Justice des Communautés Européennes, au titre de l’article 234 du Traité CE (lire : Traité FUE), une demande de question préjudicielle portant sur l’applicabilité aujourd’hui des règles du Traité CECA aux faits antérieurs à son expiration (aoftl 1999 – 23 juillet 2002).

A titre très subsidiaire, prononcer la réformation de la décision nO 08-D-32 du Conseil de la concurrence en date du 16 décembre 2008, en ce que :

* le montant de la sanction pécuniaire (127 millions d’euros) infligée à la société DESCOURS & D SA avant réfaction au titre de la clémence doit prendre en compte la situation de crise « exceptionnelle }) survenue depuis cette décision, conformément aux propositions du Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi dans ses observations en date du 22 juillet 2009 ;

* le montant de la sanction pécuniaire (127 millions d’euros) infligée à la société DESCOURS & D SA avant réfaction au titre de la clémence est disproportionné au regard des critères de l’article L 464-2 du Code de Commerce ;

* le montant de la sanction pécuniaire (82,55 millions d’euros) infligée à la société DESCOURS & D SA après réfaction au titre de la clémence est disproportionné compte tenu de l’absence de prise en considération, au titre de la contribution apportée à l’établissement de l’infraction, de l’implication personnelle des dirigeants du groupe DESCOURS & D SA et de la méthode d’investigation mise en place par l’entreprise pour la recherche des preuves ;

* le montant de la sanction pécuniaire (82,55 millions d’euros) infligée à la société DESCOURS & D SA, à pratiques identiques, est disproportionné par rapport aux sanctions pécuniaires prononcées à l’encontre des autres membres de l’entente et par voie de conséquence réduire de manière substantielle le montant de la sanction pécuniaire infligée à la société DESCOURS & D SA. ;

Ordonner le remboursement immédiat à la société DESCOURS & D SA du trop-perçu des sommes versées au titre du paiement de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir.

Ordonner la capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code Civil.

A titre très très subsidiaire, désigner un expert aux fins de l’évaluation de l’importance du dommage causé à l’économie, avec pour mission :

= de vérifier la méthode de traitement des éléments d’informations financières et comptables sur lesquels la société DESCOURS & D SA a fondé sa méthode d’évaluation de l’importance du dommage à l’économie;

= d’examiner la validité de l’approche en termes de profits économiques (ou EVA) du secteur, retenue par la société DESCOURS & D SA comme méthode d’évaluation de l’importance du dommage à l’économie.

En toute hypothèse, condamner K chargé de l’économie au paiement d’une somme de 8000 Euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens, et en ordonner la distraction au profit de l’Etude de Maître R S en vertu de l’article 699 du CPC.

Vu le mémoire en réplique de la SAS K.D.I. en date du 22 octobre 2009, reprenant et développant le mémoire en date du 20 février 2009 et demandant à la cour de :

XXX,

— DIRE ET JUGER que l’ordonnance du juge de libertés et de la détention du TGI de Bobigny, en date du 12 mai 2004, est irrégulière et mal-fondée et, le cas échéant, l’ANNULER ;

En conséquence,

— ANNULER la décision n 08-D-32 du Conseil de la concurrence en date du 16 décembre 2008 en tant qu’elle concerne A ;

— ORDONNER le remboursement immédiat à la société A SAS du montant des sommes versées au titre du paiement de la sanction ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

— DIRE ET JUGER les articles L.420-1 du Code de Commerce et 101 du Traité FUE (anciennement 81 Traité CE) inapplicables aux faits compris dans le grief notifié à A ; DIRE ET JUGER les dispositions de l’article 65 du Traité CECA seules applicables ; en conséquence DIRE ET JUGER que la décision adoptée par la Conseil de la concurrence est entachée d’une erreur de droit ainsi que d’incompétence ;

En conséquence :

— ANNULER la décision n 08-D-32 du Conseil de la concurrence en date du 16 décembre 2008 ;

— ORDONNER le remboursement immédiat à la société A SAS du montant des sommes versées au titre du paiement de la sanction ;

XXX :

— DIRE ET JUGER que le Conseil de la concurrence, en adoptant l’article 3 du dispositif de la décision, relatif à la sanction infligée à A, a enfreint les dispositions de l’article L.464-2 du Code de Commerce ;

En conséquence,

— ANNULER l’article 3 du dispositif de la décision ;

— ORDONNER le remboursement immédiat à la société A SAS du montant des sommes versées au titre du paiement de la sanction ;

XXX :

Pour l’un ou l’autre des moyens invoqués au soutien du présent recours,

— REFORMER l’article 3 du dispositif de la décision n 08-D-32 du Conseil de la concurrence en date du 16 décembre 2008 en REDUISANT SUBSTANTIELLEMENT le montant de la sanction prononcée à l’égard de la société A SAS ;

— ORDONNER le remboursement immédiat à la société A SAS du montant des sommes versées au titre du paiement de la sanction et excédant le montant nouvellement fixé par l’arrêt à intervenir ;

Vu le mémoire de la SA Etablissements MAISONNEUVE en date du 17 février 2009, demandant à la cour de :

Dire et juger la société Maisonneuve recevable et bien fondée en son appel ;

Réformer la décision n 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques, en ce qu’elle a prononcé une amende de 8 millions d’euros à l’encontre de la société Maisonneuve ;

Voir dire que l’amende présente un caractère disproportionné ;

Voir réduire celle-ci à de plus justes proportions ;

Vu le mémoire en réponse de la SA Etablissements MAISONNEUVE en date du 21 octobre 2009, demandant à la cour de :

Dire et juger la société Maisonneuve recevable et bien fondée en son appel ;

Donner acte à la société Maisonneuve de ce qu’elle sollicite la nullité de la procédure,

— parce que l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention est nulle et entraîne la nullité de la procédure et de la décision prise par le Conseil de la Concurrence ;

— parce que l’article 65 du Traité CECA est exclusivement applicable à la procédure

En tout étant de cause, réformer la décision n 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques, en ce qu’elle a prononcé une amende de 8 millions d’euros à l’encontre de la société Maisonneuve ;

Voir dire que l’amende présente un caractère disproportionné ;

Voir réduire celle-ci à de plus justes proportions ;

Vu le mémoire récapitulatif et responsif de la SA ETABLISSEMENTS L B ET X en date du 21 octobre 2009, se substituant comme tel au mémoire du 17 février 2009, et demandant à la cour de :

Annuler la décision du Conseil de la Concurrence n 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques ;

A titre subsidiaire :

— Réformer la décision du Conseil de la Concurrence n 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques, en se fondant sur le chiffre d’affaires du seul groupe B et non de celui du groupe AI PARTICIPATION HOLDING et réduire par conséquent la sanction infligée à l’encontre de B ;

— Réformer la décision du Conseil de la Concurrence n 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques en tenant compte de la circonstance exceptionnelle résultant du contexte de crise économique frappant le secteur du négoce de l’acier et réduire par conséquent le montant de la sanction de B ;

— Réformer la décision du Conseil de la Concurrence n 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques en tenant compte de la dégradation de la situation financière de B telle qu’elle ressort de son bilan au 31 mars 2009, des chiffres produits à l’exercice clos au 30 septembre 2009, et prononcer une réduction conséquente du montant de l’amende infligée à la mesure de sa capacité contributive ;

Vu les observations du président de l’Autorité de la concurrence en date du 22 juillet 2009 ;

Vu les observations de la ministre chargée de l’économie en date du 22 juillet 2009 ;

Vu l’avis du Procureur général en date du 9 novembre 2009 ;

SUR QUOI

A.' SUR LE MOYEN TIRE DE L’INCOMPETENCE DU CONSEIL ET DE LA COUR

Considérant que les AF Arcelor, AMD, PUM, A, Maisonneuve et Descours-et-D estiment que seul le Traité CECA, à l’exclusion du Traité CE (devenu Traité FUE) et du code de commerce, était applicable, vu la période (1999-2004) visée à la poursuite ; que ce Traité réserve la compétence pour sanctionner un comportement anticoncurrentiel, à la Haute autorité devenue Commission européenne, en sorte que le Conseil de la concurrence a excédé sa compétence propre et que sa Décision doit être annulée, sans évocation par la cour ni renvoi à l’Autorité de la Concurrence (AdlC) ; que la société Descours-et-D estime subsidiairement qu’une question préjudicielle à la CJUE (anciennement CJCE) serait nécessaire ;

XXX DE LA NON CONTESTATION DE GRIEFS OU DE LA CLEMENCE

Considérant que la société Maisonneuve, qui n’a ni mis en oeuvre à son profit la procédure de clémence ni renoncé à la contestation des griefs pour prendre des engagements en conséquence, a introduit dans le débat devant la cour la question de l’applicabilité du Traité CECA, qui commande la question de la compétence du Conseil de la concurrence (désormais Autorité de la Concurrence (AdlC)) et partant celle de la cour ;

Que dès lors, il est nécessaire de trancher, sans avoir à s’interroger sur la question de savoir si les AF du groupe Arcelor, la société A ou la société Descours et D, qui soulèvent également le moyen d’incompétence, étaient recevables à le faire après avoir opté pour des procédures d’essence transactionnelle et relevant exclusivement du Traité CE (devenu Traité FUE) et de sa transposition en droit national ;

A.2 – SUR L’APPLICATION DU TRAITE CECA ET DU TRAITE CE

Considérant qu’en vertu de son article 97, le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier a expiré le 23 juillet 2002 ; qu’il s’est donc agi d’un dispositif provisoire, conçu comme tel dès son entrée en vigueur ;

Qu’en outre, ce traité a constitué une législation spéciale par rapport au Traité CE (futur Traité FUE), norme générale entrée en vigueur (presque) simultanément, et non point norme nouvelle comportant expressément abrogation du Traité CECA ;

Considérant dès lors que la question posée à la cour n’est pas celle de la « rétroactivité » du Traité CE et de son droit dérivé, ni même celle de « l’application immédiate » de ce même Traité au 23 juillet 2002, mais exclusivement celle de l’épuisement des effets d’une norme à la fois spéciale et temporaire, le Traité CECA ;

Considérant qu’en pareille hypothèse, et parce qu’une loi qui n’a plus d’objet perd son empire, la loi spéciale et temporaire est abolie et ne se survit en aucune circonstance ;

Qu’il n’est d’exception à ce mécanisme principal que dans le cas où la norme spéciale et temporaire avait, selon le vocabulaire du droit communautaire approprié à l’espèce, des « termes, finalités et économie » incompatibles avec ceux de la norme générale et à durée indéterminée ;

Qu’il sera dit par incidente et en outre, que la norme spéciale et temporaire peut être prise partiellement en considération même après son expiration :

— pour valider les actes juridiques faits en application et dans le respect de la loi spéciale et temporaire, hypothèse consacrée par la jurisprudence communautaire dans des situations purement contractuelles (CJCE, 29 janv. 2002, aff. N° C-162/00, Nordrhein-Westfalen, parag. 46 suiv.) Dont ne relève pas le comportement anticoncurrentiel, de nature purement factuelle,

— pour déterminer les sanctions d’un comportement commis ou commencé sous l’empire de la loi spéciale et temporaire, si ces sanctions étaient plus douces que celles de la loi générale et à durée indéterminée ; et plus généralement, pour conserver à un sujet de droit les avantages qu’il pouvait retirer de l’application de la norme abolie (principe de confiance légitime, consacré notamment en droit communautaire par l’arrêt Dansk, 28 juin 2005, C-189/02, parag. 9 suiv.) ; autant de circonstances dont les parties ne prétendent pas qu’elles soient celles de l’espèce ;

Considérant qu’au rebours de ce qu’avancent les requérantes dans leurs écritures, les instances communautaires n’en ont jamais décidé autrement ;

Qu’il faut d’abord signaler par incidente que la Commission, dans sa « Communication sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du Traité CECA » en date du 26 juin 2002 pose en règle (parag.1) « qu’à partir du 24 juillet 2002, les secteurs précédemment couverts par le Traité CECA et les règles de procédure et du droit dérivé du Traité CECA seront soumis aux règles du Traité CE ainsi qu’aux règles de procédure et au droit dérivé du Traité CE » ; qu’à propos de la compétence d’attribution, la Commission déduit du principe général, en passant de l’imparfait (parag.4) au futur (parag.5) que « les autorités nationales et les juridictions chargées de la concurrence seront désormais compétentes pour appliquer les règles de concurrence européenne aux industries du charbon et de l’acier », à la (seule) exception de l’article 101 (anciennement, 81) paragraphe 3, qui est étranger à la présente affaire ; qu’il en faut déduire, le Traité CECA ayant été une norme liant la compétence et le fond, c’est-à-dire ayant strictement réservé son interprétation et son application à la Commission en raison-même d’objectifs particuliers de centralisation qu’il poursuivait, que ladite Commission entend respecter le principe selon lequel une loi qui n’a plus d’objet perd son empire ; que le surplus de la Communication est une série d’applications de l’exception de validation des actes faits sous l’empire du Traité CECA ; qu’il en est ainsi notamment de ses paragraphes 25.3, 26, 30, 31, qui retiennent à cette fin le mécanisme d’application immédiate du droit procédural aux instances en cours et d’application distributive du droit matériel ou substantiel à ces mêmes instances ; qu’a contrario, la Communication ne détaille pas le cas des instances qui seront ouvertes après le 23 juillet 2002 pour des comportements commis ou commencés avant cette date ;

Que surtout, et l’indication est décisive dans la présente procédure, les juridictions européennes ont statué sur les effets futurs des situations nées sous l’empire d’une règle ancienne (Licata, 10 juill. 1986, C-270/84 ; Meyer, 20 avr. 2002, C-162/00), ont réglé ' dans les mêmes termes que la Communication susmentionnée ' le sort de procédures de sanctions débutées devant la Commission sous l’empire du Traité CECA (Thyssen Krupp, 1 juill. 2009, T-24/07, points 44 suiv. ; Arcelor, 31 mars 2009, T-405/06, parag. 45 suiv.), ont rejeté la validation rétroactive d’aides d’Etat antérieures à l’applicabilité du Traité CE (SIDE, 15 avr. 2008, T-348/04, parag. 50 suiv.), ont généralisé à propos encore d’aides d’Etat la notion de « situation juridique définitivement acquise avant l’expiration du Traité CECA » (Z y Diez, 12 sept. 2007, T-25/04) ; que dans ces divers cas, les juridictions n’ont jamais abordé la question précise ' et différente des précédentes, quoique prétendent les requérantes – d’une saisine à fin de sanctions d’une autorité nationale de concurrence , et ce postérieurement au 23 juillet 2002, pour des comportements commis ou commencés avant cette date et continués après ; qu’à plus forte raison, les juges européens n’ont jamais remis en cause le principe selon lequel une loi qui n’a plus d’objet perd son empire, et tous les prolongements de ce principe ;

Considérant que de même, la jurisprudence nationale est compatible avec le principe d’abrogation irrémissible de la norme spéciale et temporaire ; que si le principe de la sécurité juridique s’oppose à ce qu’un Traité ou un Règlement soit appliqué à des faits nés sous un régime finalement aboli, il en est autrement sur l’indication contraire résultant clairement des objectifs du texte (Com. 22 oct. 2002) ; qu’en l’occurrence, le Traité CECA n’a eu pour objectifs que de régir certaines situations juridiques pour une certaine période, dans le cadre plus général de la construction de l’espace économique européen, comme il a été dit plus haut ;

Considérant, le principe étant ainsi dégagé, qu’il incombe à la cour de dire si en l’espèce, la norme spéciale et temporaire avait ou non des « termes, finalités et économie » incompatibles avec ceux de la norme générale et à durée indéterminée ;

Que pour constater la totale compatibilité des deux normes, et en réponse aux arguments des requérantes qui relèvent les différences organisationnelles et substantielles des deux Traités, il suffit de se reporter aux points 60 et 61 de l’arrêt Arcelor (31 mars 2009, T-405/06) déjà cité : 'l’instauration et le maintien d’un régime de libre concurrence, au sein duquel les conditions normales de concurrence sont assurées et qui est notamment à l’origine des règles en matière d’ententes entre entreprises, constituent l’un des objectifs essentiels tant du traité CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C-308/04 P, Rec. p. I-5977, point 31) que du traité CECA (voir, en ce sens, avis 1/61 de la Cour, du 13 décembre 1961, Rec. p. 505, 519, et arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141/94, Rec. p. II-347, points 265, 299 à 304) ; Dans ce contexte, quoique les règles des traités CECA et CE régissant le domaine des ententes entre entreprises divergent dans une certaine mesure, il convient de souligner que les notions d’accords et de pratiques concertées au sens de l’article 65, paragraphe 1, CECA répondent à celles d’ententes et de pratiques concertées au sens de l’article 81 CE et que ces deux dispositions ont été interprétées de la même manière par le juge communautaire (voir, en ce sens, arrêt Thyssen Stahl/Commission, précité, points 262 à 272 et 277). Ainsi, la poursuite de l’objectif d’une concurrence non faussée dans les secteurs relevant initialement du marché commun du charbon et de l’acier n’est pas interrompue du fait de l’expiration du traité CECA, cet objectif étant également poursuivi dans le cadre du traité CE, par la même institution, à savoir la Commission, autorité administrative chargée de la mise en 'uvre et du développement de la politique de la concurrence dans l’intérêt général de la Communauté (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Z y Díez/Commission, précité, point 55)' ;

Considérant que du tout, il s’évince que le Conseil était fondé à statuer au seul visa du Traité CE (devenue Traité FUE), comme il l’a fait, et à en appliquer les règles et le droit dérivé, donc à se déclarer compétent ;

B.- SUR LES MOYENS TIRES DE LA NULLITE DE LA PROCÉDURE DU CONSEIL

B.1- SUR UNE ATTEINTE AUX DROITS DE LA DÉFENSE

Considérant que la société B fait valoir que le délai imparti pour répondre à la notification des griefs ' soit deux mois ' n’a pas été suffisant pour lui permettre de préparer sa défense ; qu’elle ajoute qu’il n’y a pas eu de discussion possible sur le chiffre d’affaires de référence pour le prononcé de la sanction ; que les AF PUM et Arcelor reprochent au Conseil de ne pas avoir permis la discussion sur les effets de la pratique incriminée ni sur l’estimation des effets de la pratique (fourchette de surprix de 5 à 10%), laquelle n’a été retenue qu’au stade de la décision ;

Mais considérant, en ce qui concerne la société B, que’les documents versés aux débats par le Conseil de la concurrence, notamment des extraits de la notification et du rapport, et les observations de la société B en réponse à ce rapport, démontrent que cette dernière, contrairement à ce qu’elle prétend, a été mise en mesure de s’expliquer sur le chiffre d’affaires à retenir pour la détermination du plafond légal de la sanction ;

Que précisément, le rapport contenait les éléments chiffrés concernant le groupe AI qui ont été retenus par le Conseil pour le calcul de la sanction (cf. cote 29369 du dossier (p. 30 § 106 du rapport) et cote 29377 (p. 38 § 153 du rapport) ; que d’ailleurs, dans ses observations du 30 septembre 2008 en réponse au rapport, la société B a contesté le chiffre d’affaires du groupe tel que retenu par le rapporteur et demandé la «nécessaire rectification du chiffre d’affaires de B'» (cote 30549, p. 98 § 200) ; qu’en outre, l’appartenance de la société B au groupe AI était explicitement mentionnée dès la notification de griefs (cote 27981, p. 24 de la notification de griefs) ;

Que sur les autres moyens que la société B entendait développer devant le Conseil et développe maintenant devant la cour :

— le 27 juin, la requérante a informé le Conseil qu’elle estimait lui avoir communiqué l’intégralité des documents demandés, précisant qu’elle n’avait établi de comptes consolidés qu’à compter de l’exercice ouvert le 1er octobre 2006 et annonçant que «sauf demande additionnelle de la part du Conseil ('), elle considérait que la demande de transmission de documents financiers formulée par ce dernier avait été pleinement satisfaite»';

— le rapport a été notifié à la société B le 30 juillet, mentionnant très clairement le chiffre d’affaires du groupe AI ' d’un montant de 670 millions d’euros pour 2007 ' que le rapporteur avait obtenu, à défaut d’information communiquée par l’entreprise, en consultant des données publiques, notamment le site Internet du groupe';

— comme il a été dit, la société B a alors contesté ce chiffre d’affaires dans ses observations en réponse';

— le 7 octobre, le chef du bureau de la procédure du Conseil a adressé une lettre de rappel très explicite à la société B, pour lui demander une nouvelle fois communication des comptes consolidés du groupe AI';

— le 10 octobre, la société a cru devoir répondre que cette demande était irrégulière en ce qu’étant nouvelle et faite tardivement, elle la mettait dans l’impossibilité d’y «satisfaire dans des conditions régulières»';

— une dernière lettre de relance du Conseil du 17 octobre est restée sans effet ;

Que dès lors, la société B est infondée à soutenir qu’elle n’a pas pu disposer du temps et des moyens procéduraux nécessaires pour exposer sa cause avant d’être sanctionnée ;

Considérant, en ce qui concerne les AF du groupe PUM / Arcelor, que le Conseil devait’porter à la connaissance des parties, au plus tard lors de la notification du rapport afin de leur permettre de répondre utilement, l’ensemble des éléments pouvant être retenus pour déterminer le montant de la sanction susceptible de leur être infligée';

Qu’en l’espèce, l’ensemble des éléments objectifs ayant permis au Conseil d’évaluer l’ampleur du dommage à l’économie (§ 376 à 419) figurait au dossier et avait donc été soumis au contradictoire ;

Que dès lors, le grief articulé par les AF du groupe Arcelor relativement aux droits de la défense n’apparaît pas fondé ;

B.2- SUR LA DÉLOYAUTÉ DE L’INSTRUCTION

Considérant que les AF B et AG AH dénoncent l’instruction à charge à l’égard des négociants indépendants, en lui reprochant de ne pas s’être appuyée sur des documents qui viendraient à leur décharge ; que les mêmes, réciproquement, déplorent que les documents à charge aient été examinés en bloc, sans aucune individualisation ;

Mais considérant que les requérantes ne sont pas fondées à se plaindre d’éventuels manquements à la loyauté de la procédure dès lors qu’à compter de la notification de griefs les parties disposaient d’un droit d’exercice effectif de la contradiction concrétisé par l’accès au dossier, la demande d’audition de témoins à décharge, la présentation d’observations sur la notification de griefs et/ou sur le rapport ainsi que la faculté d’être entendu oralement lors de la séance du Conseil ;

C.- SUR LES MOYENS TIRES DE L’ILLEGALITE DES PREUVES RECUEILLIES PAR LE RAPPORTEUR

C.1- SUR LA RECEVABILITÉ DES ÉLÉMENTS RECUEILLIS LORS DES VISITES DOMICILIAIRES

Considérant que les AF A, Maisonneuve et Descours et D demandent l’annulation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du TGI de Bobigny du 12 mai 2004 et, par voie de conséquence, de l’intégralité de la procédure et de la décision rendue par le Conseil ;

Qu’en premier lieu, elles soutiennent que les dispositions transitoires prévues par le IV de l’article'5 de l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence ne satisfont pas aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne peuvent donc permettre de régulariser rétroactivement l’ordonnance du juge : d’une part, l’absence de recours effectif contre l’ordonnance du juge au moment où celle-ci a été rendue ne pourrait être réparée par ces dispositions qui, ouvrant une voie de recours après la décision de sanction prise par le Conseil, constituerait «'un véritable leurre'», ne garantissant ni le principe du recours effectif ni celui de l’égalité des armes'; d’autre part, selon la société A, les dispositions transitoires méconnaissent la Convention précitée en ce que la juridiction chargée de statuer sur le recours nouvellement ouvert ne présente pas un caractère d’impartialité objective, la Cour d’appel de Paris, dans la même composition, étant amenée à se prononcer à la fois sur la régularité de l’ordonnance et sur le fond, au titre de l’examen de la décision du Conseil ;

Qu’en second lieu, les requérantes entendent néanmoins faire usage de la faculté qui leur est ouverte par les dispositions précitées et, à cet égard, soutiennent que l’ordonnance d’autorisation était mal fondée dès lors que les éléments présentés par l’administration au soutien de sa requête et retenus par le juge auraient dû être écartés en raison,

— soit de l’inapplicabilité, jusqu’au 23 juillet 2002, des dispositions de l’article L. 450-1 du code de commerce relatif aux pouvoirs d’enquête des agents de la DGCCRF au négoce des produits sidérurgiques qui relevait du champ d’application du Traité CECA,

— soit de leur absence de toute force probante, dont le juge aurait pris conscience avec un examen soigneux des pièces qui lui étaient soumises ;

Mais considérant, sur la conventionnalité de l’ordonnance du 13 novembre 2008, que l’article L. 450-4 du code de commerce prévoit un recours contre l’autorisation de visite et de saisie donnée par le juge des libertés et de la détention devant le Premier président de la Cour d’appel ;

Que cette nouvelle voie de recours, introduite à l’article L. 450-4 du code de commerce, a fait l’objet d’un dispositif transitoire prévu par l’article 5 IV de l’ordonnance du 13 novembre 2008 ;

Qu’aux termes de cette ordonnance il est prévu que 'si l’autorisation de visite et de saisie n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation ou si cette autorisation a fait l’objet d’un pourvoi en cassation ayant donné lieu à un arrêt de rejet de la Cour de cassation, un recours en contestation de l’autorisation est ouvert devant la Cour d’appel de Paris saisie dans le cadre de l’article L. 464-8 du code de commerce, hormis le cas des affaires ayant fait l’objet d’une décision irrévocable à la date de publication de la présente ordonnance’ ;

Que le recours devant le premier président de la cour d’appel ou, à l’occasion d’un recours contre une décision de l’Autorité de la Concurrence (AdlC), l’examen des conditions de la perquisition par la cour d’appel de Paris, ont pour effet concret d’ouvrir un recours en appel, qui n’existait pas antérieurement, à l’encontre de l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention en matière de visite et de saisie ; que ce recours consiste à examiner, in concreto, au regard de l’article L450-4 du code de commerce, le bien fondé de l’ordonnance d’autorisation attaquée ; qu’il a pour suite, s’il aboutit à l’infirmation de cette décision, de conduire à l’anéantissement des actes d’enquête réalisés en application de celle-ci, avec toutes les conséquences que cela pourra, en outre, comporter sur les poursuites elles-mêmes ; qu’il s’agit donc d’un recours, certes différé, mais effectif et efficace, en ce qu’il permet à l’appelant de faire valoir ses droits (Paris, prem.prés., 22 oct. 2009, Soc. LDC) ;

Qu’il convient donc de rejeter le moyen tiré de la non conventionnalité de l’article 5 de l’ordonnance du 13 novembre 2008 (comp., dans le domaine voisin des perquisitions fiscales, un tel dispositif transitoire de validation rétroactive a été consacré par la Cour de cassation : Com. 8 et 15 déc. 2009, pourvois K 08-21.017 et 09-12.734) ;

Considérant, s’agissant de l’impartialité des débats qui est également contestée par les requérantes, que le contrôle en fait et en droit de la régularité de l’ordonnance d’autorisation de visite et saisie n’implique de la part de la Cour aucune appréciation sur le bien fondé des griefs et des sanctions concernant les AF ; que la Cour peut statuer sur les deux plans du recours des AF perquisitionnées puis poursuivies et finalement sanctionnées sans que cela constitue une atteinte à l’exigence d’impartialité ;

Considérant, s’agissant de la demande d’annulation de l’ordonnance d’autorisation de visites et de saisies du juge des libertés et de la détention du TGI de Bobigny en date du 12 mai 2004, que la lecture de cette décision fait apparaître que le juge a satisfait à son obligation de contrôle de la requête en s’assurant de sa recevabilité au travers la qualité des personnes ayant demandé l’autorisation et de son bien fondé en appréciant le caractère suffisant des présomptions produites ;

Que cette ordonnance est motivée, puisque les présomptions de comportements anticoncurrentiels reposent sur deux déclarations anonymes recueillies par procès verbaux, deux rapports établis par les fonctionnaires habilités de la DGCCRF reprenant en trois tableaux 60 prix de produits sidérurgiques, et deux procès verbaux établis par des fonctionnaires habilités de la DGCCRF ;

Que, sur l’effectivité de l’examen des pièces par le juge des libertés, l’adoption des motifs du requérant, à la supposer avérée par la seule considération de l’identité typographique entre la requête et la décision de justice (v. Aix 11.2.2009, Versailles 3.4.2009, Paris 7.5.2009) et par l’exacte concordance des dates et la promptitude du magistrat pour statuer (Com. 16.5.2000, Paris 7.5.2009), ou encore par l’identité avec d’autres ordonnances rendues en même matière (v. Com. 21.3.2000 ou 6.2.2008, ou Paris 7.5.2009), ne permet pas à l’appelant de présumer que le juge ait fait l’économie de l’examen de la cause et des pièces qui étaient fournies ;

Que somme toute, les requérantes ne savent rien des conditions de temps ou de lieu dans lesquelles le juge des libertés a délibéré avant de délivrer l’ordonnance qui lui était demandée et procèdent par pure affirmation ;

Qu’enfin, s’agissant de l’incompétence des agents de la DGCCRF dont les procès-verbaux ont été produits au juge des libertés, que cette incompétence ne saurait être soutenue qu’au cas où le Traité CECA se serait irrémédiablement et exclusivement appliqué à la cause, ce qui, comme énoncé précédemment, n’est pas le cas ; qu’en toute hypothèse, les pouvoirs d’investigation conférés par la loi aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, déjà institués à l’époque des visites critiquées, leur permettaient d’effectuer ces visites valablement, sans que l’usage ultérieur des documents saisis soit déterminant de la validité des opérations de perquisition ;

Considérant que du tout, il s’évince que le Conseil était en droit d’utiliser les éléments recueillis lors des visites domiciliaires, pour forger sa conviction ;

C.2 – SUR LA RECEVABILITÉ DES ÉLÉMENTS ISSUS DE LA PROCÉDURE DE CLÉMENCE

Considérant que les AF B et AG AH contestent par principe l’utilisation des déclarations et documents communiqués par le groupe Descours & D dans le cadre de la procédure de clémence ;

Mais considérant que si le bénéficiaire de la clémence peut avoir, selon la formulation habituelle en droit communautaire, tendance à minimiser l’importance de sa contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres, l’argument des deux AF requérantes ne répond pas à la logique inhérente de la procédure prévue par la communication sur la clémence ;

Qu’en effet, le fait de demander à bénéficier de l’application de celle-ci en vue d’obtenir une réduction de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuves déformés quant aux autres participants de l’entente incriminée ; que toute tentative d’induire le Conseil, maintenant l’Autorité, en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice des dispositions sur la clémence ;

Qu’ainsi en jugent les juridictions communautaires (TPIUE (anciennement TPICE) 16 nov. 2006, aff. N° T-120/04, Peroxidos Organicos SA, notamm. Parag. 5) et à leur suite, la présente cour (arrêts cités par l’Autorité de la Concurrence (AdlC) en ses observations) ;

Considérant qu’en l’espèce, la société Descours-et-D n’a, dans les renseignements qu’elle a fournis au Rapporteur, ni minimisé notoirement sa participation à l’entente, ni maximisé celle de telle ou telle autre des AF impliquées, et ne le fait d’ailleurs pas davantage devant la cour ; en quoi, les craintes des AF B et AG s’avèrent vaines et leur contestation ne consiste plus qu’en une critique, naturellement irrecevable, de la ratio legis ;

Qu’il restait seulement loisible au Conseil et maintenant à la cour, d’étalonner les sanctions en fonction de ce que le bénéficiaire de la clémence a effectivement révélé, question qui sera examinée plus loin ;

D.- SUR LE MOYEN TIRE DE L’INSUFFISANCE DES PREUVES DU COMPORTEMENT ANTICONCURRENTIEL

D.1- SUR LE MARCHÉ CONCERNE ET L’AFFECTATION DU COMMERCE INTRACOMMUNAUTAIRE

Considérant que plusieurs des entreprises poursuivies avaient élevé une contestation devant le Conseil relativement au marché effectivement concerné ;

Que cette contestation semble être reprise indirectement devant la cour d’appel pour subdiviser le marché et exclure certains opérateurs poursuivis, ou pour dénier la nature et la mesure des effets anticoncurrentiels des pratiques poursuivies ;

Considérant qu’autant que de besoin, il sera rappelé que le secteur des produits sidérurgiques est généralement divisé, dans la pratique décisionnelle communautaire, selon les produits : aciers au carbone, aciers spéciaux et aciers inoxydables et, parmi les aciers au carbone, produits plats et produits longs, des segmentations plus fines ayant parfois été réalisées ;

Que le marché pertinent dans la présente affaire doit être considéré comme le marché français du négoce des produits aciers au carbone et que la cour reprend ici à son compte l’explication donnée par la Décision (p. 129) ;

Considérant par ailleurs que la Décision critiquée ayant été rendue par application des dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 (anciennement 81) paragr.1 du Traité FUE (anciennement CE), la cour statue de même sans opposition des parties et qu’en conséquence les dispositions de l’article R 470-2 C.com. relatives aux notifications, s’appliquent ;

D.2- SUR LES GRIEFS CONTESTES PAR LES AF AG, MAISONNEUVE ET B.

Considérant que la SA Maisonneuve ne dénie pas clairement l’existence de l’entente ni sa propre participation, mais expose qu’elle ne vend pas aux particuliers, ni ne traite de marchés publics, ses clients étant des entreprises industrielles qui savent consulter les offres du marché ; que de même, la SA Maisonneuve ne traite pas de contrats à terme, chaque demande d’un client est traitée ponctuellement et fait l’objet d’une négociation ;

Mais considérant que ce moyen relève d’abord de l’appréciation de la responsabilité individuelle de Maisonneuve, donc de l’individualisation de la sanction, et sera examiné à ce titre plus loin ;

Que ce moyen peut aussi relever d’une tentative de diviser le marché en deux segments, selon que les ventes sont faites à des grossistes de droit privé, à des détaillants ou consommateurs finaux, ou s’inscrivent dans des marchés publics ; que cette segmentation, pour les raisons susénoncées, n’est pas admise par la cour ;

Considérant enfin que si ce moyen est présenté comme un argument implicite de dénégation au fond, alors la cour adopte le point de vue du Conseil (Décision, parag. 263 suiv.), selon lequel :

— à supposer que les clients aient pu minimiser par leur expérience les effets de la concertation, cette situation ne saurait retirer leur caractère anticoncurrentiel aux pratiques ; ainsi, l’existence éventuelle d’un pouvoir de marché susceptible d’être exercé par les clients victimes des pratiques ne saurait justifier la pratique d’entente.

— plusieurs documents identiques ou concordants saisis lors de l’enquête dressent une liste des présidents de région faisant apparaître, pour certaines régions, des présidents de sous-régions ; en ce qui concerne la 4e région, ces documents mentionnent M. A… comme président de la sous-région Maine (par exemple, cote 8882). M. A… a par ailleurs indiqué à l’occasion de ses auditions qu’il se rendait aux réunions des présidents de région.

— enfin, le rôle de surveillance joué par la société Maisonneuve est établi par un faisceau d’indices saisis dans les locaux de la société Maisonneuve, composé de dizaines de tableaux de suivi des « dysfonctionnements » du dispositif, par région et par négociant, par des courriers à destination du président de région, du secrétaire général du syndicat ou de concurrents demandant des explications sur des affaires perdues (§ 111), par une intervention de 2003 dénonçant des dysfonctionnements sur la base de ces relevés (cote 15175) et par la démarche volontaire de sortie de la concertation qu’a eue la société Maisonneuve lorsque les résultats du système ne lui convenaient pas (cote 23083) ;

Qu’il résulte de ce qui précède que la participation de la société Maisonneuve à l’entente visée par le grief est établie pour la période de mai 2001 à mai 2004 ;

Considérant que la société AG invoque son rôle passif et contraint dans l’entente et avance en conséquence qu’elle n’est pas véritablement tenue de la pratique répréhensible ;

Mais considérant que ce moyen relève de l’appréciation de la responsabilité individuelle de AG, donc de l’individualisation de la sanction, et sera examiné à ce titre plus loin ;

Considérant en outre que si ce moyen est présenté comme un argument implicite de dénégation au fond, alors la cour adopte le point de vue du Conseil (Décision, parag. 274 suiv.), selon lequel les comptes rendus de réunions régionales saisis lors de l’enquête administrative chez Maisonneuve indiquent que AG AH a assisté à 13 des 15 réunions du département de Loire Atlantique entre octobre 2001 et février 2004, 21 des 23 réunions du département de l’Orne entre octobre 2001 et avril 2004, aux 13 réunions du département de Vendée entre octobre 2001 et mars 2004 et attestent que ces réunions ont concerné l’examen des barèmes, des affaires récentes ou en cours et des mesures à prendre ; qu’elles sont en cela totalement similaires à la quasi-totalité des comptes rendus de réunions présents au dossier dont l’objet anticoncurrentiel a été étudié aux paragraphes 235 et suivants (cotes 15537 à 15615, 15715 à XXX à XXX ; que des comptes rendus saisis chez A confirment ces éléments et mentionnent la présence d’un représentant de AG AH à 59 des 96 réunions (tous départements confondus de la 4e région) pour lesquels des notes ont été prises entre octobre 2001 et septembre 2003 (cotes 9937 à 10242 et 10267 à 10373) ; que la présence de AG AH à des réunions dans l’objet est anticoncurrentiel, établie sur la base des pièces de l’enquête, est confirmée par Descours & D (pendant l’enquête administrative et dans le cadre de la procédure de clémence) ; que les éléments au dossier démontrent aussi que des représentants de AG AH avaient des fonctions de point central (par exemple, cotes 394, 10384 et 10574 et suivantes), participaient à des commissions poutrelles de la 4/5e région (cote 364), que la société AG était intégrée dans les schémas de rotations de deltas de la 6e région (§ 123) et qu’elle diffusait et recevait des documents (§ 108 et 150) ;

Qu’il résulte de ce qui précède que la participation de la société AG AH à l’entente visée par le grief est établie pour la période d’avril 2002 à mai 2004 ;

Considérant que la société B ne développe plus d’arguments pour contester l’objet anticoncurrentiel de l’entente, et qu’il lui en sera donné acte, mais dénie sa propre participation à cette entente ; qu’elle ajoute qu’en tout état de cause, le Conseil n’a pas tenu compte du fait qu’elle a conservé une stratégie concurrentielle autonome en refusant d’appliquer les règles du cartel, ce qui caractériserait sa déviance par rapport à l’entente, et qu’il n’existe aucune preuve de sa participation à l’entente avant 2001 ; que la société B allègue aussi qu’un certain nombre de pièces retenues contre elle révèlent une confusion fréquente entre T B, dirigeant de A, et elle-même ; qu’une telle confusion est démontrée dans le commentaire, par un représentant de l’entreprise Descours et D, d’une des pièces du dossier (annexe I-14 du courrier du 22'mai 2007) ; qu’elle conteste, de manière plus générale, les déclarations du demandeur de clémence relatives à sa participation à des «'club poutrelles'» et à sa qualité de «'point central'» (annexe 8-25 du rapport de clémence et annexe I-34 du courrier du 22 mai 2007) et relève encore qu’aucun document formel, notamment aucun écrit, ne traduit sa participation à l’entente ;

Mais considérant, s’agissant d’une éventuelle confusion avec un homonyme responsable régional du groupe A, que la pièce concernée (annexe I-14 du courrier du 22 mai 2007) concerne la transmission de barèmes régionaux et que les conclusions de la notification des griefs, sur ce point, ne mentionnent pas la société B, ce qui démontre qu’il a été procédé aux vérifications nécessaires sur les pièces au dossier tant avant qu’après la notification des griefs ; que de même, dans le rapport (p. 17, note de bas de page n°'66), le rapporteur a procédé spontanément à une rectification s’agissant d’une confusion figurant dans la notification des griefs (p. 47, note de bas de page n°'151) entre la société B et T B de A et qui n’avait pas été identifiée par la requérante ;

Considérant ensuite que le Conseil a rappelé dans sa décision (§ 217 à 228, Q 90 suiv.) les exigences posées par les jurisprudences communautaire et nationale concernant le standard de preuve relatif à l’adhésion à une entente complexe et continue et à la preuve d’une entente horizontale ; qu’il a ensuite déterminé, de manière très explicite, celui applicable à l’affaire (§ 229 à 241, page 93) ;

Qu’il en résulte, selon les explications données par la Décision et que la cour reprend à son compte, que l’accord de volonté d’une entreprise partie à l’entente est démontré par sa participation à au moins une réunion ayant un objet anticoncurrentiel, sans qu’il soit nécessaire de constater la mise en 'uvre effective des décisions prises ni de démontrer les effets concrets de cette entente, lesquels seront pris en considération pour la détermination des sanctions, ci-après ;

Considérant encore, sur l’absence de visites domiciliaires dans les locaux de la société B, ce que le Conseil a abordé de manière juste dans sa Décision (parag. 257-258) et plus largement pour répondre complètement aux objections de la société B, l’Autorité de la Concurrence (AdlC) fait aussi valoir à juste titre que l’existence et l’effectivité d’une entente, compte tenu de son caractère intrinsèquement occulte, ne doivent pas être nécessairement établies par des documents formalisés, datés ou signés, mais au moyen d’indices variés qui lorsqu’ils sont recoupés, constituent un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes (Com., 8 décembre 1992, Phibor)';

Qu’il a ainsi été révélé que la société B':

— était membre des commissions produits longs et produits plats (§ 49 à 54)

— a participé à un certain nombre de commissions nationales (§ 50 à 51) ou à d’autres réunions régionales ayant trait à l’entente mise en place (§ 133), et notamment à des commissions-poutrelles régionales (§124 à 126)';

— a entretenu des contacts téléphoniques avec l’entreprise A'(§ 105)';

— a occupé un rôle de «'pilote'» au sein de l’entente (§'113)';

— s’est fait communiquer des barèmes, conditions et dispositions tarifaires par des concurrents ou par le syndicat FNA (§ 108)';

— a participé à l’activité «'poutrelles'» et notamment au système de répartition nationale des parts de marché et a transmis elle-même un certain nombre d’informations stratégiques à ses concurrents sur le volume de ses ventes et son chiffre d’affaires (§§ 71 et 79 à 85)';

Considérant enfin, sur le caractère prétendument partiel de l’adhésion à l’entente et la poursuite d’une stratégie concurrentielle autonome, que ces arguments ne conduisent pas à dénier l’existence de l’entente ni la participation de la société B, mais peuvent seulement conduire à modérer la sanction qui lui sera appliquée, ce dont la cour traitera plus loin ;

Qu’il en est de même des arguments tirés par la société B de la faible durée des pratiques qui lui sont reprochées ;

XXX

Considérant que l’Autorité de la Concurrence (AdlC), précédemment le Conseil, peut infliger une sanction pécuniaire proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient, et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées ;

Que le montant maximum de la sanction pour une entreprise a été jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2001-420 du 15 mai 2001, de cinq pour cent du montant du chiffre d’affaires hors taxe réalisés en France au cours du dernier exercice clos ; et sous l’empire du texte nouveau, de dix pour cent du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre ;

XXX

Considérant que les entreprises poursuivies pour une période uniquement postérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001, soit les AF Maisonneuve et AG, ne peuvent échapper aux effets de la rédaction actuelle de l’article L 464-2-I-4 du code de commerce ;

Considérant que les autres AF requérantes relèvent que le Conseil a non seulement appliqué à l’affaire les concepts et mécanismes de la loi dite « Nouvelles régulations économiques» du 15 mai 2001, mais s’est aussi référé, pour punir les comportements pleinement constitués antérieurement à 2001, au nouveau plafond des sanctions que cette loi a institué ; que, selon notamment la société Descours et D, cette partie de la Décision est contraire aux principes dégagés par la Cour E.D.H. à partir de l’article 7 de la Convention E.S.D.H. ; qu’ainsi en a décidé la Cour EDH dans un arrêt Puhk/Estonie du 10 février 2004 (req. 55103/00 – notamm. § 25 et 31 – arrêt non traduit – RSC 2005, p. 657), donc antérieurement à la Décision critiquée, à propos d’irrégularités comptables, infraction non complexe mais qui présente deux autres caractéristiques (incivisme économique et continuité) des comportements anticoncurrentiels ici poursuivis ; que la Cour EDH rappelle, dans un arrêt Veeber/Estonie auquel renvoie l’arrêt Puhk/Estonie précité, que 'la garantie que consacre l’article 7, élément essentiel de la prééminence du droit, occupe une place primordiale dans le système de protection de la Convention, comme l’atteste le fait que l’article 15 n’y autorise aucune dérogation en temps de guerre ou autre danger public ; qu’ainsi qu’il découle de son objet et de son but, on doit l’interpréter et l’appliquer de manière à assurer une protection effective contre les poursuites, les condamnations et sanctions arbitraires (S.W. et C.R. c. Royaume-Uni, arrêts du 22 novembre 1995, série A no 335-B et C, p. 41, § 34, et p. 68, § 32, respectivement) ; que conformément à la jurisprudence de la Cour, l’article 7 de la Convention ne se borne pas à prohiber l’application rétroactive du droit pénal au désavantage de l’accusé : qu’il consacre aussi, de manière plus générale, le principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) et celui qui commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au désavantage de l’accusé ; (…) ; que la question à trancher est celle de savoir si le fait d’avoir étendu la loi (1995) aux actes commis avant cette date (et après : 1993 à 1996) a emporté violation de la garantie posée par l’article 7 de la Convention ; (…) que, par définition, une « infraction continue » est un type d’infraction commis sur une certaine période (Ecer et Zeyrek c. Turquie, nos 29295/95 et 29363/95, § 33, CEDH 2001-II) ; que le requérant a été accusé et reconnu coupable d’avoir intentionnellement, de façon continue et sur une grande échelle dissimulé des sommes imposables et soumis à l’administration fiscale de fausses informations sur les dépenses des AF pendant une certaine période ; que si le point de départ de l’activité délictueuse du requérant est antérieur à l’entrée en vigueur de la disposition légale en vertu de laquelle il a été condamné, les tribunaux ont estimé que cette activité avait entraîné une situation délictueuse continue qui s’est poursuivie après la date en cause ; (…) que dans ces conditions, la Cour estime que les juridictions internes ont appliqué rétroactivement la modification législative de 1995 à des activités qui ne constituaient pas auparavant une infraction pénale ; qu’il en résulte qu’il y a eu violation de l’article 7 § 1 de la Convention’ ;

Qu’encore, le Conseil de la concurrence avait fait connaître dans son rapport pour 2003 que compte tenu du caractère quasi-pénal des sanctions qu’il inflige, il devait appliquer l’article 7 de la Convention ESDH ; que le principe de prévisibilité et celui dit de l’estoppel devaient conduire à garantir aux entreprises qu’elles ne seraient pas recherchées sur le fondement du texte de 2001 ;

Qu’enfin, le Conseil ne pouvait certainement pas, pour déterminer la loi applicable, se référer à la date de sa saisine, qui n’a aucun rapport avec le comportement prétendument répréhensible des entreprises ;

Mais considérant d’abord que l’article 7 de la Convention E.S.D.H. vise les sanctions pénales, qui procèdent de la réunion d’un élément légal, d’un élément matériel et d’un élément moral d’une infraction, et dont l’appréciation est laissée la totale liberté des juges, sous la seule réserve du respect d’un plafond légal ; que cette disposition n’affecte pas les manquements anticoncurrentiels, dont l’appréciation et la sanction procèdent d’une politique publique, dont les éléments constitutifs ne sont pas comparables à ceux d’un délit, dont la poursuite n’est pas – pour l’essentiel – tributaire de la procédure pénale et dont les sanctions sont fermement encadrées par la loi ;

Qu’il faut d’ailleurs observer que l’interprétation de l’article 7 de la Convention E.S.D.H. par la Cour E.D.H a toujours été stricte et que les exemples qui sont avancés par la société Descours-et-D à l’appui de son argumentation concernent des infractions prévues par les lois pénales de l’Etat concerné par les arrêts et non pas la totalité du droit répressif, lequel juxtapose sanctions pénales et sanctions administratives ;

Considérant ensuite que le principe de prévisibilité juridique, consacré par le droit européen des droits de l’homme et par le droit communautaire, de même que le principe général de cohérence qui interdit de se contredire devant un juge au détriment d’autrui, ne donnent pas aux entreprises poursuivies le droit d’attendre le bénéfice d’une analyse juridique qu’opérerait un document (un rapport annuel) qui n’a valeur ni légale ni règlementaire et s’assimile tout au plus à des indications jurisprudentielles, évolutives par nature ;

Considérant qu’en revanche, il est vrai que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée » ;

Que le principe de non-rétroactivité ainsi formulé ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives, mais s’étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle (Cons.cons., Décision n° 82-155 DC du 30 déc. 1982, « loi de finances rectificative pour 1982 ») ;

Qu’il n’est pas contestable que les sanctions prononcées par l’Autorité de la concurrence, anciennement le Conseil, entrent dans cette catégorie ;

Que l’expression littérale de ce principe par le Conseil constitutionnel interdit de faire application d’une loi nouvelle plus sévère au seul motif qu’elle était en vigueur au jour de la saisine de l’autorité de poursuite et ou de la saisine de l’autorité de sanction, en l’occurrence le Conseil de la concurrence ;

Que la jurisprudence de la Cour de cassation en ce qui concerne le Conseil de la concurrence (Com. 14 mars 2006, Privileg) et celle du Conseil d’Etat en ce qui concerne d’autres autorités administratives dotées d’un pouvoir punitif (p.ex., CE 9° et 10° ss-sec. réu., 27 mai 2009, n° 307957, SNC St Honoré ; CE Ass. 16 fév. 2009, Atom, n° 274000) sont édictées au visa du texte de la D.D.H.C. et s’attachent exclusivement à la date des faits répréhensibles ;

Que la pratique décisionnelle dudit Conseil, – et la Décision critiquée fait de même – , vise ordinairement la date de saisine parce que l’article 94 de la loi n 2001-420 du 15 mai 2001 dite 'Nouvelles régulations économiques (NRE)' dispose que (le nouvel) article L. 464-2 du code de commerce ne s’applique pas aux affaires pour lesquelles une saisine du Conseil de la concurrence a été effectuée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi ; qu’en revanche, la loi NRE ne dispose pas sur le sort des saisines postérieures, telles que celle de l’espèce ; qu’il n’est pas permis d’en déduire, par un a contrario, que toutes les saisines postérieures peuvent donner lieu à l’application des nouvelles sanctions, en contradiction avec les règles dégagées plus haut à partir de l’article 8 de la DDHC ; qu’il faut au contraire, pour les hypothèses que ne règle pas l’article 94 de la loi NRE, revenir aux principes directeurs du droit répressif ;

Mais considérant, ceci précisé, que la Décision n’a pas manqué au respect du principe de non rétroactivité, en se conformant d’ailleurs aux règles précédemment dégagées par les juridictions de contrôle à propos d’ententes ;

Qu’en la matière en effet, la date des faits répréhensibles doit être déterminée par le juge au cas par cas, selon qu’il s’agit ou pas d’un comportement « complexe et continu », au sens du droit communautaire (Anic, 8 juill. 1999, C-49/92P, notamm. point 79), en ce que ces faits ont nécessité le concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs du manquement ou de l’infraction, mais dont la participation a pu revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d’exécution choisies ou envisagées pour porter une atteinte effective à la concurrence, au point qu’il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, alors qu’il s’agit d’une infraction unique qui s’est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées ;

Qu’en pareil cas, le dernier fait répréhensible qui caractérise l’entente, détermine la loi applicable à l’ensemble du comportement anticoncurrentiel (Com., 14 mars 2006, pourvoi 05-13.048, Privileg), car une infraction continue est pleinement constituée à chaque instant que dure le comportement répréhensible, le contrevenant supportant ainsi les conséquences de sa persévérance maligne ;

Qu’en l’espèce, les éléments qui ont été retenus à charge contre les entreprises impliquées (réunions ou commissions « produits longs » ; réunions Tubes ; réunions Produits plats ; réunions du bureau du syndicat FNA ; réunions de « présidents de région » ; déjeuners des directeurs commerciaux des trois principaux négociants ; dîners des présidents de région ; contacts téléphoniques ; visites et relevés dénommés « pilotes » (par client, par produit, par région ou département) ; rencontres entre les négociants au niveau régional, en présence des « parrains » ; système dit des « tournantes » ; « dispositifs » régionaux pour faire bloc devant la concurrence des négociants externes à l’entente et sanctionner les manquements éventuels des membres de l’entente) ont perduré au-delà de la date d’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001, de sorte que celle-ci affecte l’entier processus répréhensible ;

Considérant dès lors, que la Décision, qui n’a pas violé de l’article L 464-2, ne saurait être annulée quant aux sanctions prononcées contre les AF Arcelor, PUM, AMD, A, DESCOURS ET D, et B ;

Que tout au plus, il est permis aux entreprises d’espérer une individualisation de la sanction, s’il est avéré que la majeure partie des fautes qui leur sont imputées se sont produites sous l’empire d’un texte plus clément que celui qui est applicable à l’ensemble ; que cette question sera examinée en sa bonne et dûe place, plus loin ;

E.2-. SUR LA GRAVITÉ DES PRATIQUES.

Considérant que la société Descours et D fait valoir que n’ont pas été pris en compte comme facteurs d’atténuation de la gravité des faits qui lui ont été imputés, la faible part des produits concernés par la concertation dans son chiffre d’affaires et la mise en 'uvre, immédiatement après les opérations de visite et de saisie, d’un programme de conformité crédible, traçable et vérifiable ; qu’elle ajoute que le Conseil, au terme d’un raisonnement entaché d’erreurs factuelles, n’a pas sérieusement réfuté les preuves de son comportement indépendant par rapport à la discipline de l’entente, attesté par la progression de ses parts de marché’et, à l’inverse, la diminution des parts des entreprises concurrentes sur la période concernée ;

Que la société AG AH soutient que les éléments généraux retenus au titre de la gravité ne lui sont pas applicables, eu égard à son infime part de marché, à la durée limitée de sa participation à l’entente, au fait que son activité n’a qu’une étendue géographique limitée et qu’elle n’a pas appliqué les consignes concertées ; qu’au plan individuel, elle met en avant sa faible implication (durée et éléments de participation), son rôle passif, les pressions exercées sur elle et le fait qu’elle n’a pas appliqué les mesures concertées ;

Que la société Maisonneuve argue de la durée limitée de sa participation à l’entente, du fait qu’elle s’est contentée d’adhérer à un système collusif préexistant, de son rôle purement passif lors des réunions de la «'sous-région Maine'» et du fait qu’elle n’a pas appliqué «'pleinement et régulièrement'» les tarifs concertés ;

Mais considérant en premier lieu que la gravité des pratiques en cause s’apprécie globalement, non pas du point de vue de chacun des acteurs de l’entente, mais au regard de la volonté infractionnelle d’ensemble que présente l’entente et du point de vue de la légalité et des catégories économiques que la loi protège ; qu’autrement dit, l’appréciation de la gravité d’un comportement anticoncurrentiel se distingue de l’approche individualisée de la situation de chaque entreprise (Com. 22'novembre'2005 Dexxon Data Media), laquelle fera plus loin l’objet d’un examen spécifique par la cour';

Que dès lors, les arguments de la société Descours et D, lorsqu’elle se présente comme résistante à l’entente, des AF AG et Maisonneuve qui invoquent leur faible implication temporelle, spatiale et volumétrique à l’entente, seront examinés à propos de l’individualisation de la sanction ;

Que de même, l’existence de pressions, ou l’existence d’un ou plusieurs meneurs, facteurs invoqués explicitement ou implicitement par les AF Maisonneuve et B, et abordés par le Conseil au titre de l’examen de gravité de la pratique poursuivie (Sur l’existence d’une police, cf. Décision § 294 et 295 – Sur le rôle de meneur, cf. Décision page115 – Sur les prétendues pressions, cf. Décision page116), sont plutôt aggravants au titre de l’individualisation de la sanction, et peuvent donc atténuer en valeur relative la sanction pour toutes les autres entreprises, qui apparaissent alors passives ou 'suiveuses’ ; que les Lignes directrices de 1998 étaient en ce sens mais que le Conseil, devenu l’Autorité, et les juridictions de contrôle doivent examiner ce critère sous l’angle de l’individualisation de chaque sanction, examinée plus loin ;

Considérant en deuxième lieu que le Conseil a pu rappeler à juste titre la gravité’théorique des cartels, ententes horizontales sur les prix ou ententes sur des répartitions de clientèle ou de marchés ; que la pratique décisionnelle du Conseil, devenu l’Autorité, et des juridictions de contrôle établit une gradation des comportements anticoncurrentiels par ordre de gravité – même si la loi ne fait pas de même – entre abus de position dominante, entente verticale et entente horizontale, ce dernier comportement étant considéré comme le plus préoccupant ;

Que d’une manière plus précise, le Conseil a retenu cinq indicateurs':

— L’emprise des pratiques sur le marché , cf. Décision page 111

— La persistance des pratiques , cf. Décision page 112

— L’étendue géographique des pratiques , cf. Décision page 112

— Le champ matériel de l’entente , cf. Décision page 112

— La sophistication des pratiques , cf. Décision page112,

pour estimer que les pratiques en cause revêtaient un caractère de «'gravité exceptionnelle'» (§ 333) ; qu’il a, en outre, examiné la gravité des pratiques au regard du contexte de crise et du rôle des pouvoirs publics, éléments qui étaient invoqués par certaines parties (§ 325 à 338) ;

Que ce faisant, le Conseil a fait une exacte appréciation de certains des éléments qui tendent à démontrer la gravité du comportement anticoncurrentiel :

*les parts de marché que détiennent ensemble les entreprises poursuivies,

*la longue durée du comportement anticoncurrentiel, en ce qu’elle traduit une ferme volonté de perturber la concurrence, étant noté que ce même facteur a une influence sur le dommage à l’économie ; et que les Lignes directrices de la Commission européenne insistent sur ce critère, jusqu’à en faire le plus important de tous,

*l’étendue ou la complexité des processus anticoncurrentiels, qui là encore peuvent traduire une forte détermination,

*la subtilité ou la malignité des mécanismes mis en place,

*l’existence d’une police, qui traduit un fonctionnement anticoncurrentiel très organisé ; il faut observer à titre purement informatif que ce critère a été introduit clairement dans les Lignes directrices de 2006, susmentionnées ;

Que de même, le Conseil a répondu, dans une motivation que la cour approuve, sur les facteurs dont les entreprises poursuivies se réclamaient à tort pour atténuer la gravité de leur comportement :

*le « parasitage » des marchés par les pouvoirs publics (cf. Décision, p.113), ou, pour reprendre le vocabulaire des Lignes directrices déjà mentionnées, les 'encouragements des pouvoirs publics au comportement anticoncurrentiel', qui n’ont aucune réalité en l’espèce,

*l’absence de préjudice pour les cocontractants des acteurs de l’entente, en amont ou en aval, car ce préjudice n’est pas une condition de la poursuite et de la sanction ni même un étalon pour celle-ci,

*le fort pouvoir de marché des clients, qui n’est nullement démontré en l’espèce,

*l’ineffectivité du comportement, c’est-à-dire le fait que le comportement ne pouvait pas avoir d’effet anticoncurrentiel en raison de son mécanisme défectueux (v. CJCE, devenue CJUE, 3 sept. 2009, C-534/07, Prym/commission, § 82 suiv.), et non pas le fait que pour une raison ou une autre ou par hasard, il n’en a pas eu ;

Que sur ce dernier point, la comparaison des chiffres d’affaires pendant l’entente puis après sa cessation ne sera pas nécessairement convaincante, non plus que les écarts de prix constatés par rapport à des barèmes mis en oeuvre par l’entente, en sorte que les longues explications des parties sur ce point n’apparaissent pas opérantes ; que le Conseil a donc répondu exactement et suffisamment sur ce point (Décision page 117 ) ;

*l’ancienneté des faits, qui n’est dûe qu’à la tardiveté relative de leur découverte, elle-même imputable pour l’essentiel à la discrétion et à la sophistication des procédés anticoncurrentiels ;

*la cessation immédiate du comportement anticoncurrentiel à partir de la saisine du Conseil ; s’il est parfois légitime d’en tenir compte puisque sa continuation est au contraire un facteur aggravant et si le Conseil ne pouvait pas se contenter (Décision page120) d’estimer 'normal’ ce repentir immédiat, il faut en revanche relever que les entreprises qui ont effectivement abandonné l’entente dès les débuts de la poursuite en ont été récompensées par l’effet de la clémence ou de la non-contestation de griefs et ne peuvent maintenant réclamer un double bénéfice pour les engagements, implicites ou explicites, qu’elles ont pris ;

Considérant qu’en outre, il importe peu que le Conseil n’ait pas pu établir l’existence de certains facteurs qui caractérisent la gravité du comportement anticoncurrentiel :

*l’affectation directe des prix, jusques et y compris les prix de détail, puisque l’enquête n’a pas pu établir le retentissement chiffré de la pratique au niveau du consommateur final,

*l’extrême sensibilité du marché concerné, puisque celui-ci n’a pas touché directement le consommateur final,

*l’identification de clients personnes physiques ou petites entreprises, ou de clients vulnérables (enfants, personnes âgées, malades, …) ou d’une clientèle captive au sens économique, circonstances étrangères à l’espèce,

*la continuation du comportement anticoncurrentiel après la saisine du Conseil, devenu l’Autorité, parce qu’alors, c’est la force dissuasive des lois antitrust qui est mise en cause,

*le fait qu’il s’agirait, dans certains cas, de marchés publics,

car il n’avait pas nécessairement à le faire, contrairement à ce que semblent estimer certaines entreprises mises en cause, ces facteurs n’ayant de sens que dans d’autres hypothèses que celle de l’espèce ;

Qu’en revanche, il appartenait au Conseil de tenir compte de l’absence de ces même facteurs négatifs lorsqu’il a évalué les sanctions, de sorte que l’exemplarité de ces sanctions, par comparaison avec d’autres qui ont été ou seront prononcées dans des cas plus graves, demeure intacte ; que la Décision ne porte pas trace d’une telle précaution ;

Considérant de même que le Conseil n’a pas tenu compte d’un facteur qui aurait été de nature en l’espèce à atténuer la gravité du comportement anticoncurrentiel : l’attitude d’un franc tireur, sur laquelle il sera revenu plus loin ; qu’en effet, s’il a existé un franc-tireur qui a pu résister à l’entente, il peut en être déduit que le système anticoncurrentiel n’était pas des plus puissants ;

Considérant enfin et surtout que le Conseil a abordé de manière trop brève le contexte de crise économique, générale et particulière à la métallurgie, (Décision, § 335 à 338 et 485), en estimant que les chiffres d’affaires qui servent de base aux sanctions incluent nécessairement l’état de crise que peut traverser chaque société poursuivie, et que des moratoires du Trésor Public permettent en outre à ces entreprises de supporter le paiement d’une amende ; que ce faisant, le Conseil ne peut être considéré comme ayant tenu compte de la situation de crise dans les sanctions qu’il prononçait ;

Considérant en effet que, comme l’expose dans ses écritures la société Arcelor, sans être contredite au fond, la production annuelle mondiale d’acier (1 130 millions de tonnes en 2005, dont un peu plus de 160 millions dans l’Union européenne, et un peu moins de 20 millions en France) n’a cessé depuis plus de dix ans de se déplacer vers la Chine ; que la sidérurgie européenne a conséquemment connu une chute de la demande qui a engendré des problèmes d’offre excédentaire et de surcapacité et, par conséquent, un faible niveau des prix à partir du milieu des années 1970, avec des variations selon les produits ; que l’explosion de la demande en provenance de Chine et des pays émergents et une demande subséquente dans les matières premières entrant dans le cycle de fabrication de l’acier ont conduit notamment pendant les années considérées (1999-2004) à une situation de pénurie et à une hausse des prix de l’acier au niveau mondial ; que les études économiques, y compris émanées du Ministère français de l’Economie, indiquaient encore en fin de la période considérée ('Statistiques industrielles', Digitip-MINEFI, Avril 2004) 'la métallurgie baisse encore, après deux années de recul. Les échanges subissent un repli en début d’année mais restent équilibrés. La sidérurgie subit de plein fouet les sautes du marché mondial. Après un recul au premier semestre, la reprise est rapide en fin d’année. Le repli semble plus durable pour les métaux non ferreux et le travail des métaux, exposés aux restructurations des groupes internationaux (Metaleurop, Péchiney) ou aux délocalisations vers les pays de l’Europe de l’Est’ ; que l’OCDE a encore décrit récemment (OCDE, 16-20 février 2009, Session du Comité de la Concurrence, politique industrielle et concurrence, crise économique et financière, rapport Jenny) les effets d’une crise sur la concurrence et a incité à ne pas prononcer des amendes disproportionnées en temps de crise majeure (« l’heure n’est pas à une règlementation excessive, qui imposerait des coûts supplémentaires aux entreprises sous la forme d’ajustements de périmètre et d’amendes exagérées ») ;

Que les entreprises ne peuvent certes pas défendre l’idée que leur seule issue dans la crise est le rapprochement, voire finalement l’entente ou la concentration ; qu’au contraire, la saine concurrence paraît, par postulat, être la solution voulue par le législateur, tant communautaire (cf. Lignes directrices, point 35) que national ; qu’en outre, dans le cas particulier des ententes, le cartel transporte la crise du secteur affecté vers son aval ;

Que cependant, en l’état d’une loi nationale qui prescrit assez schématiquement de tenir compte pour base de la sanction du

chiffre d’affaires d’un seul exercice comptable (le dernier, selon l’ordonnance du 1° décembre 1986 ; le meilleur, selon la loi du 15 mai 2001), il appartenait au Conseil d’atténuer la sanction pour tenir compte des fluctuations chiffrées très nettes et des incertitudes contextuelles exceptionnelles qu’avaient connues les entreprises poursuivies, entre 1999 et 2004 (ou même, pour les AF Maisonneuve et AG, entre 2001 ou 2002 et 2004) ;

Considérant que du tout, il ressort que le Conseil devait s’écarter significativement du plafond légal de la sanction pour tenir compte de la gravité très atténuée du comportement anticoncurrentiel poursuivi ;

E.3- SUR L’IMPORTANCE DU DOMMAGE CAUSÉ À L’ÉCONOMIE

Considérant que la société AG AH soutient que le Conseil aurait dû déterminer la part du dommage à l’économie lui étant imputable aux motifs que sa participation à l’entente était contrainte et limitée à sa seule présence aux réunions sans qu’elle ait mis en 'uvre les pratiques sanctionnées ; qu’elle ajoute qu’elle n’a commis aucun agissement dont les effets auraient pu être combinés avec ceux des autres entreprises et que sa participation passive à l’entente n’a duré que 26 mois ;

Que la société PUM observe quant à elle que le Conseil n’aurait, au stade de l’évaluation du dommage à l’économie, tiré aucune conséquence de l’absence d’implication dans les pratiques de plusieurs de ses filiales ; que l’amende imposée par le Conseil aurait dû être proportionnée à la valeur des ventes des seules AF auxquelles les pratiques sont imputables et que le Conseil aurait dû rechercher, au sein du groupe PUM, celles des filiales dont le chiffre d’affaires devait être pris en considération ;

Que les AF Maisonneuve, PUM, AMD, Arcelor profil, Descours et D et A contestent la méthode retenue par le Conseil pour évaluer l’importance du dommage à l’économie ; que l’analyse du Conseil a été lacunaire et que ce dernier s’en est tenu à des considérations générales ne permettant pas de retenir une évaluation réaliste du dommage à l’économie ; que l’ordre de grandeur retenu par le Conseil a été surestimé ; qu’elles proposent, au moyen d’études économétriques une nouvelle évaluation du dommage ; qu’à cet effet, les entreprises PUM, Arcelor Profil et AMD Sud-Ouest produisent quatre mémoires d’étude économique élaborés par le cabinet LECG et la société Descours et D fournit une étude réalisée par le Professeur I U et demande à la Cour, à titre «'très trés subsidiaire'», la nomination d’un expert afin que celui-ci procède à l’évaluation du dommage à l’économie ;

Mais considérant en premier lieu que si le dommage à l’économie est un facteur primordial de l’évaluation des sanctions en droit national, lequel se démarque de la sorte du droit communautaire, la jurisprudence a établi de longue date une présomption de l’existence d’un dommage devant la plupart des comportements anticoncurrentiels (Com. 10 janv. 1995, Com. 30 mai 2000) ; que cette présomption prend une force particulière lorsque le comportement poursuivi est une entente horizontale ; que la cour reprend à son compte à ce sujet les énonciations pertinentes et très documentées de la Décision (§ 289 et 290) ;

Qu’en deuxième lieu, en conséquence de ce qui précède et à l’imitation de ce qui a été dit précédemment à propos de la gravité du comportement, l’évaluation du dommage à l’économie procède exclusivement d’une approche globale ; que ce préjudice n’est 'individualisable’ ni par entreprise fautive, en somme par 'part de marché', ni par cocontractant 'victime’ ;

Que dès lors, l’argumentation des AF AG et PUM invitant la cour à individualiser l’analyse du dommage à l’économie n’est pas pertinente, comme le Conseil l’avait énoncé dans la Décision (§ 292) et prend place dans l’examen de la situation de chaque entreprise isolément, plus loin dans le présent arrêt ;

Considérant que pas davantage les entreprises poursuivies ne sauraient reprocher au Conseil de n’avoir pas quantifié le dommage à l’économie, causé par les comportements anticoncurrentiels poursuivis, notamment de ne pas avoir chiffré très exactement :

* la recherche d’un prix concurrentiel hypothétique,

* ou les pertes de marge des concurrents évincés,

* ou bien la comparaison des taux de marge des entreprises concernées caeteris paribus ou 'toutes choses égales par ailleurs', c’est-à-dire abstraction faite des restructurations, crises, …,

* ou encore, ce qui revient partiellement au même, la mise en exergue de surprix pendant la période des pratiques anticoncurrentielles ;

Que, dans la seule perspective de répondre complètement aux entreprises mises en cause, le Conseil a néanmoins tenté de mettre en évidence des écarts de prix dès après les perquisitions, des pertes enregistrées dans le même contexte, et a proposé une comparaison de l’évolution des taux de marge entre 2000 et 2007 (cf. Décision p.123) ; que de même et encore, le Conseil a critiqué les évaluations présentées par la société Descours & D (cf. Décision p.126) et s’est appesanti sur les arguments économétriques relatifs à l’exploitation de la déclaration de M. C, président-directeur de la société Descours et D (cf. Décision p.127) ; qu’il ne s’est néanmoins pas agi d’établir des chiffrages précis du dommage à l’économie et moins encore d’en faire dépendre le montant des sanctions ;

Que si de tels chiffrages ont une importance décisive dans l’évaluation de la réparation en droit commun de la concurrence, ils sont secondaires en droit de la régulation et doivent céder la place à un faisceau 'qualitatif', ou au moins 'qualitatif et quantitatif', comme y invite la loi, le mot 'importance’ n’étant évidemment pas arithmétique ; qu’il s’agit ici d’un ordre de grandeur ou, comme le dit le TPIUE (anciennement TPICE), d’une 'probabilité raisonnable’ de dommage collectif ;

Considérant de même que si la société Descours et D produit aux débats devant la cour une étude universitaire signée du Professeur U, qui procède à une comparaison de la valeur de cet indicateur de rentabilité durant les pratiques et à la fin de celles-ci et qui en déduit une estimation du surprofit qu’il attribue à l’effet des pratiques, cette étude ne peut pas constituer une réponse pertinente au Conseil puisqu’elle revient sur les éléments exclusivement chiffrés dont il a été dit qu’ils n’étaient ni nécessaires ni même décisifs pour fixer la sanction ;

Qu’une étude de janvier 2009 est également présentée par les AF du groupe PUM/ Arcelor, dont il faut, pour les mêmes raisons, écarter les motivations purement mathématiques (parag. 1-13 et suiv.) ;

Considérant, cette fois sous l’angle économique plutôt qu’économétrique, que la Décision a d’abord retenu à juste titre la durée significative du comportement anticoncurrentiel (cinquante huit mois), ce qui ne peut manquer d’aggraver le préjudice ;

Considérant qu’ensuite et sur le même plan, le Conseil a examiné tour à tour les effets conjoncturels ou structurels du comportement, dans des termes que la cour approuve et reprend à son compte ;

Que notamment, les entreprises poursuivies n’ont pas pu contester sérieusement l’étendue du marché affecté par le comportement anticoncurrentiel ; que si les AF A et Descours et D contestent l’absence de prise en compte par le Conseil du fait que le négoce ne représenterait qu’une part infime (15 à 20'%) du marché des aciers et que de nombreuses circonstances viennent s’opposer à ce qu’ait pu se produire une perturbation profonde du processus concurrentiel dans le secteur concerné, en revanche l’organisation mise en 'uvre par le cartel visait à parer, de manière collective, aux difficultés posées par certaines des caractéristiques propres à ce marché ; qu’ainsi, les mécanismes de l’entente ont permis à ses membres de se concerter sur les prix en dépit de caractéristiques structurelles ou conjoncturelles concernant la dimension locale de l’activité, son hétérogénéité, l’existence de transactions de gré à gré et l’incertitude entourant l’évolution des prix d’achat et de la demande (§ 408) ; que de plus, le marché pertinent en cause, quoique de dimension plus modeste que celui de la production et de la vente d’acier est toutefois caractérisé par une valeur totale des ventes assez importante ; qu’enfin, les pratiques ont eu pour cadre le marché pertinent dans sa totalité, aussi bien d’un point de vue géographique que relativement aux différents types de clientèle (§ 412) ; qu’ainsi, l’argument évoqué par certaines des requérantes selon lequel le marché du négoce ne représenterait qu’une part infime du marché des aciers est inopérant car, comme l’a souligné le Conseil, le marché du négoce des produits sidérurgiques constitue un marché distinct de celui de la vente en gros de l’acier (§ 200) et les parties à l’entente bénéficient sur ce marché pertinent d’une part de marché cumulée de 70 à 90'% (§ 414);

Que de même, le Conseil a établi sans se contredire ni être contredit les perturbations du marché, en décrivant successivement et conformément aux canons de la matière,

— premièrement (Décision, p. 128) les spécificités du marché (les modes de détermination du prix et la liberté tarifaire des détaillants, le degré d’intégration des acteurs du marché, de l’amont à l’aval du marché principal, les possibilités de substituabilité des produits, autant de facteurs qui, analysés en profondeur, révèlent la force plutôt négative du comportement anticoncurrentiel sur un secteur économique) ;

— deuxièmement les rapports de force entre acteurs du marché (qui imprimeront plus ou moins durablement et douloureusement leur marque sur le marché) ;

— troisièmement les barrières construites contre tous nouveaux concurrents, caractéristiques d’un trouble à la concurrence (Décision, § 416) ;

— quatrièmement, l’approche qualitative d’un 'sachant', M. C, ancien dirigeant de Descours-et-D qui, sans intérêt personnel à l’issue de l’affaire, a donné son point de vue sur les effets économiques de l’entente (et non pas seulement sur ses effets économétriques supposés, ainsi qu’il a été dit précédemment) ;

— cinquièmement, les effets à long terme, naturellement plus dommageables que les effets à court terme, la Décision ayant procédé à une analyse de l’effet de diffusion sur les marchés aval (Décision page129) et de la perturbation profonde et durable du processus concurrentiel (Décision page129) ;

Que la Décision n’a pas approfondi la question du dommage aux consommateurs finaux, élément clef en droit communautaire mais second en droit interne, qui use du terme très général de 'dommage à l’économie’ ; que le Conseil s’est contenté d’affirmer abstraitement, pour n’en tirer aucune conséquence défavorable très nette, que les pratiques de cartel constituent une atteinte au surplus des consommateurs bien plus significative que les prétendues conséquences que pourraient produire la sanction sur les capacités d’investissement des entreprises sanctionnées ; qu’une éventuelle baisse de la capacité à investir des requérantes -'qui n’est pas démontrée mais seulement postulée'- devrait être mise en perspective avec les surprofits réalisés durant la pratique, et donc les surcapacités à investir que les requérantes ont pu dégager par le passé grâce au cartel ; que les entreprises poursuivies n’avaient donc pas besoin de tenter de démontrer que le consommateur final est resté à l’abri des effets de l’entente et que les surprofits ne sont pas clairement ni unanimement établis, et ne seront entendues par la cour sur ce terrain qu’à propos de l’individualisation des sanctions, spécialement de l’analyse de la capacité contributive de chaque entreprise ;

Considérant en revanche que l’étude LECG précitée, dans sa deuxième version longue, apporte des éléments de nature à prendre place dans le faisceau qualitatif évoqué précédemment ;

Que ses auteurs (« LECG Consulting France (Y V, W AA, AB AC, AD AE, AP AQ-AR) ») exposent (conclusions, § 1.11 et 1.12) à propos du groupe Arcelor que :

1.11 – 'Plusieurs éléments contribuent à caractériser les conditions d’offre et de concurrence dans le secteur du négoce de produits sidérurgiques, au cours de la période des pratiques en cause notamment . L’organisation de PUM est restée très décentralisée au cours de la période des pratiques en cause. Les différentes filiales locales de PUM, entrées dans le groupe PUM par le jeu de mouvements successifs de consolidation, ont conservé une grande autonomie décisionnelle, en particulier en matière tarifaire. Cette organisation décentralisée reflète la nature locale de l’activité de négoce de produits sidérurgiques. Sur la base de l’observation des filiales de PUM, la politique tarifaire des négociants passe par l’élaboration de barèmes de prix nationaux, qui déterminent des prix unitaires décroissant en fonction du volume. Les négociants disposent d’une marge de man’uvre pour octroyer des remises supplémentaires au-delà des conditions inscrites dans les barèmes, à des clients importants par exemple. En pratique, les prix effectivement pratiqués par les filiales de PUM sont très inférieurs aux prix inscrits sur les barèmes (la différence est souvent supérieure à 30%), et il n’existe pas de lien constant et établi entre les deux. Les prix d’achat des produits en acier auprès des sidérurgistes peuvent connaître une volatilité très importante, reflétant des évolutions soudaines des équilibres de marché à une échelle mondiale. Ainsi, les prix d’achat ont connu de très fortes tensions en 2004, sous l’effet d’une forte hausse de la demande issue de Chine. Corrélativement, les prix de vente du négoce peuvent également évoluer très rapidement, afin de refléter les mouvements sur les prix d’achat. Si les chiffres FNA indiquent une baisse de la demande (en volume) de produits d’acier au carbone en France entre 2001 et 2004, poursuivie par une reprise à compter de 2005, il est difficile d’attribuer cette baisse aux seules pratiques en cause : les demandes (en volume) de produits longs et de produits plats adressées aux différentes filiales de PUM n’ont pas eu de tendance manifeste à la baisse entre 2001 et 2004.

1.12 Plusieurs caractéristiques du secteur du négoce de produits sidérurgiques et de la concurrence qui s’y déroule tendent à limiter la capacité des négociants à mettre en 'uvre effectivement des pratiques concertées et auront pu contribuer à en limiter les effets. La dimension très locale de ce secteur rend complexe toute mise en 'uvre effective d’une politique commerciale coordonnée à un niveau national, entre filiales et/ou régions. Le suivi du dispositif décrit dans les griefs peut ainsi varier très largement d’une filiale (ou région) à l’autre. L’octroi de remises au-delà des barèmes de prix tend à opacifier les politiques tarifaires poursuivies par les négociants. Les politiques tarifaires sont par ailleurs difficile à suivre précisément, compte tenu de la très grande variété des produits offerts et de la nécessité de faire évoluer les grilles tarifaires de façon fréquente, afin de refléter les évolutions du prix d’achat. L’incertitude qui entoure les demandes individuelles des clients constitue une autre source d’aléa sur la demande globale, qui limite les incitations des négociants à d’une part, respecter une ligne de conduite commune et d’autre part, à renoncer à des profits présents en anticipation de profits futurs plus élevés'.

Que pour répondre par anticipation à cette argumentation sur 'l’autonomie décisionnelle des succursales, sur la volatilité des prix, sur l’opacité dirimante et l’aléa des pratiques locales', la Décision (§ 406 à 416) évoque 'l’adaptation des prix aux spécificités des marchés locaux, l’existence d’une puissante police de l’entente, l’absence de produits substituables, la taille du marché (1,5 milliard d’euros par an), l’effet de diffusion sur les marchés d’aval et les barrières à l’entrée opposées aux nouveaux acteurs potentiels’ ; que cette réponse se place sur des plans assez différents des questions posées et qu’il n’est pas possible par conséquent d’affirmer que les arguments exposés à propos du groupe Arcelor mais naturellement extensibles aux autres entreprises poursuivies, aient reçu des réponses tout-à-fait appropriées ;

Qu’il s’en déduit que le dommage causé à l’économie par les pratiques poursuivies n’a pas eu l’importance très considérable que dénonce la Décision et que les sanctions devaient par conséquent et à ce titre, être légèrement atténuées ;

Considérant finalement que, pour répondre à la suggestion de la société Descours-et-D, la Cour relève qu’une expertise ne saurait porter que sur l’étude de tout un marché et tenter une étude virtuelle de ce qu’aurait été ce marché sans le comportement anticoncurrentiel poursuivi ; qu’il est tard déjà pour établir cette analyse entre six et dix ans après les comportements poursuivis ; que dès lors, même si le document LECG est unilatéral et n’échappe pas à la critique, ainsi qu’il a été dit, il ne sera pas ordonné d’expertise mais seulement fait droit à la demande de réduction de sanction formulée par les entreprises requérantes ;

XXX

Considérant que les AF A et AG AH reprochent au Conseil de n’avoir pas suffisamment individualisé sa motivation en procédant, pour chaque entreprise, à des renvois à des paragraphes concernant des situations générales ou particulières qui ne leur sont pas applicables ;

Que la société A soutient que le Conseil n’a pas correctement apprécié sa capacité contributive, qui serait, selon elle, exactement reflétée par son résultat, sa marge brute ou sa rentabilité, éléments qui n’ont pas été pris en considération ;

Que la société PUM Service d’Acier prétend que sa sanction est disproportionnée par rapport à la réalité économique de son activité et de sa situation financière ; qu’elle conteste, par ailleurs, le rôle de meneur qui lui est prêté par le Conseil ;

Que les AF du groupe PUM/Arcelor prétendent que le Conseil a procédé à une appréciation erronée de la circonstance aggravante d’exemplarité ;

Que les AF B et Maisonneuve font état de difficultés financières très sérieuses ;

Qu’enfin, les AF Descours et D, Maisonneuve, PUM Service d’Acier, AMD Sud-Ouest et Arcelor Profil invoquent diverses circonstances qui auraient dû, selon elles, justifier une atténuation de leur sanction ;

Qu’à titre de synthèse ou d’exemple, les parties s’étonnent unanimement de ce que les pourcentages de chiffre d’affaires que représentent les sanctions prononcées soient disparates et traduisent une insuffisante individualisation, lorsque le Conseil inflige :

à la société Produits d’Usines Métallurgiques PUM ' Station Service Acier une sanction de 288 000 000 euros ; soit 0.37 p.100 du chiffre annuel Groupe et 48.9 p.100 du chiffre annuel Société ;

à la société Arcelor Profil une sanction de 12 950 000 euros ; soit 0.016 p.100 du chiffre annuel Groupe et 4.3 p.100 du chiffre annuel Société ;

à la société AMD Sud Ouest une sanction de 830 000 euros ; soit 0.0011 p.100 du chiffre annuel Groupe et 0.68 p.100 du chiffre annuel Société ;

à la société A une sanction de 169 300 000 euros ; soit 2.72 p.100 du chiffre annuel Groupe et 17.24 p.100 du chiffre annuel Société ;

à la société Descours & D SA une sanction de 82 550 000 euros ; soit 2.53 p.100 du chiffre annuel du groupe et 38 fois le chiffre annuel de la Société ;

à la société Etablissements L B et X une sanction de 12 000 000 euros ; soit 0.018 p.100 du chiffre annuel Groupe et 21.8 p.100 du chiffre annuel Société ;

à la société Etablissements Maisonneuve une sanction de 8 000 000 euros ; soit 6.61 p.100 du chiffre annuel Société ;

à la société SA AG AH une sanction de 800 000 euros ; soit 2.6 p.100 du chiffre annuel Société ;

Qu’en outre, comme énoncé précédemment, les entreprises poursuivies ont soulevé devant la cour divers moyens qu’elles ont rattachés à la contestation des griefs (AF Maisonneuve et AG, cf. Parag. D2), à l’analyse de la gravité du comportement anticoncurrentiel (AF Maisonneuve, AG et Descours ; cf. Parag. E1), ou à celle du dommage causé à l’économie (AF AG et PUM ; cf. Parag. E2) mais qui relèvent de l’individualisation des sanctions ; qu’il y sera répondu ci-après ;

Considérant, de manière liminaire, que l’individualisation est une exigence relevant des principes les plus sacrés du droit répressif (Conseil constitutionnel, Décisions des 19 et 20 janvier 1981 ; du 20 janvier 1994 ; du 22 juillet 2005, rendue au visa de l’art. 8 de la DDHC) ; que le Conseil, désormais l’Autorité, doit donc apporter un soin tout particulier à la motivation sur ce point et tempérer le propos de sorte que les bases d’évaluation des sanctions n’apparaissent ni stéréotypées ni exclusivement défavorables ;

Considérant de ce point de vue que la Décision a à juste titre relevé, en tant que facteurs défavorables de l’individualisation tenant aux caractéristiques de l’entente elle-même, contre les AF du groupe Arcelor et dans une mesure légèrement moindre pour les AF A et Descours-et-D :

* Le rôle de meneur, imputé à PUM Service d’Acier, aux côtés des AF A et Descours et D, qui apparaissent comme les meneurs 'historiques', qui ont imaginé et mis en place l’entente, et comme les meneurs 'économiques', qui dominent les autres entreprises, voire maîtrisent par le biais d’un groupe l’amont ou l’aval de certains de ses concurrents ; que ce rôle de meneur de la société PUM Service d’Acier, aux côtés des AF A et Descours et D, résulte des constatations figurant aux paragraphes 45 à 176 et a été caractérisé par le Conseil aux paragraphes 344 à 347 ;

* La notoriété nationale (ici, celle du groupe Arcelor), retenue habituellement en jurisprudence (Com. 28 avr. 2004, Colas) ;

* La position stratégique du groupe Arcelor ; que le Conseil a répondu, par des motifs que la cour approuve et reprend à son compte, à l’argumentation des AF du groupe PUM/Arcelor aux paragraphes 451 à 453 ; que parmi les trois grands groupes en cause, Descours et D, A et PUM/Arcelor, à l’encontre desquels la circonstance d’exemplarité a été retenue, ce dernier est le seul à être intégré verticalement et à avoir, de ce fait, une connaissance interne de l’amont et un accès direct aux produits vendus ; que de plus, à l’époque des faits, le groupe Arcelor était l’un des principaux fournisseurs des négociants concurrents et possédait 10 % du capital de A, son principal concurrent ; qu’il était l’un des principaux et des plus fréquents intervenants lors des réunions que le FNA organisait avec les producteurs ; que le groupe occupait donc une place singulière et incontournable ;

* La disposition, pour Arcelor, d’infrastructures juridico-économiques, que le Conseil n’a pas évoqué expressément mais qui découle de ce qui précède et fait partie des facteurs défavorables de l’individualisation ;

Considérant que le Conseil était fondé aussi à évoquer mais pour ne pas les retenir :

* l’absence d’antécédents, facteur minorant en droit répressif général, mais dont le Conseil expose à juste titre qu’elle est la norme plutôt qu’une circonstance atténuante, d’autant que la réitération est considérée comme un facteur défavorable (Décision parag. 458, page136 et l’arrêt du 31 mars 2009 cité dans les observations de l’Autorité de la Concurrence (AdlC)) ;

* le faible profit retiré, car le Conseil, désormais l’Autorité de la Concurrence (AdlC), est fondé à considérer que si l’explosion des profits est un facteur aggravant, la réciproque n’est pas admissible (Décision p.136) ;

* l’existence d’une police, à laquelle les petits opérateurs du marché (arg. AF B, AG et Maisonneuve) n’auraient pas eu les moyens ou la force de résister sans se mettre en danger vital, ou dans le même ordre d’idées l’existence de pressions (arg. AF B et AG) ou même l’existence d’un meneur, qui n’aurait pas laissé pas de choix réel aux autres entreprises ; que sur ce plan, dans une motivation que la cour approuve et fait sienne, le Conseil a écarté, pour l’ensemble des entreprises qui l’invoquaient, l’argumentation relative aux pressions subies (§ 348 à 351) et a relevé que la société Maisonneuve, non seulement ne démontrait pas la réalité des pressions qu’elle invoquait, mais qu’au contraire, elle s’était plainte des «'dysfonctionnements'» du cartel, jugé par elle insuffisamment solidaire (§ 350) ; que le Conseil a relevé que la requérante ne pouvait revendiquer la non-application des conditions concertées dès lors qu’elle avait procédé à un contrôle rigoureux du respect du dispositif par ses concurrents en leur demandant, à l’occasion, des explications (§ 355) ;

Mais considérant que la Décision ne tient pas un compte suffisant des facteurs favorables de l’individualisation tenant aux caractéristiques de l’entente elle-même :

* la faible part du marché détenues par les petits opérateurs ; qu’en effet, après avoir constaté (§ 454 et 455) que 'les AF B, Maisonneuve, AG AH, (Liametho, Ferren Fers et E, non requérantes devant la cour) ont souligné leur présence peu significative sur le marché pris au niveau national et leur absence totale de certains marchés. AG AH estime sa part de marché à 0,25 % sur les poutrelles, 0,9 % sur les laminés, 0,4 % sur les plats et 1,9 % sur les tubes, (Liametho à 0,34 % sur les poutrelles, 0,48 % sur les laminés, 0,23 % sur les plats et 0,47 % sur les tubes), B entre 5,9 et 7,4 % sur les poutrelles, entre 1,1 et 1,2 % sur les laminés, entre 0,4 et 1,4 % sur les plats, et à moins de 0,1 % sur les tubes. Maisonneuve estime qu’elle représente 5 % du marché national. Les chiffres au dossier indiquent un très grand déséquilibre sur le marché, que les trois grands groupes de négoce dominent largement : ces derniers représentent en effet entre 60 et 80 % des volumes distribués par les adhérents du FNA. En outre, ils sont les seuls à être présents sur tout le territoire français, les indépendants n’étant actifs respectivement que sur une (E et Ferren Fers par exemple) à 4 régions (Maisonneuve et B par exemple), avec parfois des parts de marché très faibles sur certains produits.', le Conseil a néanmoins imposé à ces entreprises des amendes allant de 2,6 à 21,8 p.100 du CA, alors que les amendes des 'grandes’ AF n’ont pas excédé 2,72 p.100 du CA de leur groupe ; que le facteur relatif à la part de marché est important car il permet d’éviter que les amendes ne soient fixées à partir d’un simple calcul fondé sur le chiffre d’affaires global de chaque entreprise (CJCE, devenue CJUE, 3 sept. 2009, aff. n° C-322/07 P et autres, August Koehler et Bolloré c/. Commission) ; qu’il n’est donc pas qu’une autre expression de facteurs d’atténuation dont il sera question plus loin ;

* le statut de pur droit privé des entreprises poursuivies, dont le Conseil aurait dû se féliciter, de sorte qu’en d’autres circonstances impliquant des AF de droit public ou mixtes il puisse sanctionner plus sévèrement ;

* l’attitude de franc tireur, résistant plus ou moins ouvertement aux pressions, ou celle de suiveur, c’est-à-dire ayant une faible implication en intensité ou en durée ; que si le Conseil, maintenant Autorité de la Concurrence (AdlC), exige des éléments très concrets, et non pas une simple réprobation morale manifestée le plus souvent lorsque les poursuites débutent, l’entreprise B a apporté la preuve de cette résistance sourde et n’en a pas retiré de bénéfice dans la sanction prononcée à son égard puisqu’en proportion de son chiffre d’affaires, cette entreprise est de loin la plus lourdement sanctionnée de toutes ; qu’il ne suffisait pas à ce sujet pour le Conseil de répondre abstraitement, en citant l’arrêt du Tribunal de première instance des communautés européennes (devenue TPIUE) 'Lafarge SA''du 8 juillet 2008 (T-54/03), que le fait de ne pas respecter une entente ne change rien à l’existence même de celle-ci’ (point 335) et que les participants à une entente demeurent des concurrents dont chacun peut être tenté, à chaque moment, de profiter de la discipline des autres en matière de prix faisant l’objet d’un cartel pour baisser ses propres prix dans le but d’augmenter sa part de marché, tout en maintenant un niveau général de prix relativement élevé (point 336) ;

* La part du produit dans le chiffre global de l’entreprise ; sur ce plan, le Conseil a explicité (Décision, § 322) que ce critère était une base intéressante de raisonnement, devenue centrale en droit communautaire, et a annoncé au § 479 'l’analyse du Conseil s’attache également à apprécier quel est le montant de l’activité de l’entreprise influencée par les pratiques en cause. Dans ce cadre, la prise en compte de la valeur des ventes des produits concernées est, comme il a été dit au paragraphe 322, un indicateur utile, que le Conseil intègre en pratique dans la détermination de la sanction', pour finalement, à propos de la société Descours et D (principalement concernée par ce critère ; voir Décision, chiffres du § 473, à peine un septième de son chiffre tiré du négoce des produits en acier), ne lui accorder aucun rabais exprès d’amende à ce titre spécifique (§ 521) ;

* La faible durée des pratiques anticoncurrentielles pour les entreprises qui n’ont rejoint l’entente qu’à partir de 2001, voire 2002, – les AF Maisonneuve et AG – soit plus ou moins la moitié de la durée imputée aux autres entreprises ;

* La modification législative déjà évoquée (parag. E.-1), qui a profondément et immédiatement bouleversé le régime des sanctions et leur montant, en sorte que les entreprises dont le comportement anticoncurrentiel était déjà consommé n’auraient pas pu revenir à des pratiques plus conformes à l’intérêt du marché avant d’encourir les foudres de la loi nouvelle ;

Considérant de même que le Conseil devait tenir compte, au titre des réalités procédurales et financières postérieures à l’entente :

* de l’appartenance d’Arcelor, AMD, PUM à un groupe déféré au Conseil sous diverses entités dans la même poursuite, ce qui pourrait lui valoir une sanction démultipliée sous l’empire de la loi du 15 mai 2001 (sur laquelle au demeurant, voir plus loin parag. E.62) ; que le Conseil, sur ce plan, ne pouvait se satisfaire d’invoquer la logique de la législation, qui se réfère au chiffre d’affaires mondial de groupe, et devait, au titre de l’individualisation de la sanction, éroder passablement les sanctions pour éviter un cumul brutal, lequel ne peut être considéré ni vécu comme juste et acceptable, ce que doit être toute sanction, administrative ou judiciaire ;

* de la situation financière, autrement dit des dimensions individualisées de la crise économique, ou du mauvais état des comptes de l’entreprise, quelles qu’en soient les causes ; qu’à ce sujet, il faut rappeler que la société Maisonneuve a présenté au Conseil des prévisions péjoratives pour 2008 et que celles-ci se sont effectivement traduites par un résultat net négatif, qui aurait dû conduire à modérer légèrement la sanction ; que la société B annonce également une dégradation très nette de ses comptes, sans être contredite et sans que l’ordonnance du Premier président qui lui accorde un sursis sur ce fondement ait été contestée ;

* de la faible capacité contributive, autrement dit de l’absence de trésorerie suffisante et du risque effectif et concret que constitue pour l’entreprise le paiement d’une lourde amende ;

Que le principe de proportionnalité établi à ce sujet en jurisprudence (Com. 23 avr. 2003, Interflora) requiert que les entreprises apportent la preuve d’une situation structurelle ou conjoncturelle exceptionnelle, à défaut de quoi le chiffre d’affaires qui détermine le maximum encouru devrait être assez significatif des 'moyens de paiement’ de l’entreprise, sans même évoquer les possibilités de moratoires négociés auprès du service de recouvrement des amendes ; mais qu’en l’espèce, les entreprises A, B et Maisonneuve ont fait valoir devant le Conseil qu’elles craignaient que le volume des amendes obèrent leurs capacités d’investissement et ont argumenté sur ce sujet dans leurs écritures, devant le Conseil puis devant la cour ; que les AF du groupe Arcelor ont estimé que ces amendes menacent finalement l’emploi ;

Que le Conseil ne pouvait pas à ce sujet (Décision page139 et page 140) se contenter de dénoncer l’immoralité de l’argumentaire des entreprises et rétorquer par un argument de type rétributif, voire rémunératoire, selon lequel 'les pratiques de cartel auraient constitué une atteinte au surplus des consommateurs bien plus significative que les prétendues conséquences que pourraient produire la sanction sur les capacités d’investissement des entreprises sanctionnées et qu’une éventuelle baisse de la capacité à investir des requérantes -'qui n’est pas démontrée mais seulement postulée'- devrait être mise en perspective avec les surprofits réalisés durant la pratique, et donc les surcapacités à investir que les requérantes ont pu dégager par le passé grâce au cartel’ ; que de même, sur l’appréciation de la faculté contributive de la société A qui exprimait des craintes personnelles sur ce sujet, la Décision ne pouvait se contenter (paragraphe'478) d’affirmer que 'la situation financière des entreprises s’apprécie au vu des chiffres d’affaires et des résultats et, le cas échéant, de leur situation au sein d’un groupe et que ces éléments ont été pris en considération aux paragraphes'472 (avec un 'tableau) et 473" ; qu’en effet, la capacité contributive constitue un facteur qui doit être apprécié spécialement, dans les circonstances précises du rendu de la décision, et non pas au titre d’un autre critère polyvalent et permanent qui serait celui du chiffre d’affaires ;

Qu’en somme, le Conseil n’a tenu un compte suffisant, au titre des facteurs favorables relatif aux réalités procédurales et financières postérieures à l’entente, que de la cessation immédiate du comportement anticoncurrentiel dès que le Conseil a été saisi (comp. CJCE, devenue CJUE, 3 sept. 2009, C-534/07, Prym/commission, § 106) ; que la société Descours et D en a été la principale bénéficiaire, quoi qu’elle en dise devant la cour, par une majoration du bonus accordé en conséquence de la clémence, au-delà des prévisions contractuelles ;

Que pour le surplus, les sanctions auraient dû être significativement modérées en fonction de ce qui précède ;

XXX

Considérant qu’après avoir longuement évoqué cette possibilité (§ 419 à 445), le Conseil n’a pas fait usage du facteur de réitération (§ 446, page.134) ;

E.6- SUR LES PROCÉDURES CONDUISANT À UNE EXONÉRATION PARTIELLE OU À UNE RÉDUCTION DES SANCTIONS

E.61 – CLEMENCE (Société Descours-et-D)

Considérant qu’une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise qui a, avec d’autres, mis en oeuvre une pratique prohibée, si elle a contribué à établir la réalité de cette pratique et à identifier ses auteurs ;

Que l’Autorité, anciennement le Conseil, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l’exonération envisagée puis, dans sa décision, peut, sans y être par conséquent contraint, accorder une exonération des sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l’établissement de l’infraction ;

Considérant que cette procédure de clémence, applicable aux procédures commencées devant le Conseil, maintenant Autorité de la Concurrence (AdlC), après l’entrée en vigueur de la loi dite NRE du 15 mai 2001, sans considération de la date des faits, a pour objet :

— de fournir au Conseil, désormais Autorité de la Concurrence (AdlC), des éléments de nature à faciliter la cessation définitive du comportement anticoncurrentiel,

— d’obtenir une sanction modérée, dans une fourchette négociée ;

Que l’utilisation de cet instrument, qui relève par sa nature et par son mécanisme de la politique de concurrence que le législateur a confié au Conseil puis à l’Autorité de la Concurrence (AdlC), repose pour l’essentiel sur une négociation et ne relève pas du contrôle de plein contentieux de la cour d’appel de Paris ;

Qu’en l’espèce, la société Descours-et-D a accepté la proposition du Conseil de diminuer de 10 à 30 pour cent la sanction encourue, moyennant divers engagements tels que la fourniture de renseignements nouveaux et fiables et la cessation active des comportements anticoncurrentiels ;

Que cette entreprise est donc irrecevable à invoquer avec force une meilleure prise en compte de ses efforts concrets et avérés de réorganisation et de modernisation, destinés à rétablir le jeu normal de la concurrence ; qu’il s’est agi de l’exécution normale de son engagement vis-à-vis du Conseil ;

Considérant qu’en revanche, la cour d’appel de Paris a compétence pour vérifier la licéité de l’accord de clémence au regard de l’article L 464-2-IV ;

Que précisément, cette disposition n’autorise pas les parties à l’accord à prévoir un simple écrêtement de la sanction 'encourue', comme elles l’ont fait ici ; que la loi prescrit exclusivement, dans un souci évident de transparence et de sécurité juridique, une exonération (expressis verbis) totale ou partielle de la sanction prononcée ;

Que dès lors, la pratique doit s’établir d’une évaluation de la sanction en fonction des critères dégagés pour toutes les entreprises poursuivies, et ensuite d’un abattement qui apparaisse clairement, du moins si l’Autorité entend y faire droit dans la fourchette convenue entre elle et l’entreprise ;

Que telle a d’ailleurs été finalement la présentation de la Décision et telle sera celle de la cour (parag. E-7 plus loin) ;

E.62 – NON CONTESTATION DES GRIEFS : Groupe Arcelor et A

Considérant que lorsqu’une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s’engage à modifier ses comportements pour l’avenir, le rapporteur général peut proposer à l’Autorité, anciennement le Conseil, de prononcer une sanction qui tienne compte de l’absence de contestation ; que dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ;

Considérant que ce dispositif est en principe légal et n’a en tout cas pas donné lieu en l’espèce à un contrat entre le Conseil et les entreprises, puisque ces dernières ont au contraire contesté jusque devant l’instance de décision la réduction que leur proposait le Rapporteur ; que dans ce cadre, il est toujours loisible aux entreprises concernées de contester au plein contentieux devant la cour d’appel de Paris l’insuffisante indulgence de l’Autorité ;

Considérant qu’il n’est pas possible d’avancer, comme le fait la Décision (p. 144), que le bénéfice tiré de la non-contestation doit être forfaitaire pour toutes les entreprises qui ne contestent pas, puisque l’abattement dépend expressément dans la loi de la réalité des engagements pris personnellement par chacune des entreprises qui ont opté pour ce processus ;

Qu’il n’est pas davantage possible, comme le fait là encore la Décision (eod.loc.) d’estimer explicitement que l’abattement offert aux entreprises qui ne contestent pas, va dépendre de la fourchette négociée au titre de la clémence avec telle ou telle autre entreprise ; qu’en effet, et même si à engagements comparables, la clémence rend évidemment plus de services à la protection de la concurrence que la non-contestation de griefs, l’accord de clémence est inopposable, en droit et en fait, aux entreprises qui n’y sont pas partie ;

Qu’enfin, pour les entreprises qui ne contestent pas les griefs la loi préconise un écrêtement, non pas de la sanction prononcée comme dans le cas de la clémence, mais du plafond de la sanction encourue ; qu’il importe cependant que l’entreprise qui ne conteste pas les griefs qui lui sont faits aperçoive, notamment si le comportement anticoncurrentiel n’a pas atteint la gravité maximale ni occasionné un dommage majeur à l’économie, quel bénéfice tangible elle tire de sa démarche de collaboration ; qu’autrement dit, un abattement minime, s’il était finalement appliqué à la sanction prononcée, ne pourrait être considéré ni vécu comme juste et acceptable, ce que doit être toute sanction, administrative ou judiciaire ;

Considérant qu’en l’espèce, le Conseil, après avoir consacré (Décision, page 145) les engagements importants pris et respectés par le groupe Arcelor et A (mise en place de chartes, de programmes de formation interne et de sensibilisation du personnel en charge (« compliance ») mais également l’extension des systèmes d’alerte professionnelle existants (« whistleblowing ») aux infractions au droit de la concurrence, ainsi que pour PUM/ Arcelor des consignes de comportement avec les concurrents et pour A l’insertion dans les contrats des cadres dirigeants et commerciaux d’une clause spécifique relative au respect du droit de la concurrence), a retenu un abattement de 18 pour cent des sanctions prononcées, au profit des entreprises du groupe Arcelor et de A, tandis que, comme énoncé précédemment, il a retenu un abattement de 35 pour cent de la sanction prononcée au profit de la société Descours-et-D ;

Que pourtant sa seule critique – somme toute marginale – des engagements pris par les AF du groupe Arcelor tient au changement de mode de «'barémation'», qui selon le Conseil 'n’étaient pas en tant que tels susceptibles de constituer une plus-value particulière dans le cadre de l’appréciation du montant de la réfaction accordée. En effet, si l’uniformisation des structures de barèmes entre les entreprises peut, le cas échéant, être de nature à faciliter la mise en 'uvre d’ententes entre celles-ci, l’absence d’une telle uniformisation ne constitue pas, en elle-même, une garantie supplémentaire, par rapport aux autres engagements souscrits par les requérantes, quant au rétablissement d’une pleine concurrence sur le marché’ ;

Que cette critique pouvait tout au plus conduire à égaliser l’abattement entre le groupe Arcelor et A mais que dès lors, les AF du groupe Arcelor et de A sont fondées à estimer qu’elles pouvaient espérer un plus considérable abattement, que la cour fixera à vingt-cinq pour cent ;

Considérant que la société Maisonneuve n’a pas contesté formellement la nature des griefs mais en a contesté la gravité, le caractère dommageable et sa propre implication ; qu’elle n’a pas souhaité opter pour la procédure adéquate de l’article L 464-2-IV, et ne peut donc prétendre à l’abattement décrit précédemment pour le groupe Arcelor et A ;

XXX

XXX, XXX

Considérant que toutes les entreprises requérantes devant la cour demandent à celle-ci de tenter d’expliquer les distorsions considérables qui affectent les sanctions prononcées par rapport à leurs chiffres d’affaires, à savoir, comme énoncé deux fois déjà :

= société Produits d’Usines Métallurgiques PUM ' Station Service Acier une sanction de 288 000 000 euros ; soit 0.37 p.100 du chiffre annuel Groupe et 48.9 p.100 du chiffre annuel Société ;

= société Arcelor Profil une sanction de 12 950 000 euros ; soit 0.016 p.100 du chiffre annuel Groupe et 4.3 p.100 du chiffre annuel Société ;

= société AMD Sud Ouest une sanction de 830 000 euros ; soit 0.0011 p.100 du chiffre annuel Groupe et 0.68 p.100 du chiffre annuel Société ;

= société A une sanction de 169 300 000 euros ; soit 2.72 p.100 du chiffre annuel Groupe et 17.24 p.100 du chiffre annuel Société ;

= société Descours & D SA, une sanction de 82 550 000 euros ; soit 2.53 p.100 du chiffre annuel du groupe et 38 fois le chiffre annuel de la Société ;

= société Etablissements L B et X une sanction de 12 000 000 euros ; soit 0.018 p.100 du chiffre annuel Groupe et 21.8 p.100 du chiffre annuel Société ;

= société Etablissements Maisonneuve une sanction de 8 000 000 euros ; soit 6.61 p.100 du chiffre annuel Société ;

= société SA AG AH une sanction de 800 000 euros ; soit 2.6 p.100 du chiffre annuel Société ;

Considérant qu’au rebours de ce qu’avance la Décision (§ 322), le maximum légal de l’amende n’est pas seulement un moyen d’écrêtement des sanctions très élevées mais un principe général du droit, consacré par le Conseil constitutionnel comme fondement de la sécurité juridique des personnes, physiques ou morales ;

Qu’en droit répressif général, compte tenu de ce qu’il n’existe pas de 'circonstances atténuantes’ ni de 'circonstances aggravantes’ par rapport à une 'sanction moyenne’ que le législateur contemporain ne préconise jamais, et compte tenu de ce que l’amende n’est pas non plus chiffrable par rapport à un préjudice social précisément évalué, le maximum légal est le seul point de départ légitime du raisonnement sur le montant de l’amende, qui puisse assurer la transparence et le respect du principe de prévisibilité de la sanction ;

Que les précisions nombreuses que donne l’article L 464-2 du code de commerce et qui ont fait l’objet des développements précédents du présent arrêt, devaient conduire le Conseil et conduiront la cour à devoir expliquer l’élaboration du chiffre de chaque amende à partir du plafond légal applicable à chaque société concernée ;

Considérant en revanche qu’il n’était pas interdit au Conseil, et maintenant à la cour, de tenir un large compte du chiffre d’affaires propre à chaque société poursuivie, alors même qu’elle consoliderait ses comptes au sein d’un groupe ;

Que l’article L 464-2-I du code de commerce évoque le chiffre d’affaires du groupe pour hausser le maximum légal de la sanction, mais aussi pour tenir compte de la taille de l’opérateur, de la possibilité qu’a l’entreprise fautive de s’adosser juridiquement et économiquement à un ensemble plus puissant ; que cependant, la loi n’indique pas qu’il faille s’abstraire du chiffre d’affaires de la société personnellement poursuivie ;

Que cette référence seconde sera même préférée lorsque l’appartenance au groupe n’a joué aucun rôle significatif dans les mécanismes du comportement anticoncurrentiel et lorsque la capacité contributive de l’entreprise poursuivie n’est pas susceptible d’être dépassée par la sanction ;

Que par application à l’espèce, il apparaît que les AF du groupe ARCELOR et la société A au sein du groupe KLOCKNER ne se sont pas appuyées sur leur appartenance à un ensemble plus vaste et puissant, pour développer leur comportement anticoncurrentiel ; que dès lors, la base légitime de calcul de l’amende qui doit les frapper est le chiffre d’affaires propre à chacune de ces AF ; qu’en revanche, la société Descours-et-D est de très petite taille, et a pourtant joué un rôle de meneur, comme exposé précédemment ; qu’il s’en déduit qu’elle s’est largement appuyée sur son groupe d’appartenance, également dénommé Descours-et-D, dont le chiffre d’affaires ne pourra manquer d’être pris en considération pour évaluer l’amende, et non pas seulement pour la plafonner ;

Considérant enfin, et par incidente que le pourcentage du plafond, qui sert de référence à la sanction avant qu’y soient appliquées les considérations favorables ou défavorables tenant aux circonstances d’espèce et qu’y soient finalement appliqués les abattements découlant des accords de clémence ou de la non-contestation des griefs, doit être raisonnable pour laisser à l’Autorité et à ses juges de contrôle une possibilité de comparaison avec d’autres pratiques anticoncurrentielles ou même avec d’autres atteintes majeures aux intérêts de la collectivité en matière commerciale, environnementale ou autre ;

E.72 – SUR LES BASES AUTRES QUE LES CHIFFRES D’AFFAIRES

Considérant que de manière explicite ou implicite, plusieurs des AF requérantes entendent contester la méthode du Conseil qui s’est fondé sur le chiffre d’affaires, sur un seul exercice, pour déterminer le maximum de sanction légalement encouru ; que les requérantes invoquent à ce sujet leurs recettes nettes, ou des chiffres d’affaires semestriels ou relatifs aux exercices les moins fructueux, ou encore les modalités communautaires d’évaluation des sanctions, ou enfin les chiffres d’affaires de certaines filiales des AF poursuivies plutôt que d’autres ;

Mais considérant qu’il est vain pour ces entreprises, d’argumenter en fonction de leurs recettes effectives (Com. 23 avr. 2003, Interflora) ou de demander qu’il soit tenu compte de plusieurs exercices annuels, notamment en période de crise (sur l’effet de laquelle la cour a statué précédemment) ; que le rapprochement opéré, par toutes les entreprises requérantes, entre leurs résultats comptables et le montant des amendes est peut-être frappant mais n’est pas juridiquement opérant ;

Que de même, il est loisible au Conseil, devenu Autorité de la Concurrence (AdlC), mais sans aucune portée, de se référer à ces Lignes directrices et d’affirmer, comme le fait la Décision, que 'la sanction totale prononcée par le Conseil de la concurrence représente entre 30 et 40 % maximum de la sanction qu’aurait pu infliger la Commission dans de pareilles circonstances, soit un peu plus d’un tiers en moyenne’ ; qu’en effet, ces Lignes n’ayant pas d’effet en droit national et ne pouvant s’imposer à aucune juridiction, les entreprises ne sont pas recevables à les discuter devant la cour ;

Qu’enfin, il n’est pas fondé pour les entreprises du groupe Arcelor de demander, comme elles le font de manière implicite, qu’il soit distingué selon leurs filiales ; qu’en effet, et comme l’énonce le Conseil (§ 448) et l’Autorité de la Concurrence (AdlC) dans une motivation que la cour reprend à son compte, 'à le supposer établi, le fait que certaines filiales du groupe auraient, en fonction de la période ou du lieu, respecté le dispositif avec plus ou moins de rigueur ne remet pas en cause l’autonomie des filiales par rapport à leur maison mère, qui n’est pas contestée par les AF du groupe PUM/ Arcelor. De plus, la société PUM Service Acier n’est pas uniquement poursuivie pour le comportement de ses filiales : il lui est également reproché d’avoir elle-même participé de manière active aux pratiques et de les avoir impulsées, en influençant ses filiales mais également une partie de ses concurrents. Dès lors, la prétendue autonomie de ses filiales est en tout état de cause sans effet sur le calcul du plafond de la sanction, qui doit tenir compte du chiffre d’affaires consolidé du groupe (voir paragraphe 304), et de l’appréciation de l’amende infligée à chacune des AF du groupe, qui doit obéir aux règles habituellement retenues par le Conseil’ ;

E.73- SUR LA PERSONNALITE DE LA SANCTION ET L’IMPUTABILITE

Considérant que la société B soutient que le Conseil n’a pas respecté le principe d’individualisation de la sanction dans la mesure où, alors qu’elle disposait d’une totale autonomie vis-à-vis de sa société mère AI, elle a été sanctionnée sur la base du chiffre d’affaires de cette dernière, alors, de surcroît, que cette dernière n’a jamais été visée dans les poursuites et que son chiffre d’affaires englobe des activités sans lien avec les pratiques ; qu’elle ajoute que, ce faisant, le Conseil a dépassé le taux maximum légal de 10 % prévu par le I, alinéa 4, de l’article L.'464-2 du code de commerce ;

Mais considérant que les pratiques mises en 'uvre en propre par la société L B, de même que celles mises en 'uvre par sa filiale AI B Produits Plats, compte tenu de l’absence d’autonomie de cette dernière, devaient être imputées à la société L B, comme l’a justement énoncé la Décision (§ 468) ;

Que les AF du groupe B appartenaient au groupe AI, la société L B étant incluse dans le périmètre de consolidation de la société mère, AI AJ Holding, qui établissait les comptes consolidés du groupe ; que le chiffre d’affaires à prendre en compte était donc le chiffre d’affaires mondial de la société mère du groupe, conformément aux dispositions du I, alinéa 4, de l’article L. 464-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi NRE, applicable en l’espèce ainsi qu’il a été dit ;

Que la solution retenue par le Conseil, qui est la stricte application des dispositions précitées, ne nécessitait pas que la société mère holding soit mise en cause au cours de la procédure suivie devant le Conseil'; que ce n’est pas, en effet, la société AI AJ Holding qui devait répondre des pratiques reprochées, mais, par application des règles d’imputabilité des pratiques, la seule société L B ;

Que de même la solution retenue ne méconnaît pas le principe d’individualisation, selon lequel, aux termes du I, alinéa 3, de l’article L. 464-2 du code de commerce, les sanctions «'sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction'» ; qu’ainsi qu’il ressort notamment des paragraphes 312, 342, 367, 454 à 456, 473, 522 de la Décision, la sanction prononcée contre la société B a été dûment individualisée, sous réserve de ce que la Cour a énoncé à ce sujet précédemment ;

XXX

Considérant que de ce qui précède, il résulte que l’ensemble des AF doit être considéré comme ayant porté une atteinte moyennement grave à la concurrence, tempérée notamment par l’état de crise économique ;

Que le dommage à l’économie doit être considéré comme certain mais modéré ;

Que dès lors, la poursuite ne saurait susciter, sauf dans le cas de la société P.U.M. pour les raisons qui seront rappelées plus loin, une sanction qui excéderait une proportion médiane du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé pendant la période de pratiques anticoncurrentielles par l’entreprise poursuivie, et sans pouvoir excéder un très faible pourcentage du chiffre de l’entreprise consolidante s’il y a lieu ;

Considérant qu’après cette première étape qui évalue les critères généraux et objectifs de l’entente, il faut encore tirer les conséquences des facteurs d’individualisation de chaque sanction ;

Considérant qu’il en résulte les montants d’amende ci-après (ordre alphabétique) :

* société AMD : la notoriété du groupe Arcelor et sa position stratégique conduiront à ne pas accorder de diminution supplémentaire, soit une amende de 6.100.000 euros ; mais 25 pour cent d’abattement sur l’amende sont applicables à l’entreprise au titre de la non-contestation des griefs, soit une amende de 4.575.000 euros ; la cour n’ayant pas le pouvoir d’aggraver les sanctions prononcées par le Conseil, désormais l’Autorité de la concurrence (AdlC), ce chiffre sera ramené à 830.000 euros ; en quoi, la société A.M. D. verra son recours purement et simplement rejeté ;

* société ARCELOR PROFIL : la notoriété du groupe éponyme et sa position stratégique conduiront à ne pas accorder de diminution supplémentaire, soit une amende de 15.250.000 euros ; mais 25 pour cent d’abattement sur l’amende sont applicables à l’entreprise au titre de la non-contestation des griefs soit une amende arrondie à 11.400.000 euros ;

* société AG : les deux facteurs favorables dégagés par la cour (la brève durée des pratiques et la faible part de marché que détenait cette entreprise) conduiront à réduire la sanction telle qu’évaluée pour tenir compte de la gravité du comportement et du dommage à l’économie, à 750.000 euros ;

* société DESCOURS ET D : le rôle de meneur joué par cette société conduirait à ne pas accorder de diminution supplémentaire ; ce rôle indique en outre et par lui-même, comme il a été dit et vu le très faible volume d’affaires de la société par rapport à celui de son groupe, que le groupe a servi de support à l’action néfaste de la société et que dès lors le chiffre d’affaires du groupe doit servir de référence au moins partielle pour le calcul de l’amende ; ces considérations dictent un chiffre de 8.075.000 euros ; mais la faible part du produit dans son activité indique qu’il faut réduire cette sanction, soit 6.056.000 euros ; puis appliquer 35 pour cent d’exonération au titre de la clémence soit une amende arrondie à 3.900.000 euros ;

* société A : le rôle de meneur joué par cette société conduira à ne pas accorder de diminution supplémentaire, soit une amende de 49.048.600 euros ; ce montant excédant une proportion adéquate du chiffre d’affaires de groupe, un écrêtement à 31.370.000 euros sera retenu ; mais 25 pour cent d’abattement sont applicables à l’entreprise au titre de la non-contestation des griefs soit une amende arrondie à 23.500.000 euros ;

* société MAISONNEUVE : les quatre facteurs favorables dégagés par la cour (la brève durée des pratiques ; la faible part de marché que détenait cette entreprise, la situation financière de l’entreprise, sa médiocre capacité contributive) conduiront à réduire la sanction telle qu’évaluée pour tenir compte de la gravité du comportement et du dommage à l’économie, à une amende arrondie à 2.000.000 euros ;

* société B : les trois facteurs favorables dégagés par la cour (la faible part de marché de cette société et l’attitude de franc tireur qui lui a été reconnue, plus tard la situation financière de l’entreprise ou sa médiocre capacité contributive) conduiront à réduire la sanction telle qu’évaluée pour tenir compte de la gravité du comportement et du dommage à l’économie, à 1.375.000 euros ;

* société PUM : le cumul des facteurs défavorables (le rôle de meneur joué par cette société, la notoriété de son groupe Arcelor et sa position stratégique), conduira non seulement à ne pas accorder de diminution supplémentaire, mais même à augmenter l’amende à 39.200.000 euros ; mais 25 pour cent d’abattement sur l’amende sont applicables à l’entreprise au titre de la non-contestation des griefs, soit une amende de 29.400.000 euros ;

F.- Demandes accessoires

Considérant que les recours en annulation étant rejetés, et la réformation n’intervenant que sur le chiffrage des amendes, il ne sera pas fait application de l’article 700 C.proc.civ. ;

PAR CES MOTIFS

Rejette les recours des entreprises requérantes :

— en totalité pour la société A.M. D. ,

— et sauf en ce qu’ils critiquent les sanctions pour les autres AF ;

Réformant sur ce point, fixe les amendes auxquelles elles sont condamnées à :

* SOCIÉTÉ ARCELOR : 11.400.000 euros ;

* SOCIÉTÉ AG : 750.000 euros ;

* SOCIÉTÉ DESCOURS ET D : 3.900.000 euros ;

* SOCIÉTÉ A : 23.500.000 euros ;

* SOCIÉTÉ MAISONNEUVE : 2.000.000 euros ;

* SOCIÉTÉ B : 1.375.000 euros ;

* SOCIÉTÉ PUM : 29.400.000 euros ;

DIT qu’il ne sera pas fait application de l’article 700 C.proc.civ. ;

LAISSE les dépens à la charge de qui en aura exposés ;

DIT que le présent arrêt sera notifié par le greffe de la cour à la Commission Européenne, à l’Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l’économie, par lettre recommandée avec accusé de réception.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

AN AO-AK AL AM

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 19 janvier 2010, n° 09/00334